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Guest
Doctrine philosophique selon laquelle rien n'existe au sens absolu, négation de toute réalité substantielle, des valeurs morales, et de toute croyance suite à une prise de conscience de l'absurdité du monde tel qu'il est.
Négation des valeurs morales et sociales ainsi que de leur hiérarchie. Du point de vue de l'éthique, le nihilisme réfute l'idée d'une vérité morale procédant d'une hiérarchie des valeurs, la valeur elle-même serait une notion inconsistante aussi bien du point de vue théorique que du point de vue pratique.
Disposition d'esprit caractérisée par le pessimisme et le désenchantement moral après désillusion.
ORIGINES (très simplifiées)
Déjà présent au temps de la Grèce antique, dans une certaine philosophie sceptique pour laquelle rien n'existerait, le nihilisme se retrouve dans chaque révolte lorsque des valeurs établies sont remises en cause, et que le pouvoir basé dessus s’en voit déstabilisé. Vis à vis de notre société occidentale et plus précisément en France, on citera le renversement des valeurs catholiques et monarchiques suite à l’éclairage de la philosophie des Lumières franco/allemande, favorisant notamment la Révolution Française, puis la séparation de l’Église et de l’État en 1905, et enfin l'achèvement de la déchristianisation avec Mai 68, destituant toute autorité patriarcale.
Le nihilisme issu de cette mort de Dieu et de la dévalorisation des valeurs transcendantales, affirmé par Nietzsche dès la fin du 19ème siècle, serait explicable du fait que les croyants eux-même y ont leur part de responsabilité. Effectivement, quand pendant des siècles ils n’ont cessé de dévaloriser le monde réel et naturel en y projetant toute leur valeur en Dieu, c’est lorsque la foi en la croyance d’un au-delà a reculé ou s’est éteinte, qu’il ne resta plus que ce monde dévalorisé, vidé de lui-même et de tout ce qui nous permettrait de l’appréhendé.
C'est donc en ayant déprécier et annihiler les valeurs supérieures que le christianisme se chargeait de véhiculer et transmettre au travers d'un social, qu'aujourd’hui les fins manquent, et que l’autorité n’est plus respectée quand le je-m’en-foutisme fait loi. Il n’est pas de réponse à la question du « à quoi bon ?», l’égoïsme est légitimé et les libertés individuelles priment sur l’intérêt collectif, d’où l’émergence d’une quasi religiosité économique au travers du capitalisme, puis du libéralisme se fichant toujours plus des questions sociales. Si nous sommes aujourd’hui en mesure de penser la mort de Dieu, ainsi que le développement du nihilisme par delà éthique et morale, les démocraties modernes se retrouvent face à un problème de taille à résoudre, à savoir celui de la refondation du pacte républicain, vecteur d'un nécessaire lien social pour fédérer les individus. Mais avant d’y revenir, intéressons-nous aux différents comportements nihilistes.
NIHILISME CONTEMPORAIN
Être nihiliste reviendrait à rechercher un plaisir vain et égoïste, en ne s’intéressant qu’à un nombre limité de choses matérielles au détriment de toutes les autres. Il s’agit de renier toute forme d’intérêt métaphysique, lié à l’esprit et la recherche des causes, des principes, des sens et des fins de l'existence. Ainsi pour le nihiliste, seul compte ce qui est physique et palpable, ce qu’il peut posséder ou aborder plus ou moins immédiatement, et sans effort particulier. C’est donc sans bornes ni règles, que le nihiliste évolue sans valeur supérieure ni idéal autre que le sien propre, mais aussi sans éthique ou morale pour se remettre en question ou se situer dans un ordre établi. Il cherche le plus souvent à satisfaire ses envies et besoins sans prendre en considération l’avis d’autrui, ou plus globalement l’environnement et la société dans lesquels il vit. Il ne se demande pas plus quelle est la portée de ses actes, dans quel schéma il inscrit sa destinée, et pourquoi il en est ainsi...
Égocentrique et narcissique affirmé mais ignoré, c’est avide de désir que le nihiliste s’accapare tout ce qui se plie à sa volonté d’avoir, et c’est en se fichant d’être, qu’il vit au travers du prisme de son égo, le faisant paraitre tel qu’il s’idéalise. Orgueilleux ou vaniteux, c’est focalisé sur mon moi et en s’octroyant tous les droits, et ce parfois sans respecter les lois, que le nihiliste politique conquiert le pouvoir, le nihiliste financier amasse de l’argent, le nihiliste drogué s’administre sa dose, et le nihiliste sexuel enchaine les conquêtes.
Le nihilisme se caractérise dans notre société postmoderne par un oubli de l'être, au profit d'un devenir et d’une volonté aussi insatiable qu’irrationnelle, d’avoir. Le nihilisme contemporain serait donc une réponse à une perte de fondements éthiques et moraux, une manière de vivre sans valeurs fondatrices de respectabilité humaine et sociale. Sans autorité politique et respect inconditionnel de l’être humain, il ne reste aux individus que la dissolution de leur souverainisme dans l’acceptation de l’absurdité de leurs existences respectives, et ce sans possible émancipation individuelle et collective. La société étant de plus en plus complexe, et les esprits de moins en moins éduqués à comprendre ses mécanismes et déterminismes, c’est face à l’angoisse de l’ignorance et les incompréhensions induites par les médias ne mettant pas les informations en perspective, que l’individu butte contre le réel en ne pouvant le saisir véritablement. Pour au final se replier dans une recherche de jouissance toujours plus immédiate, faute de savoir et pouvoir se rendre disponible pour reconnaitre ce qui le tourmente.
Le constat étant que sans appréhender ses tracas et autres ressentis intuitifs (dans le cas où ils ne seraient pas déniés), les conduites individualistes et addictives prédominent. Au delà du simple divertissement, la technologie offre la possibilité de vivre toujours plus en autarcie, grâce à la mise à disposition de divers services en ligne, ou de contacts sociaux virtuels répondant à tous nos besoins, des plus primaires aux plus inutiles. Ainsi le nihilisme est d’autant plus légitimé qu’il épouse une manière d'être libertaire voulue, à laquelle des offres marketings ont répondu, pour que toutes les envies, les désirs et les besoins puissent être assouvis. Et au final plus rien ne compte d’autre que la valeur marchande des biens proposés.
