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La personnalité est principalement définie comme une combinaison de caractéristiques émotionnelles, d'attitude et de comportement d'un individu. Elle est cet ensemble de caractère qui constitue et différencie une personne de toutes les autres, psychiquement, intellectuellement, et moralement. D’un point de vue psychologique, la personnalité est une fonction par laquelle un individu a conscience de son moi, perçoit l'unité de sa vie psychique et son identité dans le temps.
Constituant donc l'individualité d'une personne, elle témoigne des qualifications de l’individu, dans ses manières originales et spécifiques d’être, et dans la permanence et continuité de ses modes d'action et de réaction. La personnalité se jauge d’après les comportements relativement stables de l'individu, dans une synthèse complexe et évolutive de données innées et acquises. Les données innées rendent compte de la partie génétique de la formation de la personnalité, et les données acquises sont liées à l’éducation, à des éléments du milieu social et à l'environnement en général.
La connaissance de la personnalité est souvent un enjeu important dans les relations familiales, sociales et professionnelles. Elle est aussi un objectif primordial dans la connaissance de soi. La personnalité est une entité dynamique, qui possède un aspect interne (manière de penser) et externe (comportement, conduite), et elle se construit à partir d'éléments génétiques, physiques, psychiques, culturels et environnementaux. Pour mieux comprendre les constructions de la personnalité, il existe deux approches globales et différentes : les théories des types et des traits.
Théorie des types de personnalité :
La typologie jungienne propose un modèle basé sur deux modes d'investissement de l'énergie psychique d’un individu, que sont l’introversion et l’extraversion. Et sur quatre fonctions de base de l'appareil psychique, que sont l’intuition, la sensation, la pensée et le sentiment. Ces quatre fonctions se répartissent en deux catégories distinctes :
- L’intuition et la sensation sont deux fonctions irrationnelles de Perception, permettant de recueillir de l'information de deux manières opposées. L’intuition perçoit les choses à travers les couches subliminales de notre être, et se porte sur la signification de ces perceptions intérieures. Quand la sensation qui est plus factuelle, perçoit l’environnement extérieur au travers des sens, et se porte sur les caractéristiques plus techniques de ces perceptions.
- La pensée et le sentiment sont deux fonctions rationnelles de Jugement, permettant de traiter des informations pour aboutir à des conclusions. La pensée se réfère à la logique, se veut objective et porte un jugement sur la nature des choses. Alors que le sentiment ignore la logique, raisonne de manière subjective et porte un jugement sur la valeur des choses (appréciation ou dépréciation affective, instinctive et sélective).
La typologie jungienne définie au final 16 types de personnalité selon quatre axes, chacun opposant respectivement deux caractères distincts :
- L’orientation de l'énergie : Extraversion/Introversion
- Le recueil d'information : Sensation/Intuition
- La prise de décision : Pensée/Sentiment
- Le mode d'action : Jugement/Perception
C.G. Jung : « La sensation (c'est-à-dire, le sentiment de perception) vous dit que quelque chose existe, la réflexion vous dit ce que c’est, le sentiment vous dit si c'est agréable ou pas, et l'intuition vous dit d'où il vient et où il va. »
Théorie des traits de personnalité :
Les théories de psychologie sociale, définissent un trait de personnalité comme un comportement faisant suite à des états affectifs, mais aussi des formulations sur la valeur des individus. Les traits de personnalité sont des caractéristiques mesurables, puisqu’ils sont relativement stables. Raymond Cattell propose de définir la personnalité à partir de seize traits, dans un système hiérarchique composé de : l’assurance en société, l’autonomie à l’égard du groupe, la conscience/respect des conventions, la cordialité, la dominance, l’imagination/distraction, l’inquiétude/appréhension, l’intériorisation, l’ouverture au changement, le perfectionnisme, le raisonnement, la sensibilité, la stabilité émotionnelle, la tension, la vigilance, et la vivacité.
Il est possible de regrouper ses seize traits en cinq facteurs globaux :
- Extraversion (Énergie, Enthousiasme)
- Agréabilité (Altruisme, Affection)
- Conscience (Contrôle, Contrainte)
- Névrosisme (émotions Négatives, Nervosité)
- Ouverture (Originalité, Ouverture d’esprit)
Mais aussi de les répartir en deux groupes distincts :
- Les traits appartenant à la notion de sociabilité (sympathique, empathique, sincère, malhonnête)
- Les traits appartenant à la notion d'évaluation des compétences (compétent, dynamique, autonome, inapte, influençable)
Les types et traits de personnalité sont universels en ne dépendant pas des origines et cultures des individus, et ils sont situés par rapport au reste de la population, en fonction de tests et d’outils psychométriques spécifiques.
Tempérament, caractère et personnalité :
Après avoir défini la personnalité, il est utile d’en distinguer les notions de caractère et de tempérament, puisque les confusions sont fréquentes :
- Un caractère en particulier désigne une façon d'agir et une attitude qui est propre à un individu. Le caractère plus général d’un individu est l’ensemble des traits psychiques et moraux qui composent le portrait de sa personnalité, en permettant de le distinguer des autres. Il s’agit de ses manières stables d'être, de sentir ou d'agir, et qui règlent son comportement dans ses relations avec autrui. Le caractère global est formé d’un ensemble de caractères particuliers, et d’acquis cognitifs lors de l’apprentissage social.
- Le tempérament est un ensemble de traits innés, qui caractérisent une personne psychologiquement et physiologiquement. Il s’agit de l'humeur naturelle et la disposition particulière d'une personne, dans sa façon spontanée de réagir à une situation extérieure. Le tempérament est héréditaire et donc défini par des facteurs génétiques et biologiques, il influe sur le comportement de l'individu, bien qu'il puisse aussi être influencé par l'environnement dans une certaine mesure.
Le tempérament est donc l'humeur innée d’un individu, et son caractère naîtrait de la confrontation entre son tempérament et son environnement psycho-social. Ainsi la personnalité serait le mélange du tempérament de l’individu et de la somme de ses caractères, en lien avec son comportement social, influencé par l’environnement.
