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Poésie

  • Auteur de la discussion Auteur de la discussion Strange
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Je te questionnais sur le sens esthétique du mur plutôt car il ne rime avec rien.

Je comprends tout à fait ce que tu dis : et tu as raison. C'est ton propre chemin qui fera ta poésie.

Quant à ce texte, mon commentaire est assez semblable à celui d'avant. Il faut voir pourquoi faire de la poésie : c'est ça qui décide de ce qu'est ta poésie. Mais je ressens en tout cas un certain amour des mots, et c'est un plaisir qui en dépasse beaucoup d'autres.

Encore une fois je suis content de voir que ce topic vive !

Je vais à nouveau poster un texte. Celui-ci est un peu particulier, car c'est le premier de ce que sera mon quatrième recueil. Le voilà :



Ce ne sont pas des vers nouveaux mais les premiers.
Longue et rude fut la noirceur des automates,
Le chat qui calmement dormait sur le sommier
Dévore ses propres couleurs et sa peau mate.


La cadence à présent vrombit sous les soleils
Et tout autour d'eux on croit voir de belles Lunes,
Leur naissance donne des chants pour mes oreilles
Il me semble voir aujourd'hui une fortune !


Le son rejoint les océans des Nuits Salées
Il a fallu vivre à l'envers sa propre vie,
Donner un sens à la fumée trop inhalée
Et offrir l'excuse fragile à ses envies.


Tout encor n'est pas éclairé – l'ombre sourit !
Les Dieux qu'un jour j'ai pu prier doivent trinquer,
La pièce est relancée dans la forêt pourrie
Les forces qui sont nos amies sont au banquet !


L'arbre caresse ces grands vents pour fair tomber
Ces tâches de couleur repue dans un doux bruit,
Je me baisse à présent pour voir, gros et bombés
Ce que me promet cette idée : goûter les fruits.
 
J'ai compris que trop tard le sens de ta question! J'ai sacrifier la rime pour accentuer la précision de cette idée! Et puis le fait que ça passe plutôt bien en chant j'ai fini par validé!
C'est marrant mais face à l'incompréhension je fuis, je crains de me connecter à tes images et parfums! En tout cas, à ce que j'ai pu goûter je trouve ça très riche! Tu dois surement connaître l'auteur Zweig ? C'est le seul que j'approche
 
Je te conseil ses bouquins, en particulier "Brûlant secret", c'est des nouvelles assez courte, il y en a quatre dans celui la, et il y en a un c'est marrant mais on dirait qu'il décris un trip psyché sans le vouloir! En gros il a cette plume pour décrire les émotions à la quasi perfection.
 
Mono-animant ce topic, je continue :

Invisible.



A l'aube des soleils, cultivant l'invisible,
J'ai donné à mes vers un peu de mon essence.
J'étais malade et seul, bien loin d'être paisible ;
Il n'était rien à fair pour ma convalescence.


Mes rimes embrassées ne me consolent pas ;
Comme une ombre discrète avec un chapeau noir
J'ai couru sous le ciel qui ne me connaît pas
Pour un jour respirer la beauté en peignoir.


Les soupirs de Wolfo et le chant de Beaufond
M'ont bercés quelques fois : je les en remercie !
Ma musique s'épuise et je sens le plafond
Des âges s'écrouler contre l'encens ranci.


Me faudra-t-il un jour vivre sans le lyrisme ?
Un dieu aussi cruel vit-il en notre monde ?
Le ciel bleu adoré perdra-t-il son charisme
Contre le mur de plomb qui arrête les ondes ?


Je suis loin de chez moi, j'ai perdu ma maison,
Egaré en chemin je cherche la science
Pour fair battre à nouveau ma vieille déraison
Dormant contre le feu qui m'offre son alliance.


Je n'ai pas de combat que je puisse gagner
Car j'ai déjà perdu. Le monstre à sa naissance
M'a recouvert d'horreurs et change en araignée
Ce que j'étais au temps où vivait « ambulance ».


-Comment fair sans combat pour engager la lutte ?
J'ai encor bien à perdre et beaucoup à trouver :
Les trésors de la mer, la complainte des putes
Qui s'en vont s'ignorer pour mieux se retrouver.


