WoW on va rigoler sur ce topic !
(Mais je ferais quelques blagues, vous me connaissez)
Bon, je voulais vous parler de moi. J’ai besoin d’une catharsis écrite. Besoin d’expliquer. Si certains se retrouvent dans ce que j’écris, sachez une chose : il n’y a rien de l’autre côté.
Je voulais faire un genre de carnet de situation. J’écrirai de temps en temps. Un journal quoi, comme les jeunes filles dans les séries américaines.
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Depuis petit j’ai toujours été attiré et choqué par la mort et donc par le sommeil. Cette idée que, chaque nuit, on accepte de perdre notre conscience volontairement m’a toujours parut étrange.
en découvrant les opiacés/opioides a 14ans j’ai tout de suite été charmé : une drogue qui fait dormir, qui atténue fortement la douleur psychique, une drogue qui apaise.
Une drogue d’une douceur infinie comme une maman (que j’ai perdu jeune) et rassurante comme un papa (qui n’a jamais été rassurant, ni là d’ailleurs).
Très vite, j’ai injecté et ce fut la vraie rencontre avec celle qui partagera ma vie, mes douleurs, mes peines mais aussi les bonnes périodes : l’héroïne.
Elle m’a accompagné partout. Tellement injecté qu’elle faisait autant partie de moi qu’un troisième bras (a force de casser les deux premiers).
Ce que j’aimais chez elle : ce puissant flash chaud et qui claque les poumons, qui t’enveloppe dans un cocon pendant quelques minutes d’extases avant de retomber dans un voile léger de bonheur et de sommeil bien heureux.
J’avais l’impression de retourner en enfance, quand tu as peur d’un cauchemar et que ta maman vient dans ton lit faire un câlin. Tout s’évanouit, tout s’arrête.
Mais à force d’injecter, j’ai fini par avoir une tolérance de cheval. Plus aucune came ne me donnait satisfaction, j’ai connu ma première crise existentielle : que faire quand l’amour de votre vie ne vous fait plus rien ?
En plus de plus rien me faire, les périodes sèches étaient de plus en plus dures. Je devenais malade. 48kg pour 1m78. J’étais pâle et très souvent grippé ou fiévreux.
J’ai fais un sevrage sec. Une semaine d’horreur. Mais, étonnamment, rien ensuite. Bien sûr, j’y pensais tres souvent mais j’étais jeune et je me retapais une santé petit à petit alors ça allait.
Bon, ça allait avec 100mg de valium et une bouteille de whisky tous les deux jours hein, mais en même temps j’ai jamais été sobre depuis mes 14ans donc je ne sais pas comment je suis sobre.
Les mois sont passés, j’ai découvert la meth. La meth fumée, c’est autre chose que snifée. Fumée ou injectée, ça fait un flash qui couche pendant quelques minutes. Ça ressemble au crack : d’abord ça couche, ensuite ça stimule.
J’en parlerai de la meth, un jour.
Puis j’ai retrouvé les opiacés grâce à l’oxycontin 80. J’avais eu quelques dizaines de cachets pour 70€. Pas cher la signature pour retourner en enfer.
J’ai essayé, j’ai vraiment essayé de pas injecter. Mais cette impression de gâcher du produit, de gaspiller et de pas avoir le flash me taraudait.
J’ai injecté. J’ai aussitôt retrouvé mon monde : mon lit, ma musique de defonce ( Sigur Rós et Placebo unlugges pour les intimes), mes seringues et mon corps affaibli et maigre.
Ça a duré longtemps. Des années d’Héro.
Puis j’en ai eu assez. J’ai décidé de suivre un TSO (traitement de substitution aux opiacés). J’ai eu une dose de 20mg de subutex parce que j’étais à plusieurs grammes par jour.
J’ai baissé mon traitement pendant des années et je me sentais mieux. J’ai fini à 0,4mg de bupré puis 2 cachets de codéine puis 1 puis 0,5 puis 1 tous les deux , trois, quatre jours puis 1 par semaine puis rien.
J’ai vraiment peaufiné mon truc. Pour ne plus y revenir j’avais besoin de ne plus souffrir. Les années d’Héro m’avaient rendu tres peu tolérant à la douleur physique ou psychique.