LES CINQ FORMES CLINIQUES DE NIHILISME
- Nihilisme passif (douleur, mélancolie, perte des valeurs, vide, ennui, relâchement, désintérêt et indifférence)
Le nihilisme passif s’apparente à une forme de déprime faisant suite à une désillusion profonde et immédiate. Émotionnellement l’esprit devient morne et plonge dans un vide sans grande conviction ni valeur. La lassitude et l’ennui éteignent les passions, et la démotivation gagne les corps en annihilant toute initiative de s’en sortir. L’individu s’identifie à un néant, à son vide intérieur, et devient toujours plus terne face à un avenir ne semblant jamais prometteur, comme il pense que le monde ne devrait pas être tel qu’il est, et que le monde tel qu'il devrait être n'existe pas. Effectivement pour lui l’existence n’a pas de sens, mais il s’efforce en vain à en trouver un, dans le maigre espoir de se sortir de son état mélancolique continuel. Pour contrer son impuissance face à un monde absurde, le nihiliste consomme ce qui lui est proposé, pour de nouveau jouir, même si ce plaisir n’est que momentané et éphémère. Le summum de la passivité nihiliste étant le désir de non-désir, cet état de mort intérieure faisant que l’on trouve tout vain, au point de ne plus rien vouloir du tout.
- Nihilisme actif (culte de l’action pour l’action, pragmatisme élémentaire, cynisme, manipulation utilitaire, concupiscence)
Il provient toujours une fois l’illusion perdue, dans une réaction intense et tout aussi immédiate que la passivité, sauf qu’il ne s’agit plus d’éprouver, mais de se rebeller pour adopter de nouvelles valeurs en remplaçant celles perdues. Ne se laissant pas abattre par l’absurdité ambiante, l’individu invente de nouvelles valeurs à sa mesure et en vient à prôner l’action plutôt que la raison, parfois à un tel point qu’il agit pour agir sans plus de réflexion, retombant dans une absurdité qu’il fuyait initialement. C’est la forme de nihilisme la plus connue parce que la plus médiatisée, conduisant à la terreur, au terrorisme, ou à l’autodestruction. On la retrouve aussi bien dans le fait de brûler des voitures, que de protester nu en faisant beaucoup de bruit, de se radicaliser en faveur n’importe quelle idéologie, ou de fonder un parti politique soit disant anti-système. Autant d’agitation procure un soulagement face à la perte d’illusion, même si l’on y retrouve cet forme de plaisir momentané et éphémère, et qui ne peut s’inscrire dans un temps long. On notera que les périodes meurtrières de nihilisme actif sont toutes précédées par des moments de nihilisme passif.
- Nihilisme idéal (passion, sublimation, détachement, ascétisme libérateur)
Face au sentiment de néant, l’individu désespéré idéalise ce qui lui arrive pour ne plus le subir. Il transforme l’expérience angoissante du vide en une aspiration idéalisée. C’est la tentation nihiliste d’exister dans le culte du néant, sublimé par une volonté d’absolu, et que l’on retrouve dans la recherche de quiétisme, d’amour mystique, de quête gnostique ou de culte bouddhique.
Le bouddhisme par exemple, est un véritable culte du néant à des fins salvatrices lorsque le nirvana atteint, il libère de tous les tourments suscités par le désir, en vu de guérir de la souffrance et de délivrer de l’angoisse de mort. Il ouvre sur un état « d’éternelle absence lumineuse » ou de « vide rayonnant ». Au travers d’un idéal ascétique, il s’agit de se détacher du monde passionnel, de combattre la concupiscence en calmant les tentations de possession, et se séparer de son ego en répondant favorablement aux exigences de la doctrine suivie. L’idéal nourrit ainsi une puissante illusion, qui d’une part convainc de croire en sa propre puissance narcissique (force, unité, vitalité, volonté, enracinement, spiritualité, profondeur), et d’autre part protège de la souffrance, du désenchantement, et de la mort toujours.
- Nihilisme fervent (jouissance et insouciance)
Le nihilisme idéalisé est un nihilisme ascétique et fervent, reposant donc sur un culte du néant. Son objectif est d’embrasser la plénitude éternelle du rien et la complétude accomplie du vide dans un amour débordant, plutôt que d’en souffrir ou de s’en défendre. Cette ferveur amène le disciple à dépasser l’épreuve de désillusion, en se leurrant au travers d’une nouvelle illusion quasi mystique. Il est possible d’envisager que toutes formes de croyances ou ferveurs religieuses seraient fondées sur une part non négligeable de nihilisme, pour contrer une assise muette de destructivité. L’illusion dans la ferveur d'un idéal assure pureté, puissance et supériorité.
- Nihilisme culturel (intellectualisation, prise de recul)
Il s’agit de transformer l’annihilation en investissement culturel, en tentant de penser ce qui se déroule.
DEUX TENTATIONS NIHILISTES
Le nihiliste le plus passif pense que si la vie n’a pas de sens, elle ne vaut pas la peine d’être vécue. Mais sans pour autant sombrer dans une profonde dépression amenant à un possible suicide libérateur, l’individu compense sa souffrance due à l’absurdité du fait d’exister dans deux principales tentations :
Scepticisme sur fond de pessimisme
La première tentation est de nier l’existence de toute valeur absolue ou transcendante. Si rien n’a vraiment de sens, si aucune valeur ne semble universelle et indiscutable, si le sacré lui-même perd toute signification, l’individu fait preuve d’un relativisme où plus rien n’est absolument certain. En même temps tout se vaudrait, mais à un tel point que plus rien ne vaudrait quoi que ce soit. La principale revendication dans cette tentation, est l’affirmation du droit de l’expression la plus libre, aussi vaine soit-elle.
Divertissement et recherche de plaisir vain
Cette seconde tentation est très répandue dans notre société consumériste. Il s’agit d’oublier jusqu’à son existence même dans un enivrement addictif et quasi frénétique, en satisfaisant toutes ses envies et besoins pulsionnels primaires, pour parer à ses angoisses. Qu’importe le moyen où la passion excitée pour jouir, le nihiliste tire de sa pulsion de mort joie et satisfaction quand en représentant le Bien, il peut tuer le Mal dans une représentation manichéenne. Le problème n’étant pas de se faire plaisir, mais de ne reconnaitre uniquement son propre plaisir dans une recherche constante de consolation et d’oubli de soi, et ce au détriment d’un intérêt porté sur soi et le collectif. A faire de la jouissance une fin en soi, le nihiliste se perd dans un individualisme sacrificiel dont il aura de plus en plus de mal à se sortir, et ce d’autant plus qu’il se noiera dans des illusions lui masquant sa déprime, ses activités déprimantes, et un nouvel horizon plus épanouissant.
