Janus aux deux visages, toi qui commences l'année au cours silencieux,
toi, le seul des dieux d'en haut à voir ton propre dos,
sois propice à la paix de la terre et de la mer féconde,
et d'un signe de tête fais ouvrir les temples éclatants.
Un jour béni se lève : faites silence et recueillez-vous !
En ce beau jour, il faut prononcer des paroles de bonheur.
Que les oreilles soient exemptes de débats, et que d'emblée s'éloignent
les querelles insanes : diffère ton œuvre, langue envieuse. [...]
Salut, jour heureux, reviens-nous toujours meilleur !
mais quel dieu es-tu, comment te décrire, Janus à la double forme ? [...]
Allons, dis-moi pourquoi l'an neuf commence avec les frimas :
ne devait-il pas de préférence débuter au printemps ?
Alors, tout fleurit, alors, c'est la saison nouvelle :
sur le sarment fécond le jeune bourgeon se gonfle,
Et l'arbre se couvre de feuilles à peine formées ;
l'herbe aussi, sortie de la graine, pointe sa tige au ras du sol,
Et les oiseaux de leurs concerts agrémentent la tiédeur de l'air,
tandis que les troupeaux jouent et s'ébattent dans les prairies.
Alors le soleil est doux ; l'hirondelle, oubliée, reparaît : [...]
c'est cette période qui méritait d'être appelée nouvel an.
Ma question avait été longue ; lui, sans beaucoup attendre,
concentra sa réponse dans ces deux vers :
"Le solstice d'hiver marque le premier jour du soleil nouveau
et le dernier de l'ancien : Phébus et l'an ont même commencement". [...]
"Mais pourquoi prononçons-nous des paroles joyeuses à tes Calendes,
et pourquoi faisons-nous cet échange de vœux ?"
Alors le dieu, appuyé sur le bâton qu'il tenait de la main droite, dit :
"D'habitude, les commencements comportent des présages.
À la première parole, vous tendez une oreille craintive
et c'est le premier oiseau entrevu que consulte l'augure.
Les temples des dieux sont ouverts, de même que leurs oreilles ;
nulle langue ne formule en vain des prières ; les paroles ont leur poids".
Janus en avait fini ; je ne gardai pas longtemps le silence,
et mes mots suivirent aussitôt ses dernières paroles :
"Que veulent dire la datte et la figue ridée", dis-je,
"et le miel qu'on offre, contenu dans une jarre blanche ?" Il dit :
"C'est pour le présage, pour que leur saveur s'attache aux choses
et que l'année achève son voyage en douceur comme il a commencé. [...]
Nous louons les temps révolus, mais nous vivons à notre époque :
de toute façon les deux coutumes méritent un égal respect."