@Lotre : Tu peux le trouver facilement en pdf... J'ai survolé vite fait et j'ai trouvé ça mais je me rappelle qu'il y est fait mention d'opium en IV de nombreuses fois :
Mais déjà page 11, juste pour rire :
« Alors, il a fallu tricher, replanter du haschisch. Je te montrerai demain. » Le lendemain, Ali m’emmène sur les espaliers. Nous nous approchons d’une plantation de tournesols. Ils ont bien deux mètres de haut et les fleurs sont très grosses. « Viens », me dit Ali en pénétrant entre deux rangées de tournesols. Et là, je vois, entre les plantes géantes, une rangée d’autres plants, bien cachés.
Cela ressemble un peu à des plants de pommes de terre. Au bout de chaque plante, il y a une fleur assez grosse, un peu pareille à une marguerite, avec des pétales blancs. Ali en caresse une.
« Il sera bientôt mûr. Feras-tu la récolte avec nous ? — Bien sûr, Ali, je veux tout apprendre. »
J'aime bien sa description des "plants de haschich"... :weed:
Heeeuuu... il a déjà vu une plante de cannabis ce gars ? Oô
Page 213 :
Une crispation d’énergie me prend. Je me tourne lentement sur ma couche et j’ouvre ma réserve de drogues. Je n’en ai plus beaucoup. Au rythme de shoots où je suis, dans huit jours, dix au plus, je n’aurai plus de quoi me camer. Alors, la mort dans d’atroces souffrances… Je prends vingt ampoules de méthédrine et je les mets à part. En ampoules, ce sera plus facile. J’ai une grosse seringue. En trois ou quatre fois, je me serai tout injecté. À condition de résister au premier flash. Ce sont mes dernières cartouches. Je les range avec d’infinies précautions.
Puis, je prends ma boulette d’opium, et je me fais ma cuisine. Un peu de bien-être m’apaise l’âme, tandis que le liquide noir s’enfonce dans mes veines. Pourquoi ne me laisse-t-on pas mourir en paix ?
2 pages plus loin :
J’en suis arrivé à un tel état de fatigue que me shooter est, chaque fois, un effort surhumain. Mais le besoin est le plus fort. Je me soulève sur les coudes, je me penche sur mon nécessaire à opium, je prends une boulette, ma cuiller, j’allume mon réchaud (j’ai trouvé de l’alcool au tea-shop). Tout en travaillant ma boulette sur la flamme, je jette un regard à la porte.
Page 214
Il ouvre un paquet. Il en sort quatre épis de ganja (la ganja se présente, je le rappelle, en cylindres enveloppés d’herbes sèches que l’on dépiaute comme on dépiaute les feuilles d’un épi de maïs pour le mettre à nu) et me les montre. Il y en a un bon kilo. Je réfléchis. Avec ça, je peux gagner, en fumant à mort, assez fort pour remplacer les shoots, huit jours de vie. Je veux mourir sans doute, mais on ne refuse pas huit jours de plus.
Ahahahahahahahahaha ! Remplacer morphine et opium par de la beuh ? Et en fumer 1kg en 8 jours ? Mais bien sûr...