FAILLITE DE L’ÉTHIQUE SOCIALE
En ne remontant le temps que d’une cinquantaine d’années, on constate que dans un affaiblissement des valeurs républicaines, pendant la montée en puissance d’un capitalisme des plus libérales et la remise en cause totale des valeurs autoritaires (patriarcales et cléricales), ont prit part dans la société un individualisme égoïste ainsi qu’un hédonisme matériel. Sans respect d’une quelconque autorité faisant foi, avec l’avènement de la technologie pour chacun, et une idéologie omniprésente d’un capitaliste prônant le profit, le soucis de soi a légitimé une culture du narcissisme, dans laquelle les individus se complaisent dans leurs univers respectifs affichés aux yeux de tous (blogs, Facebook, etc). L’indifférence gagnant progressivement les esprits, c'est en se croyant de plus en plus libre de posséder ce qui leur est proposé, mais de moins en moins capable de se rendre compte de leur asservissement, que les individus perdent peu à peu le sens du civisme, de leur souverainisme, et de la citoyenneté.
Et sans prendre véritablement parti et sans réel dépassement de soi, aucun individualisme altruiste n’est possible. Le nihiliste passif se répand dans les classes pauvres et moyennes de la société, quand les politiciens et autres puissants s’activent dans l’ensemble à préserver leur statut et patrimoine avec un cynisme affiché. Les riches sont de plus en plus riche quand les pauvres sont de plus en plus pauvres, et le désintérêt grandissant du peuple pour une classe politique assumant le mensonge, la corruption et le mépris sous prétexte d’exprimer des droits universels et libertaires, gagne les individus qui s’abstiennent toujours plus de voter. Ou alors une majorité vote par contestation, ou pour l’image que reflète un candidat, et non pour ses idées, qui sont toujours présentées comme un contenu publicitaire, et de la manière la plus simpliste et caricaturale, pour être comprises le plus facilement.
Le discrédit généralisé est récupéré par les partis extrémistes, fondant leur propos sur l’absurdité que nous font vivre les partis modérés, qui entretiennent un état de décadence libérale derrière des masques de fausse morale traditionnelle et de bien-pensance répressive. Quand plus grand chose ne fait sens dans une société toujours plus complexe, que plus personne n’est légitime aux yeux de la majorité, et que la loi du marché domine, alors l’angoisse amenant à un repli sur soi narcissique grandit de génération en génération. Et il devient nécessaire de se demander comment nous avons pu en arriver à vivre dans une société caractérisée par le fait que les hommes œuvrant et échangeant ensembles, sont membres d’une collectivité dans laquelle il ne cherchent à travers cette appartenance, qu’à satisfaire leur intérêt particulier.
Éducation au sens large
Déjà au 19ème siècle, Nietzsche pointait du doigt l’éducation, considérée comme une véritable pédagogie de la décadence. Si l’éducation vise à l’amélioration de l’homme, à son perfectionnement moral, et à son accès à la liberté envisagée comme la capacité de maîtriser ses instincts et ses passions, en réalité derrière ce discours idéalisé s’opère une domestication de l’homme. A l’école l’enfant moyen n’apprend pas à penser par lui-même, à lire efficacement, ou à écrire correctement, quand à la maison la télé lui laboure le cerveau, si il ne se divertit pas d’une manière ludique et généralement peu constructive. La publicité est surabondante et les acteurs médiatiques banalisent des comportements narcissiques, l’éthique est ainsi piétinée quand la morale se voit délaissée ou récupérée par des communicants, justifiant les agissements frauduleux de quelques puissants.
L’homme perd ainsi petit à petit l’immense potentiel de son organe psychique, lui conférant de moins en moins de stabilité, d’équilibre et de pesanteur. L’homme urbanisé prend moins conscience de son environnement et de soi, il fait preuve de moins de raison en croyant paradoxalement avoir raison dans son ignorance, et la sagesse, la fidélité aux principes, ainsi que la morale, ne sont plus de mises puisque l’autorité est délégitimée. Aujourd’hui l’individu lambda désire vivre sans lest, ne pas se sentir reconnaissant ou de devoir répondre à un contrat éthique ou moral. C’est le point central de la compréhension de la nature du nihilisme, s’opérant à l’échelle d’une nation ou de l’individu. Le sentiment de continuité, de stabilité, d’équilibre, et de pesanteur de l’être se perdant dans des troubles narcissiques normalisés aux travers de médias ou autres divertissements.
RÉGRESSIONS ET NIHILISME
Le nihilisme latent ne serait que l’expression de notre capacité de régression. Si des études scientifiques montrent que le Qi des individus a augmenté depuis son invention il y a plus d’un siècle, les chiffres ne précisent pas que les individus ont juste appris à toujours mieux répondre aux questions du test, ce qui ne prouvent en rien qu’ils sont globalement plus intelligents. D’autres part, les résultats du test sont en baisse depuis quelques années dans certains pays, et d’autres études scientifiques ont montré que le niveau de réactivité des individus était plus élevé il y a 150 ans, alors qu’aujourd’hui dans notre monde de technologie hyper rapide, il serait tentant mais vain de penser le contraire.
D’autre part on observe une véritable régression de l’activité psychique collective, et un appauvrissement de la vie psychique individuelle. Effectivement il n’y a plus de vision collective comme chacun évolue dans son univers respectif, et la technologie apportant son content de divertissement, il n’est ainsi plus nécessaire de faire l’effort d’imaginer quoique ce soit pour animer et développer sa vie intérieure. Aussi la société imposant de vivre dans « l’urgence de la vie », un lien addictif s’établit entre le fait d’être constamment sollicité et de devoir répondre le plus vite possible, ceci nous amenant à évoluer dans l’urgence et l’intensité d’un stress permanent. Cet état angoissant nous confronte à l’épreuve intense du négatif, et oblige à réagir sur un mode régressif pour ne pas se déprimer devant notre incapacité à faire face à une telle demande. C’est ainsi que sans plus de réflexion nous répondons de manière immédiate, impulsive, et souvent d’une façon inadéquate. L’organisation sociale perd l’équilibre qu’elle avait réussi à établir entre l’idéal du moi (les valeurs positives auxquelles aspire le sujet) et le moi idéal (idéal de toute-puissance infantile), et au final ce déséquilibre régressif profite à narcissiser les individus en les isolant dans leur moi se croyant tout-puissant, faute d’un surmoi assurant une autorité suffisante et un cadre directif commun à tous.
