(suite du post précédent...)
Appel pour L’Ayahuasca
Le mardi 3 mai 2005, en France, un certain nombre de plantes, psychoactives ou non, entrant dans la préparation d’un breuvage rituel appelé Ayahuasca, ont été ajoutées à la liste des stupéfiants. Ce breuvage aux propriétés visionnaires est utilisé depuis des temps très reculés par de nombreux peuples indigènes du bassin amazonien, dans le cadre de leurs pratiques spirituelles ou thérapeutiques. L’Ayahuasca connaît aujourd’hui en Amérique Latine et en Occident un intérêt renouvelé, comme médecine alternative ou complémentaire. De nombreux thérapeutes, des chamanes indiens et parfois des occidentaux, l’utilisent sur place dans le cadre de traitements psychothérapeutiques, pour soigner les dépendances, certains types de troubles de l’humeur ou du comportement ; mais également dans le traitement de douleurs chroniques. Par ailleurs, des groupes néoreligieux d’inspiration catholique populaire, nés sur son continent d’origine et étendus à l’Europe, ont fait de la prise commune d’Ayahuasca le sacrement fondateur de leurs croyances et de leurs rituels, comparable pour eux à l’Eucharistie chrétienne.
L’Ayahuasca est tout autant un remède efficace pour le corps et l’esprit qu’une expérience sprirituelle. Comme de nombreuses autres plantes interdites ou diabolisées, elle relève d’une tradition plus que millénaire, et la nature très particulière de ses effets (vomissements fréquents, visions parfois pénibles, prises brutales de conscience, problèmes profonds mis en évidence) en font tout le contraire d’une drogue récréative, dont on pourrait abuser, que l’on pourrait utiliser sans respect ni prudence. L’une des principales application moderne de ses effets thérapeutiques est d’ailleurs le traitement de toxicomanes ou d’alcoolo-dépendants, avec une efficacité apparemment peu contestable, sans que la dépendance soit ici remplacée par une autre, comme c’est le cas dans les traitements de substitution. Cette interdiction, de fait, loin de protéger les Français d’une drogue dangereuse, prive nombre de personnes souffrantes d’un possible espoir de guérison. Les ingrédients de l’Ayahuasca, hors de leur effet visionnaire, semblent également avoir de grandes potentialités pharmacologiques (comme antidépresseurs naturels, par exemple). Mais les recherches prometteuses qui étaient menées sur le sujet connaîtront désormais, en France, un fatal empêchement. D’autre part, les religions qui utilisent l’Ayahuasca dans leurs cérémonies, et qui devraient normalement bénéficier, au " pays des droits de l’homme ", de la liberté de conscience (à moins que l’on ne démontre leur caractère sectaire et non respectueux de ces mêmes droits), se trouvent désormais persécutées de fait, et discriminées en raison de leur pratique religieuse.
Les arguments invoqués pour cette interdiction se veulent de Santé Publique. Seraient visés les usages " sauvages ", les préparations faites à domicile et consommées sans précaution, avec des ingrédients souvent achetés via internet. Comme toute prohibition, il est probable que celle-ci ne diminuera que peu ce genre de pratiques. En revanche cette interdiction rend illicites toutes les informations préventives sur la préparation et les précautions à prendre. De plus, ceux qui auraient souhaité être initiés à l’Ayahuasca dans un cadre sérieux et sécurisé, entourés par des personnes expérimentées, et dans un but de recherche personnelle, seront, du fait de l’interdiction, plus susceptibles de se retourner vers l’expérimentation solitaire et clandestine, avec les risques que cela comporte dans le cas de substances aussi efficaces.
Les effets visionnaires de l’ayahuasca ne sont d’ailleurs pas si systématiques que ce qu’une interprétation exclusivement " neurochimique " pourrait le laisser croire. Les thérapeutes qui soignent grâce à l’Ayahuasca constatent parfois que lorsque le participant n’est " pas prêt ", a trop peur ou ne recherche rien de particulier, les effets ressentis peuvent s’avérer très faibles, voire inexistants. Il est clair que ceux et celles qui prennent l’Ayahuasca dans un but récréatif déchantent souvent, soit qu’ils ne ressentent rien, soit qu’ils obtiennent des visions qui leur font très clairement et très violemment comprendre leur erreur. Les témoignages sur internet montrent unanimement que, même dans ce genre d’expériences non contrôlées, l’Ayahuasca conserve son caractère initiatique, n’a rien de commun avec la " défonce ", et est consommée avec respect. Et il ne semble pas rare, par exemple, qu’après une expérience très marquante, ces personnes affirment ne plus ressentir le besoin de consommer des drogues.
Pour toutes ces raisons, nous, citoyen-ne-s adultes et responsables de la Communauté Européenne, usagers ou non de substances psychoactives,
> considérons que l’interdiction de l’Ayahuasca est infondée ;
> appelons toutes les personnes concernées à s’associer à cet appel pour protester contre cette décision irrationnelle et idéologique ;
> affirmons notre solidarité envers tous ceux que cette décision touche directement dans leur vie, leur travail ou leur conscience ;
> appelons les médias à informer le grand public sur ces évènements, et à transmettre une information objective sur l’Ayahuasca, ou tout autre plante rituelle de ce type ;
> demandons enfin que soient posées les conditions en France d’un débat libre, dépassionné et non dogmatique sur l’usage des plantes et substances psychoactives.
Le 09 mai 2005.
Pour signer cet appel et pour toute autre information :
[email protected]