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Styloplume
Guest
Total respect à ceux qui liront en entier.
EDIT: Le pdf est en pièce jointe normalement ça marche. Il faut scroller en bas de ce post pour le récupérer.
J’ai été en teuf
Un truc est sûr : j’ai été en teuf. C’est indéniable, c’est certain. J’ai vécu un truc.
Beaucoup de texte dans ce TR, parce que beaucoup de rencontres et une forte expérience. Vu qu’avant, après, et tout au long de cette teuf, j’ai pris des notes sur mon cahier, je les retranscrises ici, en me servant de la police de caractère ComicSansMS.
Comment tout a commencé
Tout a commencé par une rencontre trois semaines auparavant. Dans une soirée psytrance bien sympa, je rencontre Osiris, étudiant comme moi (en plus jeune), adepte des prods. On parle de notre passion commune pour la drogue, on se dit bien qu’un jour on prendra de la drogue ensemble. On se promet de se revoir.
Les choses ne sont pas si simples, on ne se revoit pas direct, ou alors pas comme je le pensais. Je pensais philosopher à propos de la fractale, et en fait je n’ai pas réussi à parler avec lui selon le mode que j’attendais. J’ai été en soirée chez lui (ha ha, la soirée étudiante sous psytrance, c’est unique je vous dit), et il m’a parlé des teufs dans lesquelles il aime aller. Il me propose de m’emmener. Vu. L’expérience m’intéresse, j’ai jamais été en teuf, et puis je cherche toujours de l’acide pour des raisons personnelles. J’en trouverai peut-être en teuf ?
Pourquoi l’expérience m’intéresse ? Et ben, un endroit où les gens sont libres d’écouter le son qu’ils veulent, de prendre de la drogue comme bon leur semble, et ce en pleine nature, oui ça m’intéresse. Voir l’ambiance. Vivre quelque chose de plus. J’aime les trucs dangereux, aussi.
Nous autres étudiants sommes en vacances, je me suis mis en recherche de travail pour l’été.
Osiris m’a expliqué qu’il y aurais plusieurs teufs au week-end qui nous intéresse, et on est parti sur celle de vendredi soir, a priori. J’ai le permis, mais on a pas de voiture. Un copain à lui est susceptible de nous en prêter une. On part sur ça.
En fin de compte je rentre chez mes parents dans la semaine, parce que j’ai des trucs à régler. J’appelle Osiris pour lui dire que je viendrai pas en teuf. Bon, bah, tant pis.
Une fois chez moi, j’apprends que j’ai trouvé du boulot, mais j’aurai besoin de la voiture de papa-maman pour ce même boulot. Du coup, ils me la prêtent. Je reviens le vendredi dans ma ville d’étude pour des entretiens et choper ce fichu boulot. Du coup, j’ai la voiture ! J’appelle Osiris : « Hé, mec, je suis en ville vendredi, et j’ai la voiture. On peut partir en teuf ! »
Présentations
Après une journée à droite et à gauche en voiture à régler des affaires de taf, je retrouve Osiris chez lui vers 18 heures. Son pote Atarax est là. Présentons les gens.
Osiris est étudiant en commerce, il est grand comme moi, mince comme moi, assez expérimenté niveau teuf et prod, enthousiaste pour la soirée.
Atarax est étudiant en ingénierie, il est moins grand et plus robuste, plus posé. Il connaît Osiris depuis deux ans, et cumule autant d’expérience de la perche que lui.
Et moi, c’est Styloplume, étudiant en psycho, à vocation de thérapeute. Les études se passent bien, j’ai trouvé du taf pour l’été (pas ultra-motivé là-dessus, mais bon...).
Ces sympathiques personnes ont la vingtaine, à la différence de moi, qui compte cinq ans de plus environ.
On parle vite fait de sorties, de teufs, d’organisation. Ah ! L’organisation ! C’est que je m’étais montré stressé auprès d’Osiris niveau orga. Après tout c’est moi qui conduis, j’ai jamais été en teuf, etc. On pose le planning : faire les courses (bouffe+alcool), se poser en chill-out à côté du lac, aller dans la soirée hardtek que fait le sound system dans un bar, et vers minuit on suivra les camions jusque dans la cambrousse, et pour la suite on avisera, bien sûr. Ils sont au courant que le lendemain à 19 heures je doit être chez Galaad pour une soirée, et que je les reconduirai en ville avant ça.
Ça me va comme orga. Rapidement on charge toutes leurs affaires dans la voiture, plein de couvertures, duvet, tente, etc.
Les courses
Je vous jure, j’ai jamais été aussi excité d’aller à Carrefour. Les mecs ont empilé des tonnes de bières (ha ha, 24 bières de 50 cl dans le caddie), de pain, de pâté (les mecs, putain, pourquoi du pâté?), de cookies, de jus d’orange, tout ça dans le chariot. Y’en a eu pour 40 € de courses.
Moi je me marre, je suis effaré, j’ai les boules de la soirée qui s’annonce. Ça prends une envergure de malade ce truc ! Et en même temps une petite voix me dit que ces mecs savent ce qu’ils font, ils ont l’expérience, et en plus ils sont super contents de la soirée qui s’annonce, parce que je les conduis en voiture, ça leur fait un super set & setting d’avoir une bagnole comme point de raliement.
Hop, c’est payé, on met tout dans le coffre. La voiture de papa-maman est devenue un char prêt à partir en guerre.
Le chill-out
Hop, on retourne vers les logements d’Osiris, à côté de chez lui il y a un lac où on est bien, avec plein d’herbe, des canards, des arbres, et un travail de paysagisme respectable. Il fait un temps magnifique qui tiendra tout le week-end.
On se pose, on lâche un peu tout, on est bien. Moi j’ai du mal à déstresser, en plus les mecs se mettent à parler d’alcoolisme, et je me sens un peu partir. Alors je viens dans la conversation, je l’oriente un peu, et je m’aperçois un peu des mécanismes psychologiques de la conversation. On parle surtout pour être ensemble. Quand un sujet de conversation est introduit, les interlocuteurs parlent des choses qu’ils connaissent à propos de ce sujet. On voit rapidement l’étendue de leurs connaissances.
Les sujets de conversation que j’introduit ne durent pas longtemps. On n’est pas en phase, en fait. J’ai pas vécu les mêmes choses, j’ai pas les mêmes centres d’intérêt. Je ne leurs dit pas bien sûr, mais je sens que si on n’arrive pas à se connecter ensemble comme ça, la MD n’y changera rien. Je sens déjà que je ne suis pas dans un milieu qui me correspond.
Mais chhhh, chhh, pas besoin de stresser, profite de l’herbe Stylo. Et en plus tu as la voiture, c’est toi qui conduis, tu mènes la barque. Et au cas où, tu as tes plans de secours.
Retour à la conversation. Deux autres personnes s’amènent, des amis d’Osiris. Appelons-les Fabien et Perle (j’invente tout, ce ne sont pas leurs prénoms). Fabien est du genre tranceux, comme Osiris, et Perle est une étudiante jolie comme pas possible, assez coquette, un peu effacée.
Nous sommes posés sous le soleil et l’ombre des arbres. Toute la conversation tourne autour de la perche. Je ne participe pas trop trop, car chaque fois que j’envois un sujet de conversation, ça retombe rapidement. Et en même temps, bah, c’est pas grave, je suis différent après tout.
C’est le moment où je me décide à écrire la première note dans mon cahier :
21:05 Chaque fois que je m'apprête à faire un truc dangereux j'ai peur avant. Normal.
Est-ce qu'un jour j'arrêterai de faire des choses dangereuses? Ah, l'inconnu, quelle aventure.
L'ambiance ici ne me ressemble pas trop. En fait je ne partage pas ma vie avec des gens qui prennent de la drogue, d'ordinaire.
La drogue pour l'introspection? Apparement on aime l'esprit chamanique, le rush, l'extase, mais on ne s'y lance pas dans un démarche qui ressemble à la mienne. Mais il est trop tôt de juger quoi que ce soit, bien sûr. Je n'ai pas encore expérimenté la perche collective.
Atarax s’intéresse à ce que j’écris. Je lui explique ma démarche de rédaction de trip reports. Stylé, il trouve. Je lui montre ce que j’ai écris sous DXM il y a une semaine de cela, et il rentre à fond dedans. Atarax me demande s’il pourra lire ce que j’écris de cette sortie en teuf. Je lui dit oui. Et en même temps, je lui explique que je préfère qu’il évite de lire en cours de route, parce que je veux me sentir libre. Vu, ça lui va. Et moi je sens que je suis content de pouvoir partager ma manière de triper avec quelqu’un. Je kiffe ça, d’écrire sur mon cahier pour faire un gros TR après. Je garde une trace bien vivace.
Donc je garde mon cahier, c’est validé, c’est cool. La conversation se poursuit, et à mesure qu’on parle plus, je sens une petite alchimie qui se fait, je me confronte un peu plus à moi-même, et je note ça :
22:15 Pourquoi je flippe? Seul mon set semble poser un problème, alors que le setting semble juste excellent. Je commence à lâcher prise. Avant, je prenais beaucoup de recul sur ce qui me semblait être des jeunes drogués, et maintenant j'ai moins peur de fair partie d'eux, héhé. Le temps est magnifique, je suis sobre, donc responsable. De plus je calcule qu'il y a beacoup de temps disponible pour monter et redescendre. Droper à 2-3 heures => retombé à 14h, 5 h de sommeil.
