Cette part importante de la souffrance qui réside dans le silence, celui qu’on s’impose ou qu’on nous impose.
Je crois, s’en m’en rendre vraiment compte, que je suis une personne assez entourée, qu’il y a un certain nombre de gens qui me portent de l'intérêt. Pourtant quand j’ai besoin de parler et que je scroll mon répertoire je ne trouve personne à qui. Chacun de ces individus, pour qui j’ai de l’amour ou de l’affinité ou de l’intérêt ou du désir, individuellement je me rend compte au moment de taper sur le clavier que je n’ai pas envie de les déranger. Je ne veux pas qu’ils me repoussent ou me prennent en pitié, qu’ils comprennent de travers ou à moitié ou par leur propre prisme, qu’ils se sentent responsable ou vraiment saoulés. J’ai peur de provoquer une réaction, même quand j’ai besoin de cette réaction, ou non même quand j’ai simplement besoin de deux yeux dans les miens.
J’ai jamais envie de m’imposer et cela même dans les moments où j’en ai le plus besoin, simplement parce que je ne me sens pas légitime. J’ai dû entendre un million de fois les serins de la bonne volonté et de ces gens qui aiment souffrir et des drama-queens et j’en passe de tout ce qu’on peut inventer pour décrédibiliser les voix de la souffrance, s’en protéger.
Alors je vais sur Internet et je parle à des inconnus mais en fait même sur Internet ça me rattrape, je suis sur les groupes et les sites des gens les plus paumés du net et même là je n’ai pas envie d’en parler, parce qu’il y a des gens qui souffrent plus que moi alors je ne suis pas légitime, ou parce que les inconnus s’en branlent de moi alors à quoi bon, ou parce que ça fout une sale ambiance et que le pseudonymat ce n’est pas de l’anonymat.
Pourtant j’ai besoin de parler je crois, quand j’écris je sens ma langue se crisper et mes lèvres se serrer et c’est comme un cri qui ne résonne que dans ma tête. Et à force de ne pas parler je fais n’importe-quoi, je m’imagine n’importe-quoi, mes pensées prennent une place folle, mes émotions sont incontrôlables, j’ai envie de me buter pour que ça s’arrête, + mon esprit s’emballe et + mon corps se tétanise, je ressens de la fatigue et de la lassitude et j’ai encore moins la force de parler.
Je ne sais plus ce qui est à moi et à la souffrance, d’une heure à l’autre je ne suis pas la même personne et je méprise celle que j’étais et celle que je serai, pour la devenir et mépriser l’ancienne et la suivante, et cetera. Je ne sais plus ce qui est tangible, suis-je réelle quand je vais bien ? Quand je vais mal ? Comment dire la vérité ? Comment répondre à la question « ça va » ?
Parfois je trouve l’énergie de briser cette spirale et généralement c’est comme quand j’essaye de faire des ricochets, parfois un parfois deux et puis la pierre tombe dans l’eau et retour sur la rive. J’avoue que c’est douloureux et que j’évite de plus en plus les éventuelles déceptions, j’ai de moins en moins de courage c’est assez nul d’ailleurs.
Certain/e/s trouvent déjà que j’en parle trop : alors je me dis qu’untel a raison, les gens s’en foutent en fait, ils s’en foutent et c’est complètement normal parce qu’ils ont juste autre chose à foutre et c’est la vie. Et je ne jette la pierre à personne car moi-même il m’arrive souvent de silencier les gens en souffrance, autour de moi, juste parce que je n’ai pas envie de m’en mêler, tkt je suis là pour toi mais souffre en silence stp.
Sauf qu’hier j’ai pu parler à une amie, avec de l'hésitation au début et puis finalement ça coulait, c’était normal. Pourquoi cette fois-ci et pas une autre, je ne saurais le dire. Juste une situation qui a mûri : une dispute, une soirée, de l’alcool, un câlin, une promesse, un texto, un dîner, et on parle. Je lui ai raconté que la vie c’est de plus en plus fade et que je vrille et que j’ai besoin d’aide.
C’est pas ça qui me fera échapper à moi-même, mais aujourd’hui j’avais un peu plus de sérénité que la veille et sans drogue s’il-vous-plaît.
Dans les mots « chercher de l’attention » il y a un sous-entendu assez moche comme si c’était malsain et narcissique et pervers d’avoir besoin d’un contact, je trouve ça triste car les gens qui « cherchent de l’attention » sont souvent simplement des gens qui en manquent, qui lorsqu’ils scrollent leur répertoire n’ont pas de pote à qui raconter ce qui les chiffonne, c’est comme lorsqu’on reproche aux mendiants d’avoir faim ou aux SDF d’installer leur tente.
Alors ouais les mendiants, les SDF et les gens seuls peuvent être assez chiants, et l’on n’a pas toujours de quoi leur donner. J’ai pas de réponse. Ce n’est facile pour personne, j’imagine.
En tout cas j’ai toujours peur d’avoir l’air de « chercher de l’attention » mais en fait c’est un besoin vital et il ne faudrait pas en avoir honte.