" Perc. Normal que le gus n’arrive pas à percer avec un blaze pareil ! C’est pourtant dommage. Car avec plus d’une vingtaine de maxis à son actif en dix ans de carrière, signé sur bon nombre de labels (parmi lesquels Kompakt, Drumcode, Ovum Records, ou sa propre maison, Perc Trax), ainsi qu’une grosse poignée de remixes (dont un remarqué pour Trentemoller en 2007), notre DJ/producteur londonien Alister Wells aurait pu accéder à l’oreille du grand public plus rapidement. Néanmoins, ce premier LP, Wicker & Steel, est là pour rattraper le coup.
Perc aime les tôles, la sensation de se prendre une barre de fer en pleine tête (et en rythme), les explosions de machines ; il compose de véritables panoramas d’apocalypse cyberpunk, pour y contempler l’inexorable victoire des machines dans leur guerre contre l’humain. Tout ici paraît dévasté : fracas de tôles et de machines amoncelées, explosions retentissant au loin, cliquetis décharnés de chenilles mécaniques. Collusion pas si improbable que ça entre les sons de Pan Sonic et Dettmann, ce Wicker & Steel a l’ambition d’un disque où techno, indus, et parfois même downtempo, se contractent en une seule entité homogène.
Tout commence par une intro glacée en forme de spoken word électronique, résidu vacillant de présence humaine, bientôt nimbé de plages d’orgues à l’agonie, qui nous fait comprendre que ça y est, l’apocalypse a déjà commencé – Saint Jean avait tort : ce sont les machines qui se sont finalement éveillées, et Perc est le dernier homme. Le deuxième morceau, My Heart is slowly exploding, offre un premier panorama de la dévastation, partant d’un beat indus aride martelant votre crâne en un rythme primaire, pour voir sa structure se développer en une sarabande mécanique puissante et hypnothique. Le morceau suivant (Start chopping) nous envoie immédiatement sur un champ de bataille à la tech-indus abrasive et parfaitement maîtrisée, où une rythmique lourde comme le plomb ne cessera de mixer vos neurones sur le tapis de leurs ultimes grésillements. On enchaîne avec You saw me, qui développe sur cinq minutes un mélange de downtempo et d’indus, à la fois dub et martial, dont les roulements de caisse claire quasi militaires continuent de ravager ce qu’il vous reste de substance crânienne. Pre-Steel nous plonge ensuite dans un track ambient, nouveau panorama d’apocalypse à l’état pur que ne renieraient pas le label CMI, en face duquel le spectateur entend, petit à petit, avec calme, le bruit des explosions et des machines se rapprocher doucement de lui, pour une fin du monde finalement suspendue… jusqu’à ce que déboule Gunkel, où un kick imparable et des lignes de basse assourdissantes semblent faire se dresser devant vos yeux un serpent métallique immense, regardant droit dedans le fond de votre âme devenue électronique, sur un fond visuel d’explosions, de claquements et de crépitements d’acier en fusion. L’avant-dernier morceau, Snow Chain, offre un dernier moment d’émerveillement humain, en s’occupant, grand artificier, de tirer pour vous un ultime feu d’artifices, dont les explosions de fusées sont filtrées et bouclées en des rythmes quasi oniriques – bouquet final saluant la mort de l’homme en ces mondes. Et le final sonne logiquement comme une joyeuse fête paillarde… mais où les paillards sont désormais les machines : partouze endiablée de monstres métalliques désormais seuls au monde.
Sûr, vous ne regarderez jamais plus votre grille-pain de la même façon, soupçonneux à l’idée qu’il puisse participer, aujourd’hui ou demain, à quelque révolte de ce genre, là, insidieusement, dans votre dos, dans la cuisine. On s’étonne soudainement qu’il ne vous explose pas à la gueule. Perc veut faire triompher le règne des machines sur le règne humain… et assurément, ce disque constitue une belle pierre à l’édifice."
Chroniqueselectronique.net.
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