Ave pour 2018, camarade explorateur de notre histoire et cherchant à en faire sens !
amicale_du_pc a dit:
je vois Spaghetti, avec sa moustache de petit futé intellectuel... C'est une vue de l'esprit, un portrait tout moral. Rien de personnel.
C'est bien d'évoquer les images qui nous viennent en tête dans le cours du dialogue ou multilogue, ça l'enrichit, ça l'étoffe.
Ça ne m'évoquait rien, j'ai googlé
"Spaghetti moustache", et je suis tombé sur ça, qui me parle énormément, sans que je sache encore si c'est ce que tu voulais dire :
Le LAB - Spaghetti (Éléonore Costes)
(
Désolé, ça fait 5-10 minutes que j'essaye, mais impossible de réduire la taille de cette fenêtre Daily Motion !
Si c'est Éléonore Costes qui est la fille de droite qui mène la discussion, elle m'éclate grave, je l'ai précédée dans ce même intérêt et souci très fins pour la langue, les langues, on est en effet le même modèle de "petit fûté intellectuel" et je suis ravi de découvrir qu'il y en a encore sur ce mode chez les "Y" ! Je ne manquerai pas d'aller voir d'autres de ses nombreux sketches !
amicale_du_pc a dit:
As-tu lu l'article sur le président Roosevelt? Tout ce qui tend vers les fanatismes: celui du fascisme, celui de la bohème et de la drogue, est déballé là, avec la conclusion suivante:
"l'Amérique censurée et inavouée comme fondations du mythe Rock'n Roll."
Oui, bien sûr. Je t'en avais accusé réception sans doute trop brièvement :
Lee-O a dit:
Bon, j'insiste peut-être un peu trop sur ce que j'ai à te dire de critique ; j'ai quand même bien aimé le parcours, et beaucoup aimé, notamment, ton superbe et original hommage à FDR, qui m'a toujours beaucoup impressionné (avec Eleanor "at his side"... ou pas), LE Président US qui a failli réussir à reciviliser ces demi-décivilisés (mais bon, Eisenhower derrière, oublie !).
L'Amérique est
structurellement schizophrène. Elle souffre d'avoir dû se déciviliser à moitié en coupant symboliquement les ballots de thé lors de la
Boston Tea Party de 1773 et en "stormant" un continent d'Est en Ouest, comme une vague nécessairement tenue de se ressourcer à la sauvagerie de la "wilderness". Elle jouit d'être devenue une
"avant-garde" du fait même de ce délestage d'une part de civilité. Et n'a jamais eu assez d'intellectualité pour en sublimer de l'utile.
Encore plus que nous, elle avance sans trop savoir où elle va, elle a juste la détermination d'airain d'y aller, où que ce soit. Je ne vois pas là quelque chose à qualifier de
"censuré et inavoué". Ils sont juste fondamentalement bas du front, red necks, mais porteurs de cette part de racines méditerranéo-européennes du berceau de la civilisation. Qui, dans un moment rare (
les 60s), s'est conjugué positivement à leur avant-gardisme délié de trop de poids éthiques pour produire cette espérance d'un avenir "
post-moderne" (
avant même que le concept émerge début 80s), en se ressaisissant authentiquement d'un des fondements civilisationnels, le Christ, et en annonçant l'universalité enfin accomplie, dans une interprétation moderne et utile, de Son message.
Et puisqu'on parle de religion : la schizophrénie américaine, pour moi, se manifeste de façon extrêmement spectaculaire dans la façon dont les colons
britanniques (
souvent des réprouvés, bannis)
ont dégradé la religion, l'ont transformée en un instrument identitaire, à rebours de sa vocation, avec les
"denominations", les multiples déclinaisons de la foi protestante, et une minorité catholique conservant la lettre, les rites, mais bien peu l'esprit. Et de l'autre côté, les Noirs, au tournant du siècle affranchis mais toujours exploités, et qui à partir de leur vie de labeur notamment dans les champs de coton, ont adhéré de tout coeur à la figure et au message du Christ, aux Écritures riches de recommandations morales intuitivement bonnes.
