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Mais SURTOUT, tu ne proposes aucune piste, aucune solution, pour améliorer les choses!
C'est clair que la quote war, c'est un truc qui devient vite lourd (ca ne donne généralement pas des textes construits, plutot une bouillies d'arguments désarticulés).
Sludge a dit:Je suis sûr que ton aide leur serait précieuse.
Il n’y a en fait que ceux qui ne connaissent ni Marx ni le marxisme qui pensent que celui-ci était un « productiviste » acharné, incapable de se poser la question de l’épuisement des ressources naturelles ou de la lente destruction de la planète par le système capitaliste. Bien au contraire : Marx et Engels ont sans doute été parmi les premiers à poser ces problèmes.
Parler de risque d’épuisement des ressources naturelles - et en particulier des sources d’énergie fossiles comme le pétrole - est aujourd’hui un lieu commun. Le propre des énergies fossiles étant d’être non renouvelables, elles arriveront nécessairement à épuisement un jour. Tout juste peut-on noter que les délais qui nous séparent de cette date sont probablement plus longs que les écologistes et les décroissants le prédisent : dans les années soixante-dix, les mêmes courants prévoyaient la fin définitive des ressources pétrolières en l’an 2000.
Mais cette question de l’épuisement des ressources est évidemment pertinente. Tout comme sont pertinentes bien des questions que posent les décroissants : oui, le capitalisme pousse ceux qui en ont les moyens à la consommation, par le biais de la publicité et de la création de modes artificielles. Oui, le capitalisme fabrique volontairement des produits qui deviennent obsolètes très rapidement pour pousser les acheteurs à les renouveler. Oui, le capitalisme transforme tout ce qu’il touche en marchandise, et pousse, par mille biais, les êtres humains solvables (et même de moins solvables, grâce au crédit) à acheter des objets parfois inutiles. Est-ce une découverte ? Certainement pas. La « marchandisation » tant critiquée par les écologistes, les altermondialistes et les décroissants, c’est finalement le fait que le capital ne considère jamais un objet pour son usage, mais en fonction de ce qu’il peut rapporter lorsqu’il sera vendu. Le capitalisme ne produit pas pour satisfaire les besoins mais pour vendre en vue de faire un profit. Il n’y avait pas besoin des décroissants pour savoir cela, puisque Karl Marx l’a longuement expliqué dans Le Capital, il y a plus d’un siècle.
[...]
Alors, non, nous ne pensons pas que l’avenir de la société soit dans la réduction de la croissance à tout prix. Pas plus que nous ne pensons qu’il réside dans l’augmentation de la croissance à tout prix. Cette augmentation est, de fait, une des lois du capitalisme, système dans lequel le seul régulateur de la production est le marché aveugle. Personne, pas même les capitalistes eux-mêmes, n’a réellement de contrôle sur la production. Seule une société libérée de la concurrence, où la production serait démocratiquement planifiée en fonction des besoins, pourrait être une société où la croissance est maîtrisée - ce qui supposerait une croissance de la production de certaines marchandises si la hausse des besoins existe, et une décroissance de la production dans d’autres secteurs le cas échéant. Mais tout cela serait décidé et contrôlé par la population elle-même. Une telle société, cela s’appelle une société socialiste ; et elle ne pourra voir le jour qu’à la suite d’une profonde révolution mondiale, qui mettra fin à la dictature des capitalistes sur la société.