Une fois l’individu aliéné dans ses désirs profonds, et sans modèle de vertu pour prendre du recul sur sa condition, l’irrespect devient permit et chacun en vient à se négliger comme si cela était normal, accepté, voire reconnu au nom du libertarisme. L’éducation transformant les natures passionnées et énergiques que sont les hommes en un véritable bétail laborieux et docile, est-il possible aujourd’hui que le peuple soumis retrouve sa souveraineté et refonde les bases d’une éthique sociale ? la loi régissant les instances et assurant un respect mutuel peut-elle être de nouveau appliquée, à l’égard des faibles comme des puissants ? et sans figure d’autorité respectable, est-il possible que la politique retrouve sa légitimité aux yeux du peuple ?
NIHILISME ET PERTE DU RESPECT INCONDITIONNEL
Le respect inconditionnel induit que l’individu se respecte en tant qu’être humain, indépendamment de ses qualités ou accomplissements. Cette forme d’estime de soi fonctionne en autonomie, selon que l’individu soit en accord avec une valeur qu’il s’est attribué, sans tenir compte du jugement d’autrui. Cette forme d’acceptation consciente et intégrale de soi apparaît être la plus fondamentale pour l’individu, car authentique et dénuée de toute notion de dépendance.
La société capitaliste ayant asservi les individus dans une forme d’esclavagisme moderne, ils sont devenus dépendant de biens matériels indispensables à leur survie dans la société. La technologie étant aujourd’hui indissociable de l’individu, et l’écart générationnel entre les personnes âgées et les plus jeunes est tel, que la transmission de valeurs permettant de comprendre la modernité à partir du passé pour s’y adapter, est impossible. Dans ce déclin de valeurs l’angoisse empêche l’individu d’agir, et dans une réaction à des peurs existentielles, le doute, le relativisme et le scepticisme s’installe dans les esprits. L’homme ne peut plus croire en son histoire comme elle est bafouée ou remise en cause selon les communicants, et il en vient à ne plus croire en la réalisation du souverain-bien, de la vertu et d’un possible bonheur. Il ne lui reste plus que l’absurdité présentée par les médias, et la question « à quoi bon être bon ? », si plus aucune valeur n'est respectée, si la justice est délaissé, et que l’homme dans son essence existentielle est abandonné aux lois d’un marché financier amoral et cynique ?
Dans ce cadre là à quoi bon refouler ses penchants les moins avouables et s’efforcer de dompter l’irascible animal sommeillant en nous..? autant se prélasser et en faire le moins possible vis à vis de soi-même et d’autrui, en se contentant du stricte nécessaire. Sans respect inconditionnel de sa personne, il n’est peu de raison qui résiste au fait de sombrer dans la dévalorisation vaniteuse d’autrui pour tenter de s’estimer assez pour croire que l'on vaut quelque chose. Et ce conditionnement est de plus en présent dans les cercles du pouvoir, comme sur le web ou dans les cours de récrées. Si l’estime de soi se mérite de plus en plus difficilement, le respect conditionnel du vaniteux narcissique affirmé est à la portée du premier venu, en laissant s’exprimer ses passions tristes et pulsion de mort à défaut d’avoir appris à éveiller ce qu’il y a de joyeux et bon chez lui.
Pour remédier à ce nihilisme passif auto-destructeur, le sentiment d’absurdité généralisé doit être appréhendé comme une expérience immédiate, et doit être réfléchie pour être transformé en un autre nihilisme plus enjoué, constructif et vitaliste. Si le nihilisme nous dévoile le néant, il ne faut alors ni en faire un culte en croyant s’y soustraire par une quelconque idéalisation idéologique, ni le combattre par une surenchère de violence. Pourquoi pas commencer par le comprendre, et réfléchir à des solutions probantes et adéquates pour remplir le vide de notre intériorité, et d'ainsi retrouver la force d’agir et non plus de réagir à des stimulus nous conditionnant à consommer, ou penser d’une certaine manière. Si le nihilisme peut être un fléau déprimant, il peut d’un autre côté nous dévoiler le néant au travers d’une reconnaissance de l’absence de valeurs essentielles, et nous permettre d’intellectualiser et conscientiser nos tourments, pour ainsi découvrir que ce qui avait été caché à l’humanité, que ce qu’elle se cachait à elle-même par vanité et par orgueil, c’était en fait sa capacité à surmonter ses propres peurs et sa propre flemme d'agir, au lieu de simplement réagir.
A mon sens nous avons besoin de retrouver une part de spiritualité perdue, je ne parle pas de refonder une religion transcendantale avec un fonctionnement vertical imposant son dictat, mais de redonner des valeurs sacrées à ce qui dépasse tous les individus, c’est à dire la nature et l’Éthique. Des valeurs d’immanence valorisant la nature et l’homme, permettrait de repositionner celui-ci à sa place dans le tout de notre environnement, c'est à dire dans la nature, et non au dessus des lois naturelles qui nous déterminent. Dans cette idée il s’agirait de redonner du crédit à l’homme et du sens à son existence au travers du lien social et du devoir, parce qu'il semble désormais primordial que l’homme se doit de protéger la terre sur laquelle il vit, au lieu de la détruire massivement comme c’est le cas...jamais nous n’avons atteint un tel degré de nihilisme en détruisant notre environnement, et ce malgré le fait que nous soyons conscients des risques majeurs encourus à l’échelle planétaire. Nous avons besoin de valeurs éthiques et morales, pour nous estimer inconditionnellement de part notre nature humaine, et non d'après nos constructions culturelles qui sont aujourd’hui viciées. Je prends le parti de lutter contre l’exclusion et les inégalités, de condamner l’asservissement et l’exploitation de l’homme par l’homme en ré-affirmant la valeur sacrée de celui-ci, pour le défendre là où il est menacé, mais aussi pour protéger la nature d'une économie avide de profit.
