Laura Revenudelaba
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2023. En ces temps terribles où Bolloré avait racheté France 3, dont Hanouna allait être éminemment nommé président, quelques résistants continuaient de lutter comme ils pouvaient à la télé.
oOo
- Ba ? Qu’est-ce que tu fais Freud ? Pourquoi tu scrutes ton avant-bras comme ça, questionna la Petite Voix.
- Je cherche ce qu’il y a de biopolitique en moi.
- De biopolitique ? Qu’est-ce que c’est que ça encore, de la psychanalyse ?
- Non non, même si la psychanalyse aide évidemment à comprendre les liens entre biologie et politique. Freud inclina sa main d’avant en arrière, en observant avec attention sa volonté consciente actionner ses muscles et tendons. Freud marmonna dans sa barbe : « C’est une question de subjectivité, quand l’on veut ce que l’on fait…mais il arrive qu’on ne fasse pas ce que l’on voulait. Notamment quand on agit inconsciemment, sans connaissance des causes ni des conséquences de nos actes…mais pourquoi donc de telles contradictions ? Quels liens avec le contrat social tacite ?
- T’es sur que ça va Freud, t’en as encore trop prit ? T’as trop sni
- Attentends !! Je crois que j’ai compris ! Faut pas que je perde mon aperception, tout me paraît clair là ! Faut que je note. Vite !
- Oula, je te laisse à tes prises de conscience. J’aimerai pas embêter tes intuitions… Surement que Jamy pourra m’expliquer tout ça, lui.
- Hey oui la Petite Voix, il ne faut pas déranger le Père Freud quand il est concentré. Il a toujours fait chier avec son ego surdimensionné, mais sa majesté aura surement de quoi nous éclairer le moment venu. En attendant revenons-en à la biopolitique, autrement appelé biopouvoir. Commençons par une définition générale. Selon Hardt et Negri, la biopolitique est une forme de pouvoir « exprimée comme un contrôle qui s’étend à travers les profondeurs des consciences et des corps de la population ».
- Je sens qu’on va devoir s’accrocher…
- Mais non, c’est pas si compliqué que ça, on va tout détailler ensemble. Et je suis sur que de toi-même tu vas préciser le sujet, parce qu’en réalité tu sais déjà ce qu’est la biopolitique. - Clin d’œil - Faut juste mettre des mots dessus, à l’aide d’un ou deux concepts opérants, sourit Jamy en joignant ses mains. On y va ?
- Ouai !!
- Allez chauffe Marcel, mais pas trop vite parce qu’on économise l’énergie hein. D’ailleurs moi je vais éteindre toutes ces lampes inutilement annulées.
GENERIQUE - guitare ROCK’N’ROLL - trop cool.
PShiiiiiiiii - Le camion s’arrête devant le Ministère de l’Économie et des Finances.
Oh Yeah !
- Mais pourquoi on s’arrête devant Bercy ? Je croyais qu’on irait au Collège de France pour essayer de comprendre des trucs incompréhensibles, dit naïvement la Petite Voix.
- On est là parce qu’avant Freud y a eu Marx, et que la rencontre de ces deux pensées à donné le freudo-marxisme, qui a un temps influencé Michel Foucault. C’est avec lui qu’on a rendez-vous à Bercy, mais c’est bizarre je ne le vois pas… Anxieux, Jamy regarda sa montre plusieurs fois d’affilé.
En attendant Foucault, pour combler Jamy expliqua à La Petite Voix que le freudo-marxisme était une sorte de psychologie sociale qui articulait analyse freudienne des processus psychiques et analyse marxiste des processus sociaux.
- Ce ne serait pas une manière de saisir les dimensions affectives inter-relationnelles des personnes prises dans conditions. En orientant consciemment ou inconsciemment nos comportements individuels et collectifs, d’après des règles morales qui déterminent nos prises de décision. Autrement dit, du corps à l’esprit, c’est une question d’idéologie, de valeurs psycho-physiologiques entre nature biologique et culture politique.
- Toujours aussi vive d’esprit la Petite Voix, tu captes vite !
- C’est parce que j’ai lu l’article de Laura sur les fondements biologiques de la morale. Pas simple au début, mais après coup ça paraît évident !