Suite à un statut polémique sur le foot dont je regrette le ton, surtout s'il a pu en blesser (ce n'était pas le but, mais il n'a pas non plus fait son taff d'enrobage percutant-plaisant, ce ton là, alors désolé du mauvais moment inutile et ma faute), m'est venue l'idée d'un article plus général sur ce qui me gêne dans certaines analyses diffusées par la propagande anticapitaliste. Il est possible que cet article manque totalement sa cible, pas assez précis ni rigoureux pour les spécialistes des analyses économiques issues du marxisme, pas assez clair pour les néophytes. Je m'en excuse par avance, et j'espère pouvoir l'améliorer rapidemment. Que dit-on généralement quand on critique la consommation, l'acte de consommer ? En gros les choses suivantes :
__ Consommer, c'est donner notre argent à des firmes qui en font bien ce qu'elles veulent, c'est-à-dire surtout : manquer de payer correctement leurs salarié-es, les épuiser jusqu'à la mort, leur voler la moitié de leur vie en temps de travail, polluer sans vergogne, exproprier et tuer des gens, reproduire les inégalités de toutes sortes, financer les pires régimes, exclure tou-tes celleux qui ne correspondent pas à La Norme, ou les harceler moralement, physiquement, sexuellement... C'est donc indirectement mais concrètement soutenir tout cela (même si largement contre notre gré).
__ Consommer, c'est rendre immédiatement au Capital ce qu'il a daigné nous allouer pour (sur)vivre, ce qui est quand même une belle grosse arnaque.
__ Consommer, et a fortiori en tirer plaisir, c'est participer joyeusement à un système que l'on cautionne plutôt que (ré)apprendre à chasser et cueillir à l'ancienne (je ne suis qu'à moitié ironique, certains courants de l'anarchisme le prônent, qui ont le mérite d'aller au bout des conséquences pratiques de leur analyse de base), chercher à sortir de ce merdier, notamment en instaurant d'autres pratiques que l'achat de produits manufacturés, de services, etc.
C'est un propos qui est intéressant, mais qui cache, un peu comme un cheval de Troie, une dimension éminemment réactionnaire reposant sur une confusion. Et en dernière analyse, on peut carrément se passer de cette critique là, tout en restant dans une critique du système capitaliste qui s'en trouve assainie de cette dimension réactionnaire (laquelle peut très bien se trouver à l'état d'incubation, asymptômatique sur le moment, mais qu'on se refile quand même, sans faire attention... bref, je veux pas épuiser tout mon crédit-métaphores-nulles, donc passons à la suite). Même les quelques solutions rapidemment évoquées ci-dessous, qui font partie de l'arsenal des propositions « alternatives » et qui viennent souvent avec la critique de la « société de consommation », peuvent trouver leur place, même lorsqu'on se passe de cette critique. Elles sont d'ailleurs à ce moment-là remise à leur juste place : des solutions parmi d'autres et non pas la panacée, l'alpha et l'oméga du refus concret du capitalisme (comme on l'entend ou le lit de plus en plus). Mais je vais un peu trop vite en besogne.
Quelques dernières précisions de vocabulaire s'imposent ici, sur ce que j'entends par analyse et par propagande, pour clarifier encore ce qui me pousse à écrire cet article : analyse et propagande. J'entends bien l'analyse d'un système doit être exhaustive pour être bonne, faire le tour de toutes les dimensions d'un système pour être exacte. Car le propre d'un système, c'est que tous ses éléments soient inter-reliés et dépendants des uns des autres, même s'il y a la plupart du temps des éléments principaux et d'autres plus secondaires. L'analyse critique de la consommation aurait ainsi parfaitement sa place dans un traité d'économique politique par exemple (type le Capital). Mais elle n'y sera pas isolée, et la question de la consommation arrivera à sa place logique et relative. La propagande, c'est autre chose en revanche. Et j'entends par « propagande » tout ce qui contribue à la diffusion d'une analyse systématique (l'analyse complète d'un système quoi), ou si l'on préfère, de nos idées, tout simplement. Un tract, un film, un article pédagogique, c'est de l'analyse aussi. Il ne s'agit pas de dire que la propagande consiste à mentir aux gens qu'ils adhèrent à notre ligne politique, on n'est est pas Staline ni Eisenhauer. Mais c'est de l'analyse « tronquée », on choisit un certain angle d'attaque sur un système complexe dont on montre les failles, les injustices, la barbarie, etc. Tout simplement parce qu'on ne peut matériellement pas être exhaustif, un élément de propagande n'a pas vocation à l'être. Pour prendre un exemple caricatural, un slogan est nécessairement simpliste, voire exclusivement poétique. Ce que je commenterai ici, donc, c'est la question de la consommation comme angle d'attaque privilégié, ou pire, comme objet d'analyse se suffisant à lui-même pour aboutir à une critique révolutionnaire du capitalisme.