J'attends sans un sursaut le temps des retrouvailles,
Je n'ai besoin de rien pour sentir l'amoureux
Qui sommeille en mon cœur jusqu'à ses fiançailles
Mais je le sens faiblir contre l'amour peureux.


Bien avant de grandir j'ai semé en mon cœur
Un peu de la souffrance adorée des poètes.
Je croyais en ses fruits, j'oubliais mes rancoeurs,
Je savais les humains bien en-dessous des mouettes.


Les tambours des forêts qu'on battait en riant
Ont confisqués mes peurs pour des nuits trop fébriles.
Je les savais frappés par quelques dieux bruyants
Qui chantent pour la vie retranchés sur leur île.


Pour croire un seul instant à la beauté du vide
Il me faut voir le fond et tout le précipice.
La chute est enchantée dans l'horizon livide,
Le vertige m'a pris au milieu des abysses !
 
Coucou ! Y'a un moment que je ne m'étais plus approché de poésies !

Ce topic m'a donné envie d'en faire une, vite fait à ma façon... c'est à dire une musique sans paroles, et on y va à l'impro ce qui passe par la tête ! Je met ça ici, y'a ptêt des gens pour aimer les poèmes désordonnés.

Y'a pas de titre.


Eparse et délavé
Sombre comme une coquille cassée
Des murmures aux visages effacés
Que brûle la nuit, la nuit sauvage,
La nuit passée


Enfoncé dans le brouillard
Confus, un peu égaré
Le voile se lève,
Tout est clair,
Tout est vanité


Malgré tout reste l'espoir
Et encore un peu de volonté
J'ai tout vu en noir,
Mais le monde est coloré


La vie rayonne, flotte
Comme un soleil embrasé
Illuminant le ciel de mes pensées
Menées au désespoir
Me revoilà, humanité


Il n'y a plus de temps à perdre
Il faut chanter et danser
Jusqu'à la dernière miette
La dernière goutte de liberté
Foncer, courir, sans jamais s'arrêter


J'aimerais vivre, et voyager.



EDIT : je viens de remarquer une certaine concordance avec certains événements récents qui me sont arrivés... hum, hasard ? :mrgreen:
 
Pourquoi pas ?

Enfin, jdis pas hein, j'aime bien les papillons et les fourmis aussi.
 
Kyran a dit:
Pourquoi pas ?
Parce que je pense qu'il ne faut pas croire au vers sans la rime, comme il ne faut pas croire au vers trop irrégulier, qui fausse la lecture et le rythme. Le vers n'est selon moi pas simplement un retour à la ligne, mais un moule dans lequel on doit s'insérer ou se défaire. C'est comme la France, tu l'aimes ou tu la quittes.

:)
 
Un autre pour la route :

Le monstre.

La peinture et le fard ne m'ont pas convaincu.​
La nature non plus. Ni l'euphorie des sens.​
A jouer ce combat, je suis déjà vaincu​
Mais je le joue encor ! J'ai perdu la méfiance.​

Traversé par des bras qui n'ont pas d'existence​
Je m'enivre à souhait de la vie déjà morte.​
J'attends la fin des temps, en elle j'ai confiance​
Et je sais ses pouvoirs, pour frapper à ta porte.​

J'ai souillé mes désirs, puis essoufflé leur souffle ;​
Les écrits des anciens ont perdu leur génie,​
Moi qui croyais en eux, qui jetais mes pantoufles​
Pour des bottes de cuir, maintenant je m'ennuie !​

J'avais touché du doigt l'horizon des possibles,​
Mais fidèle à lui-même il a fui au-delà​
De mon corps tressautant que j'avais pris pour cible​
Dans l'affreux quotidien qu'aucun Dieu n'appela.​

Je n'ai dans mon espèce aucun être semblable​
Mais c'est la vanité qu'on inscrit sur mes pas​
Avec l'horreur des cieux j'ai été trop aimable ;​
Me voilà sans couleur bien au fond du trépas.​

J'ai prié, mais en vain. J'ai couru après l'homme ;​
La beauté m'a vidé et j'en ressens le drain,​
Le bizarre et l'affreux dont j'avais fait la somme​
N'ont rien donné du tout dans mes alexandrins.​

