schtroumpfette
Psycho disparu·e
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Dans une vie antérieure quoique pas si lointaine, j'ai été une crackhead comme on en voit à la télé, à la différence que moi, je ne me suis jamais prostituée pour avoir ma dose. Plus sérieusement, je mesure ma chance de m'en être tirée sans plus de séquelles qu'un compte en banque vide, et un énorme manque de confiance envers ma capacité à gérer le potentiel addictogène de certaines drogues. Ma motivation en écrivant ce post n'est donc certainement pas de me la péter genre madame-je-sais-tout-je-sais-même-comment-arrêter-le-crack-t'as-vu ; bien qu'il va sans dire que je suis contente et même fière d'y être parvenue. Je serais plus que ravie si la lecture de ce post pouvait donner l'espoir et le courage à ceux qui en ont besoin pour faire de même, et décourager ceux qui seraient tentés de commencer, mais je ne veux faire la morale à personne, simplement apporter mon témoignage sur ce que j'estime avoir été la plus grosse connerie que j'ai faite de ma vie : fumer du crack.
Pourquoi j'ai commencé, au fait ?
Bonne question. La réponse est pas vraiment flatteuse, mais autant être honnête : j'avais 21 ans, mais pour tout un tas de raisons que je n'expliquerai pas ici, j'étais encore très jeune dans ma tête. Plus ou moins en froid avec ceux qui avaient été mes amis les plus proches durant mon adolescence, je m'étais fait une bande de potes en traînant dans le milieu des free parties bruxelloises. La plupart étaient plus âgés que moi, sortaient depuis plus longtemps, se connaissaient entre eux depuis un moment, avaient leurs appart', des platines, de la popularité... Moi j'arrivais dans ce cercle un peu comme un cheveu dans la soupe (enfin, c'est comme ça que je le ressentais), je manquais de confiance en moi, j'aurais tout fait pour me sentir intégrée au groupe.
Je savais que certains fumaient de la coke, mais même si je passais pas mal de temps avec eux, notamment en after, jamais je n'avais participé à une de ces séances, qui pour moi restaient un mystère. Un truc d'anciens, d'initiés, qui attisait ma curiosité autant que mon envie. On m'avait pourtant mise en garde contre le potentiel addictif, mais dans ma tête je crois que la dépendance restait un concept plutôt abstrait, quelque chose comme un risque vague et lointain qui concerne peut-être les autres, mais que je saurais éviter. Quelle prétention, quand j'y repense! Jusque là, j'avais consommé pas mal d'ecstas, de MDMA et de speed, j'avais pris deux fois de l'acide, une fois des champignons, une fois une fois de la kétamine... Pour une fois, j'avais un peu de sous à cette époque-là, et depuis mon anniversaire quelques mois plus tôt, j'avais pris l'habitude d'acheter un ou deux sachets de coke qu'on sniffait pendant le weekend avec un ami – appelons-le T. Lui m'avait dit avoir déjà fumé deux ou trois fois, et avoir beaucoup apprécié l'effet. J'avais été un peu jalouse mais je n'avais rien dit.
Comment j'ai commencé ?
Un jour, je passe l'après-midi chez T. avec M., qui propose de baser. T. est partant.
- Je veux bien aussi essayer, dis-je timidement.
- Essayer ? C'est la première fois ? s'étonne T. à qui j'avais tout fait pour le cacher jusque là.
- Tu es bien sûre que c'est ce que tu veux ? s'enquiert M.
Je confirme, d'une voix plus résolue. A la fois fascinée par ses gestes et écoeurée par l'odeur, je le regarde faire sa cuisine pendant que T. improvise une pipe dans une bouteille, tout en commentant les opérations réalisées par M. : « Heureusement qu'il est là ; moi, je ne sais pas comment faire, et je ne tiens certainement pas à apprendre ! ». J'approuve : c'est sans doute mieux comme ça.
