Dans le bouquin qui me nourrit en ce moment --
"La jouissance de l'hystérique", cours de 1974 du Pr. Lucien Israël, séance du 7 janvier --, il y a un passage qui exacerbe avec piquant la tension entre les deux spécialités (
les passages entre crochets sont les apartés d'Israël à ses élèves pendant la lecture de la lettre :
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[...] J'ai trouvé ceci dans mon courrier :
Cher Monsieur, Chère Madame, Le dernier numéro de Nouvelle École est consacrée à la psychiatrie, la véritable psychiatrie, à celle qui progresse, qui soigne, qui guérit. À force de se croiser, freudisme et marxisme ont fini par produire, dernière en date de leur oeuvre commune, l'antipsychiatrie. [...] Les adeptes de l'antipsychiatrie oublient que la psychiatrie est une discipline médicale et non une annexe des sciences humaines ou de la littérature. [On voit d'emblée la distinction entre sciences humaines et médecine] Les progrès qu'elle a réalisés depuis 30 ans ne sont dus ni à la psychanalyse ni au freudo-marxisme, mais bien au développement des sciences exactes : [Admirez l'énumération des sciences exactes] psychologie expérimentales, génétique, biologie moléculaire, pharmacologie, pharmacao-psychiatrie, etc. [...]
[...] Si j'ai développé cela, c'est pour qu'il n'y ait pas de malentendu. S'il m'arrive de parler de psychiatrie, ce ne sera pas de cette psychiatrie-là.
>>
Pour schématiser, la psychiatrie, comme l'a souligné Tridi, cherche à traiter les psychopathologies par des
"médications". La psychanalyse, elle, cherche à élucider l'histoire souffrante du sujet.
Si un praticien choisit l'une ou l'autre de ces spécialités, on est fondé à souligner que ce n'est pas tout à fait la même vocation : le psychiatre s'inscrit dans une démarche médicale "classique" (
enfin, classiquement moderne ;>), tandis que celui qui souhaite devenir psychanalyste est plutôt dans une démarche où lui-même (
dans les pas de Freud) a été captivé par la pratique introspective, auto-analysante, pour lui-même, et où son ressort pour pratiquer cet art est plus nettement celui de l'empathie pour ses semblables pareillement souffrants.
Les disciplines sont complémentaires et bon nombre de praticiens, comme le conclue Tridi, se sont formés aux deux spécialités et les pratiquent conjointement. Mais comme l'extrait de lettre d'Israël le met en valeur de façon carrément caricaturale, il y a
une propension à la conflictualité forte entre les praticiens des deux disciplines, avec une inclination de la part d'une partie des psychiatres à rejeter l'acquis freudien sur le même mode que les contempteurs de Freud les plus radicaux (
cf., par exemple, le pavé pamphlétaire de Michel Onfray sur Freud, qui ressort comme bien plus obscurantiste que la critique qu'il prétend faire !). De leur côté, les tenants de l'analyse vont avoir tendance à mépriser ceux qui n'envisagent de soigner qu'à coup de médicaments. À côté, les bisbilles "Macintosh vs PC Windows" qui durent depuis 25 ans, c'est gentillet !
oOo
Tridimensionnel a dit:
C'est bien le tarif d'un psychiatre plein de titres dans le centre de Paris.
Voilà, ça, ce sont des facteurs qui ont du poids dans le prix des séances. Dès qu'on s'éloigne un peu de Paris, c'est plus raisonnable.
Moi, quand j'ai un besoin de soutien psy, ce n'est pas tant celui d'un psychiatre : mes médications, je m'en occupe, et la seule fois où j'ai pris un comprimé de Prozac, en 1995, je me suis instantanément promis de ne plus jamais en prendre un autre ! Pour être complet et juste, je précise que l'Anafranil m'a tout à fait bien sorti de ma 1ère dépression, en 1981. Depuis, j'ai suffisamment avancé pour ne plus être sujet à ces dures périodes où tout horizon positif est bouché et j'ai développé ma pharmacopée perso.
Donc ce dont je peux avoir besoin, c'est d'un soutien psychanalytique, soit parce que mes circonstances de vie sont momentanément trop dures pour que je les encaisse tout seul, soit à des grandes étapes de ma quête auto-analytique où je n'ai pas tout le bagage nécessaire pour avancer seul.
En 2014, j'étais dans le 1er cas, et j'ai choisi de rencontrer la psychanalyste locale, qui a une solide "carte de visite" à faire valoir :
et au sortir du bloc de 8 séances de thérapie ponctuelle, mon sentiment était qu'on aurait pu difficilement mieux m'aider dans ce que j'étais venu chercher ! Elle a tout ce qu'il faut, en ai-je conclu --
y compris une grande humanité -- pour vraiment aider ceux qui la consultent.
Et elle ne fait payer que 70 euros par séance de 45 minutes.
En ce moment, je suis dans le 2ème cas plus haut (
"grande étape"), et je me fais une joie d'aller la revoir.
oOo
Tridimensionnel a dit:
un psychanalyste se forme où il veut selon des méthodes plus ou moins freudiennes, et n'a qu'à lui-même se faire analyser pour ouvrir son cabinet (et encore, s'il est honnête)
J'ajoute à ça qu'un bon ami m'a récemment confié que sa soeur (
de 55 ans, je crois) avait suivi une formation (
publique, me semble-t-il) de 2 ou 3 ans qui, paraît-il, suffit pour entamer une pratique privée de psychothérapie ponctuelle/coaching et que ça a eu l'effet de me tenter sérieusement pour les temps qui viennent.