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Le topic littéraire, aka "ABDC... Non, merde..."

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Henri Bergson - L'évolution créatrice.

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Juste... Juste... Il y a plein de choses dans ce livre, à réinvestir dans ce que vous voulez, ça m'a trop servi pour la composition, pour la façon de penser ma musique, ma façon de penser tout court, et d'écrire. Bergson m'a vraiment accompagné durant une période de ma vie, cependant sans l'avoir totalement digéré, c'est trop massif. Mais waw.
 
+1 pour Deleuze et Guattari. "à la recherche du réel plus que de la verité", c'est brillamment dit :) Ya aussi Introduction à la philosophie des deux mêmes garçons qui est à lire. Rha et puis tant que j'y suis [Violation de règles, fouettez-moi encore], La vie dans les plis de Michaux, qui doit être sur-cité ici, mais qui contient des textes que je pourrais presque citer par coeur tellement je les ai lus. [/Violation de règles, arrêtez le fouet please. AÏE ! PLEASE !! AHH !!]
 
Bonsoir ! Parmi les livres qui m'ont marqué et qui sont bien écrits (parce que bon, oui, j'ai été élevée aux Harry Potter...) il y a tout d'abord Le Parfum de Süskind. J'étais en sixième et ça a réellement été une espèce de découverte de la libido, à travers le destin de ce parfumeur qui essaye de prélever l'odeur de rousses pénétrantes...
Sinon, il y a tous les romans de Haruki Murakami. Il y règne une atmosphère toujours très particulière, avec souvent des histoire fantastiques... Après, il a écrit beaucoup de pavés, mais comme bon roman pour commencer, je peux vous conseiller Les Amants du Spoutnik, La course au mouton sauvage ou encore La Fin des Temps...

Sinon, les romans de Camus. J'ai eu ces lectures au lycée et elles m'ont vraiment bouleversée, à chaque fois. La Peste, L'Etranger....
Boris Vian également, avec l'Automne à Pékin ou L'Ecume des Jours, ou encore J'irai cracher sur vos tombes...
Vous avez cité Bukowski. C'est incroyable, parce que ses romans sont souvent toujours les mêmes (on retrouve même les histoires qu'il a retranscrites en nouvelles dans un de ses romans), mais j'adore. C'est drôle, cynique, désespéré.

Toute jeune j'avais lu La Forêt d'Iscambe de Christian Charrière. Une espèce d'épopée sci-fi fantastique sur l'autoroute A6 transformée en forêt vierge... C'était complètement fascinant.

Le Coeur est un chasseur solitaire de Carson McCullers est un roman fait de destins croisés, notamment celle d'un docteur noir qui essaie de se battre pour le droit des Noirs aux Etats-Unis et celle de Mick, une jeune fille de 14 ans qui découvre la musique, la sexualité, à l'époque de la montée du fascisme en Europe.

Pour continuer dans les romans américains, Des Souris et des Hommes de Steinbeck. La naïveté d'un homme-enfant dans une société régie par des valeurs comme l'argent, ou les rapports de force, qui finit par attirer des ennuis à ceux qui essaient de le protéger... C'était également un livre très bouleversant.
 
Hmmmm l'étranger de Camus, souvenir de lycée .. :3 l'écume des jours aussi!
Sinon si tu aimes steinbeck, tu devrais lire les raisins de la colere! :D
 
Oui, il faut que je l'emprunte à la bibliothèque :) !

Sinon en ce moment je lis Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq. C'est hyper bien écrit, on se laisse vraiment entraîner dans l'histoire, et je trouve ça extraordinairement moderne pour un truc qui date de la moitié du XX siècle...
 