4 grands tempéraments :
David Keirsey en regroupant les 16 types psychologiques de la typologie jungienne, a identifié quatre grands tempéraments ou catégories de personnalités. Etant innés, chaque individu voit son tempérament le déterminer dans ses humeurs et réactions :
- Les gardiens (l'habileté logistique) - Leurs besoins de base sont l'adhésion au groupe et la responsabilité. Ils ont besoin de savoir qu'ils font leur devoir. Ils valorisent la stabilité, la sécurité et le sens de la communauté. Ils se fient à la hiérarchie et à l'autorité, et peuvent être surpris quand d'autres vont à l’encontre de ces structures sociales. Les gardiens savent comment les choses ont toujours été faites, et c'est à l'aide de ce savoir expérimental ou empirique qu'ils anticipent les problèmes. Ils ont le chic pour suivre les règles, les procédures et le protocole.
- Les artisans (l'habileté tactique) - Leurs besoins de base sont d'avoir la liberté d'agir sans obstacle et de voir un résultat marqué à leurs actions. Ils valorisent hautement l'esthétique, que ce soit dans la nature ou dans l'art. Leurs énergies sont concentrées sur la performance adroite, la variété et la stimulation. Les artisans ont tendance à employer les moyens disponibles pour accomplir un but. Leur créativité est révélée par la variété de solutions qu'ils trouvent et ils sont doués à l'utilisation des instruments, que ça soit la langue, les théories, un pinceau ou un ordinateur.
- Les idéalistes (l'habileté diplomatique) - Leurs besoins de base sont d’avoir un but à atteindre et de travailler à améliorer les choses. Ils ont besoin d’avoir un sens unique de l'identité et valorisent l'union et l'authenticité. Les idéalistes préfèrent les interactions coopératives centrées sur l'éthique et la moralité. Ils ont tendance à être doués à unifier des personnes différentes et à aider les individus à réaliser leur potentiel. Ils construisent des ponts entre les gens par l'empathie et la clarification de questions plus profondes.
- Les rationnels (l'habileté stratégique) - Leurs besoins de base sont la maîtrise de concepts, de connaissance et de compétence. Ils veulent comprendre les principes de l'univers et apprendre ou même développer des théories pour tout. Ils valorisent l'expertise, la consistance logique, les concepts et les idées, et cherchent le progrès. Ils analysent abstraitement une situation et considèrent en amont les possibilités. La recherche, l'analyse, la quête de modèles et le développement d’hypothèses constituent pour eux une façon spontanée d'opérer.
Personnalité et cognition :
Se rapportant à l’intelligence, la cognition est l'ensemble des grandes fonctions de l'esprit, liées à la connaissance sous la forme de perception, de langage, de mémoire, de raisonnement, de décision et de mouvement. Les fonctions cognitives supérieures sont des facultés que l'on retrouve chez l'être humain, comme le raisonnement logique, les jugements moral, éthique ou esthétique, ainsi que les quotients intellectuel et émotionnel.
Sur le plan individuel, la construction de la personnalité s’édifie par cadre, en catégorisant la connaissance de nouveaux éléments perçus, en rapport avec des éléments déjà mémorisés par le passé. Les éléments sont donc classés à proximité de données mentales similaires ou présentant des mêmes attributs, avant d’être traités d’une certaine manière, selon l’orientation psychologique prise par le caractère et le tempérament de l’individu (on comprend bien ici que l’individu est déterminé par les mécanismes psychiques façonnant sa personnalité). S’en suit un amorçage des éléments nouveaux, qui consiste à faciliter le traitement d'information via la formation de concept, afin d’ancrer les éléments dans l’esprit de l’individu. Cet ancrage se fait en élaborant des liens entre les différents contenus mémoriels (les anciens et les nouveaux), permettant alors de créer des raccourcis mentaux, qui lorsqu’ils sont exprimés, permettent l’identification du type et des traits de la personnalité de l’individu.
Sur le plan relationnel, l’individu use de schémas de catégorisation sociale s'articulant entre trois domaines : la vision de soi, des autres, et celle de son environnement dans le temps. Ils se référent aux différentes expériences précoces et actuelles du sujet, aux traumatismes ponctuels ou cumulatifs vécus, aux valeurs et préjugés de son milieu socio-éducatif et culturel. Ces schémas ne se manifestent que très rarement, parce qu’en étant latents, ils sont inaccessibles à notre conscience. En constituant des hypothèses à propos de notre réalité intérieure, pour accéder à ces schémas déterministes et propres à chacun, un travail introspectif est nécessaire pour arriver à décrypter cet ensemble de constructions et significations inconscientes.
L’égo dans la personnalité :
L’approche spirituelle commune de l'ego affirme qu’il est la représentation fausse qu'un individu se fait de lui-même. Lorsqu’il ferait preuve d’égo, l’individu ne ferait plus un avec sa personne, avec son Soi. Cette confusion identitaire entre la vision égotique de soi et sa vraie personnalité, produit des représentations illusoires constituées de souvenirs et d'expériences personnelles, qui arrangent l’individu vis à vis de ce qu’il ne veut pas voir chez lui. Tout en le privant d’une liberté individuelle pouvant le mener à des schémas de souffrance tel l’égocentrisme, l’orgueil, la vanité, le narcissisme. Dans cette conception de la personnalité, l’individu à chaque fois qu’il se libère de son ego, connaîtrait un éveil spirituel.
L'ego n'a donc pas de réalité physique, il pourrait s ‘apparenter à un complexe produit par des constructions mentales ou des dysfonctionnements psychiques spécifiques, pour se protéger de la vérité. L’égo faisant partie intégrante de la personnalité, il serait sa part sombre et ne peut ainsi pas disparaitre. Néanmoins l'expression de l’égo étant modifiable et modulable au travers de remises en cause personnelles, nos parts sombres peuvent être travaillées en vue d’un décentrement nécessaire pour prendre du recul quant à nos comportements, et ainsi changer de caractère si celui-ci nous fait défaut socialement et individuellement. Une fois qu’un individu a maitrisé son égo, il se connait lui-même d’autant mieux qu’il apprend à connaitre autrui, et il peut alors agir en bien comme en mal selon ses intentions.
