Quetzal
Holofractale de l'hypervérité
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Mon aperçu sur la sortie du capitalisme et de sa crise par des milliers de personnes a travers l'Espagne.
Situation
Nous sommes en Espagne, un peu moins d'un an après le début du mouvement des Indignés, le 15M. Les choses vont de mal en pis avec des taux de chômage record ( plus de 40% chez les jeunes), des aides sociales ultra-limitées, une crise du logement en crescendo. Des milliers de familles à la rue. Une politique toujours engluée dans le bipartisme, la corruption, le politicus circus... Ce n'est certainement pas "la crise" qui va mettre de l'ordre dans tout ça.
Le tissu familial est un premier rempart pour ne pas sombrer; a 35 ans, Juan retourne chez sa mère. C'est ça ou la rue.
Mais des opportunités émergent, par la force des cris du cœur contre l'absurdité manifeste; tant de potentiel humain tournant en rond, sans avenir, tant de maisons inhabitées, tant de dépenses pour alimenter le bulldozer moderne, en oubliant d’alimenter l'homme.
Les pensées collectives précèdent les actes collectifs !
Il me plaît d'écrire pour embêter les consciences des gens aigres, négatifs, dénigrants. Mais surtout, parce que l'écriture permet le partage, et c'est par ce partage que les idées entrent sur la scène du monde.
Le mouvement qui s'installe sur les places a partir du 15 mai 2011 – mais dont les racines sont sans doute profondes et bien antérieures – a opéré des transformations, des transformations dans la logique du partage. C'est de ce partage que naîtra l'espoir, la création; le partage qui transcendera les structures – médiatiques notamment – et les barrières. Les amers étaient tombés dans le piège du pragmatisme, en ne voulant voir que le concret: pour sûr, les assemblées, les débats, la vie ré-organisée sur la place, ce n'était pas des changements concrets du monde. C'était sans compter que le devenir de l'homme se joue aussi et surtout dans l'esprit et les cœurs. Nous avons commencé à apprendre ce que l'on n'apprend généralement pas: discuter, dans un processus démocratique d'écoute et d'implication volontaire; trouver le consensus, c'est à dire un équilibre au-delà du rapport de force, du rapport de pouvoirs. Avoir confiance, réclamer, oser.
Se retirer de la place était une évidence à moyen terme; alors des assemblées de quartier ont pris la relève et des commissions thématiques ont continué à se réunir (Environnement, Santé, Juridique, Education... ) dans de nombreuses villes du pays. Il y a aussi eu dispersion, ou plutôt ensemencement : créations de coopératives, d'initiatives à but sociaux, écologiques, de sensibilisation...
Tout ce petit monde est resté très connecté, par les amitiés et les liens sociaux créés, et de par la nature même des activités, à portée toujours collective.
Mon aperçu
Ce paysage complexe, décentralisé, je ne pourrais pas vous en faire une description exhaustive et détaillée. Voici seulement mon expérience.
En arrivant ici en janvier (après 6 mois d'absence), je retourne aux réunions du groupe Environnement; de là, je connaîtrai plusieurs coopératives, participerai a des débats, conférences et visiterai d'autres groupes, de Valence et d'ailleurs.
Le groupe Environnement de Valence :
Une quinzaine de personnes, ce jeune blond de 18 ans, cet électricien de 25, ce chômeur et cette chômeuse de 31, cet ingénieur agronome de 29, ce graphiste de 45 ou cet agriculteur bio de 60 ans.
Je ne les connais pas, mais je me sens déjà chez moi. Les réunions sont d'abord formelles, avec la définition de l'ordre du jour – chacun peut ajouter un point, sous forme de pluie d'idées. Quelqu'un fait le secrétaire, quelqu'un gère le tour de parole, flexible, mais organisé. On s’intéresse beaucoup à la coopérative intégrale -je vous en parlerai après- , aux groupes de consommateurs responsables, à la banque de temps, aux potagers communs et/ou urbains...
Tous les groupes Environnement des différentes villes d'Espagne se sont réunis il y a peu a Madrid; ils ont fixé des lignes communes, des propositions concrètes pour le gouvernement. Une ligne commune apparaît : la décroissance.
Parenthèse: Décroissance
Levez le pied pour avancer!
La décroissance est un des points qui se dégage des rassemblements comme ceux du groupes Environnement, mais aussi de l'ensemble du mouvement. J’entends déjà des marmonnements derrières vos écrans. La décroissance, un mot volontairement dur, irrécupérable par le système, contrairement au développement durable version Total-Fina. Un slogan, et non une théorie.
Décroissance : une nécessité
On part d'un impératif : réduire l'impact écologique, situé entre 3 et 8 planètes pour les Européens (5,2 pour France et Belgique), bien au delà du seuil de durabilité, qui correspond à une planète. Tant que nous n'aurons pas fait cela, nous vivrons a crédit et sur le dos des autres. Et se gargariser des valeurs de la République française n'y changera rien.
Si vous êtes contre la décroissance, vous utilisez d'une manière ou d'une autre un de ces arguments :
Le découplage économique : l'économie peut continuer à croître indépendamment de l'augmentation de l'utilisation des ressources.
