Brioché (Jean), arracheur de dents qui, vers l’an 1650, se rendit fameux par son talent dans l’art de faire jouer les marionnettes. Après avoir amusé Paris et les provinces, il passa en Suisse et s’arrêta à Soleure, où il donna une représentation en présence d’une assemblée nombreuse, qui ne se doutait pas de ce qu’elle allait voir, car les Suisses ne connaissaient pas les marionnettes. À peine eurent-ils aperçu Pantalon, le diable, le médecin, Polichinelle et leurs bizarres compagnons, qu’ils ouvrirent des yeux effrayés. De mémoire d’homme, on n’avait entendu parler dans le pays d’êtres aussi petits, aussi agiles et aussi babillards que ceux-là. Ils s’imaginèrent que ces petits hommes qui parlaient, dansaient, se battaient et se disputaient si bien ne pouvaient être qu’une troupe de lutins aux ordres de Brioché.
Cette idée se confirmant par les confidences que les spectateurs se faisaient entre eux, quelques-uns coururent chez le juge, et lui dénoncèrent le magicien.
Le juge, épouvanté, ordonna à ses archers d’arrêter le sorcier, et l’obligea à comparaître devant lui. On garrotta Brioché, on l’amena devant le magistrat, qui voulut voir les pièces du procès ; on apporta le théâtre et les démons de Dois, auxquels on ne touchait qu’en frémissant ; et Brioché fut condamné à être brûlé avec son attirail. Cette sentence allait être exécutée, lorsque survint un nommé Dumont, capitaine des gardes suisses au service du roi de France : curieux de voir le magicien français, il reconnut le malheureux Brioché qui l’avait tant fait rire à Paris. Il se rendit en toute hâte chez le juge : après avoir fait suspendre d’un jour l’arrêt, il lui expliqua l’affaire, lui fit comprendre le mécanisme des marionnettes, et obtint l’ordre de mettre Brioché en liberté. Ce dernier revint à Paris, se promettant bien de ne plus songer à faire rire les Suisses dans leur pays[277] .
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