Une approche philosophique définie l’égo comme le moi en tant qu'objet de la conscience (selon Sartre : « L’égo n'est pas le propriétaire de la conscience, il en est l'objet »). Il est ce «JE» insaisissable que nous croyons être en tant que sujet, depuis que St Augustin au premier siècle a affirmé que « Si je doute, je suis », avant d’être reprit par Descartes au 17ème siècle via sa formule « Je pense, donc je suis ». André Comte-Sponville nuance cette définition, en précisant que l'ego « est moins ce que je suis que ce que je crois être, moins le je que le me ». Effectivement l’égo nous fait abuser de pronoms personnels comme les JE, ME, MOI, MES, en nous identifiant à lui comme s’il était réel, afin de mieux nous incarner dans la réalité concrète et matérielle, tout en nous faisant sentir d’autant plus fort que fier. L’exemple d’incarnation le plus courant est le fait de croire que notre mental est ce que nous sommes, en nous identifiant à notre égo, et d’en conclure que l’égo au travers du mental est ce qui anime et fait notre personnalité. Si l’esprit animant la personnalité est composé du mental, il n’est pas l’égo, et pour s’en sortir, il peut être parfois utile de se rappeler que nous sommes ce que nous faisons, et non ce que nous disons.
En plus de faire enfler l’égo de l’individu usant de trop de pronoms personnels, et à toujours utiliser ces notions relatives au fait de posséder, en vient à se créer dans son esprit un sentiment de dualité entre la personne qu’il est, et celle qu’il croit être. Sans s’avouer cette dualité, l’illusion pouvant se transformer en conflit interne peut former les bases d’afflictions mentales, comme un désir aliénant, de la jalousie, haine, orgueil, tous ces vils caractères qui font percevoir le monde dans le miroir déformant de nos illusions. C’est donc malgré nos croyances que l’égo voit le manque en soi, et surtout chez les autres, puisqu’il est plus facile de les tenir responsables de notre enfer. Ainsi en s’attachant plus à des croyances qu’à la vérité, l’égo peut transformer un gentil personnage en un type aigri, arrogant et paranoïaque, critiquant autrui plutôt que de se rendre compte qu’il est cause de son propre enfermement.
L'ego n'est donc pas représentatif de l’ensemble de la personnalité, ni même de la pensée, des émotions et des sensations. Il est ce qui nous fait nous attribuer la qualité de sujet de la pensée, des émotions et des sensations, alors qu’en réalité il n’est qu’objet de notre mécanique psychique (d’après Nietzsche, ça ou « quelque chose pense » inconsciemment en nous bien avant que la pensée ne devienne consciente, et que l’illusion égotique laisse croire que "je" pense). L'ego est aussi cette entité faisant que l’individu s’approprie tout ce qui l’entoure, parce que égo-centré, il se perçoit comme une référence indépassable (même si celle-ci est illusoire), ou qu’égoïstement il décide de prendre pour ne garder que pour lui. Une autre vue de l’égo serait ce besoin de pouvoir et de contrôle sur les choses et autrui, cette volonté d’avoir prise et de ne rien lâcher en se cachant derrière le sentiment qu’on a de maîtriser sa personne ou les situations. Ainsi l’égo n’apporterait qu’une confiance en soi factice, construite sur des attributs précaires voire illusoires, mais d’après lesquels l’individu se rassure face à ses doutes et angoisses existentielles.
La confiance en soi provient du degré d’estime de soi, de la reconnaissance de sa nature véritable, et d’une prise de conscience de son identité propre (le Soi), présente en chaque être. Elle est une qualité naturelle de l’absence d’égo, lorsque notre estime de soi est assez forte pour ne pas avoir à se jouer d’illusion. En parlant d’absence d’égo, il ne s’agit pas de sa disparition (qui est impossible), mais du fait de porter son attention sur une autre composante de la personnalité, comme le Soi au lieu de son égo par exemple. Cette connaissance de son Soi par un décentrement de son égo, est nécessaire à toute forme de sérénité et béatitude, en acceptant d’être plutôt que d’avoir, et en se détachant de ses envies de possessions pour se contenter d’exister par soi-même, sans attente ou besoin aliénant à des objets extérieurs.
Le Soi et la personnalité :
La notion de soi revêt plusieurs sens allant de la réalité de ce qui est, caractéristique de la substance d’une chose dont le propre est d'exister en elle-même (la chose en soi en philosophie), à l'image trompeuse que l'on se fait de sa propre individualité (l'égo, le Moi), et à la réalité individuelle du psychisme conscient et inconscient, autrement dit le Self en psychanalyse, ou Soi en psychologie. En s’intéressant aux concepts psychologique et psychanalytique du Soi (Self dans sa traduction anglaise), comme la personnalité il se construit originellement en rapport avec la culture et regroupe l'ensemble des constituants du psychisme, c’est-à-dire l'ensemble des pulsions et sentiments de la personne.
En donnant le Moi comme l’égo, et le Soi comme le Self, l’on restera dans une définition existentielle du Soi, source de construction de l'être au travers d’un processus d’individuation menant au Soi et non au Moi, à un décentrement de son égo dans sa personnalité, plutôt qu’à un égocentrisme ou un auto-érotisme aveuglant. Le Soi équivalent donc à l’unicité de l’individualité, pour se manifester dans la matière, a besoin de l’égo ou de la personnalité pour exprimer sa volonté et ainsi interagir avec les choses, dans le monde physique.
Définition du Self en psychanalyse :
Le Self est le fondement du symbole, qui nous donne le sentiment d'exister, l'impression de notre identité, de notre intimité. En se développant dans le contact avec l'environnement, il est ce que nous reconnaissons comme étant nous-même, nous représentant spécifiquement. Il se réfère à la notion de Donald Winnicott, qui a notamment distingué le Vrai-Self du Faux-Self.
- Le Vrai-Self est un état d’esprit dans lequel l'individu a suffisamment confiance en lui et en l'environnement pour être lui-même, et accepter de montrer sa vraie personnalité. Il désigne l'image réaliste que le sujet se fait de lui-même, correspondant donc à une vision avérée de soi, et perçue à travers une réaction adaptée. Le vrai self se retrouve spontanément dans les relations sociales, quand l’individu a intégré les exigences instinctuelles nécessaires à une adaptation adéquate. C'est une "position théorique d'où proviennent à la fois le geste spontané et l'idée personnelle, le geste spontané étant un Vrai-Self en action. Seul le Vrai-Self peut être créateur et lui seul peut être ressenti comme réel".