Une fois l'opération terminée, M. dispose des cendres sur le foyer de la pipe, choisit un petit un caillou, porte la pipe à sa bouche et approche la flamme d'un briquet. Je le regarde inhaler la fumée qui se forme, la retenir dans ses poumons un moment qui me paraît interminable, puis lentement la recracher. Je regarde ensuite T. faire la même chose. Quand il a finit, je lui demande de préparer la pipe pour moi. Le corps arqué, les yeux révulsés, le souffle court, il me fait signe d'attendre. Il savoure sa taffe, ça se voit. Avec un mélange d'impatience et d'appréhension, j'attends qu'il me tende la bouteille. Je suis les instructions qu'il me donne pendant qu'il approche la flamme du briquet des petits cailloux blancs qui crépitent. En inhalant la fumée, je suis surprise de lui trouver un goût frais et léger. Je la garde un moment, et pendant que je la recrache je sens un frisson parcourir ma colonne vertébrale, et venir chatouiller mes neurones.
- Ah ouais, c'est sympa, je fais.
Mais en moi-même, je me demande : « alors, c'est juste ça ? ».
Quand la pipe repasse, je prends une taffe plus grosse, et cette fois je ressens mieux le bazar. C'est quasi instantané, comme le souffle chaud d'une explosion, un genre d'orgasme cérébral – Bang!, giclée de dopamine – qui laisse pantelant durant plusieurs minutes. A la troisième taffe, re-bang. A la quatrième, je choisis un caillou plus gros. Re-bang.
Je ne sais plus combien il y a eu de tours ce jour-là, mais je sais que M. a refait deux autres fournées, et que toute la coke qu'on avait ce jour-là y est passée...
Comment je suis tombée dedans, alors ?
Autant casser le mythe tout de suite : non, on ne devient pas accro à la première prise. Mais sans doute quelque part entre la troisième et la dixième, si elles sont suffisamment rapprochées et qu'on a les moyens d'entretenir cette nouvelle habitude. Pour ma part, ça s'est fait de manière assez insidieuse, sans trop que je me rende compte de quoi que ce soit. J'image qu'inconsciemment, j'avais choisi d'ignorer les signaux qui auraient pourtant dû m'avertir de l'imminence du danger.
Lorsque deux semaines après cette première fois, j'étais retournée chez T. et qu'il avait proposé de baser la coke qu'on venait d'acheter tous les deux,j'avais rigolé en lui disant : « Ah ben ça y est, je vois que t'as appris à le faire toi-même maintenant ! ».Je ne me suis pas plus alarmée de me voir répéter l'opération une fois seule chez moi, que je ne me suis inquiétée de voir la fréquence de nos séances augmenter, en même temps que diminuait l'intervalle entre chaque taffe, et l'intensité du rush de celles qui suivaient la première de chaque séance.
Ce n'est véritablement que lorsque je suis arrivée à court de liquidité que j'ai commencé à envisager l'éventualité que peut-être je dérapais... Mais je me trouvais à chaque fois de bonnes occasions pour fumer encore une fois, autant de bonnes excuses pour ne pas arrêter. Bref, plutôt que de me remettre vraiment en question, j'ai trouvé plus simple de ne rien changer à mon comportement, sauf le compte en banque depuis lequel je puisais les 100 à 250 euros nécessaires chaque semaine.Mon compte courant était alors alimenté exclusivement par mes parents pour couvrir les frais quotidiens de ma vie sur le campus de l'unif, dans une autre ville. A ce rythme-là, j'ai eu tôt fait de le vider. Je suis alors passée à mon compte épargne, sur lequel il y avait quelque chose comme 4000 euros, une somme non négligeable pour une jeune étudiante issue d'une famille aux revenus modestes.Somme qui devait servir, dans l'esprit de mes parents et le mien, à me payer une voiture, des meubles, une garantie locative, ou quelque chose dans ce style ; et qui est littéralement partie en fumée,en l'espace de même pas cinq mois ! Je me souviendrai toujours de ce mois de mai (j'avais fumé ma première base début février)où je me suis retrouvée à court d'argent dès le 03. J'ai dû prendre sur moi et gratter des sous à droite à gauche pour pouvoir manger. Et bien sûr une grosse partie de l'argent qu'on me prêtait allait dans la coke...