Négation des valeurs morales et sociales ainsi que de leur hiérarchie. Du point de vue de l'éthique, le nihilisme réfute l'idée d'une vérité morale procédant d'une hiérarchie des valeurs, la valeur elle-même serait une notion inconsistante aussi bien du point de vue théorique que du point de vue pratique.
Disposition d'esprit caractérisée par le pessimisme et le désenchantement moral après désillusion.
ORIGINES (très simplifiées)
Déjà présent au temps de la Grèce antique, dans une certaine philosophie sceptique pour laquelle rien n'existerait, le nihilisme se retrouve dans chaque révolte lorsque des valeurs établies sont remises en cause, et que le pouvoir basé dessus s’en voit déstabilisé. Vis à vis de notre société occidentale et plus précisément en France, on citera le renversement des valeurs catholiques et monarchiques suite à l’éclairage de la philosophie des Lumières franco/allemande, favorisant notamment la Révolution Française, puis la séparation de l’Église et de l’État en 1905, et enfin l'achèvement de la déchristianisation avec Mai 68, destituant toute autorité patriarcale.
Le nihilisme issu de cette mort de Dieu et de la dévalorisation des valeurs transcendantales, affirmé par Nietzsche dès la fin du 19ème siècle, serait explicable du fait que les croyants eux-même y ont leur part de responsabilité. Effectivement, quand pendant des siècles ils n’ont cessé de dévaloriser le monde réel et naturel en y projetant toute leur valeur en Dieu, c’est lorsque la foi en la croyance d’un au-delà a reculé ou s’est éteinte, qu’il ne resta plus que ce monde dévalorisé, vidé de lui-même et de tout ce qui nous permettrait de l’appréhendé.
C'est donc en ayant déprécier et annihiler les valeurs supérieures que le christianisme se chargeait de véhiculer et transmettre au travers d'un social, qu'aujourd’hui les fins manquent, et que l’autorité n’est plus respectée quand le je-m’en-foutisme fait loi. Il n’est pas de réponse à la question du « à quoi bon ?», l’égoïsme est légitimé et les libertés individuelles priment sur l’intérêt collectif, d’où l’émergence d’une quasi religiosité économique au travers du capitalisme, puis du libéralisme se fichant toujours plus des questions sociales. Si nous sommes aujourd’hui en mesure de penser la mort de Dieu, ainsi que le développement du nihilisme par delà éthique et morale, les démocraties modernes se retrouvent face à un problème de taille à résoudre, à savoir celui de la refondation du pacte républicain, vecteur d'un nécessaire lien social pour fédérer les individus. Mais avant d’y revenir, intéressons-nous aux différents comportements nihilistes.
NIHILISME CONTEMPORAIN
Être nihiliste reviendrait à rechercher un plaisir vain et égoïste, en ne s’intéressant qu’à un nombre limité de choses matérielles au détriment de toutes les autres. Il s’agit de renier toute forme d’intérêt métaphysique, lié à l’esprit et la recherche des causes, des principes, des sens et des fins de l'existence. Ainsi pour le nihiliste, seul compte ce qui est physique et palpable, ce qu’il peut posséder ou aborder plus ou moins immédiatement, et sans effort particulier. C’est donc sans bornes ni règles, que le nihiliste évolue sans valeur supérieure ni idéal autre que le sien propre, mais aussi sans éthique ou morale pour se remettre en question ou se situer dans un ordre établi. Il cherche le plus souvent à satisfaire ses envies et besoins sans prendre en considération l’avis d’autrui, ou plus globalement l’environnement et la société dans lesquels il vit. Il ne se demande pas plus quelle est la portée de ses actes, dans quel schéma il inscrit sa destinée, et pourquoi il en est ainsi...
Égocentrique et narcissique affirmé mais ignoré, c’est avide de désir que le nihiliste s’accapare tout ce qui se plie à sa volonté d’avoir, et c’est en se fichant d’être, qu’il vit au travers du prisme de son égo, le faisant paraitre tel qu’il s’idéalise. Orgueilleux ou vaniteux, c’est focalisé sur mon moi et en s’octroyant tous les droits, et ce parfois sans respecter les lois, que le nihiliste politique conquiert le pouvoir, le nihiliste financier amasse de l’argent, le nihiliste drogué s’administre sa dose, et le nihiliste sexuel enchaine les conquêtes.
Le nihilisme se caractérise dans notre société postmoderne par un oubli de l'être, au profit d'un devenir et d’une volonté aussi insatiable qu’irrationnelle, d’avoir. Le nihilisme contemporain serait donc une réponse à une perte de fondements éthiques et moraux, une manière de vivre sans valeurs fondatrices de respectabilité humaine et sociale. Sans autorité politique et respect inconditionnel de l’être humain, il ne reste aux individus que la dissolution de leur souverainisme dans l’acceptation de l’absurdité de leurs existences respectives, et ce sans possible émancipation individuelle et collective. La société étant de plus en plus complexe, et les esprits de moins en moins éduqués à comprendre ses mécanismes et déterminismes, c’est face à l’angoisse de l’ignorance et les incompréhensions induites par les médias ne mettant pas les informations en perspective, que l’individu butte contre le réel en ne pouvant le saisir véritablement. Pour au final se replier dans une recherche de jouissance toujours plus immédiate, faute de savoir et pouvoir se rendre disponible pour reconnaitre ce qui le tourmente.
Le constat étant que sans appréhender ses tracas et autres ressentis intuitifs (dans le cas où ils ne seraient pas déniés), les conduites individualistes et addictives prédominent. Au delà du simple divertissement, la technologie offre la possibilité de vivre toujours plus en autarcie, grâce à la mise à disposition de divers services en ligne, ou de contacts sociaux virtuels répondant à tous nos besoins, des plus primaires aux plus inutiles. Ainsi le nihilisme est d’autant plus légitimé qu’il épouse une manière d'être libertaire voulue, à laquelle des offres marketings ont répondu, pour que toutes les envies, les désirs et les besoins puissent être assouvis. Et au final plus rien ne compte d’autre que la valeur marchande des biens proposés.