- Le Faux-Self se construit prioritairement comme une adaptation à l'environnement. Il est une instance constituée pour s'adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante, et prévenir de frustrations et déceptions possibles. Il produit dans l’esprit de l’individu une image de soi défensive, en fonction de réactions inadaptées à l’environnement, et représentative d’un rôle qui lui serait imposé. Il s’agit là pour l’individu d’investir son Moi et de faire preuve d’égo, afin de masquer sa vraie personnalité aux autres et à lui-même, pour ne pas se mettre en défaut et se rendre compte qu'il correspond à une attente qui irait à l’encontre de sa manière d’être naturelle. Le Faux-Self révèle cette dissociation interne à travers un certain conformisme, une attitude sociale réservée et toujours polie, ou de bonnes manières dans les rapports aux autres.
Le Faux-Self est ainsi essentiel individuellement comme socialement, et a la fonction positive très importante de dissimuler le Vrai-Self si trop fragile ou inadapté, en se soumettant aux exigences de l'environnement. Le Faux-Self a donc une fonction d'adaptation et de protection du Vrai-self. Winnicott, pour qui le terme Self concernait directement le fait de vivre, distingue cinq degrés d'organisation du Faux-Self :
- Dans une relation aussi commune que banale, le Faux-Self autorise l'expression en société par une attitude a priori polie, des manières sociales adaptées aux autres et respectueuses des conventions. Il établit le contact, maintient la distance et préserve l'intimité. Le Vrai-Self peut alors s'exprimer dès que l'individu le souhaite, et avec qui il veut.
- S'établissant sur la base d'identifications, celles-ci tiennent lieu de Faux-Self, et le Vrai-Self parvient à s'exprimer relativement facilement à travers ces identifications, de types sympathiques ou empathiques par exemple.
- Le Faux-Self recherche des conditions idéales pour permettre au Vrai-Self de s'exprimer, en tentant de trouver une adaptation adéquate avec l'environnement.
- Le Faux-Self maintient le Vrai-Self sous protection, pour préserver l'individu d'un environnement jugé menaçant ou nocif.
- À l'extrême, le Faux-Self a entièrement recouvert la personnalité, il se confond avec celle-ci et cela laisse en toute situation une impression de fausseté dans la relation. Le Vrai-Self est alors inapparent, totalement dissimulé aux autres. L'individu souffre de la situation qu'il subit en société, et la tension entre Vrai et Faux-Self est créatrice de handicap dans sa vie sociale.
Les rapports entre Vrai et Faux-Self évoluent tout au long de la vie, en s'adaptant comme chacun le peut à son environnement, ou avec l'aide d’un travail thérapeutique.
Rôle du potentiel intellectuel
Dans le cas d'un faux self établi chez une personne avec un potentiel intellectuel important, l'esprit tend à devenir le siège du faux self, emprisonnant l’individu dans une vision clivée de lui-même, et où il fera preuve d’égo. On peut ainsi observer des réussites scolaires ou sociales brillantes, qui sont l'œuvre de faux selfs. La souffrance de l'individu en lien à une mauvaise estime de soi n'en est pas moins réelle, même si il est difficile de la percevoir quand celui-ci réagit en affirmant sa supériorité en réponse à un sentiment d’infériorité caché, dans le travail par exemple. Il est possible même qu'elle s'accroisse à mesure de la réussite académique ou sociale, avec une impression de fausseté de plus en plus apparente. L’individu se mésestimant inconsciemment, en viendrait à se rassurer consciemment dans une vision égotique de sa personnalité. En découle inévitablement un moment où les tensions entre le vrai et le faux self deviennent trop fortes, et l’individu en fonction de son éducation et environnement, rentre alors tôt ou tard dans un processus d'autodestruction. Celle-ci s'exprimera de manières diverses et avec des intensités variées, sur différents plans tel que le somatique (affections psychosomatiques, auto-mutilations, ou autres consommations addictives en tout genre), ou sur le psychiatrique (troubles identitaires). Par ailleurs, une grande intelligence permettrait de compenser l’inadéquation de l’individu à son environnement et d’ainsi lui assurer un développement psychoaffectif relativement satisfaisant, dans lequel ses peurs et angoisses reculeraient au profit d’un éveil personnel.
Rôle de l'environnement
Dans une conférence, Winnicott indique que lorsque l'environnement n'est pas suffisamment adapté, « Le bébé survit au moyen de l'esprit. La mère exploite le pouvoir du bébé de penser à des choses, de les corriger, et de les comprendre. Si le bébé possède un bon dispositif mental, cette pensée devient un substitut pour les soins et l'adaptation de la mère. Le bébé « se materne » lui-même au moyen de la compréhension, c'est-à-dire en comprenant trop. Il s'agit d'un cas typique de « Cogito, ergo dans mea potestate sum » (je pense, donc je suis en possession de mon pouvoir). A l'extrême, l'esprit et la pensée ont permis au bébé, qui maintenant grandit et suit le modèle développemental, de se passer de l'aspect le plus important de soins maternels dont tous les bébés ont besoin, à savoir la fiabilité et l'adaptation [de la mère] aux besoins fondamentaux »
Différents types de faux self
Il y aurait au moins deux types de Faux-Self, certains n’employant que relativement peu de symboles et faisant preuve de beaucoup d’égo pour s'affirmer, et d'autres plus intelligents à cause d'une sur-sollicitation du cerveau, afin de compenser les trop importants défauts de l'environnement, et qui occasionnent frustrations et déceptions, mais aussi des preuves d’égo. Son intelligence bien utilisée permettrait d’utiliser son Faux-Self, sans pour autant montrer trop d’égo, en prenant du recul sur soi et les situations. L’organisation du Faux-Self se mettant très tôt en place dans la vie, sa relation avec le Vrai-Self a donc toutes les chances d'évoluer, notamment en fonction de l'environnement de l’individu et de son éducation.
Les troubles les plus communs de la personnalité surviendraient surtout lors d’un renforcement du Faux-Self, quand l’individu se fondant sympathiquement dans son environnement, en viendrait à se leurrer en adoptant des rôles qui ne correspondent pas à sa personne. D’un point de vue comportemental, alors que son état de santé mentale s'aggrave au fur et à mesure qu'il (se) joue d'illusion, l’individu est souvent socialement considéré comme bien portant par son entourage, du fait même de sa bonne adaptation parmi ses contemporains (une des principales caractéristiques d'un Faux-Self). La comédie qui se joue alors est aussi permise par l’action des Faux-Self de l’entourage de l'individu, qui évitent à chacun de percevoir et se confronter véritablement à la souffrance d’untel, mais d'éviter à chacun de se rendre compte de sa propre souffrance, et des rôles induits dans nos relations par nos égos, qui sont les meilleurs scénaristes. A l’échelle d’une société, les égos se protègent collectivement dans un aveuglement vaniteux généralisé, et qui est fondé sur l’ethnocentrisme commun à une somme d'individualité égo-centrées dans un même environnement culturel.