Qu'est-ce que consommer ?
« En soi », une pratique consommatoire (aller voir avec plaisir tel ou tel blockbuster, acheter cette fringue dont on rêvait), n'a aucune valeur politique, ni positive, ni négative. Du point de vue du sujet, elle est probablement positive (valeur d'usage). Oui mais voilà, l'objet consommé (et donc la pratique de consommation qui va avec) n'existe pas « en soi » (déconnectée et comme pur concept) ; pas plus qu'elle n'existe seulement pour le sujet (la personne et son activité « rien qu'à elle », dans sa bulle) ; elle existe objectivement, dans un système politique donné, et à un moment T de l'histoire. Dans un système capitaliste, cet objet consommé a une valeur d'échange en plus de sa valeur d'usage, et c'est bien pour ça que le capitaliste a produit l'objet qui va être consommé plus tard : pour qu'il fasse de la thune. Évidemment pas pour satisfaire nos besoins par altruisme, ni par pur désir de reconnaissance.
La marchandise, c'est donc comme un truc à deux faces : pile, valeur d'usage, face, valeur d'échange. Et comme ces pièces, les deux faces ne se regardent pas, elles s'ignorent : ce que tu fais avec le truc que t'as acheté une fois que tu l'as acheté, globalement, le capitaliste s'en tape.
Du coup, « consommer », c'est aussi un mot à deux faces, à deux sens. Selon qu'on se place du côté de l'usage ou de l'échange, le mot n'a pas du tout le même sens. ___ Si on est du côté de la valeur d'échange, consommer équivaut en gros à acheter. Consommer = acheter. ___ Si on est du côté de l'usage... Bin là pour le coup, on a autant de sens concrets à « consommer » qu'il n'y a d'usages, c'est-à-dire en d'autres termes de pratiques (1). C'est très révélateur à mon sens, donc je reviendrai sur ce point. Pour l'instant suffit de retenir qu'il y a deux sens très différents à ce terme.
Conséquences en terme d'analyse et de propagande
La conséquence de cette polysémie irreductible, c'est que lorsqu'on critique la « société de consommation » ou lorsqu'on s'attaque à la figure du « consommateur », bin on confond les deux sens. Ce qui fait qu'on s'attaque à la fois à une pratique pour elle-même, et au système politico-économique dans lequel elle s'inscrit, « par le biais » de la critique de cette pratique (consommatoire).
Parce que, lorsque je m'attaque à la face « usage » du mot « consommation », je formule une critique qui n'a pas grand'chose à voir avec le capitalisme en vérité, ou très très indirectement. Je peux très bien imaginer cet « usage » dans un autre système que le capitalisme. Au hasard, je peux très bien imaginer que dans un système économique de type communiste, la production du produit « Star Wars » va continuer (et il y a plutôt intérêt même, si vous voulez mon avis) (2).
Et la polysémie de la face « usage » du mot « consommation », elle vient de la dimension apolitique et individuelle de chaque usage pris isolément. On pourrait dire en exagérant un peu qu'il y a autant d'usages que d'individu-es, et lorsqu'on s'attaque à cette face du mot, on s'attaque aux pratiques des individu-es en tant qu'individu-es et non en tant que groupe, que classe. On s'intéresse à l'individu isolément, deconnectés du monde social et de ses dynamiques propres, lesquelles divisent les populations non pas en une somme d'individus, justement, mais en classes antagonistes (3). À l'inverse, la face « échange » du mot « consommation » n'a pas cette polysémie. Et c'est bien parce qu'elle relève d'un système organisé. Quelle que soit la pratique, l'usage, c'est le même système qui est derrière. Or c'est bien le capitalisme, ce système dans lequel il y a des échanges de marchandise. Ça fait partie de ce qui le définit comme capitalisme.
