Moonshiner
Alpiniste Kundalini
- Inscrit
- 23/9/13
- Messages
- 518
Je rentre dans mon atelier, "le troisième oeil ouvert", et je vois ça.
Pour le coup, je ne sais même pas quelle question je dois poser. Je revois donc ma vie, juste elle, très égoïstement. J' ai grandi au bord de l' océan, près de Biscarosse. Je savais déjà à l' époque que j' avais de la chance, que c' était ici et maintenant les belles années. Puis à 19 ans, je me suis engagé, pas dans le sauvetage comme mon père, ce n' était pas ma nature, je ne me suis pas menti. J' ai donc voyagé, suis parti en jungle, dans les Balkans, et ailleurs, j' ai connu des hivers à -35C, des été à +50C, j' ai été tour à tour traqueur et traqué. J' étais soldat. Fantassin. La morale en est discutable, mais je me sentais tellement vivant.
En 2003, ça a été le premier revers. J' étais en perm, sur ma bécane, et un camion m' a coupé la route. Je n' ai rien pu faire. Le temps d' un souffle, et j' étais là, sous ce moteur, mon Monster explosé sur la route, pendant que je me faisais un point de compression en attendant les secours.
Quelques mois plus tard, de mon fauteuil roulant, je lisais les papiers de l' armée qui me remerciait de ces années, et m' invitait à aller voir ailleurs, pendant que ma première fille faisait ces premiers pas.
Il m' a fallu un an, pour recommencer à travailler. Je suis devenu mécano, je réparais l' hydraulique sur les engins lourds. La vie a repris son cours. Mon autre fille est née, je me suis racheté un Monster, et d' autres machines que j' ai retapé doucement.
Avec d' autres gars, on a crée un espèce de "fight club" à moto. On se voyait la nuit, on s' affrontait, on reconstruisait, on partageait, et dès que l' on pouvait, on prenait la route sur quelques milliers de kms, pour aller se perdre dans un désert ou autre chose. C' était ma raison d' être. J' étais loin de chez moi, de mon océan, mais j' existais. C' était tellement vrai, que je me suis fait tatoué le nom de ce club sur tout le long de mon avant bras. Aucun regret. Je savais que j' avais une tumeur cérébrale, mais primo elle ne semblait pas bouger, et secondo, avant qu'elle ne se réveille, je me serais déjà enroulé autours d' un platane avec une de mes bécanes.
..Sauf qu' elle s' est réveillé. Plus tôt que prévu. On m' a percé la tête, drainé du LCR, biopsé, j' ai eu le droit à une chimio expérimentale, j' ai vraiment su ce qu' était la douleur, vraiment.
J' ai rencontré des médecins, des aides soignants, etc.. On m' a dit qu' il fallait que me prépare, que je mette ma famille à l' abri, que je devais rencontrer les psychologues de l' hosto, qu' ils m' expliqueront les choses, qu' il existait un groupe de soutien, enfin bref; que j' allais mourir.
Puis on un neuro s' est avancé, comme quoi il pouvait tenter quelque chose, et que de toute manière, je n' avais plus rien à perdre, qu' il ne me restait pas de quoi atteindre Noël, alors "la casse" dû à cette opération n' était plus à craindre.
Ca a été une période très courte, mais intense. Moins d' une semaine avant la dernière opération, j' ai pris mon surf et je suis redescendu chez moi, sur une plage, pour y passer le week-end entouré d' une poignée d' amis, composée de mes potes d' enfance, et de ceux du club.
Début octobre, on m' a ouvert la tête, pour aller au coeur du cerveau, y chercher cette tumeur grosse comme une balle de golf. (La radiothérapie ne viendra qu' en décembre)
On me l' avait dit "il y aurait de la casse", mais je ne pouvais pas y croire. Pas moi. Pas maintenant.
...Alors je regarde ces machines que j' aime tant, sans me demander "pourquoi", je me lui suis interdit.
Ca a un sens pour quelqu' un ou pour quelque chose, ça? Je n' ai pas l' air d' un tout petit être, presque aveugle et sans équilibre à attendre le jour où j' aurais assez récupéré pour reprendre une de mes moto? Quand viendra-t-il ce jour? Dans 6 mois? Dans 10 ans? Jamais? J' aurais pas pu finir à 20 ans comme mon équipier? Ca valait le coup de lancer une vie pour qu' elle parte en sucette à ce point là? En ai-je seulement fait quelque chose de cette vie? Pourquoi avoir été rassuré pendant ce temps de posséder un "black out" naturel, qui me permettait de ne jamais devenir vieux, et faire marche arrière au dernier moment pour accompagner les miens? Je verrais mes filles grandir, et se marier, ou je ferais une rechute dans 3/4 ans? Il y a une morale à tirer de tout ça? C' est ça ma nouvelle vie? Pourquoi je me souviens de ma vie d' avant comme si tout datait de la semaine dernière? Il y a une sortie à tout ça? Existe-t-il un moyen de m' apaiser? Ce serait arrivé à quelqu' un d' autre, y aurais-je seulement cru? C' est ça "l' exceptionnel"? C' est pas un peu beaucoup pour un seul type? A quel moment j' ai foiré au point d' en arriver là?
Mon passé n' a jamais été aussi près, j' ai l' impression de pouvoir le toucher, mais aussi celle d' être bloqué. Je sais qu' il me manque la réponse, mais je ne sais pas à quelle question, je ne sais même pas si je me suis déjà interrogé convenablement. Alors je me suis dit: Va sur psychonaut, certains ont bien plus voyagé que toi, certains sont plus intelligents, plus ouvert d' esprit, pour une fois, ne reste pas dans l' ombre, va chercher une réponse, là; t' en a besoin.