La confiance en la science: elle augmentera l'efficacité jusqu'à revenir à l’équilibre, inventera des solutions a tous ces problèmes.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que pour le moment, l'empirisme ne rejoint pasvraiment la théorie... Les efforts en termes d'efficacité devront être énormes pour un retour a l'équilibre, surtout si on considère que l'économie actuelle, en plus de devoir diminuer son impact, va devoir aussi croître (la fameuse croissance dans la bouche des politiciens, à ne pas confondre avec les croissants pour Bart De Wever). Et que la population, elle aussi, est en train de croître. On peut encore tenir compte de l'effet rebond. C'est-à-dire que toute amélioration d'efficacité est (partiellement) absorbée par le système, et conduit a produire plus. [voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebo ... %A9conomie) ]
On voit notamment a travers un simple graphique que l'utilisation matières premières augmente parfois même plus rapidement que la production ! (Voir graphique en fin de texte ; GDP : Gross Domestic Product = PIB ; source : Tim Jackson, “Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable.” Etopia, 2009.)
Le système se met dans des situations absurdes et destructrices. On le voit avec l'exemple de l'obsolescence programmée - c'est-à-dire la réduction volontaire de la durée de vie d'un produit pour augmenter son taux de remplacement, et donc la demande. Mais lutter contre ce phénomène, même de manière efficace au niveau institutionnel/législatif, n'est même pas une vraie solution, car cela signifierait une baisse conséquente de la production et donc: pertes d'emplois, faillites, ... [Sur l'obsolescence, reportage Arte :
]
Et la voiture? Elle vous est utile, dans le monde actuel, c'est incontestable. Mais elle est aussi incontestablement inefficace. Si dans le calcul de la vitesse d'une voiture, on inclut le temps passé à travailler pour pallier tous ses frais (concept de vitesse généralisée, d'Ivan Illich), on obtient... 7km/h! Soit à peine plus que la marche à pied, et moins que le vélo ![Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Seuil, 2002]. Nous sommes poussés à utiliser un objet fondamentalement inefficace.
Mais la décroissance, ça vous fait flipper
Pourtant, elle ne doit pas être confondue avec la décroissance du système actuel. Il s'agit d'une alternative, d'une transition, qui ne rime en rien avec la perte du bien-être et de l'épanouissement des êtres humains.
Sur la base des observations précédentes, quelques évidences s'imposent :
•La nécessité d'une plus grande autonomie de notre système monétaire (je recommande le documentaire "The Money Masters", 1995. http://video.google.com/videoplay?docid ... 256183936# ). Actuellement, la perte de souveraineté face à la monnaie est totale. Le documentaire ne parle pas de la crise financière actuelle (forcément, en 95!) mais vous aide à mieux la comprendre. Plus efficace que ces 3 dernières années de vomissements d'experts dans les médias.
•Le retour a une production locale et respectueuse des sols; à commencer par l'agriculture. Le système actuel tend dans la direction contraire, car il est basé sur la spéculation et les économies d’échelles.
•Le respect de l'environnement. No comment sur la situation actuelle.
•La diminution du chômage (principalement structurel) et des inégalités. Deux choses perpétuellement croissantes dans notre système (le ratio du salaire patron/ouvrier passe de 40 à 400 en quelques décennies).
Ces transformations ne se feront pas indépendamment les unes des autres, et seront accompagnées d'autres changement globaux. Nous pensons qu'il est nécessaire d'avoir une vision systémique du monde. La transition devra donc se faire à travers des structures qui respirent, ouvertes, impliquant petit a petit l'homme, car aucun changement instantané et global n'est possible. La décroissance et ses outils marquent là un point, en commençant par proposer l'autonomie de ces structures. Mais une autonomie qui se développe en réseaux. Il s'agit donc d'une voie intermédiaire entre un programme défini, un projet, un avenir tracé, à autorité verticale et un ensemble de communautés isolées et statiques, ne participant pas à la marche et au devenir du monde. Ces structures "qui respirent" n'ont pas besoin d'être totales et complètes pour être effectives; contrairement à l’idéologie capitaliste (le néolibéral dira que si ça ne marche pas, c'est à cause de l'interventionnisme de l’État) ou au communisme ("ça n'a pas marché car ça n'a jamais pu être appliqué totalement").
Il y a donc une certaine cohérence entre la fin et les moyens, et c'est bien pour ça que ce que propose la décroissance est bien plus proche du pragmatisme que de l'utopie, en récoltant les fruits sur le chemin plutôt qu'à l'arrivée. On ne se contentera pas de la solution 'optimum' proposée par le système actuel, à savoir l'assainissement du monde de la finance -grand Satan-bouc-emissaire actuel. La spéculation et les banquiers ne sont pas un abcès sur le visage sain d'un capitalisme humain; le mal a ses racines plus profondes, dans la réification du monde, l'exploitation continue des ressources et de l'homme, l'impossible croissance infinie...
En pratique
Dimanche matin, rendez vous a 9h sur la place 15M de Valence. Nous avons organisé une visite à Lliria, et plusieurs groupes participent, pour un total d'une trentaine de personnes. Nous allons voir un potager communautaire et parler avec une de ces communautés déjà bien lancées.
