SUITE ET FIN DE L'EXPERIENCE HOSPITALIERE : 4 semaines, période dite de "maintenance" (voyages 7, 8, 9 et 10)
Mes 4 derniers voyages toujours à la dose thérapeutique de 0.50mg/kg. Soit 42mg alors ont été beaucoup moins intéressants que les autres, quoique. En fait j'ai commis la bêtise de vouloir réduire un de mes AD d'IMAO (Moclobémide) et j'ai senti que je replongeais dans la dépression dès la première semaine de maintenance.
Alors, bien que la Kétamine soit mon amie, (elle n'est pas très jolie mais si intelligente ! si puissante !) les voyages 7,8 et 9 ont été assez sombres, brouillons, confus. Mon cerveau abîmé par la dépression prenant la kétamine par vagues, la subissait, incapable de lui parler. C'était un rythme plus rapide d'enchaînement, toujours ces mêmes couleurs mais presque tout était tout le temps sombre, marron foncé, bleu nuit, noir. J'étais sous la terre, la fameuse "mine", plus haut évoquée. Je voyais des humains, des mineurs des machinistes qui longeaient des parois rocheuses, inquiets. Mais rien ne se fixait, tout était mélangé, tout m'échappait. Mon corps toujours fondus aux matériaux observés. J'ai eu droit à du pétrole visqueux, des pierres, du charbon, des agrégats synthétiques jaunâtres, au mieux (la couleur de ma mère, la jaunâtre traîtresse dans le langage de la K).
Sur le voyage 9, l'avant dernier, j'avais un rhume mais je voulais y aller quand même. J'ai fait un genre de "bad trip", je dis bien un genre (par rapport à ce que j'ai lu) car pour moi le pire des bads trips c'est une bonne grosse crise d'angoisse massive, "en live" sans drogue dans la vraie vie. Avec cette impression atroce que TGV vous roule dessus, et qui vous laisse pantelant de désespoir.
Là, sur ce voyage, je n'arrivais même pas à m'endormir, je ne "partais pas". Puis je me suis dis : "Allez bascule, profites-en, c'est l'avant-dernier." alors je suis partie en arrière et j'étais dans la terre, c'était un tombeau, je sentais même la terre humide dans mes narines, une bonne odeur de bonne terre. J'avais froid, je me suis dis "ça y est, tu te refroidies, ton corps est mort". J'ai eu un peu (très peu) d'appréhension. Je me suis dit : "voilà tu y es, tu voulais ça alors, meurs maintenant". Avec la main (mentalement, car je ne pouvais pas bouger), j'ai cherché la tombe de mon père sous moi, je pensais être dans le caveau familial. Je me disais "tu va le rejoindre enfin". Et puis un sursaut, "non pas maintenant". Je me réveille avec les couleurs de la K qui altère tout, je voyais la salle d'injection toute verte, d'un vert bouteille, comme sous l'eau. J'avais la nausée, beaucoup. l'infirmière arrive. elle me dit qu'il ne reste que 10 mn, elle me demande si je veux arrêter, j'avais trop la nausée et je commençais à angoisser alors j'ai dit "oui on stoppe".
Je n'ai donc pas eu la totalité de la dose et pourtant, comme à chaque fois, le lendemain j'ai eu deux jours "bien", mois de benzos voire pas, de l'énergie, pas d'idées noires, envie de vivre. Ca a été ça après chaque séance dite de "maintenance".
La dernière séance était pareille aux autres, toujours dissociée mais sans trop de "messages". C'était noir et triste. On était dans le minéral, et le synthétique, plus d'animaux, d'insectes, plus rien. Tout était sombre et mécanique. Je n'étais pas mal. J'ai pris ce qui m'était donné une fois de plus, une dernière fois. Je crois que j'étais triste parce qu'après je serai de nouveau lâchée dans la nature, sans cette merveille, et que j'allais retrouver les angoisses quotidiennes et la dépression. Je savais, je savais dès la seconde injection que cette substance devait m'accompagner plus longtemps que dix séances. Qu'il fallait que j'ai cette sécurité de me dire "quand j'en ai besoin, dès que je replonge, je peux revenir me faire soigner ici". Mais je savais que c'était impossible. D'autres patients attendent, des tonnes de patients.
APRES LA CURE, SUR LA PLAGE ABANDONNEE...
Les fêtes. Ce tunnel de merde. Qui aime Noël à part les boules ? Désespoir. Il me semble que tout est retombé. J'ai remonté le Moclobémide, idem le Methylphénidate aussi je passe de 30 à 40 par jour. Retour aux benzos toutes les 4 heures. J'ai de l'énergie mentale à revendre mais je suis fatiguée physiquement.
Je fais des recherches sur internet comme une forcenée et je m'aperçois que partout le spray de Spravato est à 250 francs suisse (il en faut deux par semaine sur au moins 4 semaines) ou aux Etats Unis, si vous êtes résident américain, les cures comme celle que je viens de faire coûtent 300 à 800 dollars l'injection (oui 1 perf c'est 800 dollars en Californie ! donc une cure de 10...).
J'apprends plein de choses, mon anglais médical fait un bond à coup de dialogues sur Reddit (il ont un fil DIY Ketamine).
Et dans le fil dédié à ceux qui peuvent se payer une (des) cure (s) ou ont une bonne assurance, un gars a fait un véritable guide d'utilisation, 6 années de recul d'utilisation, ce que les foutus médecins du monde entier n'ont jamais fait mais ce sera le sujet d'un autre post. American efficiency !
Je me crois perdue et pourtant "elle" est toujours là, en arrière fond, la Kétamine. Les idées de morts sont plus rares, moins fortes, moins précises, les ruminations avortent, la dépression elle, est restée elle a reculé de quelques pas mais elle ricane encore (trois jours pour lancer une lessive ou faire un shampoing). Rira bien qui rira la dernière. Mon cerveau est différent et l'espoir, l'espoir de retrouver la K à dose constante, régulière. Très méthodiquement, sur le papier, je commence à bâtir un protocole pour moi, chez moi, en sécurité, pour tuer la dépression ou tout au moins, repousser l'ennemi derrière ses lignes de défense et l'y maintenir, sous bonne garde.
J'ai fini ce récit. J'ai compris des tas de choses sur la drogue dont j'ignorais tout sauf ce qu'on en raconte.
J'ai décidé de passer de l'autre côté, du côté interdit, comme des millions qui ne peuvent payer les soins pour une fiole de kétamine qui ne coûte quelques euros, qui devait être gratuite pour tous et qui est revendue dans le monde légal 300 fois son prix. Le tout justifié par des "séances d'intégration", contrôle social rien moins. Je parlerai de tout cela en détail dans ce blog.