Oui mais on ne peut s'attaquer à la face « échange » du mot sans s'attaquer à sa face « usage », car c'est un seul et même mot qu'on a là, et à vrai dire, tant qu'on ne change pas de système économique, une seule et même réalité derrière ce mot. Une réalité à deux faces, comme une pièce. Et on ne peut pas détruire une face d'une pièce sans détruire la pièce entière. Bien plus, on utilise généralement la « face usage » pour introduire son propos, parce que c'est plus éloquent et pédagogique ainsi, sur le mode : « tu penses qu'en achetant ton paquet de céréales tu n'achètes que 250g de corn flakes, alors qu'en réalité tu achètes de la sueur et du sang » (je résume).
Mener la critique sous un autre angle : celui de la production
Que faire alors ? Changer de mot, sans doute, et s'attaquer à une autre réalité. Voyons l'échange par exemple, le « Marché » : c'est ce qui met en relation le producteur et le consommateur (c'est un concept, pas quelque chose qui existe concrètement comme tel, mais l'image d'épinal de la place du marché au village l'illustre assez bien). Ce qui fait que la marchandise est située pour ainsi dire entre deux pôles : elle est produite à l'origine, puis consommée au final. Et au lieu de s'attaquer au pôle consommation, on peut s'attaquer au pôle production. C'est un bien meilleur angle d'attaque selon moi pour fournir une critique radicale du capitalisme, et ça ouvre vers un ensemble de perspectives et de pratiques de luttes dont l'histoire est déjà riche : le syndicalisme, le sabotage, la grève, le luddisme, etc. (4)
Or la critique prise sous cet angle n'a pas la dimension réactionnaire dont j'ai expliqué d'où elle venait dans les critiques de la consommation. Pourquoi ? Parce que s'il y a bien une contradiction dans l'acte de consommer, elle se situe au niveau de l'individu : c'est vrai que c'est contradictoire de donner de l'argent pour satisfaire des besoins ou des désirs : cet argent, une partie va être réinvestie dans la bonne marche et même l'expansion du système qui m'exploite, m'opprime, et une autre aller directement dans la poche de ceux qui (en tant que classe) me l'ont donné en échange de mon travail... pour eux ! En même temps, ce besoin il faut bien que je le satisfasse. Ou bien je veux cette chose, je serais vraiment trop classe avec cette paire de pompe. Dans l'acte de produire en régime capitaliste par contre, la contradiction n'est pas au sein de l'individu, mais entre des individu-es. Sur le lieu de production, au sein de l'entreprise, il y a celles et ceux qui triment, et celles et ceux qui profitent de ce travail.5 L'opposition est visuellement et géographiquement claire (songeons à la disposition des bureaux, des atelier, ou à ce que c'est qu'un organigramme d'entreprise par exemple), et la dimension collective, de classe, saute aux yeux.
Bien plus en tout cas que si on se lance dans un portrait de l'individu moderne en consommateur. C'est très éloquent, un portrait, et ça permet même éventuellement de se donner un air misanthrope pour peu qu'on rajoute un peu de causticité à son propos, mais ça manque de clarté, et les fascistes s'en accomodent très bien : je concluerai donc en soulignant que le film Fight Club est une référence largement appréciée de l'extrême-droite pour sa critique de la société de consommation, et qu'il est un incontournable de la culture fasciste contemporaine. Ce qui ne fait pas pour autant de vous un fasciste parce que vous aimez ce film, dire ça contredirait tout cet article.