Les mois de sobriété se sont cumulés. Je pensais souvent à la came mais comme une vieille copine qui pete les couilles et qu’on invite plus trop aux soirées.
Je m’étais lassé, tout simplement. J’en suis écœuré aujourd’hui. L’héroïne, c’est trop euphorisant pour moi. Je veux prendre un opi pour piquer du nez et kiffer, pas pour avoir envie de faire pleins de trucs.
J’ai rencontré une femme. On a eu une fille. Je suis parti.
J’ai rencontré mon épouse, on a eu un garçon.
Deux têtes blondes aux yeux bleus à la maison. Beaucoup de joie, des fous rires. J’aime mes enfants. J’aime passer du temps avec eux. Je donnerai tout pour mes enfants.
Je n’ai jamais eu besoin de crier, frapper ou autre. Quand je suis énervé, je prends mes enfants dans mes bras et je leur dis que je les aime.
Je passe des nuits à leur côté pour pas qu’ils aient peur du noir.
Ma femme ne se lève même plus la nuit, elle sait que je me lève, c’est trop important pour moi.
Mon arrière grand-père était alcoolique, mon grand-père est alcoolique, mon père est accro au sport et moi je suis polytox alors j’ai peur pour mes enfants. Alors je suis là pour eux, la nuit. Je veille sur leur sommeil pour ne pas qu’ils tombent dans la came plus tard. (Oui c’est con et alors ? Tu fais des trucs cons toi aussi qui lit ces lignes).
Et puis la thune est tombée comme de la pluie à Caen : souvent et en grosses quantités.
Je dévoilerai pas comment mais j’ai beaucoup bossé.
Alors je me suis mis à tâter des produits que je voulais essayer depuis longtemps. Eh oui, c’est très stupide et dangereux
J’ai essayé l’hydromorphone (un petit bout de paradis en gélule), l’oxymorphone, l’héroïne de qualité pharmaceutique (pas si ouf en vrai), la desomorphine (pas mal potent), le metopon, le 14-cinnamoyloxy-codeinone (Bon matos), le 14-methoxy-N-phenyl-metopon (bon matos mais dose récréative trop proche de la LD50), et beaucoup de dérivés du Fentanyl (trop nombreux pour décrire chaque dérivés mais l’acetyl-fenta est le mieux, le sufentanil est le moins bien).
J’ai picoré comme ça pendant des mois puis des années. Mais sans retourner à l’injection. Le fentanyl était bien assez puissant en sniff.
Et puis j’ai eu un accident très violent. Ma voiture a heurté un mur à 100km/h, sur une petite route. J’ai fais un soleil, ma bmw s’est explosée et moi à l’intérieur.
J’ai regardé mon rétro pour vérifier que les sièges enfants étaient bien vides et j’ai fermé les yeux, pensant mourir. J’ai accepté la mort, si souvent défiée. Tout était silencieux.
Et puis j’ai entendu un très gros bruit de tôle qui s’écrase et j’ai heurté le volant avec ma tête (l’airbag avait été débranché pour je-ne-sais-quelle-raison), me cassant les pommettes, le nez et une dent.
Je me suis réveillé, il y avait mon fils à côté de moi mais il avait 18 ou 20 ans. Il me disait « c’est pas grave, ne t’inquiète pas, Papa » et il sortait de la voiture.
Je suis sorti, j’ai couru en l’appelant et je me suis étalé à terre. J’avais consommé le matin, je n’avais pas senti que mon dos était fracturé à deux endroits. J’ai black out et me suis réveillé dans l’ambulance.
A l’hosto, ils ont tout essayé pour me soulager. J’ai été honnête et leur ai dis que j’étais ancien consommateur d’opiacés et surtout, consommateurs occasionnels de Fentanyl. Le médecin a baissé les yeux, il a dit « je vois » et m’a envoyé la sauce. 2x24mg d’hydromorphone en solution injectables.
Ça a été le coup de grâce. Jai beaucoup pleuré. Je savais que c’était reparti.
J’ai aussitôt retrouvé mon monde : le lit, ma musique, mon esprit divisé en deux : le fentanyl et… le reste.
J’ai arrêté d’essayer de contenir mes compulsions. J’ai arrêté d’essayer tout court.
J’ai acheté 100g d’acetyl-fenta, une bouteille d’eau bactériostatique et un carton plein de seringues.