De plus, ce rôle de chauffeur responsable me plaît. Je ne bois pas, ne fume pas, et ne compte rien prendre avant d'être sur place.
De tout repasser en revue, je me sens rassuré. Tout va bien en fait. Le setting construit le set (comme l'extase selon Saint Pamplemousse).
Le setting, c’est l’environnement matériel et humain, l’ambiance. Le set, c’est l’état d’esprit. Ici, l’ambiance et l’organisation tendent à me rassurer, et c’est bien.
L’extase selon Saint Pamplemousse, c’est mon trip au DXM d’il y a une semaine où j’ai atteint un niveau d’extase super lucide, encore jamais atteint avant, qui m’a bien montré les progrès que j’ai fait avec le DXM. En deux ans et en vingt prises de cette drogue que je trouve difficile, j’ai finit par débugger ma conscience assez pour me mettre en paix avec moi, au point de me détacher de mon corps. Et en même temps, j’ai vu à quel point je suis tout petit et que j’ai encore plein de travail à faire. Je suis content de mes progrès de ce point de vue là, et je suis bien dans ma peau.
Bon, après ce petit chill-out, on se décide à aller dans cette soirée hardtek, dans ce bar en ville, d’où on pourra suivre les camions jusqu’à la teuf. On emmène Fabien et Perle avec nous.
Soirée hardtek au bar, rencontres
Nous y voilà. Il y a des teufeurs, mmh, pas des masses non plus. Du gros son posé dans une salle où les gens se dandinent. Cette musique est beaucoup trop forte, l’espace comprime le son qui me vrille les oreilles. C’est vraiment du gros bam bam qui me repousse plutôt. Osiris se pose devant le son. Mais je préfère partir causer avec les gens.
Je rencontre Moquette, un mec plus vieux que moi et qui semble disposé à me parler. Il m’explique rapidement comment la teuf s’organise, comment suivre les camions et tout. Ça me fait des détails pratiques, c’est cool. On enchaîne sur l’expérience psychédélique et Moquette semble bien expérimenté. Il a vu l’enfer dans les yeux de ses potes, ce mec, je le sens. Je m’imprègne de son expérience, qui est plus longue que la mienne. Ce gars connaît très bien la teuf, ses dangers, ses apports, il a du recul. Et il a une façon d’observer le monde qui est responsable, plus une bonne connaissance de la psychologie de l’enfant. Il m’explique que les trois premières années de la vie sont celles où on apprends tout, et dans lesquelles on se retrouve plongé sous drogue. Nous sommes des enfants qui nous imprégnons de tout, dit-il. Ah, ça fait du bien de sentir une vision du monde concrète et construite.
Et en même temps, je sens que je n’ai pas du tout la même façon de triper que lui. L’introspection, il s’en méfie, il n’a jamais dropé seul. Et j’ai pas l’intention de le convaincre de quoi que ce soit, il me semble dubitatif.
Autre rencontre, c’est celle d’Athanase. J’ai déjà vu ce gars dans la même soirée psytrance que celle où j’ai rencontré Osiris, mais on n’avait pas vraiment parlé. Ce qui m’a marqué chez lui, c’est son look. Il a les cheveux rasés sur les côtés, et des belles dreads qui sont groupées sur l’arrière. Un visage noble, quelques piercings, un sarouel, et surtout, l’air bien décontracté. Cet air décontracté, je ne le vois pas partout.
Cette fois-ci, le fait de se revoir change la donne. Athanase s’ouvre. Il m’explique que ce son de teuf peut être malsain, dans le sens où il ne pointe pas du doigt vers la lumière. Les samples utilisés, l’ambiance générale, tout ça tire vers le bas, plutôt. Athanase ne viendra pas à cette teuf, d’ailleurs il va le lendemain à une grosse soirée psytrance où j’aurai kiffé de venir si j’avais pas du aller chez Galaad. Si j’avais pu venir à cette soirée psytrance, jamais je ne serai venu en teuf avec Osiris.
Athanase me témoigne de sa vie, de la manière qu’il a de regarder le monde, et qui a bien changé. Il m’explique bien que ce son de teuf ne lui apporte pas grand-chose, et qu’il préfère s’orienter vers la lumière.
Je suis super content. Voilà quelqu’un qui me parle de la lumière. Or, la lumière, c’est mon kif.
Voilà un gars que je vais revoir.
J’essaie de me poser devant le son, et je note ceci :
00:20 En fait je me suis posé sur le son dans le bar et j'ai eu peur de tant de puissance sauvage et du caractère glauque du spectacle des tripeurs dansés. Mais je suis bien entouré de tranceurs rigolards qui me rassurent et me serviront de repères affectifs. Ilona devrais arriver bientôt.
J'ai de l'excitation. Qu'est-ce que ça donnera en pleine forêt? "Avec une voiture c'est trop posé" dit Osiris. Donc c'est bien niveau set.
00:30 Stewart et Ilona sont arrivés!
Je suis content de les revoir, ces deux-là. Ilona a fait psycho dans mon année, mais là elle arrête, elle va partir vivre de ses propres ailes dans le grand monde. Stewart, c’est son copain, un mec bien, un peu distant, du genre à avoir le smile sans trop de raison. Ils sont venu avec la voiture de Stewart.
Ah, j’ai oublié de dire que pendant ce temps j’ai déjà reconduit Fabien et Perle en ville. Perle voulait venir, mais je le sentais très très mal d’emmener une fille inexpérimentée en teuf. Fabien, lui, a songé à venir, mais a eu la bonne idée de laisser tomber, ce qui a conduit Perle à laisser tomber aussi. Je suis soulagé et je reviens au bar.
Le voyage en voiture
L’heure avance, on est tous excités, on veux pas rater le départ des camtars, après tout on sait toujours pas où c’est. Ah, si, une fille sympa m’explique longuement où ça se trouve, je note son explication comme je peux, mais je ne veux pas compter dessus, ça reste flou. Bon. C’est pas loin, en tout cas.
L’excitation monte, comme je m’y attendais, je récupère des teufeurs en manque de moyen de transport. Un jeune couple, Voyteck et Adamante (je kiffe de trouver des prénoms exotiques dans mes TRs). Voyteck et Adamante me marquent parce qu’ils sont posés, pas du tout foufous, et en plus ils sont beaux. C’est con de dire ça, mais c’est le genre de truc qui me marque.
On est tous dans la bagnole, on est blindés, et je lance « Vous êtes content d’être là les enfants ? » « Oui ! » Et en même temps ils me charrient, parce que je les prends pour des gamins.
Ah, mais que voulez-vous, là je m’amuse grave, je conduis la bagnole de papa-maman, gavé de teufeurs, de bière et de pâté, pour aller en tekos. Ha ha je m’éclate je vous dit.
Le camtar part ! Allez ! On se met en chasse, on le suit ! On est la deuxième voiture dans le cortège, on lui colle au cul à ce camion, on va pas le lâcher. Osiris balance les Doors dans l’autoradio, l’ambiance est survoltée, on est à fond.
Au bout d’une petite demi-heure de route sans histoire, on se retrouve dans la cambrousse au milieu des éoliennes. On passe à côté de ses mastodontes, on continue notre chemin, le camion s’arrête indécis, puis continue sa route, et on se retrouve à un endroit où on s’arrête. On voit Moquette avec sa lampe qui organise le parking. Nous sommes sur un chemin entourés de broussaille, mais on a de la place pour mettre les voitures. Les camions, eux, se sont mis dans les bois. À l’orée du bois, sous les arbres, ils commencent à poser le son.
Grâce à Moquette, on a un bon endroit où on a mis la voiture. Voyteck et Adamante sont sortis, nous voilà entre nous.
En attendant le son
01:37 Il est l'heure de manger du saucisson. Il est 01:37 en fait. On a collé le camion au cul, on a garé la bagnole, et on va rouler un bédo.
Comme le dit Osiris, on est arrivés, je peux me prendre une cuite. Hop une bière.
Grand débat sur « faut-il proder quand on est bourré à l’alcool ?», avec une perle d’Osiris :
"Quand je ne suis plus au high de ma bourritude, je prode."
Merci mec, celle-là je me la garde !
Bon, j’ai une bière, je sors, je déstresse. La voiture est posée, les gens sont posés, et assez sympas en plus. Je passe voir Ilona et Stewart, qui sont dans leurs voiture avec un mec qui se prends un rail de subutex, son traitement d’ancien héroïnomane. Je ressort.
Le son n’est toujours pas posé, les sound systems prennent un peu leurs temps, d’après les teufeurs. J’en profite pour voir un peu les gens. Moquette est occupé à garer les voitures, et là, une rencontre de plus. Eloï et Satine, deux jeunes gens du coin qui forment un joli couple, ont froid, et veulent passer chez eux pour récupérer des habits. Ils n’habitent pas loin, mais vu qu’on s’entends bien je me retrouve à les embarquer en voiture pour leurs faciliter le travail. Je crois avoir bien saisi l’esprit de solidarité qui anime les teufeurs.