C'est là que j'ai décidé qu'il fallait que je me reprenne en main. Mais comment faire ?Je voulais freiner mais je n'avais aucune idée de comment m'y prendre, engluée dans une addiction psychologique bien plus forte que tout ce que j'avais pu imaginer jusque là. On a beau connaître la définition du terme « craving », on n'en comprendre réellement le sens que lorsqu'on a vécu cette envie, ce besoin irrépressible, impérieux, obsédant, qui s'infiltre dans la moindre pensée et n'accorde un court répit que lorsqu'on y cède, malgré qu'on s'était juré de ne pas le faire et qu'on ait parfaitement conscience de s'enfoncer chaque fois un peu plus profondément dans la dépendance. Les examens approchaient, j'étais sensée être en plein blocus, et assise devant mes cours je ne pouvais penser à rien d'autre qu'à ça. Je négociais avec moi-même : « allez,j'étudie ce chapitre, et puis après on verra... ». Sauf que je me levais sans avoir fini le premier paragraphe, en route vers chez le dealer... Franchement, je ne sais pas comment j'ai fais pour réussir cette année-là.
Comment j'ai arrêté,finalement ?
Au début, je me suis sentie découragée, totalement désarmée, complètement dépassée.Seule, le problème me paraissait insurmontable. J'ai alors voulu demander de l'aide, mais je me suis vite rendu compte qu'à part les encouragements même sincères que m'adressaient les membres du forum, il n'y avait pas grand chose comme aide à espérer de l'extérieur. S'il y a une chose que j'ai appris, c'est que face à l'addiction, et peu importe à quel point on peut être bien entouré,ben on reste tout seul. Attention, je ne dis pas que l'entourage n'aide pas un peu, c'est important de se sentir soutenu, mais au final, arrêter, c'est un truc que personne ne peut faire à la place de quelqu'un d'autre. Le plus gros du travail doit venir de soi. J'ai mis du temps à accepter ça. A accepter que j'étais seule face à mon problème et que si je voulais m'en sortir, il fallait que moi,je me bouge le cul, parce que personne ne le ferait à ma place. Ce n'est qu'à partir du moment où j'ai compris et accepté ça que j'ai commencé à entrevoir le bout du tunnel. Ça ne s'est pas faite n un jour. Mais petit à petit, ça faisait son bout de chemin dans ma tête : « tu t'es foutue seule dans la merde, ben tu vas t'en sortir seule, comme une grande. Tu peux y arriver ! ».
Au prix de très gros efforts, j'ai commencé par diminuer la fréquence et la quantité de mes séances. De quatre à cinq fois par semaine je suis repassée à deux ; de deux à trois grammes chaque fois je suis repassée à un seul. Puis les vacances sont arrivées. J'avais prévu d'aller à Dour, et je savais que c'était mission impossible d'arrêter en allant là-bas. Je me suis dis : « okay, tu t'accordes jusqu'à Dour, tu profites pendant le festival, mais ce sera la dernière fois que tu fumes de la coke ». Et c'est ce que j'ai fais.
Les premiers jours aprèsDour ont de toute façon été noyés dans le brouillard d'une descente que les habitués du festival connaissent bien. C'est ensuite que la véritable bataille a commencé. Pendant des jours,des semaines, je ne parvenais pas à penser à autre chose qu'à ça.Le craving était omniprésent dans mon esprit. Mais j'ai mordu sur ma chique et j'ai tenu bon. Et petit à petit, au bout de quelque chose comme deux mois, la force d'attraction s'est fait moins forte.Je me suis surprise à ne pas penser à la coke pendant un jour entier. C'est arrivé de plus en plus souvent, et les jours se sont transformés en semaines...
