PRENDRE SOIN DU LIEU
Un aperçu des pratiques post situationnistes
Un dimanche après midi, quatre potes traversent la forêt d'une ville de bourges en banlieue de Paris. En son cœur, coincé entre un nationale bruyante et une voie ferrée, se trouve un ancien complexe militaire, désormais à l'abandon. Enfin l'abandon, c'est le mot qu'on utilise pour dire que la fonction initiale du bâtiment n'est plus remplie par celui ci. Ça fait quelques années maintenant qu'aucun militaire n'y a foutu les pieds, sans qu'aucun de ses nouveaux occupants temporaires ne sache pourquoi.
Abandon. Ce mot sert aussi à dire qu'il n'y a plus de fenêtres, plus de chauffage, plus d'électricité. Le toit est troué, le faux plafond aussi. Un des bâtiments du complexe n'a presque plus de cloisons, toutes éparpillées à travers les différentes pièces, des morceaux servant de table, d'autres simplement éclatés par terre.
On y retrouve d'autres débris, signes d'une activité toujours bien présente malgré l'abandon officiel du lieu. Des billes d'air-soft jonchent le sol d'à peu près chaque bâtiment visitable. Les murs sont couverts de fresques colorées, des palettes servant d'assises rappellent que quelques teufs ont eu lieu ici, et des débris de verre s'étalent d'un côté à l'autre de la grande pièce du bâtiment principal.
Parmi les tags, il y ne a un au nom d'un autre collectif, fondé par une bande de potes eux aussi amis avec nos protagonistes. ils viennent la semaine prochaine pour mixer. Car ce qui se prépare, ce n'est rien d'autre qu'une teuf. Une de plus en ces lieux.
Pour accueillir le public, il faut faire quelques efforts, qui tiennent presque de l'absurde quand on remet en perspective ce qu'on est en train de faire : passer 2h30 à balayer, nettoyer, repeindre à ses couleurs, un lieu abandonné depuis des années. Mais c'est justement là l'essentiel de la démarche post situationniste. Il ne s'agit plus seulement de constater l'existence de ces lieux, leur potentiel, d'imaginer leur occupation déviante, des modes d'utilisation différents. Non là on est dans le vif du sujet. On va occuper l'espace, en faire une Zone Autonome Temporaire, et pour se faire, on prend soin du lieu. On vient et on balaye. On répare. La semaine suivante, à 18h, la même équipe est déjà sur place pour reconstituer des fenêtres avec des morceaux de bâche, agrafées et fixées tant bien que mal à la façade.
Ces geste de care, c'est ce qui permet de garder en état cet endroit. En état de recevoir les activités des uns et des autres. Les teufeurs, les graffeurs, les explorateurs, tout ce monde préfère retrouver un endroit dont le sol est propre et pas couvert de déchets. Un endroit qui abrite au moins un peu des bourrasques pendant l'exploration du début d'hiver. On arrête de voir le potentiel des lieux, leur occupation imaginaire par des installation d'abord dessinées dans un carnet, puis racontées dans un livre pour théoricien d'université. On arrête de se poser la question du devenir de l'espace infini entre les particules. On arrête le situationnisme. On le dépasse, simplement en occupant, en vivant le lieu,
en le rendant vivant.
Tout ceci n'a qu'un seul but, au moment où on le fait. En l'occurrence, recréer un espace et un temps or de l'espace et du temps. Une zone autonome temporaire où l'on peut réellement s parler. Où l'on peut exister pour ce qu'on est, mettre fooooort la musique qu'on partage. Une zone autonome temporaire où si on veut on peut être heureux un instant.
Soundtrack - Velvet by I Hate Models