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L’histoire se situe aux États-Unis, à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), au début des années 1963. Le personnage principal est Ignatius J. Reilly, un étudiant en littérature médiévale, remarquablement érudit et d'une intelligence qui confine au génie paranoïaque, mais vivant en vrai pacha chez sa mère arthritique et alcoolique. Ignatius, qui s'exprime pour son créateur, abhorre son époque. Il semble obstinément mais passionnément en décalage constant avec ses contemporains qu'il méprise férocement. Et tous les archétypes de l'Amérique contemporaine y passent : les marlous, les beatniks, les rockers, le flic, les vieux chrétiens fondamentalistes, la voisine acariâtre, l'activiste anarcho-névrosée, les vendeurs de hot-dogs, etc.
Hypocondriaque et sans cesse tourmenté par son anneau pylorique qui se ferme à la moindre contrariété, Ignatius J. Reilly est un personnage littéralement odieux et égocentré dont les convictions misonéistes et réactionnaires s'expriment de différentes manières. Marchant, ou plutôt tanguant dans les pas des auteurs anciens (Platon, Diogène, Boèce) et des grands théologiens du XIII[SUP]e[/SUP] siècle (la philosophie scolastique), Ignatius rêve d'un monde libéré des « dégénérés et semi-mongoliens » qui le peuplent. En auteur martyr de la décadence d'une humanité « privée de géométrie et de théologie », Ignatius se consacre, en autobiographe, à couvrir des cahiers « Big Chief (en) » de sa vision du monde. Alors que sa mère est contrainte de rembourser les dégâts qu'elle a infligés au volant de sa voiture, Ignatius se trouve forcé de chercher un emploi pour la première fois de sa vie. Il tâchera lors de cette inévitable confrontation avec la réalité de rendre la société conforme à sa Weltanschauung.


La Conjuration des imbéciles - Wikipédia

Une tuerie.
 
PaRaLLeL a dit:
conjuration-des-imbeciles-1018.jpg


L’histoire se situe aux États-Unis, à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), au début des années 1963. Le personnage principal est Ignatius J. Reilly, un étudiant en littérature médiévale, remarquablement érudit et d'une intelligence qui confine au génie paranoïaque, mais vivant en vrai pacha chez sa mère arthritique et alcoolique. Ignatius, qui s'exprime pour son créateur, abhorre son époque. Il semble obstinément mais passionnément en décalage constant avec ses contemporains qu'il méprise férocement. Et tous les archétypes de l'Amérique contemporaine y passent : les marlous, les beatniks, les rockers, le flic, les vieux chrétiens fondamentalistes, la voisine acariâtre, l'activiste anarcho-névrosée, les vendeurs de hot-dogs, etc.
Hypocondriaque et sans cesse tourmenté par son anneau pylorique qui se ferme à la moindre contrariété, Ignatius J. Reilly est un personnage littéralement odieux et égocentré dont les convictions misonéistes et réactionnaires s'expriment de différentes manières. Marchant, ou plutôt tanguant dans les pas des auteurs anciens (Platon, Diogène, Boèce) et des grands théologiens du XIII[sup]e[/sup] siècle (la philosophie scolastique), Ignatius rêve d'un monde libéré des « dégénérés et semi-mongoliens » qui le peuplent. En auteur martyr de la décadence d'une humanité « privée de géométrie et de théologie », Ignatius se consacre, en autobiographe, à couvrir des cahiers « Big Chief (en) » de sa vision du monde. Alors que sa mère est contrainte de rembourser les dégâts qu'elle a infligés au volant de sa voiture, Ignatius se trouve forcé de chercher un emploi pour la première fois de sa vie. Il tâchera lors de cette inévitable confrontation avec la réalité de rendre la société conforme à sa Weltanschauung.


La Conjuration des imbéciles - Wikipédia

Une tuerie.

Je confirme, un de mes romans préférés ! Et le seul qui m'ait vraiment fait rigoler.
Dans un genre similaire je vous conseille le Seigneur des Porcheries de Tristan Egolf, un cran au-dessous mais vraiment excellent.

Le synopsis qui en dit suffisament mais pas trop : "Loin des racontars d'ivrognes qui semblent constituer la seule mémoire du Comté de Greene, la vérité sur la vie de John Kaltenbrunner, enfant honni de la ville de Baker, dans la Corn Belt, fils d'un héros, responsable du plus grand cataclysme qu'ait connu la région".
 
En ce moment j'entame le troisième tome des Chemins de la liberté de Sartre : La mort dans l'âme... Autant dire que les deux premiers sont des chefs-d’œuvre un peu injustement oubliés je trouve... Notamment Le Sursis où s'entremêlent des voix, des personnages que tout oppose et que tout lie. Définitivement Monsieur JPS est un des plus grands :)
 
Un des bouquins qui, ado, m'a le plus marqué et fait aimer la littérature :

Le Maître et Marguerite, écrit par Mikhaïl Boulgakov sur une période de 12 ans, il a dicté la fin à sa femme en 1940 alors qu'il était sur son lit de mort !

