J'avais lu cet article il y a quasiment 10 ans, il était paru sur le site du réseau protéus, je l'ai retrouvé sur masterkush, on y parle pas de la Tabernanthe Iboga mais d'ayahuasca, intéressant néanmoins par rapport à ce que vous venez d'écrire :
Extraits choisis :
L'ayahuasca ou vigne de la petite mort
Le mot ayahuasca désigne bien des choses, à différents niveaux. C'est d'abord, en Quechua, le nom d'une plante: aya, la mort, et huasca, vigne ou liane. Vigne de la petite mort. C'est aussi le nom d'un breuvage de vision (chose intéressante, les Shipibos, une des principales ethnies à manipuler l'ayahuasca, n'ont pas de mot dans leur langue pour traduire «halluciner» ou «hallucinogène»). Ce breuvage est le produit de la longue cuisson de deux plantes, l'ayahuasca qui donne le mareacion, le vertige, le mal de mer, et la chacruna qui donne la vision (absorbées séparément, ces plantes ne produisent pratiquement rien). Un de ses effets les plus spectaculaires est de provoquer le vomissement, chez la plupart, d'où son surnom, la purga. Réputé salutaire, le vomissement est, en premier lieu, vu comme un nettoyage du corps physique. Mais c'est aussi, dans le contexte de la lutte entre les différents sorciers, une manière de se débarrasser des influences néfastes et des ensorcellements. D'une manière générale, j'ai pu constater que le vomissement est directement relié à l'état physique et psychique de la personne. Relié également au contenu des visions. Et l'ingestion du breuvage se faisant à jeun, il est surprenant de constater qu'on vomit souvent bien plus que ce qu'on a pu ingérer...
Cette nuit-là, une femme dans la cinquantaine qui souffre d'angoisse et que j'avais rencontrée l'année dernière, lors de ma deuxième session avec Matéo, entre en crise comme je l'avais déjà vu faire. Débora et moi veillons à ses côtés, observant l'intervention de Matéo. Après avoir modulé ses icaros, il entreprend de sonder le corps de la dame. Peu de temps après, il commence à aspirer, chupar, avec dans sa bouche un parfum nommé Agua de florida (eau de fleur); il aspire «quelque chose» en des points précis du corps de la patiente. A plusieurs reprises, il doit se lever pour aller vomir, parfois violemment. Chaque fois, il revient poursuivre le travail. L'image qui m'est venue par la suite est celle du rat: Matéo est un rat, comme ceux qui éliminent la charogne en la faisant passer dans leur corps.
Il termine son intervention en soufflant, soplar, de la fumée d'un tabac de la jungle sur certaines parties du corps. La dame va refaire d'autres crises durant la nuit. Au cours de l'une d'entre elles, je vois Débora passer les mains au-dessus de son corps. J'ai alors l'impression très nette de «voir» son travail. Mon corps s'anime de mouvements parallèles, mimétiques, et n'eût été de ma pudeur, de ma fascination, j'aurais fait de même... Sans qu'il ait eu contact physique, la dame qui, ayant les yeux fermés, n'a rien vu de l'intervention, retrouve pourtant son calme.
Jeudi matin
Quand le soleil se lève, le groupe qui se réveille est tout autre, hier touristes, aujourd'hui rescapés, survivants. Dans ce voyage en solitaire, chacun a vécu la débâcle à sa façon; accroché à ce qui lui restait de bon sens, chacun a survécu au déluge, nageant parfois avec le courant, parfois contre lui.
Par moment, les naufragés se sont laissés dériver sur le flot des visions personnelles ou collectives; par moment, ils ont refusé la dérive, lutté contre le courant, cherché à s'accrocher à n'importe quoi: la maison, les amis, l'idée que ça va finir un jour, la conviction que «ce n'est pas à moi ces bibites-là qui courent sous mes paupières». Certains se sont forcés à «vomir cette merde pour en finir». D'autres se sont laissés couler: dans le désespoir, l'auto-compassion, le repentir, ou n'importe quoi à portée de main. Presque tous ont vu des serpents; certains ont voyagé sur leur dos, d'autres les ont avalés ou ont été avalés par eux. Quelques privilégiés ont reçu des leçons à déchiffrer; d'autres ont vu les noeuds de leur vie, ou encore, essayé de lancer une corde à un companero en danger, d'autres, enfin, ont reçu une bouée, souvent en pure perte. Quelques-uns ont pu dormir, moi pas. Tous et toutes en ont ramé un coup et, chose certaine, ont vécu les grandes eaux de leurs entrailles, par le haut ou par le bas...! (Même quand on réussit à s'en faire une amie, l'ayahuasca n'est jamais de tout repos. Pas étonnant que certains médecins commencent à l'utiliser pour guérir leurs patients toxicomanes.)
Nos valeurs n'ont pas changé; nous avons seulement commencé à voir l'ampleur de l'erreur. Nous n'avons pas non plus appris le repentir, mais tout au plus compris que 20, 30, 40 ans de vie ne sont qu'un tout petit début; et qu'il ne s'agit pas, après une leçon magistrale, de s'agenouiller pour remercier, mais plutôt de se lever, d'aller évacuer ce qui nous reste dans le corps, et se préparer pour la leçon suivante.
http://membres.lycos.fr/masterkush/drog ... huasca.htm