Assis sous un amandier en fleurs, un homme d'une cinquantaine d'années nous explique comment fonctionne leur groupe et leur production. Il nous parle des technique agricoles (principe de la permaculture*) comme le ferait un agriculteur passionné. Mais point d'agriculteur, il est neuropsychiatre. Lui et une quinzaine de familles sont là quelques heures chaque dimanche pour faire fonctionner le potager, produisant 70% de leurs besoins alimentaires, dans un respect total de l'environnement présent et futur. On parle d'agriculture, mais aussi d'organisation, car il faut bien reconnaître qu'on se sent un peu perdu: pas de patron, pas d'horaires, une répartition informelle de la production...
Il font aussi partie d'un groupe de consommateurs travaillant avec une monnaie sociale. Quesaquo?
C'est une extension de l'idée de banque de temps et de troc; la banque de temps, c'est un système qui permet de proposer des services à une communauté, et d’être rétribué en "heures de travail", échangeable contre un autre service. "Je donne une heure de cours de math et reçois une séance de yoga." Le retour au troc est également une tendance quand le système s'effondre, comme en Argentine après la crise de 2001. Pour rendre le troc plus pratique, et permettre les échange en triangle on a inventé la monnaie. Alors, retour à la case départ? Pas tout à fait, car en faisant preuve d'un peu de discernement, on se rend compte que le système actuel de monnaie est basé sur des mécanismes de création complexes et hors de contrôle, sur des phénomènes de dévaluation dirigés par des mécanismes a échelle planétaire,etc etc.
En recréant une monnaie par la base, on revient a son utilité première: faciliter l'échange. Et on reprend son contrôle! En s'inscrivant via le "Community Exchange System" (http://www.ces.org.za/), on peut alors commencer à utiliser les Eco, la monnaie sociale du groupe en question. On commence avec un solde de zéro. Je peux alors proposer un produit ou un service à la communauté; Une fois l'échange effectué, on ajustera son solde via le site internet, +x ecos pour le fournisseur, -x ecos pour le client. La somme totale de tous les comptes du groupes est toujours de zéro, il n'existe pas de mécanisme de création d'argent.
Un système papier, sous formes de mini contrats, est également créé pour faciliter les échanges dans la vie courante. Ce système est entièrement transparent, chacun ayant accès au compte de tous. Il est basé sur la confiance et les liens sociaux déjà existants.
Ce genre d'initiatives fleurit en masse en Espagne, dont la première étape est généralement le groupe de consommateurs responsables. C'est- à -dire un groupe de gens d'une même ville ou d'un même quartier, proches géographiquement les uns des autres, qui a pour but de faciliter un commerce respectueux de leurs exigences éthiques. Les membres cherchent donc des producteurs locaux, grâce aux contacts qui se forment dans ce monde alternatif. Les commandes de groupes, directement au producteur, permettent d'avoir un prix honnête pour de très bon produits (contrairement au super marché, qui vend 1€/kg des pommes de terres achetées 0,07€/kg, d'une qualité médiocre).
Les groupes représentent une force humaine décuplée, par rapport au ridicule potentiel individuel auquel on se limite généralement. Ainsi, les actions menées sont par exemple la récupération d'un terrain abandonné pour en faire un potager urbain, l'occupation de bien immobiliers inexploités, les manifestations et les actes de sensibilisation politiques ...
Au cours du temps, la confiance et le réseau de contacts avec les autres association se renforce, et peuvent surgir de plus en plus d'initiatives productives; celles-ci ne s'inscrivent pas dans un marché de concurrence, uniquement basé sur le prix, mais intègrent toujours les dimensions humaines et écologiques (dimensions considérées et mises en valeur grâce aux processus de décisions participatifs, sous forme d'assemblées, groupes de travail, etc).
A ce stade, la transformation humaine est généralement conséquente, "il faut changer le chip" comme ils disent! On passe clairement par un processus de remise en question des valeurs capitalistes et matérialistes, pour profiter de l'entraide, de la confiance en autrui, de l'action commune, et du sentiment de liberté et d'espoir que cela procure (si ça ne vous parle pas, ne vous inquiétez pas, ça vient naturellement le moment venu).
*Permaculture : cultiver en profitant des synergies entre différentes plantes (associations dans un même espace); la création de haies de plantes locales favorise la biodiversité, qui elle- même est positive pour les cultures. On diversifie également les espèces cultivés, de légumes et de fruitiers. Tout cela dans la logique de reproduire ce que la nature fait de mieux, et qu'elle a toujours fait seule. Ce qui limite donc le travail nécessaire. Bien sûr, il reste à travailler, et la communauté en question possède un mini tracteur pour le travail du sol en superficie. http://fr.wikipedia.org/wiki/Permaculture.
Cadre légal : La coopérative intégrale
La CI (coopérative intégrale), c'est un peu comme un ensemble. En mathématique, la définition de l'ensemble n'est pas explicite, elle est la résultante de l'interaction entre les éléments. La CI sera ce que l’interaction entre ses éléments en fera. Mais le but de ce cadre, c'est de créer un parapluie légal englobant les différents acteurs, leur fournissant un statut juridique adéquat.
La coopérative (comme elle existe déjà en Catalogne) permet de rendre compatibles les changements avec la loi, en englobant les acteurs de ces changements sous un statut légal. Nous évitons une partie des impôts et diverses taxes qui portent sur le commerce de par l'utilisation de formes juridiques adéquates. Le principe: ce qui est produit ET consommé au sein de la coopérative est considéré comme de l'auto-production/auto-consommation.