Constituant donc l'individualité d'une personne, elle témoigne des qualifications de l’individu, dans ses manières originales et spécifiques d’être, et dans la permanence et continuité de ses modes d'action et de réaction. La personnalité se jauge d’après les comportements relativement stables de l'individu, dans une synthèse complexe et évolutive de données innées et acquises. Les données innées rendent compte de la partie génétique de la formation de la personnalité, et les données acquises sont liées à l’éducation, à des éléments du milieu social et à l'environnement en général.
La connaissance de la personnalité est souvent un enjeu important dans les relations familiales, sociales et professionnelles. Elle est aussi un objectif primordial dans la connaissance de soi. La personnalité est une entité dynamique, qui possède un aspect interne (manière de penser) et externe (comportement, conduite), et elle se construit à partir d'éléments génétiques, physiques, psychiques, culturels et environnementaux. Pour mieux comprendre les constructions de la personnalité, il existe deux approches globales et différentes : les théories des types et des traits.
Théorie des types de personnalité :
La typologie jungienne propose un modèle basé sur deux modes d'investissement de l'énergie psychique d’un individu, que sont l’introversion et l’extraversion. Et sur quatre fonctions de base de l'appareil psychique, que sont l’intuition, la sensation, la pensée et le sentiment. Ces quatre fonctions se répartissent en deux catégories distinctes :
- L’intuition et la sensation sont deux fonctions irrationnelles de Perception, permettant de recueillir de l'information de deux manières opposées. L’intuition perçoit les choses à travers les couches subliminales de notre être, et se porte sur la signification de ces perceptions intérieures. Quand la sensation qui est plus factuelle, perçoit l’environnement extérieur au travers des sens, et se porte sur les caractéristiques plus techniques de ces perceptions.
- La pensée et le sentiment sont deux fonctions rationnelles de Jugement, permettant de traiter des informations pour aboutir à des conclusions. La pensée se réfère à la logique, se veut objective et porte un jugement sur la nature des choses. Alors que le sentiment ignore la logique, raisonne de manière subjective et porte un jugement sur la valeur des choses (appréciation ou dépréciation affective, instinctive et sélective).
La typologie jungienne définie au final 16 types de personnalité selon quatre axes, chacun opposant respectivement deux caractères distincts :
- L’orientation de l'énergie : Extraversion/Introversion
- Le recueil d'information : Sensation/Intuition
- La prise de décision : Pensée/Sentiment
- Le mode d'action : Jugement/Perception
C.G. Jung : « La sensation (c'est-à-dire, le sentiment de perception) vous dit que quelque chose existe, la réflexion vous dit ce que c’est, le sentiment vous dit si c'est agréable ou pas, et l'intuition vous dit d'où il vient et où il va. »
Théorie des traits de personnalité :
Les théories de psychologie sociale, définissent un trait de personnalité comme un comportement faisant suite à des états affectifs, mais aussi des formulations sur la valeur des individus. Les traits de personnalité sont des caractéristiques mesurables, puisqu’ils sont relativement stables. Raymond Cattell propose de définir la personnalité à partir de seize traits, dans un système hiérarchique composé de : l’assurance en société, l’autonomie à l’égard du groupe, la conscience/respect des conventions, la cordialité, la dominance, l’imagination/distraction, l’inquiétude/appréhension, l’intériorisation, l’ouverture au changement, le perfectionnisme, le raisonnement, la sensibilité, la stabilité émotionnelle, la tension, la vigilance, et la vivacité.
Il est possible de regrouper ses seize traits en cinq facteurs globaux :
- Extraversion (Énergie, Enthousiasme)
- Agréabilité (Altruisme, Affection)
- Conscience (Contrôle, Contrainte)
- Névrosisme (émotions Négatives, Nervosité)
- Ouverture (Originalité, Ouverture d’esprit)
Mais aussi de les répartir en deux groupes distincts :
- Les traits appartenant à la notion de sociabilité (sympathique, empathique, sincère, malhonnête)
- Les traits appartenant à la notion d'évaluation des compétences (compétent, dynamique, autonome, inapte, influençable)
Les types et traits de personnalité sont universels en ne dépendant pas des origines et cultures des individus, et ils sont situés par rapport au reste de la population, en fonction de tests et d’outils psychométriques spécifiques.
Tempérament, caractère et personnalité :
Après avoir défini la personnalité, il est utile d’en distinguer les notions de caractère et de tempérament, puisque les confusions sont fréquentes :
- Un caractère en particulier désigne une façon d'agir et une attitude qui est propre à un individu. Le caractère plus général d’un individu est l’ensemble des traits psychiques et moraux qui composent le portrait de sa personnalité, en permettant de le distinguer des autres. Il s’agit de ses manières stables d'être, de sentir ou d'agir, et qui règlent son comportement dans ses relations avec autrui. Le caractère global est formé d’un ensemble de caractères particuliers, et d’acquis cognitifs lors de l’apprentissage social.
- Le tempérament est un ensemble de traits innés, qui caractérisent une personne psychologiquement et physiologiquement. Il s’agit de l'humeur naturelle et la disposition particulière d'une personne, dans sa façon spontanée de réagir à une situation extérieure. Le tempérament est héréditaire et donc défini par des facteurs génétiques et biologiques, il influe sur le comportement de l'individu, bien qu'il puisse aussi être influencé par l'environnement dans une certaine mesure.
Le tempérament est donc l'humeur innée d’un individu, et son caractère naîtrait de la confrontation entre son tempérament et son environnement psycho-social. Ainsi la personnalité serait le mélange du tempérament de l’individu et de la somme de ses caractères, en lien avec son comportement social, influencé par l’environnement.
4 grands tempéraments :
David Keirsey en regroupant les 16 types psychologiques de la typologie jungienne, a identifié quatre grands tempéraments ou catégories de personnalités. Etant innés, chaque individu voit son tempérament le déterminer dans ses humeurs et réactions :
- Les gardiens (l'habileté logistique) - Leurs besoins de base sont l'adhésion au groupe et la responsabilité. Ils ont besoin de savoir qu'ils font leur devoir. Ils valorisent la stabilité, la sécurité et le sens de la communauté. Ils se fient à la hiérarchie et à l'autorité, et peuvent être surpris quand d'autres vont à l’encontre de ces structures sociales. Les gardiens savent comment les choses ont toujours été faites, et c'est à l'aide de ce savoir expérimental ou empirique qu'ils anticipent les problèmes. Ils ont le chic pour suivre les règles, les procédures et le protocole.