Histoire d'amour onirique, critique politique et sociale virulente et comédie burlesque à la fois... Une immense oeuvre de la littérature russe du XXème siècle...
 
Si on est sur les auteurs russes... DOSTOÏEVSKI bordel de merde.
Malgré son côté chauvin et le "saut" philosophique qu'il effectue face à l'absurde vers la fin de sa vie en se tournant vers le Christ (mais que je trouve quand même hyper intéressant), il fait de la philosophie dans le roman, ce qui est dix fois plus intéressant que n'importe quel essai, car les théories et les concepts s'entremêlent avec les personnages, et qu'au final aucune ne ressort gagnante, ce qui est l'essence de la philo. Les Frères Karamazov est pour le moment celui que je préfère, avec notamment le personnage d'Ivan, torturé par l'absurdité de l'individu face au monde. Dostoïevski a une approche très chrétienne de l'absurde, que relève d'ailleurs Camus dans Le Mythe de Sisyphe, mais sa sensibilité est hors du commun, vraiment très très touchante, et ses personnages sont livrés à des tortures psychologiques très très psychonautiques pour le coup (du moins certaines sont dignes d'une grosse MXE, sans vouloir faire d'amalgame stupide et toutes proportions gardées).
Le dialogue entre Ivan et son hallucination démoniaque notamment est un monument d'ironie et de désespoir grinçant qui m'a fait beaucoup frissonner.
 
Je vois pas en quoi le fait que Dostoïevski se soit tourné vers le Christ puisse le rendre moins intéressant, surtout qu'il s'agit d'une des nombreuses étapes qui ont justement formée sa philosophie, celle que Les frêres Karamazov résume avec une brillance grandiloquente, chaque personnage reprenant les thémes humanistes qui lui sont chers, un roman testament qui brille d'une force qui l'aura guidé toute sa vie.
Les Démons ou Les Possédés (selon la traduction), l'Idiot et Crimes et Châtiment bien sûr, l'Adolescent, tous ces grands romans sont difficiles a départager si on veut les mettres sur une échelle de qualité. Humiliés et Offensés est le seul que je trouve en dessous, un peu un effet de mode de la tendance misérabiliste de l'époque, il en fait un peu beaucoups et du coups ça manque de sincérité a mon goût - sans spoiler, le coups de la jeune fille malade c'est un peu ringard, mais excusable, c'est une oeuvre de jeunesse.
De plus petits livres sont sympas aussi, l'éternel mari, la douce, le joueur paraissent des moments plus autobiographiques, parfois amusants parce que flanqués de personnages ridicules et dénotent l'auto dérision dont il fait preuve, qui vire au masochisme parfois.
Les carnets du sous sol enfin si on s'intéresse justemment a l'épaisseur philosophique de cet auteur, qui a connu les errements et la souffrance la plus brute - connaître la condamnation a mort, l'attente du châtiment qui est annulé au dernier moment, ça doit marquer un homme ça.
Alors qu'il soit anarchiste ou chrétien, c'est un homme profond qui se livre avec justesse et qui a beaucoup trop éprouvé la vie pour qu'on se permette de juger sa foi deux siécles plus tard...
 
Je suis justement en train de lire Les Frères Karamazov, et je trouve que les personnages sont d'une richesse psychologique !

J'en profite pour conseiller un bouquin que j'ai lu récemment :
Les Inrocks - "Le Dernier Stade de la soif", l'autobiographie cultissime du freak Frederick Exley

Ce type écrit avec ses tripes, dans la lignée de John Fante. Son bouquin, pourtant culte aux USA, n'a été traduit que depuis peu en français, on se demande pourquoi, tant sa vie d'alcoolique désabusé est criante de vérité.
 
Merci ! Moi qui suit une adoratrice de John Fante, je pense que je vais me procurer ce bouquin

Et si je peux amener mon grain de sel, je lis en ce moment "Le métier de vivre" de Cesare Pavese, c'est un journal intime magnifique qui parle d'amour, de haine et de mort mais aussi beaucoup de littérature. C'est à la fois très vrai et très triste.
 