Par exemple, la Cooperativa Integral Catalana s'est déjà très bien développée, surtout en milieu rural où les changements et les idées se diffusent plus rapidement que dans la solitude des villes. Des villages presque 100% autonomes existent, échangeant en ECO, SOL ou autre monnaie sociale avec d'autres groupes.
La CI de Valence (http://cooperativaintegralvalenciana.es) est en train de se concrétiser, en utilisant les liens d'affinités qui se sont créés dans les assemblées, en combinant les efforts des groupes de Juridiques, Économie et Environnement. Divers groupes de consommateurs responsables (donc en contact avec des producteurs) participent a sa création, ainsi que des groupes de travail (bio-construction, potagers urbains, ... ). Un projet de récupération d'un hameau abandonné (qui nous serait légué par son propriétaire) paraît prometteur, pouvant loger plusieurs familles et servir de point de production écologique. La coopération entre groupes urbains et ruraux est essentielle pour atteindre l'idéal « intégral », comblant nos nécessités physiques, sentimentales, artistiques...
D'autres idées sont en train de germer, comme la production d'un journal complètement autonome (de la production de papier a la distribution), et nous pensons que c'est possible.
Bien que complètement légal, ne pas payer d’impôts, est-ce éthique?
Déjà ,la question qu'on se pose fait sourire quand on sait que les grandes entreprises multinationales éludent généralement l’impôt dans les pays européens!
Mais soit, répondons, car une absurdité n'en excuse pas une autre. En fait, l’État aurait tout intérêt a nous soutenir. Nous solutionnons bien plus de problèmes qu'on en crée, nous agissons comme une entreprise sociale. La vision holistique est capable de diminuer les maux de notre société (tant de dépressions et maladies du travail, liées au mode de production et la séparation des tâches réduisant l'homme a sa part d'abruti, par exemple!). A terme, cette société par la base peut mieux prendre en charge enfants et vieux, diminuer le coût écologique, participer a l'éducation... Comme c'est déjà le cas en Catalogne, avec des facilitateurs de santé encadrés de médecins, l'organisation de cours dans divers domaines...
Et dés maintenant, des chômeurs et autres inadaptés au système (être adapté a une société malade n'est peut être pas très bon signe, d'ailleurs...) trouvent l'opportunité d'utiliser leur potentiel, de créer des projets et des espoirs de vies.
Diffusion et perspectives
Pire que de ne pas changer le monde : ne pas avoir essayé !
Ce mouvement se développe donc dans une double dynamique, d'autonomie et de travail en réseau. Un développement par la base et local (deux caractéristiques qui se potentialisent), permet une application correspondant a la culture, la vision et les valeurs de chaque espace où il se déploie. Il n'y a pas de bouquin de référence, pas de recette a appliquer. Mais on compte sur le partage des expériences, avec une optique proche de la philosophie de l'éducation populaire en Amérique Latine - où les projets par la base ont montré leur efficacité.
A Valence, nous avons par exemple reçu un activiste d'Occupy Wall Street (philosophe, étudiant en art et en sciences sociales), dont le mouvement profite de l'apport d'intellectuels comme Noam Chomsky. Une conférence/débat a été réalisée a l'université, suivie de réunions de groupes plus restreints pour partager les expériences des mouvements de Valence et de New York. D'autres de ses compagnons sont partis, au Chili, en France... Et un de nous ira a New York bientôt. Une façon de combiner voyages et partages.
A l échelle locale s'organisent des rencontres entre associations de voisins et autres groupes de discussions et aussi des rencontres nationales et sur internet. Je pense qu'il y a encore des développements à venir dans l'utilisation d'internet, notamment pour trouver les outils de partage adéquats. On y travaille avec le développement d'un réseau social (https://n-1.cc/ , 38 000 membres) plus adapté et plus indépendant que Facebook, d'outils de gestion pour groupes de consommateurs, ...
Conclusion
Tout est à faire, mais les solutions existent déjà. Pour l'énergie, la production, le transport, la santé... Il reste à les appliquer correctement et concrètement, à travers des structures adéquates. Ce que j'ai présenté reprend déjà beaucoup d'outils (monnaies sociales, banques de temps, groupes de consommateurs responsables, système de décisions en assemblée + groupes de travail, permaculture, eco-construction, ... ). Les processus mis en œuvre mettent en valeur des dimensions oubliées, d'empowerment, d'auto-estime, d'écologie, de bien- être humain, d'autonomie, de confiance ...
Agissons avec une optique de recyclage, de réutilisation noble, principe fondamental de la Nature. Une optique de coopération, et non de compétition, où les découvertes fonctionnelles, expériences alternatives et réjouissances communes pourront se partager librement. Ajoutons au principe de l'économie d’échelle un principe d'économie de partage. Mais tout cela pas à pas. Poussés par le nécessaire changement (qui vous rattrapera tôt ou tard). Car si le statu-quo n'est pas une option, la voie actuelle -imposée- ne l'est pas non plus. Transformons les crises en opportunités. Mais à quelle vitesse? En Espagne, on peut imaginer une reconversion au fur et à mesure que le système chute? Et en Grèce, la brutalité de la crise rendra peut-être impossible un recyclage des efforts vers une autre base? Et chez nous, est-on obligé d'attendre que tout cela nous touche chacun individuellement pour BOUGER NOTRE CUL?