A ce monstre sans voix qui se tient devant vous​
Il ne faut rien attendre et jamais rien tenter.​
Je l'ai connu des soirs, posté au garde-à-vous​
En train de disséquer quelques tasses de thé.​

Il ne faut pas le plaindre et il ne se plaint pas,​
Il a voulu sa vie, il a tordu ses rêves​
Pour en extraire un jus qui lui servait d'appât​
Lorsqu'il péchait des sons tout engorgés de sève.​

Il a connu parfois l'essence de la vie,​
Il en paie la rançon pour le restant des jours !​
Il croyait à l'espoir : il a changé d'avis,​
Il sait que pour cela il payera toujours.​

Mais nous devons comprendre à quel point il se meurt,​
Il souffre sans un mot, on a coupé sa langue,​
Il n'est pas de repos dans la noire torpeur ;​
Il va prendre la mer mais son navire tangue !​
 
Je ne m'épuise pas, bien au contraire, croyez le bien, je rationne grandement mon flood sur ce topic !



Le marin


Un marin sans bateau
S'est perdu dans mes vignes :
Il joue sur les tréteaux
A la pêche à la ligne.

Il navigue sans mer
Vers l'horizon dansant ;
Des fruits un peu amer
Il a bu tout le sang.

Il a tant fait la scène
Qu'à force de rappels
Dans cette salle obscène
Il voit ses archipels !

Je l'ai connu parfois
Courant dans les nuées,
Cherchant après son foie
Tout plein de rhum ambré.

C'est l'embrun dans les rues,
L'océan dans les cieux
Qui soudain lui parut
En écumant ses yeux.

Il gaspille son or
Pour la nage légère.
Mais tous ceux qu'il adore
Sont déjà en poussière.

Un marin sans bateau
S'est perdu dans mes vignes ;
Il joue sur les tréteaux
A la pêche à la ligne.
 
Je me permets de flooder à nouveau puisqu'il y a des lectues (owi aimez moi).

Le brave culot


Je sais qu'il me faudra me fondre de passions ;
Déborder dans l'appel vrombissant des sommets ;
Respirer de la neige, aimer mes plantations
Pour un jour à nouveau me saigner des sonnets.

Qu'il me faudra gémir sous d'insensés baisers,
Voyager d'univers en galaxies lointaines,
Faire l'amour aux sens et le soir m'embraser,
Croyant le temps d'un cri chasser l'aube incertaine.

Que je vivrais vraiment les caresses bleuies
Qu'on m'offrira parfois en voyant dans mon cœur
Des fausses vérités aux rimes inouïes
Qui enrobent le temps de mon fervent malheur.

Qu'on croira me comprendre alors qu'il n'y a rien
Qui pousse à mes côtés : mon sable est l'un des pires,
Il n'a jamais bu d'eau mais inonde mes biens ;
On ne peut l'aimer que parce qu'il sait mentir.

Ô dames des oiseaux, ô courants apatrides
Vous avez navigué plus loin que mes espoirs,
J'ai chanté pour vos vœux l'existence putride,
Indiquez-moi le trône où je pourrai m'asseoir !

Faudra-t-il fair semblant tout au long de la vie ?
Y aura-t-il un jour où je pourrai vraiment
Contempler l'univers comme une fleur ravie
De ne plus rien savoir qu'être un long filament ?
 

Je suis mort parce que je n'ai pas le désir,

Je n'ai pas le désir parce que je crois posséder,
Je crois posséder parce que je n'essaye pas de donner;
Essayant de donner, on voit qu'on n'a rien,
Voyant qu'on a rien, on essaye de se donner,
Essayant de se donner, on voit qu'on n'est rien,
Voyant qu'on est rien, on désire devenir,
Désirant devenir, on vit.

René Daumal


 
La guerre sainte

​
Je vais faire un poème sur la guerre. Ce ne sera peut-être pas un vrai poème, mais ce sera sur une vraie guerre.

Ce ne sera pas un vrai poème, parce que le vrai poète, s'il était ici, et si le bruit se répandait parmi la foule qu'il allât parler - alors un grand silence se ferait, un lourd silence d'abord se gonflerait, un silence gros de mille tonnerres.

