diaphane a dit:
Après ça, je vais rester prudente, alors je vais dire entre 18/20 ans et maintenant, je me sens pareille dans ma tête, ma façon de voir le monde et de m'y situer. Ce que je nommerais ma personnalité parce que je ne connais pas les termes scientifiques, et bien ça, selon mon ressenti, ça fait des années que c'est fixé.
Bien sûr, il y a sans doute des changements qui continuent sans que je les remarque. Ce n'est bien sûr pas mon but de contester les études des neurologues. Et ma "personnalité" peut, va évoluer. Simplement je ne le ressens plus.
Toutes tes lectures récentes sur les drogues ont modifié tes connexions neuronales et ta vision du monde, dans une assimilation d'informations nouvellement acquises, qui restructurent tes cognitions en phase d’accommodation. Autrement dit tu ne penses plus ni ne réagis de la même façon au sujet des drogues, que ça soit sur le plan moral ou comportemental.
Par rapport à la plasticité cérébrale, on croyait avant qu'à partir de 6 ans c'était plié mais on en est revenu. On a cru qu'à partir de 25 ans c'était finit le développement des neurones, mais on en est aussi revenu, comme le stipule cet article à propos de la
neurogenèse :
"Longtemps, les scientifiques ont cru qu’à partir de 25 ans, le cerveau commençait à perdre ses neurones. On sait aujourd’hui que cette affirmation est erronée. En réalité, comme toutes les autres compétences, la
capacité « plastique » du cerveau est modifiée par le vieillissement normal du cerveau. Pour compenser l’effet de l’âge, l’apprentissage peut être en effet plus long et fatiguant mais la plasticité cérébrale, bien qu’
un peu réduite, est intacte et présente jusqu’à la fin de la vie."
A partir de là faut différencier plein de chose selon les âges, en comprenant comment fonctionnent nos cognitions, d'après nos structures neurales. S'il y a un truc de ouf au niveau du développement cérébral, c'est effectivement lors des trois premières années de vie où tes connexions synaptiques prolifèrent et s'accélèrent via le phénomène de myélinisation (
la myéline c'est une matière qui s'enroule par couche autour des câbles (axones) qui connectent les neurones entre eux et ça dope le transfert nerveux, bref les informations transitent plus vite dans les axones qui électrisent ton cerveau plus à même de comprendre son monde ET agir dessus).
De là se développent tes fonctions exécutives de base, que sont tes facultés :
- d'attention/concentration
- d'inhibition en contrôlant ton comportement
- de mémoire de travail (qui te permet de garder en tête des infos, le temps de traiter le sujet auquel t'es attentionné, sans te divertir grâce à ta capacité de concentration qui lutte contre tes envies de fuir ailleurs).
Plus d'explications dans les trois premières minutes de cette conf'
()
Ensuite de 3 ans à 25 ans t'as tout plein de changements hormonaux et neuronaux qui vont chambouler ta vie, les remaniements pubertaires, les expériences sociales/anti-sociales de l'adolescence avec ses parts d'ascétisme et d'intellectualisme, l'entrée dans l'âge adulte avec les responsabilités que la société attend de toi selon ta classe sociale, ton niveau d'étude, etc. Faudrait aussi parler de la structuration évolutive de nos différentes mémoires, en lien avec nos fonctions exécutives et autres structures cognitives qui régulent notre capacité à comprendre le monde, mais aussi sur le plan relationnel nos complexes, surmontés ou toujours subis, c'est la régulation de ton estime de soi et ta capacité à gérer tes émotions/exprimer tes sentiments, bref tout ça influence notre personnalité dans toutes les dimensions de notre existence.
Puis à 25 ans t'arrive à un stade où t'as compris que les dés étaient pipés, que le monde est profondément injuste et le restera éternellement, et que tes petits bras ne sont pas assez costauds pour porter toute la misère du monde, bref tu te mets dans une case, tu t'épuises dans un taffe qui te permet de te nourrir et te loger en vivant à crédit, et tu fermes tes œillères qui jusque là étaient grandes ouvertes en mode émerveillement total. C'est la désillusion, qui pousse à l'inaction. Fatigue morale +++
Et il n'y a rien de plus dangereux que la passivité routinière au long terme. De fait :
"
In fine, le cerveau sain est comme un muscle qui se nourrit du changement, mais s’atrophie si l’on ne s’en sert pas. L’entraînement va ainsi stimuler les neurones à se remodeler, à s’interconnecter pour établir de nouvelles connexions ou renforcer celles existantes. La neuroplasticité suit donc le principe du
« use it or lose it », c’est-à-dire que les réseaux neuronaux qui ne sont pas mobilisés régulièrement vont se dégrader. "
C'est là qu'intervient la dimension morale, du moins une des formes que l'on peut retrouver dans un certain psychonautisme, quand on regarde pleurer l'enfant en soi parce qu'il ne jouit plus automatiquement d'un émerveillement poussé par une énergie qui depuis s'est tarie. COMMENT RETROUVER cette énergie ?