Et maintenant ?
Cela va faire trois ans que j'ai arrêté. Après tout ce temps, je m'estime tirée d'affaire, mais pas guérie ; je doute de l'être jamais complètement. Mais cela m'est égal : je préfère de loin l'abstinence à la rechute. Et j'ai pour principe de ne jamais commettre deux fois les mêmes erreurs, donc on ne m'y reprendra pas de sitôt.
Pourquoi j'ai commencé, au fait ?
Bonne question. La réponse est pas vraiment flatteuse, mais autant être honnête : j'avais 21 ans, mais pour tout un tas de raisons que je n'expliquerai pas ici, j'étais encore très jeune dans ma tête. Plus ou moins en froid avec ceux qui avaient été mes amis les plus proches durant mon adolescence, je m'étais fait une bande de potes en traînant dans le milieu des free parties bruxelloises. La plupart étaient plus âgés que moi, sortaient depuis plus longtemps, se connaissaient entre eux depuis un moment, avaient leurs appart', des platines, de la popularité... Moi j'arrivais dans ce cercle un peu comme un cheveu dans la soupe (enfin, c'est comme ça que je le ressentais), je manquais de confiance en moi, j'aurais tout fait pour me sentir intégrée au groupe.
Je savais que certains fumaient de la coke, mais même si je passais pas mal de temps avec eux, notamment en after, jamais je n'avais participé à une de ces séances, qui pour moi restaient un mystère. Un truc d'anciens, d'initiés, qui attisait ma curiosité autant que mon envie. On m'avait pourtant mise en garde contre le potentiel addictif, mais dans ma tête je crois que la dépendance restait un concept plutôt abstrait, quelque chose comme un risque vague et lointain qui concerne peut-être les autres, mais que je saurais éviter. Quelle prétention, quand j'y repense! Jusque là, j'avais consommé pas mal d'ecstas, de MDMA et de speed, j'avais pris deux fois de l'acide, une fois des champignons, une fois une fois de la kétamine... Pour une fois, j'avais un peu de sous à cette époque-là, et depuis mon anniversaire quelques mois plus tôt, j'avais pris l'habitude d'acheter un ou deux sachets de coke qu'on sniffait pendant le weekend avec un ami – appelons-le T. Lui m'avait dit avoir déjà fumé deux ou trois fois, et avoir beaucoup apprécié l'effet. J'avais été un peu jalouse mais je n'avais rien dit.
Comment j'ai commencé ?
Un jour, je passe l'après-midi chez T. avec M., qui propose de baser. T. est partant.
- Je veux bien aussi essayer, dis-je timidement.
- Essayer ? C'est la première fois ? s'étonne T. à qui j'avais tout fait pour le cacher jusque là.
- Tu es bien sûre que c'est ce que tu veux ? s'enquiert M.
Je confirme, d'une voix plus résolue. A la fois fascinée par ses gestes et écoeurée par l'odeur, je le regarde faire sa cuisine pendant que T. improvise une pipe dans une bouteille, tout en commentant les opérations réalisées par M. : « Heureusement qu'il est là ; moi, je ne sais pas comment faire, et je ne tiens certainement pas à apprendre ! ». J'approuve : c'est sans doute mieux comme ça.
Une fois l'opération terminée, M. dispose des cendres sur le foyer de la pipe, choisit un petit un caillou, porte la pipe à sa bouche et approche la flamme d'un briquet. Je le regarde inhaler la fumée qui se forme, la retenir dans ses poumons un moment qui me paraît interminable, puis lentement la recracher. Je regarde ensuite T. faire la même chose. Quand il a finit, je lui demande de préparer la pipe pour moi. Le corps arqué, les yeux révulsés, le souffle court, il me fait signe d'attendre. Il savoure sa taffe, ça se voit. Avec un mélange d'impatience et d'appréhension, j'attends qu'il me tende la bouteille. Je suis les instructions qu'il me donne pendant qu'il approche la flamme du briquet des petits cailloux blancs qui crépitent. En inhalant la fumée, je suis surprise de lui trouver un goût frais et léger. Je la garde un moment, et pendant que je la recrache je sens un frisson parcourir ma colonne vertébrale, et venir chatouiller mes neurones.