J’ai chuté très bas. J’ai fini Comme une passoire : troué de partout, les bras, les mains, les jambes, le cou, bref, partout.
Et puis un soir je me suis couché dans mon lit, auprès de ma femme. Je me suis réveillé par terre, torse nu, des électrochocs dans les mains du pompier en face de moi et du narcan / epinephrine dans les veines.
Au réveil, j’ai fais un Near The Death Expérience (expérience de mort imminente) à la fois triste, glauque, vraie et belle.
J’étais resté assis, dans le coma, sur les toilettes. J’ai longtemps tenu comme écrasé sur moi même (approx 5h) et je suis tombé. J’ai fais du bruit, ça a réveillé mon fils qui a pleuré et qui a réveillé ma femme.
Elle m’a sauvé.
J’étais resté trop longtemps assis avec mon poids vers l’avant. J’avais plus de sang dans les jambes depuis longtemps. J’ai eu de la kinesthésie et j’ai perdu l’usage de mes jambes pendant une semaine. J’ai définitivement perdu l’usage de mon mollet, qui restera atrophié.
Suite à ça, j’ai pris peur. J’ai essayé de nouveau de me soigner mais sans résultat.
Un médecin qui se prétendait révolutionnaire m’a prescrit de la méthadone avant de se rendre compte que je métabolisait la méthadone en quelques heures (donc gros manque au bout de 4h). Il m’a prescrit se l’héroïne puis de l’hydromorphone. Ça a marché un temps.
Le Fentanyl détruit toute consommation récréative. Rien ne sera aussi fort, aussi pur, aussi calme. Même l’héroïne ou l’hydro, paraît naze. L’opioide ultime existe mais il est tellement puissant que la tolérance est monstrueuse.
Puis j’ai eu des problèmes avec la Justice. J’ai été cueillit dans l’appartement que je louais pour en faire un labo.
Ça a été difficile de prouver que tout le matos était pour ma conso perso mais j’ai fini par y arriver (en même temps, c’était vrai). J’ai eu une obligation de soin et ça a été le début des emmerdes. (J’en parlerai un jour).
Malgré l’angoisse de refaire une overdose, je continuais de m’injecter. J’avais peur, j’avais mal partout mais je continuais : je ne connais rien d’autre pour calmer la peur et la douleur.
J’ai fais plusieurs tentatives pour arrêter mais je suis tombé sur un obstacle de taille : l’hyperalgie ou le fait d’avoir mal, partout, tout le temps.
J’ai appelé au secours le centre anti-douleur de mon ressort et ils m’ont proposé une hospitalisation en cure et port cure avec soin palliatif, j’ai accepté.
J’ai eu des doses qu’on ne donne qu’aux cancéreux et aux mourants.
J’avais de l’hydromorphone, de la morphine, et de la ketamine (par cures pour faire descendre la tolérance aux opis) pour la douleur.
Du zolpidem pour le sommeil
Du catapressan, du tercian et du valium pour l’angoisse
De la Venlafaxine pour l’humeur.
Avec tout ça, je tenais plus debout. Je regardais le mur de ma chambre pendant des heures et je disais à ma femme de ne pas venir avec mes enfants, je voulais pas qu’ils me voient comme ça.
Finir en soins palliatif a 28 ans, ça fait un choc. Ça t’oblige a mettre pause et à réfléchir.
En post-cure j’avais de la Naloxone en prise obligatoire et surveillée et fouille régulière.
La Naloxone m’a fait du bien mais c’est une molécule très froide, très dure.
Je suis retourné à 20mg d’orobupré / jour.
Petit à petit la douleur est passée. Je me suis ré-habitué à vivre sans ma jambe gauche, à la Dr House.
Et puis voilà, on arrive à cette année. Pour l’instant je tiens bon. Mais je pense beaucoup aux opiacés.
Je l’aime et le déteste. L’héroïne et le fentanyl, je les aime à en mourir pour eux. Pour un peu plus de puissance, pour un peu plus de coup de massue, pour ne plus sentir le monde extérieur.
Merci de m’avoir lu.
Je posterai mes avancées ou mes pensés ici.
Pour tout ceux qui ont la maladie des opis, comme moi, vous n’êtes pas seuls.