Visible, nous le verrions, le poète et voyant, il nous verrait ; et nous pâlirions dans nos pauvres ombres, nous lui en voudrions d'être si réel, nous les malingres, nous les gênés, nous les tout-chose.

Il serait ici, plein à craquer des multitudes des ennemis qu'il contient - car il les contient, et les contente quand il veut - incandescent de douleur et de sacrée tranquille comme un artificier, dans le grand silence il ouvrirait un petit robinet, le tout petit robinet du moulin à paroles, et par là nous lâcherait un poème, un tel poème qu'on en deviendrait vert.

Ce que je vais faire ne sera pas un vrai poème poétique de poète, car si le mot “guerre” était dit dans un vrai poème - alors la guerre, la vraie guerre dont parlerait le vrai poète, la guerre sans merci, la guerre sans compromis s'allumerait définitivement dans le dedans de nos cœurs.

Car dans un vrai poème les mots portent leurs choses.

Mais ce ne sera pas non plus discours philosophique. Car pour être philosophe, pour aimer la vérité plus que soi-même, il faut être mort à l'erreur, il faut avoir tué les traîtres complaisances du rêve et de l'illusion commode. Et cela, c'est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des traîtres à démasquer.

Et ce ne sera pas non plus œuvre de science. Car pour être un savant, pour voir et aimer voir les choses telles qu'elles sont, il faut être soi-même, et aimer se voir, tel qu'on est. Il faut avoir brisé les miroirs menteurs, il faut avoir tué d'un regard impitoyable les fantômes insinuants. Et cela, c'est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des masques à arracher.

Et ce ne sera pas non plus un chant enthousiaste. Car l'enthousiasme est stable quand le dieu s'est dressé, quand les ennemis ne sont plus que des forces sans formes, quand le tintamarre de guerre tinte à tout casser, et la guerre est à peine commencée, nous n'avons pas encore jeté au feu notre literie.


Ce ne sera pas non plus une invocation magique, car le magicien demande à son dieu “Fais ce qui me plaît”, et il refuse de faire la guerre à son pire ennemi, si l'ennemi lui plaît et pourtant ce ne sera pas davantage une prière de croyant, car le croyant demande à son Dieu : “Fais ce que tu veux”, et pour cela il a dû mettre le fer et le feu dans les entrailles de son plus cher ennemi, - ce qui est le fait de la guerre, et la guerre est à peine commencée.

Ce sera un peu de tout cela, un peu d'espoir et d'effort vers tout cela, et ce sera aussi un peu un appel aux armes. Un appel que le jeu des échos pourra me renvoyer, et que peut-être d'autres entendront.

Vous devinez maintenant de quelle guerre je veux parler.

Des autres guerre - de celles que l'on subit - je ne parlerai pas. Si j'en parlais, ce serait de la littérature ordinaire, un substitut, un à-défaut, une excuse. Comme il m'est arrivé d'employer le mot “terrible” alors que je n'avais pas la chair de poule. Comme j'ai employé l'expression “crever de faim” alors que je n'en étais pas arrivé à voler aux étalages. Comme j'ai parlé de folie avant d'avoir tenté de regarder l'infini par le trou de la serrure. Comme j'ai parlé de mort, avant d'avoir senti ma langue prendre le goût de sel de l'irréparable. Comme certains parlent de pureté, qui se sont toujours considérés comme supérieurs au porc domestique. Comme certains parlent de liberté, qui adorent et repeignent leurs chaînes. Comme certains parlent d'amour, qui n'aiment que l'ombre d'eux-mêmes. Ou de sacrifice, qui ne se couperaient pour rien le plus petit doigt. Ou de connaissance, qui se déguisent à leurs propres yeux. Comme c'est notre grande maladie de parler pour ne rien voir.

Ce serait un substitut impuissant, comme des vieillards et des malades parlent volontiers des coups que donnent ou reçoivent les jeunes gens bien portants.


Ai-je donc le droit de parler de cette autre guerre - celle qu'on ne subit pas seulement alors qu'elle n'est peut-être pas irrémédiablement allumée en moi ? Alors que j'en suis encore aux escarmouches ? Certes, j'en ai rarement le droit. Mais “rarement le droit”, cela veut dire aussi “quelquefois le devoir” et surtout “le besoin”, car je n'aurai jamais trop d'alliés.