Quetzal, ingénieur en sciences appliquées. Étudiant en Politiques et Processus de Développement.
Situation
Nous sommes en Espagne, un peu moins d'un an après le début du mouvement des Indignés, le 15M. Les choses vont de mal en pis avec des taux de chômage record ( plus de 40% chez les jeunes), des aides sociales ultra-limitées, une crise du logement en crescendo. Des milliers de familles à la rue. Une politique toujours engluée dans le bipartisme, la corruption, le politicus circus... Ce n'est certainement pas "la crise" qui va mettre de l'ordre dans tout ça.
Le tissu familial est un premier rempart pour ne pas sombrer; a 35 ans, Juan retourne chez sa mère. C'est ça ou la rue.
Mais des opportunités émergent, par la force des cris du cœur contre l'absurdité manifeste; tant de potentiel humain tournant en rond, sans avenir, tant de maisons inhabitées, tant de dépenses pour alimenter le bulldozer moderne, en oubliant d’alimenter l'homme.
Les pensées collectives précèdent les actes collectifs !
Il me plaît d'écrire pour embêter les consciences des gens aigres, négatifs, dénigrants. Mais surtout, parce que l'écriture permet le partage, et c'est par ce partage que les idées entrent sur la scène du monde.
Le mouvement qui s'installe sur les places a partir du 15 mai 2011 – mais dont les racines sont sans doute profondes et bien antérieures – a opéré des transformations, des transformations dans la logique du partage. C'est de ce partage que naîtra l'espoir, la création; le partage qui transcendera les structures – médiatiques notamment – et les barrières. Les amers étaient tombés dans le piège du pragmatisme, en ne voulant voir que le concret: pour sûr, les assemblées, les débats, la vie ré-organisée sur la place, ce n'était pas des changements concrets du monde. C'était sans compter que le devenir de l'homme se joue aussi et surtout dans l'esprit et les cœurs. Nous avons commencé à apprendre ce que l'on n'apprend généralement pas: discuter, dans un processus démocratique d'écoute et d'implication volontaire; trouver le consensus, c'est à dire un équilibre au-delà du rapport de force, du rapport de pouvoirs. Avoir confiance, réclamer, oser.
Se retirer de la place était une évidence à moyen terme; alors des assemblées de quartier ont pris la relève et des commissions thématiques ont continué à se réunir (Environnement, Santé, Juridique, Education... ) dans de nombreuses villes du pays. Il y a aussi eu dispersion, ou plutôt ensemencement : créations de coopératives, d'initiatives à but sociaux, écologiques, de sensibilisation...
Tout ce petit monde est resté très connecté, par les amitiés et les liens sociaux créés, et de par la nature même des activités, à portée toujours collective.
Mon aperçu
Ce paysage complexe, décentralisé, je ne pourrais pas vous en faire une description exhaustive et détaillée. Voici seulement mon expérience.
En arrivant ici en janvier (après 6 mois d'absence), je retourne aux réunions du groupe Environnement; de là, je connaîtrai plusieurs coopératives, participerai a des débats, conférences et visiterai d'autres groupes, de Valence et d'ailleurs.
Le groupe Environnement de Valence :
Une quinzaine de personnes, ce jeune blond de 18 ans, cet électricien de 25, ce chômeur et cette chômeuse de 31, cet ingénieur agronome de 29, ce graphiste de 45 ou cet agriculteur bio de 60 ans.
Je ne les connais pas, mais je me sens déjà chez moi. Les réunions sont d'abord formelles, avec la définition de l'ordre du jour – chacun peut ajouter un point, sous forme de pluie d'idées. Quelqu'un fait le secrétaire, quelqu'un gère le tour de parole, flexible, mais organisé. On s’intéresse beaucoup à la coopérative intégrale -je vous en parlerai après- , aux groupes de consommateurs responsables, à la banque de temps, aux potagers communs et/ou urbains...
Tous les groupes Environnement des différentes villes d'Espagne se sont réunis il y a peu a Madrid; ils ont fixé des lignes communes, des propositions concrètes pour le gouvernement. Une ligne commune apparaît : la décroissance.
Parenthèse: Décroissance
Levez le pied pour avancer!
La décroissance est un des points qui se dégage des rassemblements comme ceux du groupes Environnement, mais aussi de l'ensemble du mouvement. J’entends déjà des marmonnements derrières vos écrans. La décroissance, un mot volontairement dur, irrécupérable par le système, contrairement au développement durable version Total-Fina. Un slogan, et non une théorie.
Décroissance : une nécessité
On part d'un impératif : réduire l'impact écologique, situé entre 3 et 8 planètes pour les Européens (5,2 pour France et Belgique), bien au delà du seuil de durabilité, qui correspond à une planète. Tant que nous n'aurons pas fait cela, nous vivrons a crédit et sur le dos des autres. Et se gargariser des valeurs de la République française n'y changera rien.
Si vous êtes contre la décroissance, vous utilisez d'une manière ou d'une autre un de ces arguments :
Le découplage économique : l'économie peut continuer à croître indépendamment de l'augmentation de l'utilisation des ressources.