- Les artisans (l'habileté tactique) - Leurs besoins de base sont d'avoir la liberté d'agir sans obstacle et de voir un résultat marqué à leurs actions. Ils valorisent hautement l'esthétique, que ce soit dans la nature ou dans l'art. Leurs énergies sont concentrées sur la performance adroite, la variété et la stimulation. Les artisans ont tendance à employer les moyens disponibles pour accomplir un but. Leur créativité est révélée par la variété de solutions qu'ils trouvent et ils sont doués à l'utilisation des instruments, que ça soit la langue, les théories, un pinceau ou un ordinateur.
- Les idéalistes (l'habileté diplomatique) - Leurs besoins de base sont d’avoir un but à atteindre et de travailler à améliorer les choses. Ils ont besoin d’avoir un sens unique de l'identité et valorisent l'union et l'authenticité. Les idéalistes préfèrent les interactions coopératives centrées sur l'éthique et la moralité. Ils ont tendance à être doués à unifier des personnes différentes et à aider les individus à réaliser leur potentiel. Ils construisent des ponts entre les gens par l'empathie et la clarification de questions plus profondes.
- Les rationnels (l'habileté stratégique) - Leurs besoins de base sont la maîtrise de concepts, de connaissance et de compétence. Ils veulent comprendre les principes de l'univers et apprendre ou même développer des théories pour tout. Ils valorisent l'expertise, la consistance logique, les concepts et les idées, et cherchent le progrès. Ils analysent abstraitement une situation et considèrent en amont les possibilités. La recherche, l'analyse, la quête de modèles et le développement d’hypothèses constituent pour eux une façon spontanée d'opérer.
Personnalité et cognition :
Se rapportant à l’intelligence, la cognition est l'ensemble des grandes fonctions de l'esprit, liées à la connaissance sous la forme de perception, de langage, de mémoire, de raisonnement, de décision et de mouvement. Les fonctions cognitives supérieures sont des facultés que l'on retrouve chez l'être humain, comme le raisonnement logique, les jugements moral, éthique ou esthétique, ainsi que les quotients intellectuel et émotionnel.
Sur le plan individuel, la construction de la personnalité s’édifie par cadre, en catégorisant la connaissance de nouveaux éléments perçus, en rapport avec des éléments déjà mémorisés par le passé. Les éléments sont donc classés à proximité de données mentales similaires ou présentant des mêmes attributs, avant d’être traités d’une certaine manière, selon l’orientation psychologique prise par le caractère et le tempérament de l’individu (on comprend bien ici que l’individu est déterminé par les mécanismes psychiques façonnant sa personnalité). S’en suit un amorçage des éléments nouveaux, qui consiste à faciliter le traitement d'information via la formation de concept, afin d’ancrer les éléments dans l’esprit de l’individu. Cet ancrage se fait en élaborant des liens entre les différents contenus mémoriels (les anciens et les nouveaux), permettant alors de créer des raccourcis mentaux, qui lorsqu’ils sont exprimés, permettent l’identification du type et des traits de la personnalité de l’individu.
Sur le plan relationnel, l’individu use de schémas de catégorisation sociale s'articulant entre trois domaines : la vision de soi, des autres, et celle de son environnement dans le temps. Ils se référent aux différentes expériences précoces et actuelles du sujet, aux traumatismes ponctuels ou cumulatifs vécus, aux valeurs et préjugés de son milieu socio-éducatif et culturel. Ces schémas ne se manifestent que très rarement, parce qu’en étant latents, ils sont inaccessibles à notre conscience. En constituant des hypothèses à propos de notre réalité intérieure, pour accéder à ces schémas déterministes et propres à chacun, un travail introspectif est nécessaire pour arriver à décrypter cet ensemble de constructions et significations inconscientes.
L’égo dans la personnalité :
L’approche spirituelle commune de l'ego affirme qu’il est la représentation fausse qu'un individu se fait de lui-même. Lorsqu’il ferait preuve d’égo, l’individu ne ferait plus un avec sa personne, avec son Soi. Cette confusion identitaire entre la vision égotique de soi et sa vraie personnalité, produit des représentations illusoires constituées de souvenirs et d'expériences personnelles, qui arrangent l’individu vis à vis de ce qu’il ne veut pas voir chez lui. Tout en le privant d’une liberté individuelle pouvant le mener à des schémas de souffrance tel l’égocentrisme, l’orgueil, la vanité, le narcissisme. Dans cette conception de la personnalité, l’individu à chaque fois qu’il se libère de son ego, connaîtrait un éveil spirituel.
L'ego n'a donc pas de réalité physique, il pourrait s ‘apparenter à un complexe produit par des constructions mentales ou des dysfonctionnements psychiques spécifiques, pour se protéger de la vérité. L’égo faisant partie intégrante de la personnalité, il serait sa part sombre et ne peut ainsi pas disparaitre. Néanmoins l'expression de l’égo étant modifiable et modulable au travers de remises en cause personnelles, nos parts sombres peuvent être travaillées en vue d’un décentrement nécessaire pour prendre du recul quant à nos comportements, et ainsi changer de caractère si celui-ci nous fait défaut socialement et individuellement. Une fois qu’un individu a maitrisé son égo, il se connait lui-même d’autant mieux qu’il apprend à connaitre autrui, et il peut alors agir en bien comme en mal selon ses intentions.
Une approche philosophique définie l’égo comme le moi en tant qu'objet de la conscience (selon Sartre : « L’égo n'est pas le propriétaire de la conscience, il en est l'objet »). Il est ce «JE» insaisissable que nous croyons être en tant que sujet, depuis que St Augustin au premier siècle a affirmé que « Si je doute, je suis », avant d’être reprit par Descartes au 17ème siècle via sa formule « Je pense, donc je suis ». André Comte-Sponville nuance cette définition, en précisant que l'ego « est moins ce que je suis que ce que je crois être, moins le je que le me ». Effectivement l’égo nous fait abuser de pronoms personnels comme les JE, ME, MOI, MES, en nous identifiant à lui comme s’il était réel, afin de mieux nous incarner dans la réalité concrète et matérielle, tout en nous faisant sentir d’autant plus fort que fier. L’exemple d’incarnation le plus courant est le fait de croire que notre mental est ce que nous sommes, en nous identifiant à notre égo, et d’en conclure que l’égo au travers du mental est ce qui anime et fait notre personnalité. Si l’esprit animant la personnalité est composé du mental, il n’est pas l’égo, et pour s’en sortir, il peut être parfois utile de se rappeler que nous sommes ce que nous faisons, et non ce que nous disons.