- Oui bon. Qu’est-ce qu’y fout Foucault ? s’impatienta Jamy en tournant en rond dans le camion. On a un timing à respecter nous. Et avec la suppression de la redevance télé, on n’a pas intérêt à déconner si on ne veut pas se faire virer par Bolloré ! - Un temps - Bon tant pis, on fera sans lui. Jamy se racla la gorge, puis se tourna vers toi : « En gros, pour saisir ce qu’est le biopouvoir, il faut comprendre comment les conditions socio-économiques conditionnent les affections des citoyens dans un ordre politique donné. Autrement dit, de l’immatérialité du culturel aux réalités matérielles, la biopolitique incite à agir de telles ou telles façons, pour contrôler les populations sans plus de coercition. Il est aussi question de régulation des populations au niveau sanitaire, dans une logique de perpétuation de l’espèce. Mais également de préserver la production du capital dans un accroissement économique, tout en assurant la reproduction d’une main d’œuvre corvéable. Contrôle des natalités et moyens de production sont donc intimement corrélés. Avec ce que cela nécessite d’endoctrinement pour susciter la plus grande adhésion des travailleurs à un modèle économique capitaliste ultra-libéral, qui au final leur est défavorable.
- D’où le fait qu’on soit devant Bercy ! Mais alors si on va parler de biologie et de néolibéralisme, on devrait aborder l’impact sur nos vies des biotechnologies, qui génèrent des maxis profits.
- C’est un des chapitres prévus.
- Cool ! J’espère aussi qu’on va décortiquer comment les idéologies morales libérales façonnent les imaginaires capitalistes au travers d’illusions progressistes hors sols, produites à partir de désirs consuméristes narcissiques, artificiellement suscités par les marchés. La publicité, tout le monde croit y échapper, mais en vrai on se fait tous berner. Saleté de neuromarketing ! Je trouve ça dingue à quel point la vanité abêtie les individus, qui au final se plient et vantent un ordre du monde dépendant de la croissance du PIB pour subsister. Alors que la majorité y perd en liberté et pouvoir d’achat plus qu’elle n’y gagne en confort de vie. Des indicateurs de l’OCDE aux sondages d’opinions, tout l’affirme ! Où est la prise en compte des affects ? De l’amour dans tout ça ?
Une vive chaleur traversa la poitrine de Jamy : « Tu fais quoi après l’émission la Petite Voix ? Parce que moi je suis sapiosexuel et
- Reste dans ton camion et continue de me faire cours Jamy.
- Ohaaa, euh, alors, j’en étais où ?
La porte s’ouvrit et Freud entra :
- Ba alors Jamy, on a les pulsions qui démangent ?
- Non mais, c’est..
- Vazi pas besoin d’épiloguer, tu vas pas finir sur MeToo pour ça. Au fait, j’ai croisé Foucault derrière Bercy, il essayait d’expliquer à Lemaire qu’il devrait taxer les supers profits au lieu de faire comme si on était encore dans l’abondance des Trente Glorieuses. Peine perdue ! L’autre a toujours pas saisi qu’on était entré dans l’ère des pénuries. Et qu’il fallait d’urgence changer de cap ! Mais vu la tête à claque, autant parler à un tableur Excel… Ah tient v’la Foucault ! Wooh Foucault, c’est par là, vient ! Je vais te faire visiter le camion !
« Qu’est-ce que c’est que cette émission, se demanda Jamy en prenant sa tête entre ses mains, ça part totalement en vrille. Faut que je récupère la main. Et puis pourquoi j’ai demandé ça à la Petite Voix… Trop de pression, je m’embrouille. Respire - Huuumpffooooooooow - et fait le taffe. Allez ! »
Foucault à l’antenne :
- Oui Jamy, dans mon cours au Collège de France, j’ai tâché de préciser les modalités d’exercice du pouvoir depuis le moyen-âge, à partir de la notion d’anatomo-politique, qui permet de saisir une continuité historique dans les manières de gouverner, au travers d‘une certaine discipline appliquer aux corps sociaux, ou comment sont intériorisées les normes morales à un niveau ontologique, biologique, n’est-ce pas.