La confiance en la science: elle augmentera l'efficacité jusqu'à revenir à l’équilibre, inventera des solutions a tous ces problèmes.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que pour le moment, l'empirisme ne rejoint pasvraiment la théorie... Les efforts en termes d'efficacité devront être énormes pour un retour a l'équilibre, surtout si on considère que l'économie actuelle, en plus de devoir diminuer son impact, va devoir aussi croître (la fameuse croissance dans la bouche des politiciens, à ne pas confondre avec les croissants pour Bart De Wever). Et que la population, elle aussi, est en train de croître. On peut encore tenir compte de l'effet rebond. C'est-à-dire que toute amélioration d'efficacité est (partiellement) absorbée par le système, et conduit a produire plus. [voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebo ... %A9conomie) ]
On voit notamment a travers un simple graphique que l'utilisation matières premières augmente parfois même plus rapidement que la production ! (Voir graphique en fin de texte ; GDP : Gross Domestic Product = PIB ; source : Tim Jackson, “Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable.” Etopia, 2009.)
Le système se met dans des situations absurdes et destructrices. On le voit avec l'exemple de l'obsolescence programmée - c'est-à-dire la réduction volontaire de la durée de vie d'un produit pour augmenter son taux de remplacement, et donc la demande. Mais lutter contre ce phénomène, même de manière efficace au niveau institutionnel/législatif, n'est même pas une vraie solution, car cela signifierait une baisse conséquente de la production et donc: pertes d'emplois, faillites, ... [Sur l'obsolescence, reportage Arte :
Et la voiture? Elle vous est utile, dans le monde actuel, c'est incontestable. Mais elle est aussi incontestablement inefficace. Si dans le calcul de la vitesse d'une voiture, on inclut le temps passé à travailler pour pallier tous ses frais (concept de vitesse généralisée, d'Ivan Illich), on obtient... 7km/h! Soit à peine plus que la marche à pied, et moins que le vélo ![Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Seuil, 2002]. Nous sommes poussés à utiliser un objet fondamentalement inefficace.
Mais la décroissance, ça vous fait flipper
Pourtant, elle ne doit pas être confondue avec la décroissance du système actuel. Il s'agit d'une alternative, d'une transition, qui ne rime en rien avec la perte du bien-être et de l'épanouissement des êtres humains.
Sur la base des observations précédentes, quelques évidences s'imposent :
•La nécessité d'une plus grande autonomie de notre système monétaire (je recommande le documentaire "The Money Masters", 1995. http://video.google.com/videoplay?docid ... 256183936# ). Actuellement, la perte de souveraineté face à la monnaie est totale. Le documentaire ne parle pas de la crise financière actuelle (forcément, en 95!) mais vous aide à mieux la comprendre. Plus efficace que ces 3 dernières années de vomissements d'experts dans les médias.
•Le retour a une production locale et respectueuse des sols; à commencer par l'agriculture. Le système actuel tend dans la direction contraire, car il est basé sur la spéculation et les économies d’échelles.
•Le respect de l'environnement. No comment sur la situation actuelle.
•La diminution du chômage (principalement structurel) et des inégalités. Deux choses perpétuellement croissantes dans notre système (le ratio du salaire patron/ouvrier passe de 40 à 400 en quelques décennies).
Ces transformations ne se feront pas indépendamment les unes des autres, et seront accompagnées d'autres changement globaux. Nous pensons qu'il est nécessaire d'avoir une vision systémique du monde. La transition devra donc se faire à travers des structures qui respirent, ouvertes, impliquant petit a petit l'homme, car aucun changement instantané et global n'est possible. La décroissance et ses outils marquent là un point, en commençant par proposer l'autonomie de ces structures. Mais une autonomie qui se développe en réseaux. Il s'agit donc d'une voie intermédiaire entre un programme défini, un projet, un avenir tracé, à autorité verticale et un ensemble de communautés isolées et statiques, ne participant pas à la marche et au devenir du monde. Ces structures "qui respirent" n'ont pas besoin d'être totales et complètes pour être effectives; contrairement à l’idéologie capitaliste (le néolibéral dira que si ça ne marche pas, c'est à cause de l'interventionnisme de l’État) ou au communisme ("ça n'a pas marché car ça n'a jamais pu être appliqué totalement").
Il y a donc une certaine cohérence entre la fin et les moyens, et c'est bien pour ça que ce que propose la décroissance est bien plus proche du pragmatisme que de l'utopie, en récoltant les fruits sur le chemin plutôt qu'à l'arrivée. On ne se contentera pas de la solution 'optimum' proposée par le système actuel, à savoir l'assainissement du monde de la finance -grand Satan-bouc-emissaire actuel. La spéculation et les banquiers ne sont pas un abcès sur le visage sain d'un capitalisme humain; le mal a ses racines plus profondes, dans la réification du monde, l'exploitation continue des ressources et de l'homme, l'impossible croissance infinie...
En pratique
Dimanche matin, rendez vous a 9h sur la place 15M de Valence. Nous avons organisé une visite à Lliria, et plusieurs groupes participent, pour un total d'une trentaine de personnes. Nous allons voir un potager communautaire et parler avec une de ces communautés déjà bien lancées.
Assis sous un amandier en fleurs, un homme d'une cinquantaine d'années nous explique comment fonctionne leur groupe et leur production. Il nous parle des technique agricoles (principe de la permaculture*) comme le ferait un agriculteur passionné. Mais point d'agriculteur, il est neuropsychiatre. Lui et une quinzaine de familles sont là quelques heures chaque dimanche pour faire fonctionner le potager, produisant 70% de leurs besoins alimentaires, dans un respect total de l'environnement présent et futur. On parle d'agriculture, mais aussi d'organisation, car il faut bien reconnaître qu'on se sent un peu perdu: pas de patron, pas d'horaires, une répartition informelle de la production...