Plus réacs et moins susceptibles d'être appelés « camarades » que les gens à qui j'adresse cet article, j'ai parfois entendu de la part de réformistes à la française (type PG) des remarques du type : « ces émeutes (dans la banlieue de Londres par exemple) n'ont rien de politique, faut arrêter de fantasmer deux minutes : les mecs la première chose qu'ils font c'est aller chourrer des écrans plasma dans les magasins désertés. Ces gens veulent juste consommer comme tout le monde, à aucun moment ils ne veulent renverser le système ! ». Sauf que justement, si, le principe d'une émeute, c'est de renverser ou au moins suspendre pour une donnée indéterminée l'appartenance du lieu de l'émeute au système global, auquel il échappe (la police ou l'armée étant évidemment là pour l'y ramener). Si on repense à la bipartition dont j'ai parlé précédemment, la face « échange » est ici neutralisée parce que le système marchand est court-circuité par le pillage. C'est donc bien de fait un acte de subversion. Qu'est-ce qui chagrine donc nos réformistes ? Il ne reste que la face « usage » à laquelle s'attaquer, mais c'est la moins immédiatement politique, la plus individuelle, et c'est pourtant cette face là qui est surinvestie par nos réformistes réacs. À partir du constat juste que la propagande bourgeoise passe en grande partie par les chaînes de télévision, on fétichise l'acte de regarder la télé et même le meuble télévision comme étant le symbole par excellence de la manipulation mensongère. C'est peut-être vrai, mais justement c'est surtout un symbole, et les symboles ont leurs (grosses) limites. Surtout lorsqu'on se place dans une perspective critique : ici, on arrive à dénier à une émeute avec pillage sa portée subversive sous prétexte que des émeutiers ont volé des écrans plasma ET DONC qu'ils ne pensent qu'à regarder la télé C'EST-À-DIRE la propagande bourgeoise (sans aucun distance critique bien sûr, y compris, on y croit tou-tes, lorsque la-dite propagande bourgeoise les croquera en horribles anarchistes assoifés de sang), C'EST-À-DIRE qu'ils sont aliénés ou a minima qu'ils n'ont aucun projet politique. Parce qu'évidemment améliorer ses conditions quotidiennes d'existence, déjà dans un premier temps, ça n'a rien de politique. Oh mais la télé, ce n'est pas une bonne manière d'améliorer ses conditions d'existence, ce sont des livres qu'ils auraient du prendre, des cds de musique classique sans doute, ou juste à manger. Or c'est ici que vient se loger tout le mépris foncier, ce que certain-es appellent « banlieuphobie », et qui est maintenant libre de s'exprimer à loisir parce qu'on est bien certain d'être « du bon côté », et que nous on est bien politisé, progressiste, et qu'on ne formule, finalement qu'une « critique de la société de consommation » ou whatever. Pour les plus paternaliste, on parlera même avec une infinie condescendance d' « aliénation », c'est-à-dire un concept sous-défini, périlleux, et qui est le plus souvent utilisé par les gauchistes pour justifier leur échec politique (en gros : il n'y a pas de révolution parce que les gens sont aliénés).