Jamy resta coi. « Déjà que j’avais rien bité à son cours, là c’est la perte d’audience assurée… Bolloré va pas kiffer ! » : Pourriez-vous détailler tout cela ?
- Mon cher Jamy, je sais que tu as un timing à respecter, mais on ne peut pas battre la cadence plus vite que nécessité l’oblige. Vois-tu, se plier à une temporalité exigée par des multinationales est un bel exemple d’application biopolitique. Regarde-toi, t’es tout stressé. Le temps martelé de l’usine n’est pas bon pour toi mon ami. Sois plus Jamming Jamy. Détente man. Le temps est ce qu’il y a de plus précieux, alors prenons-le. Vient on va se poser au café là-bas. Et cesse de t’en faire, le monteur te fera une belle émission tu verras.
Jamy se retint de pleurer, avant de suivre l’aura de Foucault, qui depuis qu’il avait prit du LSD en Californie semblait une autre personne, plus individuée.
Assis autour d’un verre, Foucault prit le temps d’exposer son propos, avec clarté :
« …le pouvoir politique, tel qu’il s’exerçait dans le corps social, était un pouvoir très discontinu ». Au regard des intérêts du capitalisme industriel naissant, le vieux « système de pouvoir » des monarchies d’antan présentait deux grands défauts. Le premier, c’est que trop de choses échappaient aux souverains. Les gouvernants avaient peu de visibilité quant aux activités de contrebande, aux délits en tout genre, aux complots orchestrés par les républicains. De la fin des royautés aux Républiques naissants partout en Europe, la question que se posait les puissants étaient : comment « passer d’un pouvoir lacunaire, global, à un pouvoir continu, atomique et individualisant : que chacun, que chaque individu en lui-même, dans son corps, dans ses gestes, puisse être contrôlé, à la place des contrôles globaux et de masse » ?
De Machiavel au panoptique de Bentham, on comprend que les formes disciplinaires adoptées par les sociétés modernes visent à un contrôle social individualisé, de plus en plus abstrait et omniprésent.
- C’est cela. De haut en bas de la pyramide sociale, le contrôle hiérarchisé de tous par tous se veut omnipotent dans son omniprésence.
- Tel Big Brother, qui fait que chacun suspecte son voisin, en se fliquant soi-même. Une forme de paranoïa latente qui empêche la réunion des corps sociaux en un peuple puissant, parce qu’uni et soudé. Et le second inconvénient ?
« Le second grand inconvénient des mécanismes de pouvoir, tels qu’ils fonctionnaient dans la monarchie, est qu’ils étaient excessivement onéreux. » Le pouvoir « était essentiellement pouvoir de prélèvement ». C’est-à-dire percepteur et prédateur. Autrement dit, l’action du pouvoir opérait toujours une soustraction économique, sans permettre d’enrichissement des populations. Ce qui défavorisait l’accroissement de l’économie à un niveau global. Sans de nombreuses classes sociales avec différents pouvoirs d’achat, avec le désir permanent de monter en gamme, pas de société de consommation. Aussi rappelons-nous que l’idéal libéral d’alors prônait une main invisible qui régulerait l’économie, à condition que rien n’entrave les échanges commerciaux. De frein au libre échange, sans plus être un obstacle à la paix promise par les libéraux, le pouvoir se devait donc de stimuler l’économie boursière, en favorisant un plus large enrichissement personnel dans une société de marchés. D’où cette seconde préoccupation : comment « trouver un mécanisme de pouvoir tel que, en même temps qu’il contrôle les choses et les personnes jusqu’au moindre détail, il ne soit pas onéreux ni essentiellement prédateur pour la société, qu’il s’exerce dans le sens du processus économique lui-même ».
- Et finalement, quelles solutions ont été trouvé à ces deux préoccupations ?
- Deux exemples qui devraient parler à toutes et tous.
Un grondement de plus en plus manifeste vint perturber l’échange.
« On est lààààà. On est lààààààà…même si Macron le veut paaas ! » Jamy vit un attroupement s’engager sur le Pont de Bercy, dont certaines personnes revêtaient un gilet jaune. Des policiers tentèrent d’empêcher quelques manifestants de s’aventurer sous les arches du pont, en leur intimant sévèrement de marcher sur la chaussée. Ce qui motiva d’autant plus de gens à sortir des clous. S’en suivit deux bruyantes explosions et un gazage massif du pont, qui divisa le cortège en deux groupes.