Il font aussi partie d'un groupe de consommateurs travaillant avec une monnaie sociale. Quesaquo?
C'est une extension de l'idée de banque de temps et de troc; la banque de temps, c'est un système qui permet de proposer des services à une communauté, et d’être rétribué en "heures de travail", échangeable contre un autre service. "Je donne une heure de cours de math et reçois une séance de yoga." Le retour au troc est également une tendance quand le système s'effondre, comme en Argentine après la crise de 2001. Pour rendre le troc plus pratique, et permettre les échange en triangle on a inventé la monnaie. Alors, retour à la case départ? Pas tout à fait, car en faisant preuve d'un peu de discernement, on se rend compte que le système actuel de monnaie est basé sur des mécanismes de création complexes et hors de contrôle, sur des phénomènes de dévaluation dirigés par des mécanismes a échelle planétaire,etc etc.
En recréant une monnaie par la base, on revient a son utilité première: faciliter l'échange. Et on reprend son contrôle! En s'inscrivant via le "Community Exchange System" (http://www.ces.org.za/), on peut alors commencer à utiliser les Eco, la monnaie sociale du groupe en question. On commence avec un solde de zéro. Je peux alors proposer un produit ou un service à la communauté; Une fois l'échange effectué, on ajustera son solde via le site internet, +x ecos pour le fournisseur, -x ecos pour le client. La somme totale de tous les comptes du groupes est toujours de zéro, il n'existe pas de mécanisme de création d'argent.
Un système papier, sous formes de mini contrats, est également créé pour faciliter les échanges dans la vie courante. Ce système est entièrement transparent, chacun ayant accès au compte de tous. Il est basé sur la confiance et les liens sociaux déjà existants.
Ce genre d'initiatives fleurit en masse en Espagne, dont la première étape est généralement le groupe de consommateurs responsables. C'est- à -dire un groupe de gens d'une même ville ou d'un même quartier, proches géographiquement les uns des autres, qui a pour but de faciliter un commerce respectueux de leurs exigences éthiques. Les membres cherchent donc des producteurs locaux, grâce aux contacts qui se forment dans ce monde alternatif. Les commandes de groupes, directement au producteur, permettent d'avoir un prix honnête pour de très bon produits (contrairement au super marché, qui vend 1€/kg des pommes de terres achetées 0,07€/kg, d'une qualité médiocre).
Les groupes représentent une force humaine décuplée, par rapport au ridicule potentiel individuel auquel on se limite généralement. Ainsi, les actions menées sont par exemple la récupération d'un terrain abandonné pour en faire un potager urbain, l'occupation de bien immobiliers inexploités, les manifestations et les actes de sensibilisation politiques ...
Au cours du temps, la confiance et le réseau de contacts avec les autres association se renforce, et peuvent surgir de plus en plus d'initiatives productives; celles-ci ne s'inscrivent pas dans un marché de concurrence, uniquement basé sur le prix, mais intègrent toujours les dimensions humaines et écologiques (dimensions considérées et mises en valeur grâce aux processus de décisions participatifs, sous forme d'assemblées, groupes de travail, etc).
A ce stade, la transformation humaine est généralement conséquente, "il faut changer le chip" comme ils disent! On passe clairement par un processus de remise en question des valeurs capitalistes et matérialistes, pour profiter de l'entraide, de la confiance en autrui, de l'action commune, et du sentiment de liberté et d'espoir que cela procure (si ça ne vous parle pas, ne vous inquiétez pas, ça vient naturellement le moment venu).
*Permaculture : cultiver en profitant des synergies entre différentes plantes (associations dans un même espace); la création de haies de plantes locales favorise la biodiversité, qui elle- même est positive pour les cultures. On diversifie également les espèces cultivés, de légumes et de fruitiers. Tout cela dans la logique de reproduire ce que la nature fait de mieux, et qu'elle a toujours fait seule. Ce qui limite donc le travail nécessaire. Bien sûr, il reste à travailler, et la communauté en question possède un mini tracteur pour le travail du sol en superficie. http://fr.wikipedia.org/wiki/Permaculture.
Cadre légal : La coopérative intégrale
La CI (coopérative intégrale), c'est un peu comme un ensemble. En mathématique, la définition de l'ensemble n'est pas explicite, elle est la résultante de l'interaction entre les éléments. La CI sera ce que l’interaction entre ses éléments en fera. Mais le but de ce cadre, c'est de créer un parapluie légal englobant les différents acteurs, leur fournissant un statut juridique adéquat.
La coopérative (comme elle existe déjà en Catalogne) permet de rendre compatibles les changements avec la loi, en englobant les acteurs de ces changements sous un statut légal. Nous évitons une partie des impôts et diverses taxes qui portent sur le commerce de par l'utilisation de formes juridiques adéquates. Le principe: ce qui est produit ET consommé au sein de la coopérative est considéré comme de l'auto-production/auto-consommation.