- Ah ouais, c'est sympa, je fais.
Mais en moi-même, je me demande : « alors, c'est juste ça ? ».
Quand la pipe repasse, je prends une taffe plus grosse, et cette fois je ressens mieux le bazar. C'est quasi instantané, comme le souffle chaud d'une explosion, un genre d'orgasme cérébral – Bang!, giclée de dopamine – qui laisse pantelant durant plusieurs minutes. A la troisième taffe, re-bang. A la quatrième, je choisis un caillou plus gros. Re-bang.
Je ne sais plus combien il y a eu de tours ce jour-là, mais je sais que M. a refait deux autres fournées, et que toute la coke qu'on avait ce jour-là y est passée...
Comment je suis tombée dedans, alors ?
Autant casser le mythe tout de suite : non, on ne devient pas accro à la première prise. Mais sans doute quelque part entre la troisième et la dixième, si elles sont suffisamment rapprochées et qu'on a les moyens d'entretenir cette nouvelle habitude. Pour ma part, ça s'est fait de manière assez insidieuse, sans trop que je me rende compte de quoi que ce soit. J'image qu'inconsciemment, j'avais choisi d'ignorer les signaux qui auraient pourtant dû m'avertir de l'imminence du danger.
Lorsque deux semaines après cette première fois, j'étais retournée chez T. et qu'il avait proposé de baser la coke qu'on venait d'acheter tous les deux,j'avais rigolé en lui disant : « Ah ben ça y est, je vois que t'as appris à le faire toi-même maintenant ! ».Je ne me suis pas plus alarmée de me voir répéter l'opération une fois seule chez moi, que je ne me suis inquiétée de voir la fréquence de nos séances augmenter, en même temps que diminuait l'intervalle entre chaque taffe, et l'intensité du rush de celles qui suivaient la première de chaque séance.
Ce n'est véritablement que lorsque je suis arrivée à court de liquidité que j'ai commencé à envisager l'éventualité que peut-être je dérapais... Mais je me trouvais à chaque fois de bonnes occasions pour fumer encore une fois, autant de bonnes excuses pour ne pas arrêter. Bref, plutôt que de me remettre vraiment en question, j'ai trouvé plus simple de ne rien changer à mon comportement, sauf le compte en banque depuis lequel je puisais les 100 à 250 euros nécessaires chaque semaine.Mon compte courant était alors alimenté exclusivement par mes parents pour couvrir les frais quotidiens de ma vie sur le campus de l'unif, dans une autre ville. A ce rythme-là, j'ai eu tôt fait de le vider. Je suis alors passée à mon compte épargne, sur lequel il y avait quelque chose comme 4000 euros, une somme non négligeable pour une jeune étudiante issue d'une famille aux revenus modestes.Somme qui devait servir, dans l'esprit de mes parents et le mien, à me payer une voiture, des meubles, une garantie locative, ou quelque chose dans ce style ; et qui est littéralement partie en fumée,en l'espace de même pas cinq mois ! Je me souviendrai toujours de ce mois de mai (j'avais fumé ma première base début février)où je me suis retrouvée à court d'argent dès le 03. J'ai dû prendre sur moi et gratter des sous à droite à gauche pour pouvoir manger. Et bien sûr une grosse partie de l'argent qu'on me prêtait allait dans la coke...