Concernant les soins :
Page 190 :
On vient de m’amener un type d’une trentaine d’années qui a l’oreille droite, la joue et toute la base du cou, de ce côté-là, atrocement enflées. Dessus, un morceau de chiffon d’où bave l’éternelle mixture pourrie. J’enlève le « pansement » et je recule. C’est très laid. Le type a un abcès purulent à l’intérieur de l’oreille. Et l’abcès déborde sous le lobe, entre la mâchoire et la boîte crânienne. Il y a là une boule énorme marron avec des tâches blanchâtres, certaines éclatées, d’où suinte du pus. À peine je le touche que le type se cabre et gémit. Il est dans un état dramatique. Je ne me sens pas capable de le soigner. C’est trop risqué. Il peut me mourir dans les bras pendant que j’opère. Non, je n’ai jamais fait ça. Ce n’est pas possible. Je l’explique à mon interprète. Il prend l’air catastrophé. Les autres autour de lui (toute la famille du malade est dans la bergerie, des bougies à la main) regardent, muets. « Sahib, me dit l’interprète, il faut que tu le soignes. — Mais je te dis que je ne peux pas, je ne suis pas chirurgien. Je n’ai pas ce qu’il faut. » Il insiste : « Soigne-le… Tu dois le soigner. » Il se penche vers moi, parlant à voix basse comme si les autres pouvaient le comprendre. « Si tu ne le soignes pas, ils vont te tuer. » Je blêmis. D’accord, je veux en finir, mais comme ça, saigné dans le noir, dans un trou plein de fumier, non ! Ma mort, je veux qu’elle soit celle que j’ai choisie : en plein soleil, dans la neige, avec les cimes de l’Himalaya devant moi et une dernière orgie formidable de drogue. J’insiste : « Dis-leur, toi qui es allé en ville, qui sais mieux. Dis-leur qu’ils sont fous, qu’il y a des limites à ce qu’un homme peut faire. » Son regard se fait mauvais. Il serre les dents. Il grince. « Étranger, soigne-le, je te dis. » Bon, j’ai compris. Je n’ai pas le choix, il faut que j’y passe. En cas de malheur, celui-là au fond, avec son long couteau recourbé dans la ceinture, sera le premier à me frapper. J’étale donc devant moi ma trousse à pharmacie. Et je commence, toujours pour les mettre en confiance, à me faire mon shoot. Cette fois, il est vital. J’en ai sacrément besoin pour être le plus possible lucide. Je commence par la traditionnelle piqûre de pénicilline. Puis je donne au malade un paquet de somnifère. Au fur et à mesure, j’explique à mon interprète ce que je fais, et il traduit. Les autres hochent la tête à chaque phrase. Le type est bientôt K.O., presque endormi. Je demande quand même que trois villageois viennent le tenir. Aussi violente soit la dose de somnifère, elle ne remplacera pas la véritable anesthésie dont il aurait besoin. L’interprète traduit mes phrases : ce que j’ai donné, c’est pour qu’il souffre moins, mais il va quand même crier, très fort, et bouger. Alors, il faut le tenir. On a compris, on maintient mon bonhomme, la tête sur le côté gauche, calée entre deux pierres. J’affûte mon couteau le mieux possible, je le passe à la flamme, puis à l’alcool. Je coupe les cheveux autour de l’oreille, je nettoie à l’alcool, j’inonde de mercurochrome. Tout est prêt pour l’incision. Je fais signe qu’on le tienne bien. Si j’étais croyant, je ferais bien un signe de croix. Je me contente de penser : pourvu que ça marche !