Je les embarque, j’apprends qu’ils ont 16 et 17 ans, ça m’effare un peu, mais on est content. Tout en conduisant sur les chemins de terre cahoteux de la campagne, je continue de boire ma bière, et je goûte à un peu d’interdit, j’ai sûrement dépassé le taux d’alcoolémie règlementaire. Ho, et alors ? On est libre ici ! Je conduit pas vite, et sur une courte distance. Nous voilà arrivés chez eux. Je note :
02:22 J'ai décidé d'emmener Eloï et Satine pour aller chercher des fringues. C'est cool comme ambiance, la bière et l'exprit de la teuf ont fait du bien. Je commence à fatiguer, ceci dit. Il est 2h du mat après tout.
L'ambiance avant glauque me semble être devenue plus cordiale à l'approche de la teuf, une fois dans la campagne entre gens branchés. Un certain esprit de dévouement règne et je pense bien le représenter.
Je me rend compte à quel point je suis dépendant de Eloï et Satine pour retrouver mon chemin. Je les aide, ils doivent m'aider, c'est un fait enraciné dans les choses.
Il est 02:27. Mais que font-ils? Ah, j'aperçois Satine à l'intérieur. Ils ont l'air de venir. Et c'est reparti.
Et hop on retourne à la teuf. Une petite demi-heure s’est écoulée, Osiris et Atarax ont eu un peu le temps de flipper à force de plus me voir (et de plus voir la voiture). Je me regare, on s’explique, tout va bien. Reste qu’ils ont un peu flippé quand même. Allez, on se pose à nouveau.
02:49 Osiris: "C'est de la chouille, un apéro au son".
Atarax: "Mais y'a pas de son."
Posé dans le fond de la voiture. Pas de réseau. Des étoiles au-dessus du capot, Stairway to heaven, c'est Rock'n Roll dans la caisse je vous dit.
Le temps passe petit à petit, il ne se passe pas grand-chose.
03:12 Baisse de moral chez les troupes. Toujours pas de son, on est à 01:11 heure solaire, le moment le plus noir de la nuit.
Le son part, je drope de la MDMA
Et vers 3:15, le son part. Bam bam bam bam ba-ba-bam, du gros son de teuf, propre. Le mur est constitué de quatres grosses enceintes posées sur des caissons de basse, avec des grosses sangles pour les tenir entre deux arbres. Il y a de la place pour danser, juste ce qu’il faut. Les camions encombrent un peu le chemin, ça fait moyen. Le matos qui couvre les tables est impressionant. Platines vinyles, table de mixage, ordi, normal. Mais il y a foule d’autres trucs dont j’ai pas idée de l’importance, wow.
Tout est réuni pour cracher un son costaud et propre. Et effectivement, le son est costaud, le son est propre. Plus rien à voir avec le marteau qui cognait dans les oreilles au bar, le son dispose de l’espace nécessaire pour s’épanouir. C’est une grosse machine organique qui pulse. Du bon gros son.
Bon, je suis venu pour voir ce que c’est, alors je vais proder. Ça servirais à rien d’avoir fait tout ce chemin si c’est pas pour avoir en le cœur net : qu’est-ce que la teuf ? Autant le faire de façon complète. Alors je cherche de la drogue.
Je cause rapidement aux gens pour savoir s’il y a de l’acide, c’est ça qui m’intéresse. Non, y’a pas. Y’a même presque plus de MDMA, apparement, mais de la coke tout plein. Bon. Je cause assez pour qu’on m’introduise à un camion où un bonhomme vends des paras (la coke ça m’intéresse pas).
03:32 Ambiance faisable. Un para de MD pour 10€, hop-là. La MD c'est safe de toutes façons. Je prends les feuilles pour noter.
Mon para fait 120 mg, d’après le dealer, soit la dose standard. C’est bon à savoir, ça. Quand j’ai dropé de la MDMA la dernière fois, il y a deux ans, j’en ai pris une dose inconnue et sûrement trop grande.
Bon, je retourne à la voiture en attendant. Osiris et Atarax y sont, avec une fille à l’air sympa. Je m’assied sur le siège conducteur et commence la conversation. Oui, j’ai dropé il y a un quart d’heure, Atarax aussi, mais pas Osiris. La fille connaît la MD, est capable de commenter ma montée.
03:50 Moi toujours rien.
Eux toujours rien non plus.
Y'a un truc qui change. Le cœur pousse comme la dernière fois.
Ahhhhh, si, il y a quelque chose. Ah, nom d’un chien, ça pousse. Ça me vient de la poitrine, ça remonte. Y’a de l’énergie qui se déplie. La fille me confirme que la MD ça peut monter vite. Quand même, au bout de vingt minutes seulement, ça change du DXM.
Bon, je sors de la voiture et je vais devant le son, puisque ça monte.
La crise
Je tangue. Ça bouge. Je m’aperçois que ça monte, que je me met à triper. Bon, je progresse devant le son. Je suis devant le son.
Je sens la sérotonine qui fait flic floc dans mon cerveau. Ça bourre ça bourre, je sens la puissance qui se pointe, la grosse grosse grosse puissance. Je ferme les yeux, et je sens les hallus qui sont prêtent à exploser. Pour le moment j’ai quelques tâches qui dégoulinent et qui ne demandent qu’à se synchroniser sur cette musique qui me vrille la tête. Mais quelque chose bloque encore. Je suis devant le son et je chope une feuille dans ma poche, et mon stylo, et j’écris :
03:56 Ça monte c'est indéniable. Il y a quelque chose à lâcher, là.
Je regarde les autres, qui dansent comme des fous furieux. Je ne veux pas faire partie d’eux. Je ne veux pas transer comme ça. Je prends trop de drogue dans ma vie, en ce moment. Ça va trop vite.
Je m'en veux d'avoir prodé. Trop de prods en ce moment.
Bordel mais qu’est-ce que je fous là à refuser l’expérience ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
Pourquoi j'ai fait ça? Je suis devant le son quand ça bloque je ne veux pas lâcher prise.
Je sais qu’il faut lâcher prise, que c’est le maître mot de la spiritualité, de la drogue, de la vie. Et lâcher prise devant ça ? M’abandonner à la toute-puissance du monstre, comme le font ces teufeurs avec complaisance, qui se dandinent devant le son en hurlant ? Devenir comme eux ? Ah, vais-je devenir un teufeur transé ? Vais-je devenir un drogué de la teuf ? La crise existentielle devient énorme, monstrueuse. La grosse mort/renaissance que j’avais pas vu venir. Est-ce que Styloplume, étudiant, drogué spirituel, croyant, va mourir, pour renaître en teufeur qui lâche tout devant le mur du son ? Mais j’ai pas envie de me placer devant les enceintes et de me défoncer les oreilles au passage !
Est-ce le bad ou le choix de ma vie?
Ça ressemble bien à un bon gros bad, quelque chose que je n’ai jamais vécu, et en même temps je suis effaré de le voir se dérouler comme ça, de le comprendre en temps réel, de suivre ma pensée, et de voir là où ça bloque.
Tout seul, la mystique, oui. Mais ensemble? Ça me semble hérétique de trouver la complétion comme ça.
Et mon enfant intérieur se manifeste :
Je ne veux plus revenir ici.
Je me met en mouvement pour sortir, je croise Moquette, qui voit que ça va pas. « Est-ce que tu penses au futur ? » me demande-t-il. En plein dans le mille. Mais je ne fais pas confiance à ce gars, on ne se connaît pas assez, et on était plutôt à se confronter intellectuellement avant. Je ne vais pas lui parler, je ne me sens pas en confiance.
Moquette me tire vers le son, il me pose parmi les danseurs et me dit « Allez, t’es venu, maintenant tu assumes. » Ce gars pense bien faire. Mais moi je le sens très mal. Je trouve à noter :
Respire. Ça va mieux.
En effet, bien respirer ça pose toujours et ça oriente un trip dans le bon sens. Moquette trouve que je fait mon autiste à noter sur mon papier. Je me barre pour y voir plus clair, et puis j’ai peur du son, je me sens vraiment pas bien.
En chemin je croise Atarax qui voit que je fuis le son. Je ne fais pas le malin, je m’écroule un peu. Il me tire vers le son, il veut m’aider. Je traîne, je chiale, je dit que je ne veux pas, que j’ai peur, je tombe, il m’entraîne, il me porte, je le suis, tout penaud.
Et revoilà le son, le méchant son. Je me pose, je me remet en mode respiration, à ne plus bouger, à écouter. C’est mon mécanisme de survie quand je me perds dans la grosse fractale.
Je suis calme, dans l’œil du cyclone. Bon, j’ai fait une connerie, j’ai dropé de la MD, soit. Je vais pas bien, d’accord. Les autres ne m’aident pas vraiment, ok. Qu’est-ce que je veux au plus profond de moi ?
Respire. Au fond de moi, je veux m’éloigner de ce son.