Qu'on soit clair : je ne suis pas en train de faire l'éloge de la télévision, et je n'ai pas spécialement fait l'éloge du foot la dernière fois. Je n'ai pas de télévision, je ne joue pas au foot ni ne le regarde, et j'ai moi-même des goûts assez tranchés et les pratiques qui vont avec, simplement je n'en fais pas un étendard politique, tout simplement parce qu'elle ne portent rien de subversif en elle-même. Ni de réactionnaire d'ailleurs. Ce ne sont que des usages, finalement indifférents au système économiques qui nous leur donne accès. Et à tout prendre, dans toutes les dimensions de notre vie nous reflétons les contradictions du système économique dans lequel nous nous inscrivons. Nous tirons nos plaisirs de pratiques qui s'inscrivent dans un système qui nous opprime, mais cette « perversion » est à mettre sur le compte du système lui-même, pas de nos pratiques ni encore moins sur notre compte à nous individuellement. Nous nous soignons pour nous-mêmes mais aussi pour pouvoir retourner travailler, et même l'hôpital public gratuit peut être analysé comme une stratégie du Capital pour organiser plus rationnellement la reproduction de la force de travail (et le démentellement de l'hôpital public en france intervient précisément à une époque où la main-d'oeuvre est surrabondante, donc remplaçable, donc on s'en branle que les gens soient en bonne santé, y'en a plein qui attendent pour bosser à leur place). Sauf qu'au bout d'un moment, le projet politique porté par ce type de critique ressemble à un horrible ascétisme ennuyeux à crever. Un projet où on s'interdit de faire telle ou telle chose6, et au final un MAX de choses, parce qu'on fait à tort de l'acte de consommer le centre autour duquel tout le système gravite, alors qu'il est complètement périphérique. C'est un peu comme dire que le soleil tourne autour de la terre. Et ça ressemble beaucoup à la critique écologiste du « superflu » qui détruit la planète... D'ailleurs concernant la critique de la consommation d'un point de vue écologiste, je vous renvoie à ce très bon spot vidéo : https://youtu.be/QqnC2avyNAk Or que des pauvres fassent « de nécessité vertu » et trouvent dans le peu de marge de manœuvre budgétaire qu'ils ont, un moyen de boycotter tel ou tel truc dans le cadre d'une action collective de boycott7, très bien. Mais il s'agit alors d'un moyen d'action et non d'une fin en soi, ce qui est très différent. La critique de la consommation, en revanche, tend à confondre les deux, parce qu'elle repose sur une confusion.
Redonner une place centrale à la question de l'affrontement avec la bourgeoisie
S'attaquer à la consommation d'un point de vue critique, c'est risquer de se diriger « naturellement » vers une analyse moraliste (c'est-à-dire dénuée de toute considération stratégique) et lancer ensuite des anathèmes très mal reçus (et à raison) par des gens qui perçoivent aussi le plaisir évident (ou tout simplement l'usage positif) qu'ils tirent de leur pratique « à la con ». Bref, en terme de propagande (diffusion de nos idées), c'est plutôt catastrophique. Mais c'est aussi se placer, en termes de perspectives d'actions, bien en deçà de ce qu'il est possible de faire : dans un système capitaliste, la marge de manœuvre du capitaliste (propriétaire des moyens de productions) est infiniment supérieure à celle du simple consommateur, dont la « liberté de choix » en tant que consommateur est bien faible. S'en prendre prioritairement au consommateur, c'est tentant parce qu'on le cotoie directement, on en fait partie également, là où les bourgeois en réalité sont très inaccessibles8, et aussi parce que c'est se donner l'impression d'une possibilité de subversion « à portée de main » qui permet d'esquiver bon nombre des difficultés de l'organisation collective (de type syndicale par exemple). Mais c'est pourtant bien à la bourgeoisie que l'on tâche de s'attaquer lorsqu'on diffuse nos idées (première étape d'actions futures). Ainsi, formuler une critique dont elle n'est pas au centre n'amènera pas nécessairement les personnes touchées par notre propos9 à s'attaquer à la bourgeoisie en tant que classe. Et de fait, la critique de la consommation n'est pas l'apanage de l'anticapitalisme, il l'est tout autant du fascisme ou du citoyennisme.