J'essaierai donc de parler de la guerre sainte.


Puisse-t-elle éclater d'une façon irréparable. Elle s'allume bien, de temps en temps, ce n'est jamais pour très longtemps. Au premier semblant de victoire, je m'admire triompher, et je fais le généreux, et je pactise avec l'ennemi. Il y a des traîtres dans la maison, mais ils ont des mines d'amis, ce serait si déplaisant de les démasquer ! Ils ont leur place au coin du feu, leurs fauteuils et leurs pantoufles, et ils viennent quand je somnole, en m'offrant un compliment, une histoire palpitante ou drôle, des fleurs et des friandises, et parfois un beau chapeau à plumes. Ils parlent à la première personne, c'est ma voix que je crois entendre, c'est ma voix que je crois émettre : “je suis …, je sais …, je veux…, qui me crient “Ne nous crève pas, nous sommes du même sang !”, pustules qui pleurnichent : “Nous sommes ton seul bien, ton seul ornement, continue donc à nous nourrir, il ne t'en coûte pas tellement !”.

Et ils sont nombreux, et ils sont charmants, ils sont pitoyables, ils sont arrogants, ils font du chantage, ils se coalisent mais ces barbares ne respectent rien - rien de vrai, je veux dire, car devant tout le reste, ils sont tire-bouchonnés de respect. C'est grâce à eux que je fais figure, ce sont eux qui occupent la place et tiennent les clefs de l'armoire aux masques. Ils me disent “Nous t'habillons sans nous, comment te présenterais-tu dans le beau monde ?” -Oh plutôt aller nu comme une larve !

Pour combattre ces armées, je n'ai qu'une toute petite épée, à peine visible à l'oeil nu, coupante comme un rasoir, c'est vrai, et très meurtrière. Mais si petite vraiment, que je la perds à chaque instant. Je ne sais jamais où je l'ai fourrée. Et quand je l'ai retrouvée, alors je la trouve lourde à porter, et difficile à manier, ma meurtrière petite épée.

Moi, je sais dire à peine quelques mots, et encore ce sont plutôt des vagissements, tandis qu'eux, ils savent même écrire. Il y en a toujours un dans ma bouche, qui guette mes paroles quand je voudrais parler. Il les écoute, garde tout pour lui, et parle à ma place, avec les mêmes mots - mais son immonde accent. Et c'est grâce à lui qu'on me considère, et qu'on me trouve intelligent. (Mais ceux qui savent ne s'y trompent pas : puissè-je entendre ceux qui savent !)

Ces fantômes me volent tout. Après cela, ils ont beau jeu de m'apitoyer “Nous te protégeons, nous t'exprimons, nous te faisons valoir. Et tu veux nous assassiner ! Mais c'est toi-même que tu déchires, quand tu nous rabroues, quand tu nous tapes méchamment sur notre sensible nez, à nous tes bons amis.”

Et la sale pitié, avec ses tiédeurs, vient m'affaiblir. Contre vous, fantômes, toute la lumière ! Que j'allume la lampe, et vous vous tairez. Que j'ouvre un oeil, et vous disparaîtrez. Car vous êtes du vide sculpté, du néant grimé. Contre vous, la guerre à outrance. Nulle pitié, nulle tolérance. Un seul droit : le droit du plus être.

Mais maintenant, c'est une autre chanson. Ils se sentent repérés. Alors, ils font les conciliants. “En effet, c'est toi le maître. Mais qu'est-ce qu'un maître sans serviteurs ? Garde-nous à nos modestes places, nous promettons de t'aider. Tiens, par exemple : figures-toi que tu veuilles écrire un poème. Comment ferais-tu sans nous ?”

Oui, rebelles, un jour je vous remettrai à vos places. Je vous courberai sous mon joug, je vous nourrirai de foin, et vous étrillerai chaque matin. Mais tant que vous sucerez mon sang et volerez ma parole, oh ! plutôt jamais n'écrire de poèmes !