Check, c’est noté dans ma tête. Et maintenant, qu’est-ce que je peux faire ?
Respire. Je peux faire un plan de secours.
04:16 Allez! Un plan de secours! On parle avec l'enfant. Ça c'est mon truc.
Les choses se déroulent très vite. Un plan de secours, je sais ce que c’est. J’en ai fait des masses sous DXM et sous THC quand ça allait pas fort. Il s’agit de me consacrer à moi. Parler avec l’enfant intérieur. Trouver les bugs, les considérer, et hop voilà le travail.
Je suis calme, je marche posément vers la voiture. Fin de la crise.
Le plan de secours
Je me met dans la voiture, je suis bien. Ici je peux décompenser. Je laisse mon enfant pleurer, je me couche sur la banquette, tout de suite ça va mieux. Je sens que ce travail intérieur va bien tourner.
Soudain, Ilona passe à la voiture, je sens le gros dialogue de MD bien constructif qui se pointe, mais je suis trop occupé à me soucier de moi. Je me remet à mon plan de secours.
04:29 Ilona est passée, j'ai commencé à raconter mon truc mais elle a dit "Pense à moi"
"Je suis désolé, je ne peux pas penser à toi."
Ce coup-ci, ce n'est pas un plan méditatif psychonautique, c'est un véritable dialogue avec l'enfant intérieur.
Même si je parviens à la réconciliation, je ne veux pas revenir en teuf, je pense que ça ne correspond pas à mon chemin.
04:31 Allez on cause avec l'enfant.
Je calcule rapidement que ce qui s’est passé devant le son était parti pour être méchamment costaud niveau psychonautique, la grosse extase, avec Dieu et tout. Mais c’était trop fort.
04:33 On a sous-estimé la toute-puissance de Dieu, surtout quand il est vendu pas cher en poudre de MD.
De plus, je me sens trop différent des autres teufeurs, pas en phase avec leurs démarche. À confronter nos chemins, je trouve que le mien vaut mieux.
04:35 Je n'ai pas envie de l'accepter car je me crois supérieur.
Mmh. Faire un complexe de supériorité, c’est louche. Je comprends bien que c’est du à une souffrance de l’enfant. Alors, je suis un adulte, je sors ma responsabilité.
04:37 L'adulte dit: "Écoute, je vois que c'est important pour toi, alors tu sais quoi? On n'est pas obligés d'aller devant le son. C'est une décision d'adulte! Plonger dans la grosse fractale c'est le gros truc psychonautique qui manquait lors de l'extase selon Saint Pamplemousse.
Tout ceci va trop vite, en somme. Tout ce ceci va trop vite pour un chemin spirituel où... ah, mais le DXM c'est difficile, c'est pour ça que je le fais. J'aime me sentir progresser avec le DXM. Et puis la MD ça retombe."
Paf paf paf ça remet toutes mes pendules à l’heure. Allez, je ne lâche plus ce cahier qui me fait du bien.
Aux côtés des autres teufeurs dans la voiture
04:41 Osiris et Atarax sont rentrés. Osiris: rien. Atarax: MD.
La lumière monte au-dehors. Je ne vais pas leur parler de mon histoire maintenant, peut-être. Je pourrai leur dire demain.
04:43 On nous propose de la coke à la voiture.
Pendant qu’ils sont là je continue mes réflexions. Je compare mon chemin à celui que font les autres. Évidemment, je ne peux pas en juger parce que je ne les connaît pas, mais les quelques différences évidentes me semblent révélatrices.
04:44 En fait, est-ce mal de me sentir supérieur?
Mon parcours est effectivement plus riche et difficile que transer sur la MD.
Galaad sera content.
En fait c’est une grosse connerie que j’ai écrite, parce que si c’était facile de transer sur la MD j’aurai pu le faire, or j’en ai été incapable. Ceci dit mes réflexions me plaisent, je m’affirme.
04:45 Qu'est-ce qui m'empêche de profiter du son maintenant si j'ai mon propre chemin de mon côté? En tout cas l'enfant est content.
04:47 Osiris me dit "Quels effets? Tu devrais faire des câlins à tout le monde. Il me faut des prods."
Et ben oui, Osiris, je pense que j’ai pas laissé la MD me gouverner. J’ai pas voulu lâcher prise. Oh, et puis, en même temps, j’ai pas besoin de MD pour faire des câlins !
04:49 On parle de drogue, et on nous parle d'effets.
Moquette est rentré.
Nous voilà à quatre dans la voiture, ça sent le pâté, ha ha, on a de quoi manger, hein les gars ? J’écoute attentivement la conversation, j’y cherche un sens. J’écoute si ça résonne avec ce que je pense et ce que je ressent. Or, ça ne résonne pas du tout. Le contact ne passe absolument pas. Je ne sens pas ces bonhommes-là être sur un chemin spirituel qui ressemble un peu au mien. Et je suis bien content d’avoir le mien.
Pas de chemin. Or, j'ai un chemin.
Vu que je suis en train d’écrire sur mon cahier, ils me charrient un peu. Moquette dit « Ah, laissez-le, il fait son autiste. » Aha, non les mecs je ne fait pas mon autiste ! Je suis un grand garçon ! Je le leurs dit très clairement, je me fait respecter, messieurs.
04:52 Ils me charrient et je leurs dit: "Je suis capable de m'occuper de moi-même." (bon, ça)
Ah la vache ça fait du bien, je suis un vrai mec, costaud psychologiquement.
Errance et réfléxions
Je sors de la voiture, j’ai besoin d’air. Je passe devant le son, ça ne me corresponds pas. Je m’en vais dans la sollitude, sur la route.
04:53 Je repasse devant le son. C'est beaucoup trop puissant, si on veut triper là-dessus c'est Shiva direct comme hallu, et c'est trop fort pour moi je crois. J'en ai peur mais je peux maintenir ma petit connexion.
Je m’éloigne du son et m’en vais dans la sollitude, sur la route. Aha, c’est comme au Hadra, où la descente de LSD a été dure, où je ne voulais pas faire partie de ce groupe de tranceux qui se dandinait sur la dark.
04:56 Styloplume erre comme au Hadra où il s'en voulait de ne pas faire comme les autres.
Moi je suis repassé en trip safe.
Je vais redanser pour choper des sensations fortes? Ah quand même ça me ressemble pas.
Alors, maintenant que ça va mieux, je retourne devant le son ? Est-ce que c’est vraiment malsain, après tout ?
04:50 Tu sais quoi? L'adulte décide qu'on va
Coupé dans mon écriture. Le kick de hardteck a laissé la place à un sample de Coluche qui braille un truc du genre « Vous croyez pas qu’on va se laisser emmerder non ? », et puis hop sirène de flic.
Mon sang se glace. Ce que je vis est affreux. On a atteint le fond du panier, la misère humaine, le désespoir complet. Le kick reprend et Coluche gueule « Les salauuuuuds.... ». Ah putain j’ai peur, je me sens mal, y’a vraiment plus d’espoir là, tout est fini.
Merde merde et MERDE non je suis un adulte et je refuse de retourner là-dedans.
Ah merde ils passent Coluche "On a va pas se laisser emmerder.... les salauds..." et des sirènes de flic. C'est NON.
Y'a quelque chose de malsain qui se dégage de ça, et que je vais pas laisser passer. En fait c'est pas comme le Hadra. Le S&S vaut pas le coup.
05:08 Pas d'amalgame non plus. Ne jugeons pas les gens. Je ne dois pas porter de jugement sur la teuf.
Juste je préfère les oiseaux.
Je préfère l'échange, le partage, tout ce que les gens demandent.
Peut-être bien qu'Osiris se donne tellement de mal pour aller en teuf parce que profondément il recherche Dieu?
Ah, mais pas besoin de tout ça pour Dieu. Dieu est ailleurs que dans la séroto.
Bon, j’envois un SMS à Athanase (on a chopé nos numéros), et mon message est le suivant : "J'ai trouvé ce côté malsain dans la teuf et je le refuse. Je fais ça en adulte. Merci pour ton témoignage Athanase, il me donne de la force."
Maintenant que je me suis centré moralement, que j’ai reconstruit ma personnalité, trouvé l’enfant et consolidé l’adulte, je suis prêt à témoigner de ce en quoi je crois auprès des autres, je veux leur parler de la lumière.
Allez, maintenant qu'on a fait le tri on peut retourner voir les autres.
Mais rapidement je me rends compte qu’ils sont pas venus pour m’entendre prêcher, et en plus ce que je raconte serai trop en clivage avec la teuf. Seule Ilona est susceptible de s’ouvrir à ce que je veux lui dire, parce qu’on a de la confiance l’un en l’autre, qu’on s’est déjà bien parlé et retrouvés.
Je peux aller voir Ilona pour lui témoigner de l'amour, dans le sens lui témoigner à propos de l'amour.
Être sa bonne rencontre à elle.
Est-ce que je vais jouer au gourou qui a tout compris, du coup ? Ah, non. Je pense pas tomber dans ce piège. Je vais être honnête avec Ilona.
05:18 Allez, on va voir Ilona.
J'ai tout compris, illumination et tout NON! Mais je vais leurs faire comprendre ce que j'ai compris.