C'est là que j'ai décidé qu'il fallait que je me reprenne en main. Mais comment faire ?Je voulais freiner mais je n'avais aucune idée de comment m'y prendre, engluée dans une addiction psychologique bien plus forte que tout ce que j'avais pu imaginer jusque là. On a beau connaître la définition du terme « craving », on n'en comprendre réellement le sens que lorsqu'on a vécu cette envie, ce besoin irrépressible, impérieux, obsédant, qui s'infiltre dans la moindre pensée et n'accorde un court répit que lorsqu'on y cède, malgré qu'on s'était juré de ne pas le faire et qu'on ait parfaitement conscience de s'enfoncer chaque fois un peu plus profondément dans la dépendance. Les examens approchaient, j'étais sensée être en plein blocus, et assise devant mes cours je ne pouvais penser à rien d'autre qu'à ça. Je négociais avec moi-même : « allez,j'étudie ce chapitre, et puis après on verra... ». Sauf que je me levais sans avoir fini le premier paragraphe, en route vers chez le dealer... Franchement, je ne sais pas comment j'ai fais pour réussir cette année-là.
Comment j'ai arrêté,finalement ?
Au début, je me suis sentie découragée, totalement désarmée, complètement dépassée.Seule, le problème me paraissait insurmontable. J'ai alors voulu demander de l'aide, mais je me suis vite rendu compte qu'à part les encouragements même sincères que m'adressaient les membres du forum, il n'y avait pas grand chose comme aide à espérer de l'extérieur. S'il y a une chose que j'ai appris, c'est que face à l'addiction, et peu importe à quel point on peut être bien entouré,ben on reste tout seul. Attention, je ne dis pas que l'entourage n'aide pas un peu, c'est important de se sentir soutenu, mais au final, arrêter, c'est un truc que personne ne peut faire à la place de quelqu'un d'autre. Le plus gros du travail doit venir de soi. J'ai mis du temps à accepter ça. A accepter que j'étais seule face à mon problème et que si je voulais m'en sortir, il fallait que moi,je me bouge le cul, parce que personne ne le ferait à ma place. Ce n'est qu'à partir du moment où j'ai compris et accepté ça que j'ai commencé à entrevoir le bout du tunnel. Ça ne s'est pas faite n un jour. Mais petit à petit, ça faisait son bout de chemin dans ma tête : « tu t'es foutue seule dans la merde, ben tu vas t'en sortir seule, comme une grande. Tu peux y arriver ! ».
Au prix de très gros efforts, j'ai commencé par diminuer la fréquence et la quantité de mes séances. De quatre à cinq fois par semaine je suis repassée à deux ; de deux à trois grammes chaque fois je suis repassée à un seul. Puis les vacances sont arrivées. J'avais prévu d'aller à Dour, et je savais que c'était mission impossible d'arrêter en allant là-bas. Je me suis dis : « okay, tu t'accordes jusqu'à Dour, tu profites pendant le festival, mais ce sera la dernière fois que tu fumes de la coke ». Et c'est ce que j'ai fais.
Les premiers jours aprèsDour ont de toute façon été noyés dans le brouillard d'une descente que les habitués du festival connaissent bien. C'est ensuite que la véritable bataille a commencé. Pendant des jours,des semaines, je ne parvenais pas à penser à autre chose qu'à ça.Le craving était omniprésent dans mon esprit. Mais j'ai mordu sur ma chique et j'ai tenu bon. Et petit à petit, au bout de quelque chose comme deux mois, la force d'attraction s'est fait moins forte.Je me suis surprise à ne pas penser à la coke pendant un jour entier. C'est arrivé de plus en plus souvent, et les jours se sont transformés en semaines...
Et maintenant ?
Cela va faire trois ans que j'ai arrêté. Après tout ce temps, je m'estime tirée d'affaire, mais pas guérie ; je doute de l'être jamais complètement. Mais cela m'est égal : je préfère de loin l'abstinence à la rechute. Et j'ai pour principe de ne jamais commettre deux fois les mêmes erreurs, donc on ne m'y reprendra pas de sitôt.