Pour le coup, je ne sais même pas quelle question je dois poser. Je revois donc ma vie, juste elle, très égoïstement. J' ai grandi au bord de l' océan, près de Biscarosse. Je savais déjà à l' époque que j' avais de la chance, que c' était ici et maintenant les belles années. Puis à 19 ans, je me suis engagé, pas dans le sauvetage comme mon père, ce n' était pas ma nature, je ne me suis pas menti. J' ai donc voyagé, suis parti en jungle, dans les Balkans, et ailleurs, j' ai connu des hivers à -35C, des été à +50C, j' ai été tour à tour traqueur et traqué. J' étais soldat. Fantassin. La morale en est discutable, mais je me sentais tellement vivant.
En 2003, ça a été le premier revers. J' étais en perm, sur ma bécane, et un camion m' a coupé la route. Je n' ai rien pu faire. Le temps d' un souffle, et j' étais là, sous ce moteur, mon Monster explosé sur la route, pendant que je me faisais un point de compression en attendant les secours.
Quelques mois plus tard, de mon fauteuil roulant, je lisais les papiers de l' armée qui me remerciait de ces années, et m' invitait à aller voir ailleurs, pendant que ma première fille faisait ces premiers pas.
Il m' a fallu un an, pour recommencer à travailler. Je suis devenu mécano, je réparais l' hydraulique sur les engins lourds. La vie a repris son cours. Mon autre fille est née, je me suis racheté un Monster, et d' autres machines que j' ai retapé doucement.
Avec d' autres gars, on a crée un espèce de "fight club" à moto. On se voyait la nuit, on s' affrontait, on reconstruisait, on partageait, et dès que l' on pouvait, on prenait la route sur quelques milliers de kms, pour aller se perdre dans un désert ou autre chose. C' était ma raison d' être. J' étais loin de chez moi, de mon océan, mais j' existais. C' était tellement vrai, que je me suis fait tatoué le nom de ce club sur tout le long de mon avant bras. Aucun regret. Je savais que j' avais une tumeur cérébrale, mais primo elle ne semblait pas bouger, et secondo, avant qu'elle ne se réveille, je me serais déjà enroulé autours d' un platane avec une de mes bécanes.
..Sauf qu' elle s' est réveillé. Plus tôt que prévu. On m' a percé la tête, drainé du LCR, biopsé, j' ai eu le droit à une chimio expérimentale, j' ai vraiment su ce qu' était la douleur, vraiment.
J' ai rencontré des médecins, des aides soignants, etc.. On m' a dit qu' il fallait que me prépare, que je mette ma famille à l' abri, que je devais rencontrer les psychologues de l' hosto, qu' ils m' expliqueront les choses, qu' il existait un groupe de soutien, enfin bref; que j' allais mourir.
Puis on un neuro s' est avancé, comme quoi il pouvait tenter quelque chose, et que de toute manière, je n' avais plus rien à perdre, qu' il ne me restait pas de quoi atteindre Noël, alors "la casse" dû à cette opération n' était plus à craindre.
Ca a été une période très courte, mais intense. Moins d' une semaine avant la dernière opération, j' ai pris mon surf et je suis redescendu chez moi, sur une plage, pour y passer le week-end entouré d' une poignée d' amis, composée de mes potes d' enfance, et de ceux du club.
Début octobre, on m' a ouvert la tête, pour aller au coeur du cerveau, y chercher cette tumeur grosse comme une balle de golf. (La radiothérapie ne viendra qu' en décembre)
On me l' avait dit "il y aurait de la casse", mais je ne pouvais pas y croire. Pas moi. Pas maintenant.
...Alors je regarde ces machines que j' aime tant, sans me demander "pourquoi", je me lui suis interdit.
Ca a un sens pour quelqu' un ou pour quelque chose, ça? Je n' ai pas l' air d' un tout petit être, presque aveugle et sans équilibre à attendre le jour où j' aurais assez récupéré pour reprendre une de mes moto? Quand viendra-t-il ce jour? Dans 6 mois? Dans 10 ans? Jamais? J' aurais pas pu finir à 20 ans comme mon équipier? Ca valait le coup de lancer une vie pour qu' elle parte en sucette à ce point là? En ai-je seulement fait quelque chose de cette vie? Pourquoi avoir été rassuré pendant ce temps de posséder un "black out" naturel, qui me permettait de ne jamais devenir vieux, et faire marche arrière au dernier moment pour accompagner les miens? Je verrais mes filles grandir, et se marier, ou je ferais une rechute dans 3/4 ans? Il y a une morale à tirer de tout ça? C' est ça ma nouvelle vie? Pourquoi je me souviens de ma vie d' avant comme si tout datait de la semaine dernière? Il y a une sortie à tout ça? Existe-t-il un moyen de m' apaiser? Ce serait arrivé à quelqu' un d' autre, y aurais-je seulement cru? C' est ça "l' exceptionnel"? C' est pas un peu beaucoup pour un seul type? A quel moment j' ai foiré au point d' en arriver là?
Mon passé n' a jamais été aussi près, j' ai l' impression de pouvoir le toucher, mais aussi celle d' être bloqué. Je sais qu' il me manque la réponse, mais je ne sais pas à quelle question, je ne sais même pas si je me suis déjà interrogé convenablement. Alors je me suis dit: Va sur psychonaut, certains ont bien plus voyagé que toi, certains sont plus intelligents, plus ouvert d' esprit, pour une fois, ne reste pas dans l' ombre, va chercher une réponse, là; t' en a besoin.