EDIT: Le pdf est en pièce jointe normalement ça marche. Il faut scroller en bas de ce post pour le récupérer.
J’ai été en teuf
Un truc est sûr : j’ai été en teuf. C’est indéniable, c’est certain. J’ai vécu un truc.
Beaucoup de texte dans ce TR, parce que beaucoup de rencontres et une forte expérience. Vu qu’avant, après, et tout au long de cette teuf, j’ai pris des notes sur mon cahier, je les retranscrises ici, en me servant de la police de caractère ComicSansMS.
Comment tout a commencé
Tout a commencé par une rencontre trois semaines auparavant. Dans une soirée psytrance bien sympa, je rencontre Osiris, étudiant comme moi (en plus jeune), adepte des prods. On parle de notre passion commune pour la drogue, on se dit bien qu’un jour on prendra de la drogue ensemble. On se promet de se revoir.
Les choses ne sont pas si simples, on ne se revoit pas direct, ou alors pas comme je le pensais. Je pensais philosopher à propos de la fractale, et en fait je n’ai pas réussi à parler avec lui selon le mode que j’attendais. J’ai été en soirée chez lui (ha ha, la soirée étudiante sous psytrance, c’est unique je vous dit), et il m’a parlé des teufs dans lesquelles il aime aller. Il me propose de m’emmener. Vu. L’expérience m’intéresse, j’ai jamais été en teuf, et puis je cherche toujours de l’acide pour des raisons personnelles. J’en trouverai peut-être en teuf ?
Pourquoi l’expérience m’intéresse ? Et ben, un endroit où les gens sont libres d’écouter le son qu’ils veulent, de prendre de la drogue comme bon leur semble, et ce en pleine nature, oui ça m’intéresse. Voir l’ambiance. Vivre quelque chose de plus. J’aime les trucs dangereux, aussi.
Nous autres étudiants sommes en vacances, je me suis mis en recherche de travail pour l’été.
Osiris m’a expliqué qu’il y aurais plusieurs teufs au week-end qui nous intéresse, et on est parti sur celle de vendredi soir, a priori. J’ai le permis, mais on a pas de voiture. Un copain à lui est susceptible de nous en prêter une. On part sur ça.
En fin de compte je rentre chez mes parents dans la semaine, parce que j’ai des trucs à régler. J’appelle Osiris pour lui dire que je viendrai pas en teuf. Bon, bah, tant pis.
Une fois chez moi, j’apprends que j’ai trouvé du boulot, mais j’aurai besoin de la voiture de papa-maman pour ce même boulot. Du coup, ils me la prêtent. Je reviens le vendredi dans ma ville d’étude pour des entretiens et choper ce fichu boulot. Du coup, j’ai la voiture ! J’appelle Osiris : « Hé, mec, je suis en ville vendredi, et j’ai la voiture. On peut partir en teuf ! »
Présentations
Après une journée à droite et à gauche en voiture à régler des affaires de taf, je retrouve Osiris chez lui vers 18 heures. Son pote Atarax est là. Présentons les gens.
Osiris est étudiant en commerce, il est grand comme moi, mince comme moi, assez expérimenté niveau teuf et prod, enthousiaste pour la soirée.
Atarax est étudiant en ingénierie, il est moins grand et plus robuste, plus posé. Il connaît Osiris depuis deux ans, et cumule autant d’expérience de la perche que lui.
Et moi, c’est Styloplume, étudiant en psycho, à vocation de thérapeute. Les études se passent bien, j’ai trouvé du taf pour l’été (pas ultra-motivé là-dessus, mais bon...).
Ces sympathiques personnes ont la vingtaine, à la différence de moi, qui compte cinq ans de plus environ.
On parle vite fait de sorties, de teufs, d’organisation. Ah ! L’organisation ! C’est que je m’étais montré stressé auprès d’Osiris niveau orga. Après tout c’est moi qui conduis, j’ai jamais été en teuf, etc. On pose le planning : faire les courses (bouffe+alcool), se poser en chill-out à côté du lac, aller dans la soirée hardtek que fait le sound system dans un bar, et vers minuit on suivra les camions jusque dans la cambrousse, et pour la suite on avisera, bien sûr. Ils sont au courant que le lendemain à 19 heures je doit être chez Galaad pour une soirée, et que je les reconduirai en ville avant ça.
Ça me va comme orga. Rapidement on charge toutes leurs affaires dans la voiture, plein de couvertures, duvet, tente, etc.
Les courses
Je vous jure, j’ai jamais été aussi excité d’aller à Carrefour. Les mecs ont empilé des tonnes de bières (ha ha, 24 bières de 50 cl dans le caddie), de pain, de pâté (les mecs, putain, pourquoi du pâté?), de cookies, de jus d’orange, tout ça dans le chariot. Y’en a eu pour 40 € de courses.
Moi je me marre, je suis effaré, j’ai les boules de la soirée qui s’annonce. Ça prends une envergure de malade ce truc ! Et en même temps une petite voix me dit que ces mecs savent ce qu’ils font, ils ont l’expérience, et en plus ils sont super contents de la soirée qui s’annonce, parce que je les conduis en voiture, ça leur fait un super set & setting d’avoir une bagnole comme point de raliement.
Hop, c’est payé, on met tout dans le coffre. La voiture de papa-maman est devenue un char prêt à partir en guerre.
Le chill-out
Hop, on retourne vers les logements d’Osiris, à côté de chez lui il y a un lac où on est bien, avec plein d’herbe, des canards, des arbres, et un travail de paysagisme respectable. Il fait un temps magnifique qui tiendra tout le week-end.
On se pose, on lâche un peu tout, on est bien. Moi j’ai du mal à déstresser, en plus les mecs se mettent à parler d’alcoolisme, et je me sens un peu partir. Alors je viens dans la conversation, je l’oriente un peu, et je m’aperçois un peu des mécanismes psychologiques de la conversation. On parle surtout pour être ensemble. Quand un sujet de conversation est introduit, les interlocuteurs parlent des choses qu’ils connaissent à propos de ce sujet. On voit rapidement l’étendue de leurs connaissances.
Les sujets de conversation que j’introduit ne durent pas longtemps. On n’est pas en phase, en fait. J’ai pas vécu les mêmes choses, j’ai pas les mêmes centres d’intérêt. Je ne leurs dit pas bien sûr, mais je sens que si on n’arrive pas à se connecter ensemble comme ça, la MD n’y changera rien. Je sens déjà que je ne suis pas dans un milieu qui me correspond.
Mais chhhh, chhh, pas besoin de stresser, profite de l’herbe Stylo. Et en plus tu as la voiture, c’est toi qui conduis, tu mènes la barque. Et au cas où, tu as tes plans de secours.
Retour à la conversation. Deux autres personnes s’amènent, des amis d’Osiris. Appelons-les Fabien et Perle (j’invente tout, ce ne sont pas leurs prénoms). Fabien est du genre tranceux, comme Osiris, et Perle est une étudiante jolie comme pas possible, assez coquette, un peu effacée.
Nous sommes posés sous le soleil et l’ombre des arbres. Toute la conversation tourne autour de la perche. Je ne participe pas trop trop, car chaque fois que j’envois un sujet de conversation, ça retombe rapidement. Et en même temps, bah, c’est pas grave, je suis différent après tout.
C’est le moment où je me décide à écrire la première note dans mon cahier :
21:05 Chaque fois que je m'apprête à faire un truc dangereux j'ai peur avant. Normal.
Est-ce qu'un jour j'arrêterai de faire des choses dangereuses? Ah, l'inconnu, quelle aventure.
L'ambiance ici ne me ressemble pas trop. En fait je ne partage pas ma vie avec des gens qui prennent de la drogue, d'ordinaire.
La drogue pour l'introspection? Apparement on aime l'esprit chamanique, le rush, l'extase, mais on ne s'y lance pas dans un démarche qui ressemble à la mienne. Mais il est trop tôt de juger quoi que ce soit, bien sûr. Je n'ai pas encore expérimenté la perche collective.
Atarax s’intéresse à ce que j’écris. Je lui explique ma démarche de rédaction de trip reports. Stylé, il trouve. Je lui montre ce que j’ai écris sous DXM il y a une semaine de cela, et il rentre à fond dedans. Atarax me demande s’il pourra lire ce que j’écris de cette sortie en teuf. Je lui dit oui. Et en même temps, je lui explique que je préfère qu’il évite de lire en cours de route, parce que je veux me sentir libre. Vu, ça lui va. Et moi je sens que je suis content de pouvoir partager ma manière de triper avec quelqu’un. Je kiffe ça, d’écrire sur mon cahier pour faire un gros TR après. Je garde une trace bien vivace.
Donc je garde mon cahier, c’est validé, c’est cool. La conversation se poursuit, et à mesure qu’on parle plus, je sens une petite alchimie qui se fait, je me confronte un peu plus à moi-même, et je note ça :
22:15 Pourquoi je flippe? Seul mon set semble poser un problème, alors que le setting semble juste excellent. Je commence à lâcher prise. Avant, je prenais beaucoup de recul sur ce qui me semblait être des jeunes drogués, et maintenant j'ai moins peur de fair partie d'eux, héhé. Le temps est magnifique, je suis sobre, donc responsable. De plus je calcule qu'il y a beacoup de temps disponible pour monter et redescendre. Droper à 2-3 heures => retombé à 14h, 5 h de sommeil.