Eux ont magnifié la religion, ils y ont adhéré en pleine ferveur, avec la candeur opportune, et y ont ajouté ce qui a toujours manqué en Europe,
l'engagement du corps et la pulsation vitale habitant la nature originellement africaine. J'en suis fortement ému, voire bouleversé depuis toujours, et n'ai cessé de communier avec cet esprit admirable, en adhérant à et en pratiquant moi-même toutes les musiques issues de cette épiphanie profondément humaine et de fusion constructive des cultures --
blues, gospel, rhythm'n'blues, funk, jazz...
amicale_du_pc a dit:
Ce qui signifie que l'Underground c'est pour le meilleur et pour le pire. C'est comme l'historia des Juifs ou des Arméniens, ou encore d'autres faits qui ont eu lieu.
J'aime bien cet effort de mise en perspective balancée et j'aime bien le rapprochement avec
"l'historia des Juifs ou des Arméniens", qui sonne juste.
amicale_du_pc a dit:
Pour ce qui est de la veulerie, la lâcheté (car c'est cela que tu voulais évoquer je crois...) elle a été si exceptionnelle quand il s'est agit d'une avant-garde perdue sur le chemin de l'émancipation et de l'évolution de l'humanité
Oui, j'ai une part de moi qui pleure en permanence à l'intérieur face à
"la veulerie, la lâcheté", qui est une inclination humaine forte et constatable en continu, et puis une part mettons "christique", s'efforçant à l'humanisme le plus abouti, empathe avec tout prochain, s'efforçant de contre-balancer la désespérance par l'espérance, la perte de foi (
humaniste athée ou panthéiste, aboutissement logique du judéo-christianisme) par le volontarisme de la foi (
de l'élan vital et portant vers le prochain).
Et pourtant, ce n'est certainement pas dans le phénomène majeur qui nous occupe que j'ai trouvé à caractériser et à déplorer beaucoup de veulerie et de lâcheté. Ce qui a péché, c'est plutôt
le manque de moyens pour concrétiser la vision, consubstantiel à une installation à la marge de la conformité sociale et à l'exaltation du geste gratuit authentique, qui fait vivre l'esprit.
amicale_du_pc a dit:
Une dégénérescence est à la pointe d'une avant-garde égarée trop loin...La question est: mais où est passée cette page de l'aventure humaine? Rien n'est établi pour référencer le fait sociologique par son authenticité. Les références sont dénaturées, détournées, mystifiées... On cache !!
Arrête un peu avec les imprécations
"On cache !", si tu veux bien, quand tu y seras prêt.
Vu de chez moi :
"Rien n'est établi" parce que personne n'a vraiment fait le boulot. Pas parce qu'il importait à tel pouvoir ou à tel autre de cacher quoi que ce soit, mais parce que c'est une analyse extrêmement complexe à conduire, et qu'à partir de 1975, on a basculé dans un régime "hystérique" de crises à répétition entrecoupées de percées technologiques accélérées qui ne peuvent avoir que fait tourner la tête à tout le monde, affolé toutes les populations, y compris les sociologues --
qui, de toute façon, ne travaillent pas de la façon "transversale" qu'il faut, se consacrent chacun à un sous-phénomène donné.
Moi, j'ai consacré mon projet existentiel premier à la quête de synthèse civilisationnelle --
où on en est ? du fait de quels tenants ? quel est le sens profond de tel ou tel phénomène majeur moderne ? du coup, quels sont les futurs possibles, souhaitables ou pas ? --, avec mes moyens intellectuels, dont certains aiguisés et d'autres limités. C'était un projet dont l'ambition était peut-être surdimensionnée pour moi, je ne sais pas, l'histoire n'est pas finie. Là, au bout d'un demi-siècle à mouliner, sur "qui je suis et ce que j'ai à dire aux autres", ma hotte est largement pleine, le puzzle de la synthèse est au moins aux 3/4 constitué. C'est très satisfaisant existentiellement, mais j'ai été lent, ça arrive peut-être bien trop tard, et je manque de moyens pour "passer la 4ème".
Quand tu parles de
"l'avant-garde" (US), j'ai dit plus haut pourquoi je ne parlerais pas de
"dégénérescence" : ne peut dégénérer quelque chose qui n'est pas constitué ; l'Amérique, c'est le pratique, l'opportunisme spontané, la direction qui s'adapte en permanence sans trop chercher à structurer. En revanche,
"dégénérescence" s'applique pour moi très bien
à la pointe civilisationnelle franco-européenne : quand tu te civilises trop sans être attentif au sens profond de ce que tu fais sous l'éclairage de progrès civilisationnel, ta vigueur s'assèche, tu deviens trop soucieux de chaque manquement possible à une éthique qui est trop poussée pour rester vivante, tu paralyses ton élan vital collectif de façon plus ou moins prononcée.