En plus de faire enfler l’égo de l’individu usant de trop de pronoms personnels, et à toujours utiliser ces notions relatives au fait de posséder, en vient à se créer dans son esprit un sentiment de dualité entre la personne qu’il est, et celle qu’il croit être. Sans s’avouer cette dualité, l’illusion pouvant se transformer en conflit interne peut former les bases d’afflictions mentales, comme un désir aliénant, de la jalousie, haine, orgueil, tous ces vils caractères qui font percevoir le monde dans le miroir déformant de nos illusions. C’est donc malgré nos croyances que l’égo voit le manque en soi, et surtout chez les autres, puisqu’il est plus facile de les tenir responsables de notre enfer. Ainsi en s’attachant plus à des croyances qu’à la vérité, l’égo peut transformer un gentil personnage en un type aigri, arrogant et paranoïaque, critiquant autrui plutôt que de se rendre compte qu’il est cause de son propre enfermement.
L'ego n'est donc pas représentatif de l’ensemble de la personnalité, ni même de la pensée, des émotions et des sensations. Il est ce qui nous fait nous attribuer la qualité de sujet de la pensée, des émotions et des sensations, alors qu’en réalité il n’est qu’objet de notre mécanique psychique (d’après Nietzsche, ça ou « quelque chose pense » inconsciemment en nous bien avant que la pensée ne devienne consciente, et que l’illusion égotique laisse croire que "je" pense). L'ego est aussi cette entité faisant que l’individu s’approprie tout ce qui l’entoure, parce que égo-centré, il se perçoit comme une référence indépassable (même si celle-ci est illusoire), ou qu’égoïstement il décide de prendre pour ne garder que pour lui. Une autre vue de l’égo serait ce besoin de pouvoir et de contrôle sur les choses et autrui, cette volonté d’avoir prise et de ne rien lâcher en se cachant derrière le sentiment qu’on a de maîtriser sa personne ou les situations. Ainsi l’égo n’apporterait qu’une confiance en soi factice, construite sur des attributs précaires voire illusoires, mais d’après lesquels l’individu se rassure face à ses doutes et angoisses existentielles.
La confiance en soi provient du degré d’estime de soi, de la reconnaissance de sa nature véritable, et d’une prise de conscience de son identité propre (le Soi), présente en chaque être. Elle est une qualité naturelle de l’absence d’égo, lorsque notre estime de soi est assez forte pour ne pas avoir à se jouer d’illusion. En parlant d’absence d’égo, il ne s’agit pas de sa disparition (qui est impossible), mais du fait de porter son attention sur une autre composante de la personnalité, comme le Soi au lieu de son égo par exemple. Cette connaissance de son Soi par un décentrement de son égo, est nécessaire à toute forme de sérénité et béatitude, en acceptant d’être plutôt que d’avoir, et en se détachant de ses envies de possessions pour se contenter d’exister par soi-même, sans attente ou besoin aliénant à des objets extérieurs.
Le Soi et la personnalité :
La notion de soi revêt plusieurs sens allant de la réalité de ce qui est, caractéristique de la substance d’une chose dont le propre est d'exister en elle-même (la chose en soi en philosophie), à l'image trompeuse que l'on se fait de sa propre individualité (l'égo, le Moi), et à la réalité individuelle du psychisme conscient et inconscient, autrement dit le Self en psychanalyse, ou Soi en psychologie. En s’intéressant aux concepts psychologique et psychanalytique du Soi (Self dans sa traduction anglaise), comme la personnalité il se construit originellement en rapport avec la culture et regroupe l'ensemble des constituants du psychisme, c’est-à-dire l'ensemble des pulsions et sentiments de la personne.
En donnant le Moi comme l’égo, et le Soi comme le Self, l’on restera dans une définition existentielle du Soi, source de construction de l'être au travers d’un processus d’individuation menant au Soi et non au Moi, à un décentrement de son égo dans sa personnalité, plutôt qu’à un égocentrisme ou un auto-érotisme aveuglant. Le Soi équivalent donc à l’unicité de l’individualité, pour se manifester dans la matière, a besoin de l’égo ou de la personnalité pour exprimer sa volonté et ainsi interagir avec les choses, dans le monde physique.
Définition du Self en psychanalyse :
Le Self est le fondement du symbole, qui nous donne le sentiment d'exister, l'impression de notre identité, de notre intimité. En se développant dans le contact avec l'environnement, il est ce que nous reconnaissons comme étant nous-même, nous représentant spécifiquement. Il se réfère à la notion de Donald Winnicott, qui a notamment distingué le Vrai-Self du Faux-Self.
- Le Vrai-Self est un état d’esprit dans lequel l'individu a suffisamment confiance en lui et en l'environnement pour être lui-même, et accepter de montrer sa vraie personnalité. Il désigne l'image réaliste que le sujet se fait de lui-même, correspondant donc à une vision avérée de soi, et perçue à travers une réaction adaptée. Le vrai self se retrouve spontanément dans les relations sociales, quand l’individu a intégré les exigences instinctuelles nécessaires à une adaptation adéquate. C'est une "position théorique d'où proviennent à la fois le geste spontané et l'idée personnelle, le geste spontané étant un Vrai-Self en action. Seul le Vrai-Self peut être créateur et lui seul peut être ressenti comme réel".
- Le Faux-Self se construit prioritairement comme une adaptation à l'environnement. Il est une instance constituée pour s'adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante, et prévenir de frustrations et déceptions possibles. Il produit dans l’esprit de l’individu une image de soi défensive, en fonction de réactions inadaptées à l’environnement, et représentative d’un rôle qui lui serait imposé. Il s’agit là pour l’individu d’investir son Moi et de faire preuve d’égo, afin de masquer sa vraie personnalité aux autres et à lui-même, pour ne pas se mettre en défaut et se rendre compte qu'il correspond à une attente qui irait à l’encontre de sa manière d’être naturelle. Le Faux-Self révèle cette dissociation interne à travers un certain conformisme, une attitude sociale réservée et toujours polie, ou de bonnes manières dans les rapports aux autres.