De plus, ce rôle de chauffeur responsable me plaît. Je ne bois pas, ne fume pas, et ne compte rien prendre avant d'être sur place.
De tout repasser en revue, je me sens rassuré. Tout va bien en fait. Le setting construit le set (comme l'extase selon Saint Pamplemousse).
Le setting, c’est l’environnement matériel et humain, l’ambiance. Le set, c’est l’état d’esprit. Ici, l’ambiance et l’organisation tendent à me rassurer, et c’est bien.
L’extase selon Saint Pamplemousse, c’est mon trip au DXM d’il y a une semaine où j’ai atteint un niveau d’extase super lucide, encore jamais atteint avant, qui m’a bien montré les progrès que j’ai fait avec le DXM. En deux ans et en vingt prises de cette drogue que je trouve difficile, j’ai finit par débugger ma conscience assez pour me mettre en paix avec moi, au point de me détacher de mon corps. Et en même temps, j’ai vu à quel point je suis tout petit et que j’ai encore plein de travail à faire. Je suis content de mes progrès de ce point de vue là, et je suis bien dans ma peau.
Bon, après ce petit chill-out, on se décide à aller dans cette soirée hardtek, dans ce bar en ville, d’où on pourra suivre les camions jusqu’à la teuf. On emmène Fabien et Perle avec nous.
Soirée hardtek au bar, rencontres
Nous y voilà. Il y a des teufeurs, mmh, pas des masses non plus. Du gros son posé dans une salle où les gens se dandinent. Cette musique est beaucoup trop forte, l’espace comprime le son qui me vrille les oreilles. C’est vraiment du gros bam bam qui me repousse plutôt. Osiris se pose devant le son. Mais je préfère partir causer avec les gens.
Je rencontre Moquette, un mec plus vieux que moi et qui semble disposé à me parler. Il m’explique rapidement comment la teuf s’organise, comment suivre les camions et tout. Ça me fait des détails pratiques, c’est cool. On enchaîne sur l’expérience psychédélique et Moquette semble bien expérimenté. Il a vu l’enfer dans les yeux de ses potes, ce mec, je le sens. Je m’imprègne de son expérience, qui est plus longue que la mienne. Ce gars connaît très bien la teuf, ses dangers, ses apports, il a du recul. Et il a une façon d’observer le monde qui est responsable, plus une bonne connaissance de la psychologie de l’enfant. Il m’explique que les trois premières années de la vie sont celles où on apprends tout, et dans lesquelles on se retrouve plongé sous drogue. Nous sommes des enfants qui nous imprégnons de tout, dit-il. Ah, ça fait du bien de sentir une vision du monde concrète et construite.
Et en même temps, je sens que je n’ai pas du tout la même façon de triper que lui. L’introspection, il s’en méfie, il n’a jamais dropé seul. Et j’ai pas l’intention de le convaincre de quoi que ce soit, il me semble dubitatif.
Autre rencontre, c’est celle d’Athanase. J’ai déjà vu ce gars dans la même soirée psytrance que celle où j’ai rencontré Osiris, mais on n’avait pas vraiment parlé. Ce qui m’a marqué chez lui, c’est son look. Il a les cheveux rasés sur les côtés, et des belles dreads qui sont groupées sur l’arrière. Un visage noble, quelques piercings, un sarouel, et surtout, l’air bien décontracté. Cet air décontracté, je ne le vois pas partout.
Cette fois-ci, le fait de se revoir change la donne. Athanase s’ouvre. Il m’explique que ce son de teuf peut être malsain, dans le sens où il ne pointe pas du doigt vers la lumière. Les samples utilisés, l’ambiance générale, tout ça tire vers le bas, plutôt. Athanase ne viendra pas à cette teuf, d’ailleurs il va le lendemain à une grosse soirée psytrance où j’aurai kiffé de venir si j’avais pas du aller chez Galaad. Si j’avais pu venir à cette soirée psytrance, jamais je ne serai venu en teuf avec Osiris.
Athanase me témoigne de sa vie, de la manière qu’il a de regarder le monde, et qui a bien changé. Il m’explique bien que ce son de teuf ne lui apporte pas grand-chose, et qu’il préfère s’orienter vers la lumière.
Je suis super content. Voilà quelqu’un qui me parle de la lumière. Or, la lumière, c’est mon kif.
Voilà un gars que je vais revoir.
J’essaie de me poser devant le son, et je note ceci :
00:20 En fait je me suis posé sur le son dans le bar et j'ai eu peur de tant de puissance sauvage et du caractère glauque du spectacle des tripeurs dansés. Mais je suis bien entouré de tranceurs rigolards qui me rassurent et me serviront de repères affectifs. Ilona devrais arriver bientôt.
J'ai de l'excitation. Qu'est-ce que ça donnera en pleine forêt? "Avec une voiture c'est trop posé" dit Osiris. Donc c'est bien niveau set.
00:30 Stewart et Ilona sont arrivés!
Je suis content de les revoir, ces deux-là. Ilona a fait psycho dans mon année, mais là elle arrête, elle va partir vivre de ses propres ailes dans le grand monde. Stewart, c’est son copain, un mec bien, un peu distant, du genre à avoir le smile sans trop de raison. Ils sont venu avec la voiture de Stewart.
Ah, j’ai oublié de dire que pendant ce temps j’ai déjà reconduit Fabien et Perle en ville. Perle voulait venir, mais je le sentais très très mal d’emmener une fille inexpérimentée en teuf. Fabien, lui, a songé à venir, mais a eu la bonne idée de laisser tomber, ce qui a conduit Perle à laisser tomber aussi. Je suis soulagé et je reviens au bar.
Le voyage en voiture
L’heure avance, on est tous excités, on veux pas rater le départ des camtars, après tout on sait toujours pas où c’est. Ah, si, une fille sympa m’explique longuement où ça se trouve, je note son explication comme je peux, mais je ne veux pas compter dessus, ça reste flou. Bon. C’est pas loin, en tout cas.
L’excitation monte, comme je m’y attendais, je récupère des teufeurs en manque de moyen de transport. Un jeune couple, Voyteck et Adamante (je kiffe de trouver des prénoms exotiques dans mes TRs). Voyteck et Adamante me marquent parce qu’ils sont posés, pas du tout foufous, et en plus ils sont beaux. C’est con de dire ça, mais c’est le genre de truc qui me marque.
On est tous dans la bagnole, on est blindés, et je lance « Vous êtes content d’être là les enfants ? » « Oui ! » Et en même temps ils me charrient, parce que je les prends pour des gamins.
Ah, mais que voulez-vous, là je m’amuse grave, je conduis la bagnole de papa-maman, gavé de teufeurs, de bière et de pâté, pour aller en tekos. Ha ha je m’éclate je vous dit.
Le camtar part ! Allez ! On se met en chasse, on le suit ! On est la deuxième voiture dans le cortège, on lui colle au cul à ce camion, on va pas le lâcher. Osiris balance les Doors dans l’autoradio, l’ambiance est survoltée, on est à fond.
Au bout d’une petite demi-heure de route sans histoire, on se retrouve dans la cambrousse au milieu des éoliennes. On passe à côté de ses mastodontes, on continue notre chemin, le camion s’arrête indécis, puis continue sa route, et on se retrouve à un endroit où on s’arrête. On voit Moquette avec sa lampe qui organise le parking. Nous sommes sur un chemin entourés de broussaille, mais on a de la place pour mettre les voitures. Les camions, eux, se sont mis dans les bois. À l’orée du bois, sous les arbres, ils commencent à poser le son.
Grâce à Moquette, on a un bon endroit où on a mis la voiture. Voyteck et Adamante sont sortis, nous voilà entre nous.
En attendant le son
01:37 Il est l'heure de manger du saucisson. Il est 01:37 en fait. On a collé le camion au cul, on a garé la bagnole, et on va rouler un bédo.
Comme le dit Osiris, on est arrivés, je peux me prendre une cuite. Hop une bière.
Grand débat sur « faut-il proder quand on est bourré à l’alcool ?», avec une perle d’Osiris :
"Quand je ne suis plus au high de ma bourritude, je prode."
Merci mec, celle-là je me la garde !
Bon, j’ai une bière, je sors, je déstresse. La voiture est posée, les gens sont posés, et assez sympas en plus. Je passe voir Ilona et Stewart, qui sont dans leurs voiture avec un mec qui se prends un rail de subutex, son traitement d’ancien héroïnomane. Je ressort.
Le son n’est toujours pas posé, les sound systems prennent un peu leurs temps, d’après les teufeurs. J’en profite pour voir un peu les gens. Moquette est occupé à garer les voitures, et là, une rencontre de plus. Eloï et Satine, deux jeunes gens du coin qui forment un joli couple, ont froid, et veulent passer chez eux pour récupérer des habits. Ils n’habitent pas loin, mais vu qu’on s’entends bien je me retrouve à les embarquer en voiture pour leurs faciliter le travail. Je crois avoir bien saisi l’esprit de solidarité qui anime les teufeurs.