Notes
(1) et méfiez-vous si croyez que vos pratiques échappent aux lois du marché et au capitalisme, le Capital est aussi cette formidable machine à récupérer et monnayer toute pratique qui semble de prime abord sortir du système qu'il établit, ou même le critiquer, mais c'est un autre sujet
(2) Rétorquer que ce ne sera sans doute plus « star wars », parce que le contenu des produits culturels est conditionné par le système politico-économique dans lesquels ils sont produit, et que « star wars » appartient au monde capitaliste ne constitue pas vraiment une contre-argumentation à mon sens. Sans doute Star Wars (c'est juste un exemple) changera, tout comme il a changé entre les références très « années 80 » au nazisme à travers le costume des officiers impériaux, et les propos de Bush Jr tenus par Anakin Skywalker dans l'épisode III, soit 30 ans plus tard. Les productions culturelles changent déjà considérablement sans changement structurel de la société, et c'est même là leur destin « naturel ». Au risque d'étonner, et sans ignorer l'importante littérature sur le sujet qui est à mon sens davantage le signe d'un « effet de loupe » qui biaise le regard des analystes (lesquels appartiennent généralement eux-mêmes au secteur économique dit « culturel » au sens large), le problème du rapport, disons, entre les productions culturelles ou même l'art et la révolution ne constituent pas une question politique pertinente à mon sens. Du moins pas davantage que la question du rapport entre la production d'épingle et la révolution. Quel rôle jouent les épingles dans le processus révolutionnaire exactement ? l'usage des épingles disparaîtra-t-il avec la révolution ? Changera-t-il ? Comment ? Bof. Quant à la question des représentations du monde social, ou de « l'idéologie », il se réduit pour moi d'un point de vue pratique à celui de l'analyse critique et de la propagande, qui sont déjà des questions suffisamment riches et complexes comme ça.
(3) Je ne m'intéresse ici qu'au rapport économique pris relativement abstraitement, d'où l'absence de considérations en termes de races ou de genre, qui auraient alourdi mon propos. Ce texte ne se veut pas exhaustif, mais juste aborder une question précise de façon simplifiée. Il perd nécessairement en force critique et en pertinence, mais il me semble que c'est le prix de la pédagogie, sur ce sujet précis en tous cas.
(4) Alors que les perspectives pratiques du côté consommation sont moins nombreuses et plus individuelles : le vol, le squat (qui a certes le plus souvent une dimension collective indéniable), la destruction de produits, la perturbation d'événements (idem). Ce n'est pas pour les dénigrer ni dire qu'elles ne sont pas utiles, mais moins décisive à mon sens, oui, sans doute.
(5) Dans l'entreprise moderne, il y a également la classe tampon, la petite-bourgeoisie besogneuse des cadres sup' gestionnaires de la bonne marche de l'entreprise, du pressorage optimal du prolétariat. Lesquels d'ailleurs sont souvent propriétaires d'un porte-feuille d'action fourni, donc de parts importantes du capital. Mais on pourrait sans doute affiner à loisir le recensement des différentes configurations concrètes d'exploitation, de l'organigramme social général, mais globalement c'est toujours le même fonctionnement fondamental.
(6) Je ne dis pas que ce qui se passe à la maison relève automatiquement de la pratique individuelle, ni que toute pratique inter-individuelle relève automatiquement de considérations morales et apolitiques. Comme les féministes le soulignent depuis longtemps maintenant, « le privé est politique », et « privé » et « individuel » sont deux choses différents. Toutefois je me limite ici à la sphère productive, les questions de genre relevant, dans une d'analyse économique, de la sphère « reproductive » (reproduction quotidienne et générationnelle de la force de travail)
(7) En effet le boycott n'est efficace que s'il constitue en une action collective soutenue, un individu ou même une famille ne consistant dans l'écrasante majorité des cas, même pas une part de marché, autant dire que les entreprises s'en foutent complètement
(8) Même si les bourgeois sont aussi des consommateurs, globalement ils baignent dans un cocon, entouré par un marché de niche qui ne s'adresse qu'à eux et a des vélléités d'expansion bien moindres - l'Oréal ou Chanel ne sont devenus des multinationales qu'après avoir décidé de s'adresser aussi au consommateur lambda -
(9) Et encore une fois pour enfoncer le clou : c'est bien à ça que vise tout acte de propagande : toucher d'autres gens.