Et pour te répondre au fond :
le phénomène hippy --
et même 60s globalement, y compris la VF de Mai '68 --
est puissamment rémanent dans les consciences collectives. Je n'ai pu manquer d'être très marqué par la façon qu'il a eue de faire retour quasi obsédant. Dès la césure transitionnelle des 80s (
bond technologique, retour à une vision positive de l'entreprise et de l'économie) passée, l'imagerie et l'ethos hippy ont fait retour début 90s, pantalons pattes d'ef', colifichets "head", senteurs de patchouli et de santal, bourgeoises de 40-50 balais retrouvant leurs tenues d'ado... et les visuels 60s aussi, tout le toutim. Et puis ça a reflué, et puis c'est revenu. Il m'a semblé que ça suivait un rythme vibratoire à fréquence de plus en plus élevée, jusqu'à sembler pour bonne partie réinstallé durablement dans l'imaginaire collectif.
Il y a là l'expression collective de ce qui est central dans ton discours :
il y avait là une porte, d'avis global, sur un futur qui continue de sembler a priori plus harmonieux que ce qui se déroule maintenant ; au moins, n'en oublions pas l'essence, peut-être qu'elle finira par enfanter ce qu'elle semblait parti pour enfanter.
C'est beau, c'est attachant pour ce que ça signifie d'
élan vital auto-salvateur tout de même, à une époque où l'anti-humanisme, la haine de soi sont dominants. Mais ça ne se fera pas tout seul --
s'il y a encore la place, ce qui n'est pas sûr actuellement --, magiquement ; et il ne sert à rien de supputer que certains auraient pu le faire et y ont mis de la mauvaise volonté ; ou l'ont effectivement fait et le cachent vilainement au reste de l'humanité.
Ça reste à faire, j'en fait ma part, mais je n'ai jamais été foutu de trouver des partenaires pour le faire et je me retrouve par les circonstances de la vie dans un manque de moyens assez marqué. J'espère toujours que ça changera à un moment ou à un autre.
amicale_du_pc a dit:
Quant aux points marqués, si il faut le voir comme ça et bien on sera tjs ex aequo. Il n'y a pas de points ou alors on a les mêmes résultats... C'est un échange. Mais je te fais un Like de Nouvel An. J'attends l'heure 24H. C'est un like amélioré :Idea:
Bien parlé et conçu, camarade, je suis dans le même esprit ! Mon allusion aux
"points marqués" ne connote pas le match de boxe, mais le jeu à plusieurs pour construire, où les points que l'on marque sont des contributions utiles qui font avancer la quête commune.
oOo
Dernièrement, en musique, à la gratte, la "transe" très simple et très efficace de "
Johnny Rivers" me revenait sous les doigts. Sans qu'on puisse en protester, son "tube" absolu, "
John Lee Hooker", enregistré live au Whisky-a-Gogo en 1967 est un objet majeur de cette époque qui est passablement oublié.
"Sans qu'on puisse en protester" parce que c'était un "medley" qui ne créait rien de propre ;
"objet majeur" parce que c'était une sorte de "Rockcollection" en temps réel (
= riche d'un authentique que le petit Frenchy sympathique des années 80 ne pouvait qu'effleurer à peine, et bien tardivement) ; "objet majeur" parce que des millions d'entre nous avons très simplement joui sans réserve à danser le "jerk" en boîte pendant 15 minutes impeccablement orchestrées (
alternance hyper-juste de groove et de moments de suspension pour mieux y revenir joyeusement).
Et c'est toujours aussi bon :
Johnny Rivers - John Lee Hooker - Live At The Whiskey A Go Go
ou encore, avec images du concert :
Johnny Rivers John Lee Hooker LIVE
C'est vraiment impeccable comment ça monte progressivement, et la façon dont ça reste "modal", sur le même accord jouissif -- Mi7 -- 15'44" durant, sans que ça n'emmerde personne, au contraire !
EN-JOY !