Si tu aimes Fante, je suis presque sûre que tu ne seras pas déçue alors ! Mais c'est un pavé hein !
 
Jackal_le_chacal a dit:
Je vois pas en quoi le fait que Dostoïevski se soit tourné vers le Christ puisse le rendre moins intéressant, surtout qu'il s'agit d'une des nombreuses étapes qui ont justement formée sa philosophie, celle que Les frêres Karamazov résume avec une brillance grandiloquente, chaque personnage reprenant les thémes humanistes qui lui sont chers, un roman testament qui brille d'une force qui l'aura guidé toute sa vie.
Les Démons ou Les Possédés (selon la traduction), l'Idiot et Crimes et Châtiment bien sûr, l'Adolescent, tous ces grands romans sont difficiles a départager si on veut les mettres sur une échelle de qualité. Humiliés et Offensés est le seul que je trouve en dessous, un peu un effet de mode de la tendance misérabiliste de l'époque, il en fait un peu beaucoups et du coups ça manque de sincérité a mon goût - sans spoiler, le coups de la jeune fille malade c'est un peu ringard, mais excusable, c'est une oeuvre de jeunesse.
De plus petits livres sont sympas aussi, l'éternel mari, la douce, le joueur paraissent des moments plus autobiographiques, parfois amusants parce que flanqués de personnages ridicules et dénotent l'auto dérision dont il fait preuve, qui vire au masochisme parfois.
Les carnets du sous sol enfin si on s'intéresse justemment a l'épaisseur philosophique de cet auteur, qui a connu les errements et la souffrance la plus brute - connaître la condamnation a mort, l'attente du châtiment qui est annulé au dernier moment, ça doit marquer un homme ça.
Alors qu'il soit anarchiste ou chrétien, c'est un homme profond qui se livre avec justesse et qui a beaucoup trop éprouvé la vie pour qu'on se permette de juger sa foi deux siécles plus tard...

Je suis en ce moment dans Les Carnets du sous-sol et je ne veux absolument pas qu'on croie dans mon discours que je juge la foi de Dostoïevski, loin de là ! Seulement je me suis penchée sur l'auteur dans son rapport à l'absurde très précoce, sensible et explicité par rapport au reste de la littérature à l'époque, et qui me touche d'avantage lorsqu'il est traité tel quel et non par rapport à une religion - et c'est d'ailleurs ce qu'il fait dans Les Carnets du Sous-sol par exemple, ou dans L'Eternel Mari, très brièvement. Cependant je suis consciente que c'est moi qui suis un peu obsessionnelle d'une partie de son œuvre parce que j'y suis plus sensible, mais que sa personne toute entière mérite qu'on s'y intéresse - et effectivement il a vécu sa foi de manière extrêmement profonde, et je suis très réceptive, bien que n'adhérant à aucune religion, à ses personnages christiques, dans une perspective humaniste justement.

Dans la lignée des alcooliques désabusés, Bukowski est pas mal dans son genre - je suis plus fan de ses nouvelles (Au Sud de Nulle Part par exemple). Le mec est très cyclique dans ses interrogations et sa psychologie, son rapport aux femmes, il est dans la provoc permanente dans un style exquis !
 
Tant qu'on est dans Dostoïevski, Le rêve d'un homme ridicule et Les Nuits Blanches sont deux magnifiques nouvelles que je ne peux que conseiller ; la première pour la beauté du message et des descriptions ; la seconde pour la destruction quasi-sadique du conte d'amour, les dialogues passionnés et une description du "rêveur" troublante ; les deux parce qu'elles pourront vous inciter à vous lancer dans ses gros pavés si vous en aviez peur.
Le reste, vous en avez déjà parlé. C'est de toute façon un auteur incontournable. Et s'il ne devait en rester qu'un, ce serait lui, pour le bien de l'humanité (et je dis ça très sérieusement, Dostoïevski c'est l'humanité concentrée dans une œuvre).
 