Je les embarque, j’apprends qu’ils ont 16 et 17 ans, ça m’effare un peu, mais on est content. Tout en conduisant sur les chemins de terre cahoteux de la campagne, je continue de boire ma bière, et je goûte à un peu d’interdit, j’ai sûrement dépassé le taux d’alcoolémie règlementaire. Ho, et alors ? On est libre ici ! Je conduit pas vite, et sur une courte distance. Nous voilà arrivés chez eux. Je note :
02:22 J'ai décidé d'emmener Eloï et Satine pour aller chercher des fringues. C'est cool comme ambiance, la bière et l'exprit de la teuf ont fait du bien. Je commence à fatiguer, ceci dit. Il est 2h du mat après tout.
L'ambiance avant glauque me semble être devenue plus cordiale à l'approche de la teuf, une fois dans la campagne entre gens branchés. Un certain esprit de dévouement règne et je pense bien le représenter.
Je me rend compte à quel point je suis dépendant de Eloï et Satine pour retrouver mon chemin. Je les aide, ils doivent m'aider, c'est un fait enraciné dans les choses.
Il est 02:27. Mais que font-ils? Ah, j'aperçois Satine à l'intérieur. Ils ont l'air de venir. Et c'est reparti.
Et hop on retourne à la teuf. Une petite demi-heure s’est écoulée, Osiris et Atarax ont eu un peu le temps de flipper à force de plus me voir (et de plus voir la voiture). Je me regare, on s’explique, tout va bien. Reste qu’ils ont un peu flippé quand même. Allez, on se pose à nouveau.
02:49 Osiris: "C'est de la chouille, un apéro au son".
Atarax: "Mais y'a pas de son."
Posé dans le fond de la voiture. Pas de réseau. Des étoiles au-dessus du capot, Stairway to heaven, c'est Rock'n Roll dans la caisse je vous dit.
Le temps passe petit à petit, il ne se passe pas grand-chose.
03:12 Baisse de moral chez les troupes. Toujours pas de son, on est à 01:11 heure solaire, le moment le plus noir de la nuit.
Le son part, je drope de la MDMA
Et vers 3:15, le son part. Bam bam bam bam ba-ba-bam, du gros son de teuf, propre. Le mur est constitué de quatres grosses enceintes posées sur des caissons de basse, avec des grosses sangles pour les tenir entre deux arbres. Il y a de la place pour danser, juste ce qu’il faut. Les camions encombrent un peu le chemin, ça fait moyen. Le matos qui couvre les tables est impressionant. Platines vinyles, table de mixage, ordi, normal. Mais il y a foule d’autres trucs dont j’ai pas idée de l’importance, wow.
Tout est réuni pour cracher un son costaud et propre. Et effectivement, le son est costaud, le son est propre. Plus rien à voir avec le marteau qui cognait dans les oreilles au bar, le son dispose de l’espace nécessaire pour s’épanouir. C’est une grosse machine organique qui pulse. Du bon gros son.
Bon, je suis venu pour voir ce que c’est, alors je vais proder. Ça servirais à rien d’avoir fait tout ce chemin si c’est pas pour avoir en le cœur net : qu’est-ce que la teuf ? Autant le faire de façon complète. Alors je cherche de la drogue.
Je cause rapidement aux gens pour savoir s’il y a de l’acide, c’est ça qui m’intéresse. Non, y’a pas. Y’a même presque plus de MDMA, apparement, mais de la coke tout plein. Bon. Je cause assez pour qu’on m’introduise à un camion où un bonhomme vends des paras (la coke ça m’intéresse pas).
03:32 Ambiance faisable. Un para de MD pour 10€, hop-là. La MD c'est safe de toutes façons. Je prends les feuilles pour noter.
Mon para fait 120 mg, d’après le dealer, soit la dose standard. C’est bon à savoir, ça. Quand j’ai dropé de la MDMA la dernière fois, il y a deux ans, j’en ai pris une dose inconnue et sûrement trop grande.
Bon, je retourne à la voiture en attendant. Osiris et Atarax y sont, avec une fille à l’air sympa. Je m’assied sur le siège conducteur et commence la conversation. Oui, j’ai dropé il y a un quart d’heure, Atarax aussi, mais pas Osiris. La fille connaît la MD, est capable de commenter ma montée.
03:50 Moi toujours rien.
Eux toujours rien non plus.
Y'a un truc qui change. Le cœur pousse comme la dernière fois.
Ahhhhh, si, il y a quelque chose. Ah, nom d’un chien, ça pousse. Ça me vient de la poitrine, ça remonte. Y’a de l’énergie qui se déplie. La fille me confirme que la MD ça peut monter vite. Quand même, au bout de vingt minutes seulement, ça change du DXM.
Bon, je sors de la voiture et je vais devant le son, puisque ça monte.
La crise
Je tangue. Ça bouge. Je m’aperçois que ça monte, que je me met à triper. Bon, je progresse devant le son. Je suis devant le son.
Je sens la sérotonine qui fait flic floc dans mon cerveau. Ça bourre ça bourre, je sens la puissance qui se pointe, la grosse grosse grosse puissance. Je ferme les yeux, et je sens les hallus qui sont prêtent à exploser. Pour le moment j’ai quelques tâches qui dégoulinent et qui ne demandent qu’à se synchroniser sur cette musique qui me vrille la tête. Mais quelque chose bloque encore. Je suis devant le son et je chope une feuille dans ma poche, et mon stylo, et j’écris :
03:56 Ça monte c'est indéniable. Il y a quelque chose à lâcher, là.
Je regarde les autres, qui dansent comme des fous furieux. Je ne veux pas faire partie d’eux. Je ne veux pas transer comme ça. Je prends trop de drogue dans ma vie, en ce moment. Ça va trop vite.
Je m'en veux d'avoir prodé. Trop de prods en ce moment.
Bordel mais qu’est-ce que je fous là à refuser l’expérience ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
Pourquoi j'ai fait ça? Je suis devant le son quand ça bloque je ne veux pas lâcher prise.
Je sais qu’il faut lâcher prise, que c’est le maître mot de la spiritualité, de la drogue, de la vie. Et lâcher prise devant ça ? M’abandonner à la toute-puissance du monstre, comme le font ces teufeurs avec complaisance, qui se dandinent devant le son en hurlant ? Devenir comme eux ? Ah, vais-je devenir un teufeur transé ? Vais-je devenir un drogué de la teuf ? La crise existentielle devient énorme, monstrueuse. La grosse mort/renaissance que j’avais pas vu venir. Est-ce que Styloplume, étudiant, drogué spirituel, croyant, va mourir, pour renaître en teufeur qui lâche tout devant le mur du son ? Mais j’ai pas envie de me placer devant les enceintes et de me défoncer les oreilles au passage !
Est-ce le bad ou le choix de ma vie?
Ça ressemble bien à un bon gros bad, quelque chose que je n’ai jamais vécu, et en même temps je suis effaré de le voir se dérouler comme ça, de le comprendre en temps réel, de suivre ma pensée, et de voir là où ça bloque.
Tout seul, la mystique, oui. Mais ensemble? Ça me semble hérétique de trouver la complétion comme ça.
Et mon enfant intérieur se manifeste :
Je ne veux plus revenir ici.
Je me met en mouvement pour sortir, je croise Moquette, qui voit que ça va pas. « Est-ce que tu penses au futur ? » me demande-t-il. En plein dans le mille. Mais je ne fais pas confiance à ce gars, on ne se connaît pas assez, et on était plutôt à se confronter intellectuellement avant. Je ne vais pas lui parler, je ne me sens pas en confiance.
Moquette me tire vers le son, il me pose parmi les danseurs et me dit « Allez, t’es venu, maintenant tu assumes. » Ce gars pense bien faire. Mais moi je le sens très mal. Je trouve à noter :
Respire. Ça va mieux.
En effet, bien respirer ça pose toujours et ça oriente un trip dans le bon sens. Moquette trouve que je fait mon autiste à noter sur mon papier. Je me barre pour y voir plus clair, et puis j’ai peur du son, je me sens vraiment pas bien.
En chemin je croise Atarax qui voit que je fuis le son. Je ne fais pas le malin, je m’écroule un peu. Il me tire vers le son, il veut m’aider. Je traîne, je chiale, je dit que je ne veux pas, que j’ai peur, je tombe, il m’entraîne, il me porte, je le suis, tout penaud.
Et revoilà le son, le méchant son. Je me pose, je me remet en mode respiration, à ne plus bouger, à écouter. C’est mon mécanisme de survie quand je me perds dans la grosse fractale.
Je suis calme, dans l’œil du cyclone. Bon, j’ai fait une connerie, j’ai dropé de la MD, soit. Je vais pas bien, d’accord. Les autres ne m’aident pas vraiment, ok. Qu’est-ce que je veux au plus profond de moi ?
Respire. Au fond de moi, je veux m’éloigner de ce son.
Check, c’est noté dans ma tête. Et maintenant, qu’est-ce que je peux faire ?