Le Faux-Self est ainsi essentiel individuellement comme socialement, et a la fonction positive très importante de dissimuler le Vrai-Self si trop fragile ou inadapté, en se soumettant aux exigences de l'environnement. Le Faux-Self a donc une fonction d'adaptation et de protection du Vrai-self. Winnicott, pour qui le terme Self concernait directement le fait de vivre, distingue cinq degrés d'organisation du Faux-Self :
- Dans une relation aussi commune que banale, le Faux-Self autorise l'expression en société par une attitude a priori polie, des manières sociales adaptées aux autres et respectueuses des conventions. Il établit le contact, maintient la distance et préserve l'intimité. Le Vrai-Self peut alors s'exprimer dès que l'individu le souhaite, et avec qui il veut.
- S'établissant sur la base d'identifications, celles-ci tiennent lieu de Faux-Self, et le Vrai-Self parvient à s'exprimer relativement facilement à travers ces identifications, de types sympathiques ou empathiques par exemple.
- Le Faux-Self recherche des conditions idéales pour permettre au Vrai-Self de s'exprimer, en tentant de trouver une adaptation adéquate avec l'environnement.
- Le Faux-Self maintient le Vrai-Self sous protection, pour préserver l'individu d'un environnement jugé menaçant ou nocif.
- À l'extrême, le Faux-Self a entièrement recouvert la personnalité, il se confond avec celle-ci et cela laisse en toute situation une impression de fausseté dans la relation. Le Vrai-Self est alors inapparent, totalement dissimulé aux autres. L'individu souffre de la situation qu'il subit en société, et la tension entre Vrai et Faux-Self est créatrice de handicap dans sa vie sociale.
Les rapports entre Vrai et Faux-Self évoluent tout au long de la vie, en s'adaptant comme chacun le peut à son environnement, ou avec l'aide d’un travail thérapeutique.
Rôle du potentiel intellectuel
Dans le cas d'un faux self établi chez une personne avec un potentiel intellectuel important, l'esprit tend à devenir le siège du faux self, emprisonnant l’individu dans une vision clivée de lui-même, et où il fera preuve d’égo. On peut ainsi observer des réussites scolaires ou sociales brillantes, qui sont l'œuvre de faux selfs. La souffrance de l'individu en lien à une mauvaise estime de soi n'en est pas moins réelle, même si il est difficile de la percevoir quand celui-ci réagit en affirmant sa supériorité en réponse à un sentiment d’infériorité caché, dans le travail par exemple. Il est possible même qu'elle s'accroisse à mesure de la réussite académique ou sociale, avec une impression de fausseté de plus en plus apparente. L’individu se mésestimant inconsciemment, en viendrait à se rassurer consciemment dans une vision égotique de sa personnalité. En découle inévitablement un moment où les tensions entre le vrai et le faux self deviennent trop fortes, et l’individu en fonction de son éducation et environnement, rentre alors tôt ou tard dans un processus d'autodestruction. Celle-ci s'exprimera de manières diverses et avec des intensités variées, sur différents plans tel que le somatique (affections psychosomatiques, auto-mutilations, ou autres consommations addictives en tout genre), ou sur le psychiatrique (troubles identitaires). Par ailleurs, une grande intelligence permettrait de compenser l’inadéquation de l’individu à son environnement et d’ainsi lui assurer un développement psychoaffectif relativement satisfaisant, dans lequel ses peurs et angoisses reculeraient au profit d’un éveil personnel.
Rôle de l'environnement
Dans une conférence, Winnicott indique que lorsque l'environnement n'est pas suffisamment adapté, « Le bébé survit au moyen de l'esprit. La mère exploite le pouvoir du bébé de penser à des choses, de les corriger, et de les comprendre. Si le bébé possède un bon dispositif mental, cette pensée devient un substitut pour les soins et l'adaptation de la mère. Le bébé « se materne » lui-même au moyen de la compréhension, c'est-à-dire en comprenant trop. Il s'agit d'un cas typique de « Cogito, ergo dans mea potestate sum » (je pense, donc je suis en possession de mon pouvoir). A l'extrême, l'esprit et la pensée ont permis au bébé, qui maintenant grandit et suit le modèle développemental, de se passer de l'aspect le plus important de soins maternels dont tous les bébés ont besoin, à savoir la fiabilité et l'adaptation [de la mère] aux besoins fondamentaux »
Différents types de faux self
Il y aurait au moins deux types de Faux-Self, certains n’employant que relativement peu de symboles et faisant preuve de beaucoup d’égo pour s'affirmer, et d'autres plus intelligents à cause d'une sur-sollicitation du cerveau, afin de compenser les trop importants défauts de l'environnement, et qui occasionnent frustrations et déceptions, mais aussi des preuves d’égo. Son intelligence bien utilisée permettrait d’utiliser son Faux-Self, sans pour autant montrer trop d’égo, en prenant du recul sur soi et les situations. L’organisation du Faux-Self se mettant très tôt en place dans la vie, sa relation avec le Vrai-Self a donc toutes les chances d'évoluer, notamment en fonction de l'environnement de l’individu et de son éducation.
Les troubles les plus communs de la personnalité surviendraient surtout lors d’un renforcement du Faux-Self, quand l’individu se fondant sympathiquement dans son environnement, en viendrait à se leurrer en adoptant des rôles qui ne correspondent pas à sa personne. D’un point de vue comportemental, alors que son état de santé mentale s'aggrave au fur et à mesure qu'il (se) joue d'illusion, l’individu est souvent socialement considéré comme bien portant par son entourage, du fait même de sa bonne adaptation parmi ses contemporains (une des principales caractéristiques d'un Faux-Self). La comédie qui se joue alors est aussi permise par l’action des Faux-Self de l’entourage de l'individu, qui évitent à chacun de percevoir et se confronter véritablement à la souffrance d’untel, mais d'éviter à chacun de se rendre compte de sa propre souffrance, et des rôles induits dans nos relations par nos égos, qui sont les meilleurs scénaristes. A l’échelle d’une société, les égos se protègent collectivement dans un aveuglement vaniteux généralisé, et qui est fondé sur l’ethnocentrisme commun à une somme d'individualité égo-centrées dans un même environnement culturel.