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ET FUCK
Le léopard des neiges (Uncia uncia) est l'une des espèces animales les plus belles et les plus menacées de la planète. Réfugié dans les montagnes de l'Asie centrale, il vit en vase clos et on ne le voit que très rarement. Son pelage gris et blanc, mélangé de rosettes gris foncé, se confond bien avec le paysage rocheux qui lui sert d'habitat.
Cependant, cette fourrure a également contribué à son statut d'espèce menacée. Dans les années 1920, les peaux de léopard des neiges étaient la grande mode, et près de 1000 peaux étaient exportées chaque année d'Asie et de Russie. Le commerce des peaux, quoique interdit, se poursuit illicitement, notamment dans les pays qui n'ont pas pu se remettre de l'effondrement de l'Union Soviétique. Une autre menace liée au braconnage vient de faire surface : le commerce des os. Les os de tigre se faisant rares, les médecines traditionnelles asiatiques ont recours à des succédanés. On rapporte qu'un squelette complet de léopard des neiges a été vendu à 10.000 dollars US.
Le braconnage constitue, certes, un problème, mais la plus importante menace liée à la protection du léopard des neiges est le conflit avec les bergers et les populations nomades. Les moutons et chèvres sauvages constituent les principales proies du léopard des neiges. Ces animaux ont été chassés jusqu'à leur disparition de plusieurs zones montagneuses de l'Asie centrale, tandis que la croissance démographique et celle des troupeaux de bétail exercent une pression accrue sur les populations restantes de léopards des neiges et sur leurs proies. Cette situation ne fait qu'accroître les conflits entre léopards des neiges et populations locales. Conflits à l'issue desquels le félin sort perdant.
Les populations nomades et les bergers dans les Montagnes d'Altai cohabitent avec quelque 700 léopards des neiges. Leur mode de vie traditionnel est resté intact pendant des centaines d'années, basé sur l'élevage des chameaux, des chèvres et des moutons pour la laine et les peaux. Ces produits étaient vendus comme matières premières dans les marchés locaux grâce aux marchands itinérants.
La croissance démographique et l'effondrement, dans les années 1990, d'une économie de marché centralisée, ont dépouillé les bergers de toute source de revenu en dehors de leur bétail. Cette situation a eu pour conséquence l'expansion de l'élevage domestique qui est passé de 20 à 25 millions de têtes de bétail, avant 1990, à environ 33 millions aujourd'hui.
L'augmentation du nombre de têtes de bétail est considéré comme une grande menace pour la biodiversité de la Mongolie. Le surpâturage et la nécessité de disposer de nouveaux pâturages plus grands ont eu pour conséquence la dégradation du sol, la destruction des habitats et l'apparition de plantes vénéneuses. Le problème s'est davantage compliqué avec le nombre croissant de chèvres lié à la forte demande en cachemire des marchés chinois environnants.
La grande compétition entre l'élevage domestique et les moutons (argali) et chèvres (ibex) sauvages est en train d'éliminer ces deux dernières espèces. Face à la disparition de leurs proies naturelles, les léopards des neiges sont obligés de chasser maintenant le bétail qui est plus facile à attraper parce que souvent mal gardé. Cependant, le prix à payer est souvent cher. Bien que la croyance populaire chez les bergers dit que "tuer un léopard est synonyme de malchance", les prédateurs sont souvent tués en représailles aux animaux "volés". De plus, vivant de l'élevage, ils ne voient pas d'un bon oeil les mesures destinées à protéger les léopards des neiges telles que restrictions de pâturage et acceptation de la prédation.
Irbris Enterprises est une entreprise d'artisanat à but non lucratif, mise en place par la Fondation Internationale pour les léopards des neiges avec le soutien de la Fondation David Shepherd pour l'environnement et le Fonds Canadien. Ce projet, dont le nom dans la langue mongole veut dire léopard des neiges, vise à faire tomber les réticences des éleveurs en octroyant aux populations locales une aide financière pour les encourager à contribuer à la protection du léopard des neiges.
Il a été initié au terme d'une étude qui a permis de déterminer ce que les projets de conservation pouvaient bien apporter aux bergers. Certains se sont dit préoccupés par les bas prix des produits bruts de leur bétail, et ont par conséquent demandé de l'aide pour mettre en place des sources alternatives de revenus. Irbis Enterprises a été établie pour fournir la formation et les équipements qui permettent aux bergers de fabriquer des objets d'art en laine et de pouvoir les commercialiser aussi bien en Mongolie qu'au plan international. Une grande partie du prix de vente revient aux bergers, mais 10 pour cent de ce prix est placé dans un fonds de conservation qui peut être utilisé pour résoudre par exemple les problèmes d'adduction d'eau.
La vente de produits finis, et non celle de matières premières, augmente considérablement le revenu des bergers. En guise d'exemple, les bergers peuvent, comme ils en avaient l'habitude, vendre un kilogramme de laine de chameau à l'état brut à environ un dollar US. Ce kilogramme de laine de chameau peut aussi être utilisé pour fabriquer 4 chapeaux, vendus 4 dollars chacun. Mais l'éloignement des marchés a contraint les bergers à dépendre des commerçants itinérants. Cependant, avec Irbis Enterprises, les produits finis sont directement distribués et commercialisés.
Pour bénéficier du programme, les bergers doivent signer des contrats qui stipulent qu'ils utiliseront des pratiques d'élevage respectueuses de l'environnement, et sans danger pour les léopards des neiges ou leurs proies. Cela veut dire qu'ils ne doivent pas braconner, qu'ils doivent accepter la prédation de leur bétail par les félins, éviter les sites de mise bas de l'ibex et de l'argali, et réduire ou stabiliser la taille de leurs troupeaux.
Les accords sont gérés par les membres de Irbis Enterprises, l'équipe du WWF chargé de la protection des léopards des neiges, et le personnel du Parc National. Une prime annuelle de vingt pour cent est allouée si toutes les conditions du contrat sont remplies. En revanche, c'est l'ensemble de la communauté qui perd ce bonus si un seul léopard des neiges, ibex ou argali est tué par un berger. Par ailleurs, chaque berger peut perdre sa prime s'il fait entorse à l'une des lois régissant la protection de la faune ou les restrictions en vigueur sur le pâturage.
Les avantages financiers et la pression de leurs pairs constituent autant de raisons qui incitent les bergers à s'intéresser au programme. Depuis son lancement, en 1998, dans deux endroits différents, le projet enregistre à l'heure actuelle quelques 300 participants issus de 200 familles de quatre zones différentes de la Mongolie. La Fondation Internationale pour la protection du léopard des neiges espère élargir ce modèle à d'autres pays de l'Asie centrale tels le Pakistan, l'Inde et la République du Kirghizistan.
Le projet a non seulement fourni une source de revenu alternative mais il a également contribué à sensibiliser davantage les bergers et la communauté locale à la valeur et aux avantages liés à la protection de la faune sauvage. Mais ce qui est plus important, c'est que Irbis Enterprises a permis aux bergers et aux léopards des neiges de vivre ensemble. Les léopards sont non seulement directement protégés par le projet mais leur proies naturelles aussi. Ainsi, ils ont moins de chance d'occasionner des conflits avec les éleveurs. Ce type de mariage entre développement durable et conservation est capital non seulement dans un pays comme la Mongolie, en plein processus d'industrialisation et de développement économique, mais aussi dans les autres régions du monde.