Cette volonté de puissance, éminemment morale sur un plan physiologique avant tout, sera cette capacité à retrouver une certaine naïveté porteuse de volonté de faire un pas de côté pour voir une chose sous un nouvel angle, ou un pas en avant pour avancer. Juste avancer, parce que c'est ça que de vivre. Quand t'as compris quelque chose, cesser de ruminer en se complaisant dans l'ennui, et aller chercher quelque chose de nouveau. Quitte à approfondir ce que tu sais déjà.
L'homéostasie, l'harmonie entre corps et esprit, c'est en même temps préserver son état immédiat dans un équilibre agréable, mais aussi se développer pour continuellement s'adapter. A partir de là la dimension morale prend un aspect plus commun avec ce que tu jugeras personnellement en bien ou en mal, et sur le plan éthique ce que tu envisageras de faire, ou pas, pour être raccord avec ce que tu penses.
Et tout cet équilibre, qui en passe par un travail de corps et d'esprit constant, avec ces phases d'activité, de recherches, de repos, de répétition des acquis passés pour mieux les engrammer sous forme de souvenirs durables, renforcés, structurants, c'est le résultat du pacte moral que tu auras passé avec toi-même, que ça soit sous psyché, ou pas.
Aujourd'hui les neurosciences constatent qu'un bouleversement paradigmatique suite à une prise de psychédélique est à-même de relancer la machine affectivo-cérébrale qu'est l'humain 2.0, perdu dans cette société dégénérée qui de plus en plus désespère plus qu'elle n'apporte d'entrain et autre forme de vitalité pro-sociale. Quand on ne peut pas changer son monde, changer sa vision du monde - la base de toute philosophie pratique depuis des millénaires. A mettre et remettre en pratique, continuellement, même si parfois quand t'es au fond du trou c'est plus difficile que lorsque t'es en phase ascendante.
Pour en venir au sujet du topic
De là à donner du psyché à des enfants, je pense que ça n'est pas nécessaire. Une éducation adéquate suffira à garder stimulée leur créativité et autre volonté de se décentrer, de dépasser leur égocentrisme/égoïsme naturel individualisant en favorisant une écologie sociale, ainsi qu'en entretenant leur envie d'apprendre à apprendre dans un éternellement recommencement structurant. C'est ainsi, par l'action partagée, la mise en commun de savoir aidant à s'y retrouver, qu'on lutte contre ses parts nihilistes. Et on apprend de ses échecs, ça fait partie du jeu, donc on y va même si ça ne sera pas aussi bien qu'imaginé au départ, pour y revenir plus tard et améliorer les bases initialement posées. Question de sculpture de soi, en communauté.
Le psyché sert surtout à la fin de l’adolescence, lorsque empêtré dans un excès de confort sclérosant, l'individu urbain déconnecté de la nature s'est perdu lui-même en lui-même, et voit ses forces décliner, sa vitalité se faner alors que pointe la vingtaine. Au secours ! Putain on vaut mieux que ça, il nous faut cesser de croire que lorsqu'on veut on peut, c'est de la connerie décourageante dans une sale mise en concurrence. Pour citer Maria Montessori, qui a comprit au siècle passé tout ce que les neurosciences valident aujourd’hui en terme d'apprentissage et d’éducation pro-sociale, "quand on veut, on se meut" (même Brad Pitt le dit dans World War Z : "le mouvement, c'est la vie !").
Si une prise de psyché peut aider à se bouger, se relever, s'(r)éveiller, en retrouvant une certaine foi en soi, une croyance en un idéal politique personnel que l'on souhaiterait voir se produire grâce à des actions collectives stimulantes, alors agissons en commun, en partageant nos sentiments et surtout en nous engageants. Parce qu'on le vaut bien.