Par exemple, la Cooperativa Integral Catalana s'est déjà très bien développée, surtout en milieu rural où les changements et les idées se diffusent plus rapidement que dans la solitude des villes. Des villages presque 100% autonomes existent, échangeant en ECO, SOL ou autre monnaie sociale avec d'autres groupes.
La CI de Valence (http://cooperativaintegralvalenciana.es) est en train de se concrétiser, en utilisant les liens d'affinités qui se sont créés dans les assemblées, en combinant les efforts des groupes de Juridiques, Économie et Environnement. Divers groupes de consommateurs responsables (donc en contact avec des producteurs) participent a sa création, ainsi que des groupes de travail (bio-construction, potagers urbains, ... ). Un projet de récupération d'un hameau abandonné (qui nous serait légué par son propriétaire) paraît prometteur, pouvant loger plusieurs familles et servir de point de production écologique. La coopération entre groupes urbains et ruraux est essentielle pour atteindre l'idéal « intégral », comblant nos nécessités physiques, sentimentales, artistiques...
D'autres idées sont en train de germer, comme la production d'un journal complètement autonome (de la production de papier a la distribution), et nous pensons que c'est possible.
Bien que complètement légal, ne pas payer d’impôts, est-ce éthique?
Déjà ,la question qu'on se pose fait sourire quand on sait que les grandes entreprises multinationales éludent généralement l’impôt dans les pays européens!
Mais soit, répondons, car une absurdité n'en excuse pas une autre. En fait, l’État aurait tout intérêt a nous soutenir. Nous solutionnons bien plus de problèmes qu'on en crée, nous agissons comme une entreprise sociale. La vision holistique est capable de diminuer les maux de notre société (tant de dépressions et maladies du travail, liées au mode de production et la séparation des tâches réduisant l'homme a sa part d'abruti, par exemple!). A terme, cette société par la base peut mieux prendre en charge enfants et vieux, diminuer le coût écologique, participer a l'éducation... Comme c'est déjà le cas en Catalogne, avec des facilitateurs de santé encadrés de médecins, l'organisation de cours dans divers domaines...
Et dés maintenant, des chômeurs et autres inadaptés au système (être adapté a une société malade n'est peut être pas très bon signe, d'ailleurs...) trouvent l'opportunité d'utiliser leur potentiel, de créer des projets et des espoirs de vies.
Diffusion et perspectives
Pire que de ne pas changer le monde : ne pas avoir essayé !
Ce mouvement se développe donc dans une double dynamique, d'autonomie et de travail en réseau. Un développement par la base et local (deux caractéristiques qui se potentialisent), permet une application correspondant a la culture, la vision et les valeurs de chaque espace où il se déploie. Il n'y a pas de bouquin de référence, pas de recette a appliquer. Mais on compte sur le partage des expériences, avec une optique proche de la philosophie de l'éducation populaire en Amérique Latine - où les projets par la base ont montré leur efficacité.
A Valence, nous avons par exemple reçu un activiste d'Occupy Wall Street (philosophe, étudiant en art et en sciences sociales), dont le mouvement profite de l'apport d'intellectuels comme Noam Chomsky. Une conférence/débat a été réalisée a l'université, suivie de réunions de groupes plus restreints pour partager les expériences des mouvements de Valence et de New York. D'autres de ses compagnons sont partis, au Chili, en France... Et un de nous ira a New York bientôt. Une façon de combiner voyages et partages.
A l échelle locale s'organisent des rencontres entre associations de voisins et autres groupes de discussions et aussi des rencontres nationales et sur internet. Je pense qu'il y a encore des développements à venir dans l'utilisation d'internet, notamment pour trouver les outils de partage adéquats. On y travaille avec le développement d'un réseau social (https://n-1.cc/ , 38 000 membres) plus adapté et plus indépendant que Facebook, d'outils de gestion pour groupes de consommateurs, ...
Conclusion
Tout est à faire, mais les solutions existent déjà. Pour l'énergie, la production, le transport, la santé... Il reste à les appliquer correctement et concrètement, à travers des structures adéquates. Ce que j'ai présenté reprend déjà beaucoup d'outils (monnaies sociales, banques de temps, groupes de consommateurs responsables, système de décisions en assemblée + groupes de travail, permaculture, eco-construction, ... ). Les processus mis en œuvre mettent en valeur des dimensions oubliées, d'empowerment, d'auto-estime, d'écologie, de bien- être humain, d'autonomie, de confiance ...
Agissons avec une optique de recyclage, de réutilisation noble, principe fondamental de la Nature. Une optique de coopération, et non de compétition, où les découvertes fonctionnelles, expériences alternatives et réjouissances communes pourront se partager librement. Ajoutons au principe de l'économie d’échelle un principe d'économie de partage. Mais tout cela pas à pas. Poussés par le nécessaire changement (qui vous rattrapera tôt ou tard). Car si le statu-quo n'est pas une option, la voie actuelle -imposée- ne l'est pas non plus. Transformons les crises en opportunités. Mais à quelle vitesse? En Espagne, on peut imaginer une reconversion au fur et à mesure que le système chute? Et en Grèce, la brutalité de la crise rendra peut-être impossible un recyclage des efforts vers une autre base? Et chez nous, est-on obligé d'attendre que tout cela nous touche chacun individuellement pour BOUGER NOTRE CUL?
Quetzal, ingénieur en sciences appliquées. Étudiant en Politiques et Processus de Développement.