LES CINQ FORMES CLINIQUES DE NIHILISME
- Nihilisme passif (douleur, mélancolie, perte des valeurs, vide, ennui, relâchement, désintérêt et indifférence)
Le nihilisme passif s’apparente à une forme de déprime faisant suite à une désillusion profonde et immédiate. Émotionnellement l’esprit devient morne et plonge dans un vide sans grande conviction ni valeur. La lassitude et l’ennui éteignent les passions, et la démotivation gagne les corps en annihilant toute initiative de s’en sortir. L’individu s’identifie à un néant, à son vide intérieur, et devient toujours plus terne face à un avenir ne semblant jamais prometteur, comme il pense que le monde ne devrait pas être tel qu’il est, et que le monde tel qu'il devrait être n'existe pas. Effectivement pour lui l’existence n’a pas de sens, mais il s’efforce en vain à en trouver un, dans le maigre espoir de se sortir de son état mélancolique continuel. Pour contrer son impuissance face à un monde absurde, le nihiliste consomme ce qui lui est proposé, pour de nouveau jouir, même si ce plaisir n’est que momentané et éphémère. Le summum de la passivité nihiliste étant le désir de non-désir, cet état de mort intérieure faisant que l’on trouve tout vain, au point de ne plus rien vouloir du tout.
- Nihilisme actif (culte de l’action pour l’action, pragmatisme élémentaire, cynisme, manipulation utilitaire, concupiscence)
Il provient toujours une fois l’illusion perdue, dans une réaction intense et tout aussi immédiate que la passivité, sauf qu’il ne s’agit plus d’éprouver, mais de se rebeller pour adopter de nouvelles valeurs en remplaçant celles perdues. Ne se laissant pas abattre par l’absurdité ambiante, l’individu invente de nouvelles valeurs à sa mesure et en vient à prôner l’action plutôt que la raison, parfois à un tel point qu’il agit pour agir sans plus de réflexion, retombant dans une absurdité qu’il fuyait initialement. C’est la forme de nihilisme la plus connue parce que la plus médiatisée, conduisant à la terreur, au terrorisme, ou à l’autodestruction. On la retrouve aussi bien dans le fait de brûler des voitures, que de protester nu en faisant beaucoup de bruit, de se radicaliser en faveur n’importe quelle idéologie, ou de fonder un parti politique soit disant anti-système. Autant d’agitation procure un soulagement face à la perte d’illusion, même si l’on y retrouve cet forme de plaisir momentané et éphémère, et qui ne peut s’inscrire dans un temps long. On notera que les périodes meurtrières de nihilisme actif sont toutes précédées par des moments de nihilisme passif.
- Nihilisme idéal (passion, sublimation, détachement, ascétisme libérateur)
Face au sentiment de néant, l’individu désespéré idéalise ce qui lui arrive pour ne plus le subir. Il transforme l’expérience angoissante du vide en une aspiration idéalisée. C’est la tentation nihiliste d’exister dans le culte du néant, sublimé par une volonté d’absolu, et que l’on retrouve dans la recherche de quiétisme, d’amour mystique, de quête gnostique ou de culte bouddhique.
Le bouddhisme par exemple, est un véritable culte du néant à des fins salvatrices lorsque le nirvana atteint, il libère de tous les tourments suscités par le désir, en vu de guérir de la souffrance et de délivrer de l’angoisse de mort. Il ouvre sur un état « d’éternelle absence lumineuse » ou de « vide rayonnant ». Au travers d’un idéal ascétique, il s’agit de se détacher du monde passionnel, de combattre la concupiscence en calmant les tentations de possession, et se séparer de son ego en répondant favorablement aux exigences de la doctrine suivie. L’idéal nourrit ainsi une puissante illusion, qui d’une part convainc de croire en sa propre puissance narcissique (force, unité, vitalité, volonté, enracinement, spiritualité, profondeur), et d’autre part protège de la souffrance, du désenchantement, et de la mort toujours.
- Nihilisme fervent (jouissance et insouciance)
Le nihilisme idéalisé est un nihilisme ascétique et fervent, reposant donc sur un culte du néant. Son objectif est d’embrasser la plénitude éternelle du rien et la complétude accomplie du vide dans un amour débordant, plutôt que d’en souffrir ou de s’en défendre. Cette ferveur amène le disciple à dépasser l’épreuve de désillusion, en se leurrant au travers d’une nouvelle illusion quasi mystique. Il est possible d’envisager que toutes formes de croyances ou ferveurs religieuses seraient fondées sur une part non négligeable de nihilisme, pour contrer une assise muette de destructivité. L’illusion dans la ferveur d'un idéal assure pureté, puissance et supériorité.
- Nihilisme culturel (intellectualisation, prise de recul)
Il s’agit de transformer l’annihilation en investissement culturel, en tentant de penser ce qui se déroule.
DEUX TENTATIONS NIHILISTES
Le nihiliste le plus passif pense que si la vie n’a pas de sens, elle ne vaut pas la peine d’être vécue. Mais sans pour autant sombrer dans une profonde dépression amenant à un possible suicide libérateur, l’individu compense sa souffrance due à l’absurdité du fait d’exister dans deux principales tentations :
Scepticisme sur fond de pessimisme
La première tentation est de nier l’existence de toute valeur absolue ou transcendante. Si rien n’a vraiment de sens, si aucune valeur ne semble universelle et indiscutable, si le sacré lui-même perd toute signification, l’individu fait preuve d’un relativisme où plus rien n’est absolument certain. En même temps tout se vaudrait, mais à un tel point que plus rien ne vaudrait quoi que ce soit. La principale revendication dans cette tentation, est l’affirmation du droit de l’expression la plus libre, aussi vaine soit-elle.
Divertissement et recherche de plaisir vain
Cette seconde tentation est très répandue dans notre société consumériste. Il s’agit d’oublier jusqu’à son existence même dans un enivrement addictif et quasi frénétique, en satisfaisant toutes ses envies et besoins pulsionnels primaires, pour parer à ses angoisses. Qu’importe le moyen où la passion excitée pour jouir, le nihiliste tire de sa pulsion de mort joie et satisfaction quand en représentant le Bien, il peut tuer le Mal dans une représentation manichéenne. Le problème n’étant pas de se faire plaisir, mais de ne reconnaitre uniquement son propre plaisir dans une recherche constante de consolation et d’oubli de soi, et ce au détriment d’un intérêt porté sur soi et le collectif. A faire de la jouissance une fin en soi, le nihiliste se perd dans un individualisme sacrificiel dont il aura de plus en plus de mal à se sortir, et ce d’autant plus qu’il se noiera dans des illusions lui masquant sa déprime, ses activités déprimantes, et un nouvel horizon plus épanouissant.