… Et j’attaque l’abcès. Pas par-dedans, j’ai trop peur que tout coule dans l’oreille même. Je tranche, d’un bon coup sec, à vif dans l’abcès derrière l’oreille. Le type se réveille en hurlant. Il se débat tellement que les trois acolytes qui le maintiennent ne suffisent pas. Deux autres costauds doivent venir. Le malheureux est trempé de sueur, il est agité de tremblements. Je donne un deuxième coup de couteau, en croix par rapport au premier. Hurlement. Le pus jaillit, verdâtre, épais, plein de filaments. L’odeur est épouvantable. Je presse autour de l’abcès, le pus gicle toujours. La poche doit être énorme et aller très profond dans la tête, sous le crâne. Le pus n’en finit pas de couler. J’en sors un bon verre. Et ça coule toujours. Sans aucun doute, il y a un réseau de poches annexes, branchées sur la principale. Il faut les crever elles aussi. Seulement, le type tiendra-t-il le coup ? Ne va-t-il pas avoir une syncope et claquer là ? Ah ! si je disposais d’un tonicardiaque ! Mais je n’ai pas le choix. Quinze paires d’yeux me guettent, attentives, hostiles. Le type est jeune, il doit avoir le cœur solide. C’est une chance. Je prends donc une allumette, je l’entoure de coton à une extrémité, je l’enfonce dans la poche et je tourne, je creuse, je fouille. Je sens les membranes des poches annexes qui craquent, une à une. Et ça dégorge, sans cesse. Le type ne bouge plus. Il halète très vite. Il est agité de tremblements sporadiques. Pourvu qu’il tienne ! Pourvu que je tienne moi aussi ! Je transpire, la tête me tourne, j’ai des éblouissements. Surtout que ça ne va pas. Je me rends compte qu’il y a encore une grosse poche que je ne peux pas atteindre, très profond, du côté de l’oreille interne. Et ça, c’est grave. Parce que j’ai tout de même assez de connaissances en anatomie pour le savoir : c’est là que se trouve le labyrinthe, avec les organes de l’équilibration. Si je coupe là-dedans, je risque d’atteindre un endroit vital – et même le cerveau, si proche – le type ne sera plus qu’une loque incapable de se tenir debout et même de s’asseoir. Et alors, moi, mon compte est bon. Pourtant, il faut que j’incise. Je bourre d’un tampon de coton les poches que j’ai déjà crevées. J’aiguise encore mon couteau, j’enfonce la pointe dans l’oreille, directement. Je pousse. Le type fait un bond de cinquante centimètres. Heureusement, on lui a bien tenu la tête qui, elle, n’a pas bougé. Ouf ! ça a marché ! Le pus jaillit. Mais ce coup-ci, le type, lui, est dans les pommes. J’en profite pour faire sortir le maximum de pus pendant qu’il ne souffre plus. Malheur ! Tout à coup, du sang jaillit. Une vraie hémorragie. Ça, c’est la guigne ! Il ne va tout de même pas se saigner là comme un bœuf alors que j’ai presque fini ! Je bourre fébrilement de coton, j’en enfonce des quantités énormes. Le coton rougit. J’en enfonce d’autre… Et ça finit par s’arrêter de couler. Prudemment, je ressors mes cotons, après avoir attendu dix minutes. Ça ne coule plus ! Je projette dans les poches un flot de sulfamides, que je couvre de coton, je mets une gaze trempée de désinfectant par-dessus. Je fais un bandage, puis une dernière piqûre de sédatif. Ses amis emportent le corps. Je reste seul, je m’allonge et pour la première fois depuis longtemps, je dors. Quand je me réveille, il fait nuit. Je me fais un shoot. Je me lève pour sortir. Mon interprète est là avec deux acolytes qui me barrent la route. Ils veulent bien me donner à manger, mais pas question que je sorte. « Tu ne dois pas partir avant qu’il soit guéri », me dit l’interprète. Je serre les poings. Je rentre. On m’apporte l’éternel épi de maïs bouilli et le bol de courgettes épicées avec un verre de thé. On tend la main. Je paie et je mange en me répétant que je suis vraiment dans un pays de salauds. Le lendemain matin, on me ramène le type. Ouf ! il va nettement mieux. Je change ses pansements, je renouvelle les sulfamides, la pénicilline et les calmants. Si des médecins me lisent, je vais peut-être les faire crier au mensonge et pourtant, je jure que c’est la stricte vérité : cinq jours plus tard, le bonhomme est sur pieds.