Respire. Je peux faire un plan de secours.
04:16 Allez! Un plan de secours! On parle avec l'enfant. Ça c'est mon truc.
Les choses se déroulent très vite. Un plan de secours, je sais ce que c’est. J’en ai fait des masses sous DXM et sous THC quand ça allait pas fort. Il s’agit de me consacrer à moi. Parler avec l’enfant intérieur. Trouver les bugs, les considérer, et hop voilà le travail.
Je suis calme, je marche posément vers la voiture. Fin de la crise.
Le plan de secours
Je me met dans la voiture, je suis bien. Ici je peux décompenser. Je laisse mon enfant pleurer, je me couche sur la banquette, tout de suite ça va mieux. Je sens que ce travail intérieur va bien tourner.
Soudain, Ilona passe à la voiture, je sens le gros dialogue de MD bien constructif qui se pointe, mais je suis trop occupé à me soucier de moi. Je me remet à mon plan de secours.
04:29 Ilona est passée, j'ai commencé à raconter mon truc mais elle a dit "Pense à moi"
"Je suis désolé, je ne peux pas penser à toi."
Ce coup-ci, ce n'est pas un plan méditatif psychonautique, c'est un véritable dialogue avec l'enfant intérieur.
Même si je parviens à la réconciliation, je ne veux pas revenir en teuf, je pense que ça ne correspond pas à mon chemin.
04:31 Allez on cause avec l'enfant.
Je calcule rapidement que ce qui s’est passé devant le son était parti pour être méchamment costaud niveau psychonautique, la grosse extase, avec Dieu et tout. Mais c’était trop fort.
04:33 On a sous-estimé la toute-puissance de Dieu, surtout quand il est vendu pas cher en poudre de MD.
De plus, je me sens trop différent des autres teufeurs, pas en phase avec leurs démarche. À confronter nos chemins, je trouve que le mien vaut mieux.
04:35 Je n'ai pas envie de l'accepter car je me crois supérieur.
Mmh. Faire un complexe de supériorité, c’est louche. Je comprends bien que c’est du à une souffrance de l’enfant. Alors, je suis un adulte, je sors ma responsabilité.
04:37 L'adulte dit: "Écoute, je vois que c'est important pour toi, alors tu sais quoi? On n'est pas obligés d'aller devant le son. C'est une décision d'adulte! Plonger dans la grosse fractale c'est le gros truc psychonautique qui manquait lors de l'extase selon Saint Pamplemousse.
Tout ceci va trop vite, en somme. Tout ce ceci va trop vite pour un chemin spirituel où... ah, mais le DXM c'est difficile, c'est pour ça que je le fais. J'aime me sentir progresser avec le DXM. Et puis la MD ça retombe."
Paf paf paf ça remet toutes mes pendules à l’heure. Allez, je ne lâche plus ce cahier qui me fait du bien.
Aux côtés des autres teufeurs dans la voiture
04:41 Osiris et Atarax sont rentrés. Osiris: rien. Atarax: MD.
La lumière monte au-dehors. Je ne vais pas leur parler de mon histoire maintenant, peut-être. Je pourrai leur dire demain.
04:43 On nous propose de la coke à la voiture.
Pendant qu’ils sont là je continue mes réflexions. Je compare mon chemin à celui que font les autres. Évidemment, je ne peux pas en juger parce que je ne les connaît pas, mais les quelques différences évidentes me semblent révélatrices.
04:44 En fait, est-ce mal de me sentir supérieur?
Mon parcours est effectivement plus riche et difficile que transer sur la MD.
Galaad sera content.
En fait c’est une grosse connerie que j’ai écrite, parce que si c’était facile de transer sur la MD j’aurai pu le faire, or j’en ai été incapable. Ceci dit mes réflexions me plaisent, je m’affirme.
04:45 Qu'est-ce qui m'empêche de profiter du son maintenant si j'ai mon propre chemin de mon côté? En tout cas l'enfant est content.
04:47 Osiris me dit "Quels effets? Tu devrais faire des câlins à tout le monde. Il me faut des prods."
Et ben oui, Osiris, je pense que j’ai pas laissé la MD me gouverner. J’ai pas voulu lâcher prise. Oh, et puis, en même temps, j’ai pas besoin de MD pour faire des câlins !
04:49 On parle de drogue, et on nous parle d'effets.
Moquette est rentré.
Nous voilà à quatre dans la voiture, ça sent le pâté, ha ha, on a de quoi manger, hein les gars ? J’écoute attentivement la conversation, j’y cherche un sens. J’écoute si ça résonne avec ce que je pense et ce que je ressent. Or, ça ne résonne pas du tout. Le contact ne passe absolument pas. Je ne sens pas ces bonhommes-là être sur un chemin spirituel qui ressemble un peu au mien. Et je suis bien content d’avoir le mien.
Pas de chemin. Or, j'ai un chemin.
Vu que je suis en train d’écrire sur mon cahier, ils me charrient un peu. Moquette dit « Ah, laissez-le, il fait son autiste. » Aha, non les mecs je ne fait pas mon autiste ! Je suis un grand garçon ! Je le leurs dit très clairement, je me fait respecter, messieurs.
04:52 Ils me charrient et je leurs dit: "Je suis capable de m'occuper de moi-même." (bon, ça)
Ah la vache ça fait du bien, je suis un vrai mec, costaud psychologiquement.
Errance et réfléxions
Je sors de la voiture, j’ai besoin d’air. Je passe devant le son, ça ne me corresponds pas. Je m’en vais dans la sollitude, sur la route.
04:53 Je repasse devant le son. C'est beaucoup trop puissant, si on veut triper là-dessus c'est Shiva direct comme hallu, et c'est trop fort pour moi je crois. J'en ai peur mais je peux maintenir ma petit connexion.
Je m’éloigne du son et m’en vais dans la sollitude, sur la route. Aha, c’est comme au Hadra, où la descente de LSD a été dure, où je ne voulais pas faire partie de ce groupe de tranceux qui se dandinait sur la dark.
04:56 Styloplume erre comme au Hadra où il s'en voulait de ne pas faire comme les autres.
Moi je suis repassé en trip safe.
Je vais redanser pour choper des sensations fortes? Ah quand même ça me ressemble pas.
Alors, maintenant que ça va mieux, je retourne devant le son ? Est-ce que c’est vraiment malsain, après tout ?
04:50 Tu sais quoi? L'adulte décide qu'on va
Coupé dans mon écriture. Le kick de hardteck a laissé la place à un sample de Coluche qui braille un truc du genre « Vous croyez pas qu’on va se laisser emmerder non ? », et puis hop sirène de flic.
Mon sang se glace. Ce que je vis est affreux. On a atteint le fond du panier, la misère humaine, le désespoir complet. Le kick reprend et Coluche gueule « Les salauuuuuds.... ». Ah putain j’ai peur, je me sens mal, y’a vraiment plus d’espoir là, tout est fini.
Merde merde et MERDE non je suis un adulte et je refuse de retourner là-dedans.
Ah merde ils passent Coluche "On a va pas se laisser emmerder.... les salauds..." et des sirènes de flic. C'est NON.
Y'a quelque chose de malsain qui se dégage de ça, et que je vais pas laisser passer. En fait c'est pas comme le Hadra. Le S&S vaut pas le coup.
05:08 Pas d'amalgame non plus. Ne jugeons pas les gens. Je ne dois pas porter de jugement sur la teuf.
Juste je préfère les oiseaux.
Je préfère l'échange, le partage, tout ce que les gens demandent.
Peut-être bien qu'Osiris se donne tellement de mal pour aller en teuf parce que profondément il recherche Dieu?
Ah, mais pas besoin de tout ça pour Dieu. Dieu est ailleurs que dans la séroto.
Bon, j’envois un SMS à Athanase (on a chopé nos numéros), et mon message est le suivant : "J'ai trouvé ce côté malsain dans la teuf et je le refuse. Je fais ça en adulte. Merci pour ton témoignage Athanase, il me donne de la force."
Maintenant que je me suis centré moralement, que j’ai reconstruit ma personnalité, trouvé l’enfant et consolidé l’adulte, je suis prêt à témoigner de ce en quoi je crois auprès des autres, je veux leur parler de la lumière.
Allez, maintenant qu'on a fait le tri on peut retourner voir les autres.
Mais rapidement je me rends compte qu’ils sont pas venus pour m’entendre prêcher, et en plus ce que je raconte serai trop en clivage avec la teuf. Seule Ilona est susceptible de s’ouvrir à ce que je veux lui dire, parce qu’on a de la confiance l’un en l’autre, qu’on s’est déjà bien parlé et retrouvés.
Je peux aller voir Ilona pour lui témoigner de l'amour, dans le sens lui témoigner à propos de l'amour.
Être sa bonne rencontre à elle.
Est-ce que je vais jouer au gourou qui a tout compris, du coup ? Ah, non. Je pense pas tomber dans ce piège. Je vais être honnête avec Ilona.
05:18 Allez, on va voir Ilona.
J'ai tout compris, illumination et tout NON! Mais je vais leurs faire comprendre ce que j'ai compris.