FAILLITE DE L’ÉTHIQUE SOCIALE
En ne remontant le temps que d’une cinquantaine d’années, on constate que dans un affaiblissement des valeurs républicaines, pendant la montée en puissance d’un capitalisme des plus libérales et la remise en cause totale des valeurs autoritaires (patriarcales et cléricales), ont prit part dans la société un individualisme égoïste ainsi qu’un hédonisme matériel. Sans respect d’une quelconque autorité faisant foi, avec l’avènement de la technologie pour chacun, et une idéologie omniprésente d’un capitaliste prônant le profit, le soucis de soi a légitimé une culture du narcissisme, dans laquelle les individus se complaisent dans leurs univers respectifs affichés aux yeux de tous (blogs, Facebook, etc). L’indifférence gagnant progressivement les esprits, c'est en se croyant de plus en plus libre de posséder ce qui leur est proposé, mais de moins en moins capable de se rendre compte de leur asservissement, que les individus perdent peu à peu le sens du civisme, de leur souverainisme, et de la citoyenneté.
Et sans prendre véritablement parti et sans réel dépassement de soi, aucun individualisme altruiste n’est possible. Le nihiliste passif se répand dans les classes pauvres et moyennes de la société, quand les politiciens et autres puissants s’activent dans l’ensemble à préserver leur statut et patrimoine avec un cynisme affiché. Les riches sont de plus en plus riche quand les pauvres sont de plus en plus pauvres, et le désintérêt grandissant du peuple pour une classe politique assumant le mensonge, la corruption et le mépris sous prétexte d’exprimer des droits universels et libertaires, gagne les individus qui s’abstiennent toujours plus de voter. Ou alors une majorité vote par contestation, ou pour l’image que reflète un candidat, et non pour ses idées, qui sont toujours présentées comme un contenu publicitaire, et de la manière la plus simpliste et caricaturale, pour être comprises le plus facilement.
Le discrédit généralisé est récupéré par les partis extrémistes, fondant leur propos sur l’absurdité que nous font vivre les partis modérés, qui entretiennent un état de décadence libérale derrière des masques de fausse morale traditionnelle et de bien-pensance répressive. Quand plus grand chose ne fait sens dans une société toujours plus complexe, que plus personne n’est légitime aux yeux de la majorité, et que la loi du marché domine, alors l’angoisse amenant à un repli sur soi narcissique grandit de génération en génération. Et il devient nécessaire de se demander comment nous avons pu en arriver à vivre dans une société caractérisée par le fait que les hommes œuvrant et échangeant ensembles, sont membres d’une collectivité dans laquelle il ne cherchent à travers cette appartenance, qu’à satisfaire leur intérêt particulier.
Éducation au sens large
Déjà au 19ème siècle, Nietzsche pointait du doigt l’éducation, considérée comme une véritable pédagogie de la décadence. Si l’éducation vise à l’amélioration de l’homme, à son perfectionnement moral, et à son accès à la liberté envisagée comme la capacité de maîtriser ses instincts et ses passions, en réalité derrière ce discours idéalisé s’opère une domestication de l’homme. A l’école l’enfant moyen n’apprend pas à penser par lui-même, à lire efficacement, ou à écrire correctement, quand à la maison la télé lui laboure le cerveau, si il ne se divertit pas d’une manière ludique et généralement peu constructive. La publicité est surabondante et les acteurs médiatiques banalisent des comportements narcissiques, l’éthique est ainsi piétinée quand la morale se voit délaissée ou récupérée par des communicants, justifiant les agissements frauduleux de quelques puissants.
L’homme perd ainsi petit à petit l’immense potentiel de son organe psychique, lui conférant de moins en moins de stabilité, d’équilibre et de pesanteur. L’homme urbanisé prend moins conscience de son environnement et de soi, il fait preuve de moins de raison en croyant paradoxalement avoir raison dans son ignorance, et la sagesse, la fidélité aux principes, ainsi que la morale, ne sont plus de mises puisque l’autorité est délégitimée. Aujourd’hui l’individu lambda désire vivre sans lest, ne pas se sentir reconnaissant ou de devoir répondre à un contrat éthique ou moral. C’est le point central de la compréhension de la nature du nihilisme, s’opérant à l’échelle d’une nation ou de l’individu. Le sentiment de continuité, de stabilité, d’équilibre, et de pesanteur de l’être se perdant dans des troubles narcissiques normalisés aux travers de médias ou autres divertissements.
RÉGRESSIONS ET NIHILISME
Le nihilisme latent ne serait que l’expression de notre capacité de régression. Si des études scientifiques montrent que le Qi des individus a augmenté depuis son invention il y a plus d’un siècle, les chiffres ne précisent pas que les individus ont juste appris à toujours mieux répondre aux questions du test, ce qui ne prouvent en rien qu’ils sont globalement plus intelligents. D’autres part, les résultats du test sont en baisse depuis quelques années dans certains pays, et d’autres études scientifiques ont montré que le niveau de réactivité des individus était plus élevé il y a 150 ans, alors qu’aujourd’hui dans notre monde de technologie hyper rapide, il serait tentant mais vain de penser le contraire.
D’autre part on observe une véritable régression de l’activité psychique collective, et un appauvrissement de la vie psychique individuelle. Effectivement il n’y a plus de vision collective comme chacun évolue dans son univers respectif, et la technologie apportant son content de divertissement, il n’est ainsi plus nécessaire de faire l’effort d’imaginer quoique ce soit pour animer et développer sa vie intérieure. Aussi la société imposant de vivre dans « l’urgence de la vie », un lien addictif s’établit entre le fait d’être constamment sollicité et de devoir répondre le plus vite possible, ceci nous amenant à évoluer dans l’urgence et l’intensité d’un stress permanent. Cet état angoissant nous confronte à l’épreuve intense du négatif, et oblige à réagir sur un mode régressif pour ne pas se déprimer devant notre incapacité à faire face à une telle demande. C’est ainsi que sans plus de réflexion nous répondons de manière immédiate, impulsive, et souvent d’une façon inadéquate. L’organisation sociale perd l’équilibre qu’elle avait réussi à établir entre l’idéal du moi (les valeurs positives auxquelles aspire le sujet) et le moi idéal (idéal de toute-puissance infantile), et au final ce déséquilibre régressif profite à narcissiser les individus en les isolant dans leur moi se croyant tout-puissant, faute d’un surmoi assurant une autorité suffisante et un cadre directif commun à tous.