Donkey Bird a dit:
René Barjavel - La nuit des temps
C'est comme Robert Merle, l'auteur de notamment Un animal doué de raison ou Les hommes protégés, je peux pas. Juste pas. Ca se lit vite, c'est fluide, c'est cohérent, mais je n'accroche pas du tout. Le personnage principal m'est antipathique, l'histoire d'amour ne me parle juste pas (Roméo et Juliette sans le fait de passer outre la haine de deux clans ou deux familles, donc fuuuuuuuuuu...), autant celle centrale que les relations entre d'autres personnages plus secondaires, et l'utopie pensée par Barjavel me déplaît au plus haut point... sans compter que le twist de fin est juste... frustrant... et pas très surprenant. Cela étant dit beaucoup me l'avaient conseillé en bien, et si ça n'a pas fonctionné, les raisons évoquées plus haut sont plutôt un désaccord au niveau conceptuel.

Par contre (oh cette introduction de folie avec un lien encore plus ténu que Merle/Barjavel), si y'a bien un auteur qui m'a énormément plu c'est Arno Schmidt. Un allemand, peu traduit et souvent mal, au style d'écriture très particulier, et usant de la ponctuation un peu comme bon lui semble. Il part de l'idée, dans Scènes de la vie d'un faune, le premier tome d'une trilogie, que la vie n'est pas un continuum. Donc il écrit des instants, des dialogues remarquables ou décrit des choses qui attirent l'attention et qui amène une réflexion, d'où l'nom du bouquin. C'est sur un fonctionnaire du IIIème Reich très particulier, pendant la seconde guerre mondiale, et si ça parait lourd, pompeux ou vu et revu comme ça, il n'en est rien du tout. Le personnage est cynique à souhait, le parti pris d'écriture rend ça dynamique, et y'a une description à la fin qui déboite tout avec une putain de comparaison phallique (je parle mal).
 
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Alors alors alors , retour des lectures d'été avec surtout UN GRAND AUTEUR qu'est Antonin Artaud. J'en ai déjà parlé, mais très brièvement, sur un autre topic. Il a sa place ici. Un ami m'a prêté L'Ombilic des Limbes et j'ai absolument halluciné devant l'étendue psychique qu'il étale comme une carte devant nos yeux. L'homme est schizophrène, dépressif, et a surtout la manie de s'éplucher constamment, comme si sa pensée était un énorme oignon bien acide dont il lui fallait comprendre chaque couche. Il y arrive pas. Il a un problème avec les mots qu'il chérit à former. Acteur au départ, il écrit beaucoup, des pièces de théâtre, des nouvelles, il côtoie les surréalistes comme Breton, rompt avec eux violemment pour ensuite s'excuser. Le plus touchant, ce sont ses lettres, qu'il adresse parfois à un dénommé "personne". Elles sont les aveux de sa maladie d'âme, sa maladie de penser. Tous les mots ne sont pour lui que des "termes" qui ont perdu leur signifié profond, leur signifié personnel. On sent une douleur qui suinte du texte et en même temps une exaltation de dire, de trouver un angle au réel, une manière de l'accrocher, de l'arrêter. Il questionne tout, le réel et le surréel, la texture de la pensée, et ce qui nous relie aux autres - finalement des choses chimériques qui si on les accroche trop longtemps du regard finissent par s'effacer. L'homme finit seul dans l'immensité de son monde spirituel et abandonné aux courants sauvages de sa pensée, incapable du moindre contrôle.

Sur la législation des stupéfiants également, on peut lire une lettre d'une étonnante modernité psychonautique dont voici un extrait - en fait non, son intégrité :