Page 205 :
Je ne suis pas là depuis cinq minutes qu’on m’amène un type, porté par deux villageois. Il a le visage presque bleu, la bouche ouverte en grand et il essaie de respirer sans y parvenir. On m’explique qu’il a quelque chose dans la gorge. Je commence par lui faire une piqûre de calmant, puis je demande qu’on le tienne bien ferme. Je lui ouvre de force la bouche, je prends un morceau de bois, je l’enfonce, je le retourne pour qu’il cale bien les dents du haut et du bas. J’en prends un autre, une petite tige que je taille avec mon couteau pour en faire une languette, je l’appuie sur la langue et je regarde. L’intérieur est violet, gonflé. Les chairs se touchent. J’enfonce le doigt. Impossible de le passer. Je me demande comment ce type arrive encore à aspirer ne serait-ce qu’un filet d’air. C’est certain, il va claquer avant la nuit. Autour de moi, les autres me font des gestes. Je finis par comprendre que le type a dû avaler quelque chose qui s’est bloqué dans sa gorge et a tout infecté. J’essaie d’enfoncer le doigt. Rien à faire, je ne sens rien. Il n’y a qu’une solution : lui trouer l’œsophage pour qu’il puisse respirer, bref, lui faire une trachéotomie, et ensuite, chercher l’objet, une arête sans doute. Si je n’étais pas drogué, jamais je n’oserais tenter une telle opération. C’est vraiment risqué et je ne suis pas un chirurgien. Mais la drogue me donne la confiance en moi nécessaire. Et puis, j’en ai tant fait, désormais. Une de plus, une de moins… De toute façon, je suis coincé. Si je refuse, c’est certain, ils vont me sauter dessus, me ligoter et me livrer à la police. Je décide donc d’opérer. Plus haut, j’ai déjà décrit une opération, celle de l’abcès dans l’oreille. Je ne voudrais donc pas lasser avec le récit détaillé d’une autre opération. Qu’on me permette simplement de dire comment j’ai pu, une fois planté mon couteau dans l’œsophage, entre deux cartilages, ménager un orifice suffisamment large pour permettre au type de respirer. J’ai enfoncé dans la plaie un tuyau de plastique rigide, une gaine de fil électrique qu’un villageois est allé me chercher quand j’ai demandé quelque chose qui ressemble à un tuyau. Par quel mystère, dans ce village reculé où il n’y a évidemment pas l’électricité, se trouve du fil électrique, je me le demande encore. Toujours est-il qu’une fois le tuyau enfoncé et maintenu avec deux petits bouts de sparadrap récupérés dans ma boîte à pharmacie, le type revit. Il ahane comme un nageur à qui on a tenu la tête sous l’eau trois minutes, il reprend ses couleurs, il ressuscite peu à peu. Je puis enfin commencer l’opération proprement dite. En dix minutes, elle est terminée. J’ai pu extraire l’objet. C’est plus qu’une arête de poisson : un morceau de colonne vertébrale entier, gros comme le pouce. Comment diable ce type a-t-il pu faire pour avaler ça ? Je nettoie, je badigeonne, j’asperge de désinfectant et j’ordonne au type de garder son bout de tuyau au moins deux jours. À force d’injections de pénicilline, toute l’infection est matée en deux jours. La gorge est dégonflée, je peux enlever le tuyau. Je bouche le trou de mon doigt. Ça va, l’opéré respire normalement. Il s’agit maintenant de reboucher. Mais je n’ai rien, ni fil, ni aiguille. À force de palabrer, j’arrive à me faire donner par une femme une épine durcie au feu. Je tire un fil de ma chemise. Et je recouds la peau, par-dessus le trou du cartilage qui, à mon avis, va se refermer tout seul. J’ai noué le fil autour de l’épine. Ça résiste dur chaque fois que je tire l’aiguille-épine. Et le malade gémit. Mais je finis par y arriver, le trou est rebouché.
Le lendemain, je soigne deux ou trois bricoles, petites plaies classiques aux jambes, furoncles, coupures de-ci, de-là. Le surlendemain aussi. Le quatrième jour, je fais sauter les fils de mon opéré. C’est fini, la plaie est cicatrisée. Il est guéri. Bravo Charles, tu mérites ton diplôme de médecin de brousse, cette fois !
Voilà voilà... sceptique je vous dis...
Lotre a dit:
La légende dit qu'il est mort peu de temps après avoir écrit son bouquin, à Clamart près de Paris.
Il n'a rien écrit du tout, il est de notoriété publique qu'il a raconté "son" histoire sur des bandes audios qu'un nègre littéraire - ma foi pas très doué - a couché sur le papier...