Une fois l’individu aliéné dans ses désirs profonds, et sans modèle de vertu pour prendre du recul sur sa condition, l’irrespect devient permit et chacun en vient à se négliger comme si cela était normal, accepté, voire reconnu au nom du libertarisme. L’éducation transformant les natures passionnées et énergiques que sont les hommes en un véritable bétail laborieux et docile, est-il possible aujourd’hui que le peuple soumis retrouve sa souveraineté et refonde les bases d’une éthique sociale ? la loi régissant les instances et assurant un respect mutuel peut-elle être de nouveau appliquée, à l’égard des faibles comme des puissants ? et sans figure d’autorité respectable, est-il possible que la politique retrouve sa légitimité aux yeux du peuple ?
NIHILISME ET PERTE DU RESPECT INCONDITIONNEL
Le respect inconditionnel induit que l’individu se respecte en tant qu’être humain, indépendamment de ses qualités ou accomplissements. Cette forme d’estime de soi fonctionne en autonomie, selon que l’individu soit en accord avec une valeur qu’il s’est attribué, sans tenir compte du jugement d’autrui. Cette forme d’acceptation consciente et intégrale de soi apparaît être la plus fondamentale pour l’individu, car authentique et dénuée de toute notion de dépendance.
La société capitaliste ayant asservi les individus dans une forme d’esclavagisme moderne, ils sont devenus dépendant de biens matériels indispensables à leur survie dans la société. La technologie étant aujourd’hui indissociable de l’individu, et l’écart générationnel entre les personnes âgées et les plus jeunes est tel, que la transmission de valeurs permettant de comprendre la modernité à partir du passé pour s’y adapter, est impossible. Dans ce déclin de valeurs l’angoisse empêche l’individu d’agir, et dans une réaction à des peurs existentielles, le doute, le relativisme et le scepticisme s’installe dans les esprits. L’homme ne peut plus croire en son histoire comme elle est bafouée ou remise en cause selon les communicants, et il en vient à ne plus croire en la réalisation du souverain-bien, de la vertu et d’un possible bonheur. Il ne lui reste plus que l’absurdité présentée par les médias, et la question « à quoi bon être bon ? », si plus aucune valeur n'est respectée, si la justice est délaissé, et que l’homme dans son essence existentielle est abandonné aux lois d’un marché financier amoral et cynique ?
Dans ce cadre là à quoi bon refouler ses penchants les moins avouables et s’efforcer de dompter l’irascible animal sommeillant en nous..? autant se prélasser et en faire le moins possible vis à vis de soi-même et d’autrui, en se contentant du stricte nécessaire. Sans respect inconditionnel de sa personne, il n’est peu de raison qui résiste au fait de sombrer dans la dévalorisation vaniteuse d’autrui pour tenter de s’estimer assez pour croire que l'on vaut quelque chose. Et ce conditionnement est de plus en présent dans les cercles du pouvoir, comme sur le web ou dans les cours de récrées. Si l’estime de soi se mérite de plus en plus difficilement, le respect conditionnel du vaniteux narcissique affirmé est à la portée du premier venu, en laissant s’exprimer ses passions tristes et pulsion de mort à défaut d’avoir appris à éveiller ce qu’il y a de joyeux et bon chez lui.
Pour remédier à ce nihilisme passif auto-destructeur, le sentiment d’absurdité généralisé doit être appréhendé comme une expérience immédiate, et doit être réfléchie pour être transformé en un autre nihilisme plus enjoué, constructif et vitaliste. Si le nihilisme nous dévoile le néant, il ne faut alors ni en faire un culte en croyant s’y soustraire par une quelconque idéalisation idéologique, ni le combattre par une surenchère de violence. Pourquoi pas commencer par le comprendre, et réfléchir à des solutions probantes et adéquates pour remplir le vide de notre intériorité, et d'ainsi retrouver la force d’agir et non plus de réagir à des stimulus nous conditionnant à consommer, ou penser d’une certaine manière. Si le nihilisme peut être un fléau déprimant, il peut d’un autre côté nous dévoiler le néant au travers d’une reconnaissance de l’absence de valeurs essentielles, et nous permettre d’intellectualiser et conscientiser nos tourments, pour ainsi découvrir que ce qui avait été caché à l’humanité, que ce qu’elle se cachait à elle-même par vanité et par orgueil, c’était en fait sa capacité à surmonter ses propres peurs et sa propre flemme d'agir, au lieu de simplement réagir.
A mon sens nous avons besoin de retrouver une part de spiritualité perdue, je ne parle pas de refonder une religion transcendantale avec un fonctionnement vertical imposant son dictat, mais de redonner des valeurs sacrées à ce qui dépasse tous les individus, c’est à dire la nature et l’Éthique. Des valeurs d’immanence valorisant la nature et l’homme, permettrait de repositionner celui-ci à sa place dans le tout de notre environnement, c'est à dire dans la nature, et non au dessus des lois naturelles qui nous déterminent. Dans cette idée il s’agirait de redonner du crédit à l’homme et du sens à son existence au travers du lien social et du devoir, parce qu'il semble désormais primordial que l’homme se doit de protéger la terre sur laquelle il vit, au lieu de la détruire massivement comme c’est le cas...jamais nous n’avons atteint un tel degré de nihilisme en détruisant notre environnement, et ce malgré le fait que nous soyons conscients des risques majeurs encourus à l’échelle planétaire. Nous avons besoin de valeurs éthiques et morales, pour nous estimer inconditionnellement de part notre nature humaine, et non d'après nos constructions culturelles qui sont aujourd’hui viciées. Je prends le parti de lutter contre l’exclusion et les inégalités, de condamner l’asservissement et l’exploitation de l’homme par l’homme en ré-affirmant la valeur sacrée de celui-ci, pour le défendre là où il est menacé, mais aussi pour protéger la nature d'une économie avide de profit.