Vu aujourd'hui au cinoche :
Du lourd, du très très lourd. Au début du film j'ai trouvé que l'humour était un peu lourd, que des aliments qui s'échangent des grossièretés, ça ne fait pas un film, et puis...
... un gros effarement et trente mille considérations cosmologiques plus tard...
... c'est un putain de film !
Seulement voilà, le film m'a fait me poser tellement de question que je vais encore écrire un pâté. Z'êtes prévenus.
L'intrigue sans spoilers
Des aliments qui parlent (ils ont des petits bras, des yeux, des bouches, comme M. Patate quoi) peuplent un supermarché. Chaque matin, ils chantent un hymne à leurs dieux : les humains. Chers Dieux, merci de nous faire passer la Grande Porte pour nous emmener au paradis !
M. Saucisse est évidemment amoureux de Mme Pain-à-Hot-Dog, mais voilà que M. Moutarde fait une annonce terrible : les Dieux sont mauvais, une fois passé la Grande Porte ils nous tuent !
Au cours du film, M. Saucisse découvre l'horrible vérité, ainsi que son pote saucisse Barry. Mme Hot-Dog ne le crois pas, il devra mener une quête pleine de péripéties et de rencontres pour sauver les habitants du supermarché contre la tyrannie des Humains. Y arrivera-t-il ?
L'avis sans spoilers
Beaucoup de blagues fonctionnent très bien, d'autres sont un peu plus lourdes (enfin j'ai vu la VF, ça doit être plus cool en VO). Certains passages franchement choquants et provoquants, c'est PAS POUR LES ENFANTS. Qu'on se le dise.
Il faut noter surtout la profondeur excessive du scénario. Beaucoup de religieux ont qualifié le film de pornographique (ils ont pas entièrement tort), mais sa vraie subversivité est son emploi à fond de l'allégorie de la caverne de Platon. Le film transmet un message radicalement anti-transcendantal, après avoir pourtant montré l'importance de croire en quelque chose. Les valeurs exprimées sont redoutablement modernes : nous avons certes besoin de croire en un au-delà, mais l'humanité doit rester maîtresse de son destin ici et maintenant. Le film expore la piste platonicienne à fond, pour ensuite la rejeter. Ce qui détruit beaucoup de vues religieuses répandues.
Très souvent super marrant, du reste.
À recommander, donc, en prévenant toutefois de l'aspect choquant de certains passages.
Les considérations cosmologiques (spoilers !)
Le héros, M. Saucisse, qui s'appelle Frank, voit sa vision du monde changer radicalement, par étapes successives.
- Au début, Frank est M. Toutlemonde, il espère en la Grande Porte, surtout parce que ça lui permettra de conclure avec Brenda, sa copine hot-dog, qu'il ne peut encore que toucher du bout des doigts.
- Ensuite, M. Moutarde lance un appel prophétique : On nous ment ! Les Dieux vont nous tuer ! Frank est allarmé, mais Brenda lui fait remarquer que M. Moutarde est mort juste après avoir lancé son appel. Un prophète qui renverse le système de valeurs et meurs juste après ? Brenda a raison de se méfier.
- Après l'appel de M. Moutarde, Frank doit rentrer chez lui sans passer par la Grande Porte. Il retrouve sa copine Brenda et sur le chemin de sa maison, il rencontre...
-... la caste les Immortels. Ce sont des produits impérissables (une bouteille d'eau-de-feu comme gourou) qui lui expliquent qu'autrefois, les Aliments étaient terrifiés des Dieux. Alors les Immortels, en fait des stoners adeptes de la pipe à weed, ont inventé cette histoire de Grande Porte, que tous les Aliments se sont appropriés. Croire en un au-delà paradisiaque permet aux Aliments de supporter leur quotidien. Cette vérité est insupportable pour Frank, alors les Immortels lui indiquent le chemin qu'il a à prendre pour vérifier par lui-même.
- Frank part à la recherche de la preuve, mais se dispute avec Brenda, qui ne voit pas en quoi remettre en question sa foi en la Grande Porte peut l'aider en quoi que ce soit. Frank s'aperçoit que ses priorités ont changés : autrefois, il agissait par amour de Brenda, maintenant il agit par amour de la vérité.
- Il trouve la preuve : le rayon des couteaux de cuisine et des livres de cuisine, preuve que les Dieux tuent les Aliments. Terrible ! Les Immortels ont dit vrai !
- Frank apporte la preuve à l'entièreté des Aliments. Surprise ! Ça ne fonctionne pas ! Les Aliments lui hurlent : "Comment peut-tu insulter ainsi nos croyances ?"
- L'ami de Frank, Barry, revient de son périple à lui, et explique à Frank que les Dieux sont mortels. En plus, on peut les mettre sur le même plan de conscience que nous, et donc, communiquer avec eux !
- Le dialogue avec les Dieux est infructueux, des Dieux tuent des Aliments. Les Aliments, désormais convaincus et unis (réconciliation avec Brenda), se révoltent et tuent tous les Dieux.
- Orgie généralisée. Ensuite, Frank constate à voix haute et devant les autres : "Finalement, le paradis n'était pas au-delà de la Grande Porte, mais ici, depuis le début !"
- En guise d'ouverture en fin de film, les Immortels expliquent à Frank et ses amis qu'une autre illusion encore plus grande existe : Frank et les autre sont en fait des personnages de film d'animation, doublé par des acteurs américains ! Là-dessus, les Immortels ouvrent un portail, les héros s'engouffrent dedans, fin du film.
Tout ça en deux heures ! Et j'ai même pas parlé de la psychologie du méchant, ni des personnages secondaires ! Tiens, j'en parle, je peux pas me retenir.
Le méchant n'est pas un aliment, mais un produit d'hygiène. Il s'appelle Douche, comme dans l'insulte Douchebag. En fait c'est une poire à lavement vaginal. Douche est hyper fier : il va s'accoupler avec un Dieu ! Après le scandale de M. Moutarde, il est déçu de ne pas passer la Grande Porte, et il est blessé, alors il se met à vampiriser les Aliments pour se rendre plus fort. Lors de la grande bataille entre Aliments et Dieu, il accomplit son destin ultime : devenir l'égal d'un Dieu. (En fait il encule un caissier et contrôle son corps depuis son entrejambe). Devenir Dieu, voilà un truc proprement luciférien.
Le professeur Chewing Gum, qui est un chewin gum séché en fauteuil roulant (hommage à Stephen Hawking) représente la science comme remplacement efficace contre la religiosité. Quand on veut le tuer, son corps se reconstitue, et il explique que la forme n'a pas d'importance, en bon physicien quantique.
Sous des dessous de stupidité, le film aborde des thématiques graves, comme dans Matrix ou Toy Story 3, et questionne les expliquations du monde auxquelles nous nous sommes habitués. Un film excessivement intelligent qui ne se prend jamais au sérieux. Du lourd.
(Mais une séquence d'orgie assez dérangeante faut avouer - sauf si on est défoncé entre amis.)
Tiens, j'ai oublié de mentionner le moment où un humain se prend des Bath Salts en IV, tape des hallus et se met à communiquer avec les Aliments. Grand moment de cinoche.