Voyez la paix qu'on me propose. Fermer les yeux pour ne pas voir le crime. S'agiter du matin au soir pour ne pas voir la mort toujours béante. Se croire victorieux avant d'avoir lutté. Paix de mensonge ! S'accommoder de ses lâchetés, puisque tout le monde s'en accommode. Paix de vaincus ! Un peu de crasse, un peu d'ivrognerie, un peu de blasphème, sous des mots d'esprit, un peu de mascarade, dont on fait vertu, un peu de paresse et de rêverie, et même beaucoup si l'on est artiste, un peu de tout cela, avec, autour, toute une boutique de confiserie de belles paroles, voilà la paix qu'on me propose. Paix de vendus ! Et pour sauvegarder cette paix honteuse, on ferait tout, on ferait la guerre à son semblable. Car il existe une vieille et sûre recette pour conserver toujours la paix en soi : c'est d'accuser toujours les autres. Paix de trahison !

Vous savez maintenant que je veux parler de la guerre sainte.

Celui qui a déclaré cette guerre en lui, il est en paix avec ses semblables, et, bien qu'il soit tout entier le champ de la plus violente bataille, au-dedans du dedans de lui-même règne une paix plus active que toutes les guerres. Et plus règne la paix au- dedans du dedans, dans le silence et la solitude centrale, plus fait rage la guerre contre le tumulte des mensonges et l'innombrable illusion.

Dans ce vaste silence bardé de cris de guerre, caché du dehors par le fuyant mirage du temps, l'éternel vainqueur entend les voix d'autres silences. Seul, ayant dissous l'illusion de n'être pas seul, seul, il n'est plus seul à être seul. Mais je suis séparé de lui par ces armées de fantômes que je dois anéantir. Puissè-je un jour m'installer dans cette citadelle Sur les remparts, que je sois déchiré jusqu'à l'os, pour que le tumulte n'entre pas la chambre royale !

“Mais tuerai-je ?” demande Ardjouna le guerrier. “Payerai-je le tribut à César ?” demande un autre. - tue, est-il répondu, si tu es un tueur. Tu n'as pas le choix. Mais si tes mains se rougissent du sang des ennemis, n'en laisses pas une goutte éclabousser la chambre royale, où attend le vainqueur immobile. - Paie, est-il répondu, mais ne laisse pas César jeter un seul coup d'oeil sur le trésor royal.


Et moi qui n'ai pas d'autre arme, dans le monde de César, que la parole, moi qui n'ai d'autre monnaie, dans le monde de César, que des mots, parlerai-je ?


Je parlerai pour m'appeler à la guerre sainte. Je parlerai pour dénoncer les traîtres que j'ai nourris. Je parlerai pour que mes paroles fassent honte à mes actions, jusqu'au jour où une paix cuirassée de tonnerre règnera dans la chambre de l'éternel vainqueur.

Et parce que j'ai employé le mot de guerre, et que ce mot de guerre n'est plus aujourd'hui un simple bruit que les gens instruits font avec leurs bouches, parce que c'est maintenant un mot sérieux et lourd de sens, on saura que je parle sérieusement et que ce ne sont pas de vains bruits que je fais avec ma bouche.

René Daumal. Printemps 1940.
 
Bon, je vois que y'a de l'amateur de poésie, c'est super!
Je m'y suis remis il y a peu.

Je vous propose mes petits débuts de "retour à la poésie".


NoName:

A l'aube se profile
A tour de rôle
Vent, grêle et pluies folles

Au départ de la course
Amoindris de par le passé
Certains ne feront que passer

Lorsque le soleil se perd
L'obscurité s'installe
A mesure que mes pensées s'emballent

Combien de jours ?
Combien de nuits ?
Avant de ne pouvoir,
- Me relever ?
 
Banadora a dit:
NoName:

A l'aube se profile
A tour de rôle
Vent, grêle et pluies folles

Au départ de la course
Amoindris de par le passé
Certains ne feront que passer

Lorsque le soleil se perd
L'obscurité s'installe
A mesure que mes pensées s'emballent

Combien de jours ?
Combien de nuits ?
Avant de ne pouvoir,
- Me relever ?
"rôle" et "folle" ne riment pas, pour moi !
La rime passé et passer est dommage, aussi.
V3S3 trop long à mon goût, on se perd au milieu.

Pourquoi faire rimer certains vers et pas d'autres ?
 
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