"Monsieur le législateur,
Monsieur le législateur de la loi de 1916, agrémentée du décret de juillet 1917 sur les stupéfiants, tu es un con Ta loi ne sert qu’à embêter la pharmacie mondiale sans profit pour l’étiage toxicomanique de la nation parce que 1° Le nombre des toxicomanes qui s’approvisionnent chez le pharmacien est infime; 2° Les vrais toxicomanes ne s’approvisionnent pas chez le pharmacien; 3° Les toxicomanes qui s’approvisionnent chez le pharmacien sont tous des malades; 4° Le nombre des toxicomanes malades est infime par rapport à celui des toxicomanes voluptueux; 5° Les restrictions pharmaceutiques de la drogue ne gêneront jamais les toxicomanes voluptueux et organisés; 6° Il y aura toujours des fraudeurs; 7° Il y aura toujours des toxicomanes par vice de forme, par passion; 8° Les toxicomanes malades ont sur la société un droit imprescriptible, qui est qu’on leur foute la paix. C’est avant tout une question de conscience. La loi sur les stupéfiants met entre les mains de l’inspecteur-usurpateur de la santé publique le droit de disposer de la douleur des hommes; c’est une prétention singulière de la médecine moderne que de vouloir dicter ses devoirs à la conscience de chacun. Tous les bêlements de la charte officielle sont sans pouvoir d’action contre ce fait de conscience : à savoir, que, plus encore que de la mort, je suis le maître de ma douleur. Tout homme est juge, et juge exclusif, de la quantité de douleur physique, ou encore de vacuité mentale qu’il peut honnêtement supporter.
Lucidité ou non lucidité, il y a une lucidité que nulle maladie ne m’enlèvera jamais, c’est celle qui me dicte le sentiment de ma vie physique. Et si j’ai perdu ma lucidité, la médecine n’a qu’une chose à faire, c’est de me donner les substances qui me permettent de recouvrer l’usage de cette lucidité. Messieurs les dictateurs de l’école pharmaceutique de France, vous êtes des cuistres rognés : il y a une chose que vous devriez mieux mesurer; c’est que l’opium est cette imprescriptible et impérieuse substance qui permet de rentrer dans la vie de leur âme à ceux qui ont eu le malheur de l’avoir perdue. Il y a un mal contre lequel l’opium est souverain et ce mal s’appelle l’Angoisse, dans sa forme mentale, médicinale, physiologique, logique ou pharmaceutique, comme vous voudrez.
L’Angoisse qui fait les fous. L’Angoisse qui fait les suicidés. L’Angoisse qui fait les damnés. L’Angoisse que la médecine ne connaît pas. L’Angoisse que votre docteur n’entend pas. L’Angoisse qui lèse la vie. L’Angoisse qui pince la corde ombilical de la vie. Par votre loi inique vous mettez entre les mains de gens en qui je n’ai aucune espèce de confiance, cons en médecine, pharmaciens en fumier, juges en mal-façon, docteurs, sages-femmes, inspecteurs-doctoraux, le droit de disposer de mon angoisse, d’une angoisse en moi aussi fine que les aiguilles de toutes les boussoles de l’enfer. Tremblement du corps ou de l’âme, il n’existe pas de sismographe humain qui permette à qui me regarde d’arriver à une évaluation de ma douleur plus précise, que celle, foudroyante, de mon esprit!
Toute la science hasardeuse des hommes n’est pas supérieure à la connaissance immédiate que je puis avoir de mon être. Je suis seul juge de ce qui est en moi. Rentrez dans vos greniers, médicales punaises, et toi aussi, Monsieur le Législateur Moutonnier, ce n’est pas par amour des hommes que tu délires, c’est par tradition d’imbécilité. Ton ignorance de ce que c’est qu’un homme n’a d’égale que ta sottise à le limiter. Je te souhaite que ta loi retombe sur ton père, ta mère, ta femme, tes enfants, et toute ta postérité. Et maintenant avale ta loi."




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Artaud :+1: Probablement un de mes écrivains préférés. J'ai loupé l'expo comme un con.

Sinon je viens de finir Le Voleur de Georges Darien ; un gros pavé dans la gueule de la civilisation bourgeoise et du conformisme. Quasiment oublié malheureusement. Au même titre Le Désespéré de Léon Bloy ( en plus génial probablement, on aura rarement vu un tel style ). Ces écrivains polémistes/pamphlétaires les universités n'en parlent pas. Personne n'en parle. Dommage.
 
Quand même, Bloy a été pas mal remis au goût du jour (de ceux que ça pouvait intéresser) par la trinité semi-foireuse Nabe/Dantec/Soral, quelque part entre les années 90 et le milieu des années 2000, Le Désespéré a même eu droit à une édition de poche. Et n'est-ce pas tant mieux s'il reste un peu dans l'oubli pour les masses ? T'imagines l'hommage national par Flamby ? :puke:

Connaissais pas George Darien par contre, ptèt vu le nom quelque part avant, mais je connais le prochain réac méchant sur ma liste de lecture, cimer !
 
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