« Mais c’est pas vrai, se dit Jamy, ils ont décidé de tous me faire chier aujourd’hui ou quoi ? »
- Observons cette manifestation Jamy, c’est très à propos. Le maintien de l’ordre semble provoquer plus de désordre qu’autre chose. Au point de devoir diviser le groupe pour mieux régner. Cette manière d’opérer avec répression par la force signe l’échec de la biopolitique, lorsque les sujets jusque là asservis, n’obéissent plus aux règles établies. Quand il y a rupture du contrat social, face aux revendications du peuple, ne reste au pouvoir mit en échec que la violence physique pour se maintenir. Ces pauvres citoyens ne demandent qu’à vivre plus décemment, mais l’État n’y consent point. Pour qu’il y est des super gagnants, il faut inévitablement des super perdants. C’est la loi de la compétitivité capitaliste productrice d’inégalités. Misérable darwinisme social vecteur d’une inexorable paupérisation. Mais revenons-en à nos deux exemples.
- Oui voila. Jamy tenta de rester focalisé sur le moment présent, malgré de nouvelles explosions au loin qui raisonnèrent dans son abdomen, tel un lointain écho du pouvoir, inscrit en lui. « L’ingé son va avoir du boulot pour effacer tous ces bruits. On va prendre du retard, va falloir que je la joue fin avec la direction… »
- Dans mes recherches, j’ai montré comment se sont instaurés des dispositifs disciplinaires et biopolitiques afin de pérenniser le développement économique des sociétés, et ce malgré des fléaux qui frappaient sans crier gare. Exemple de la quarantaine. Jusqu’au moyen-âge, ce dispositif était efficace face aux épidémies, mais bloquer une cité toute entière nuisait à son économie. C’est donc au fil du temps qu’ont été mis en place des moyens permettant de concilier l’efficacité des quarantaines avec la préservation des activités économiques. Autrement dit, allier surveillance individualisée - autant des malades que des personnes non atteintes - au maintient des échanges commerciaux.
- Comment ?
- En prévenant les pandémies, grâce à la mise en place d’institutions disciplinaires qui isolaient plusieurs semaines des groupes d’individus ciblés. Par exemple des navigateurs venus d’orient, sur une île à proximité de la côte. La mise en place de quarantaines partielles mais de longues durées, dans une répartition des dispositifs de contrôle sur plusieurs niveaux, a assuré la continuité des activités économiques. Un mois d’attente pour marchands et marchandises valaient mieux que des années de va et vient de virus dans les faubourgs et alentours des cités. Au risque de contaminer tout le pays. Et plus… En parallèle de ces moyens disciplinaires institutionnels, se sont établis des réseaux de communication pour mieux contrôler l’application des règles, en plus de faire circuler des informations et de donner des ordres plus efficacement. Parce que toujours le biopouvoir cherche à avoir l’action la plus directe qui soit sur ses sujets. Question d’économie de moyens et d’énergie, en plus de renforcer son impériosité.
La Petite Voix intervint : « Comme avec l’appli Anti-Covid dans la poche de chaque citoyen, qui autorise à sortir de chez soi ou impose de rester enfermer.
- Exact. D’ailleurs, en cela on peut constater une véritable topographie du biopouvoir contemporain.
- C’est-à-dire ? questionna gaiement la Petite Voix.
- Je veux dire par là que le biopouvoir s’applique dans des dimensions spatiales et temporelles. Il contraint ou autorise les corps à faire ceci ou cela, dans un territoire accessible ou non, ainsi que dans une durée limitée. Délimitée. En imposant des limites, la biopolitique délimite nos champs d’action, autant dans l’espace que dans le temps.
- En plus d’agir sur les corps, comme avec l’obligation du port du masque. Alors qu’au départ les politiciens affirmaient qu’il ne servait à rien.
- Tout à fait. Le biopouvoir agit sur les corps, ainsi que sur les esprits. De restrictions spatiales et temporelles lors des confinements, au port du masque qui amenuise les contacts avec autrui, également masqué, les citoyens ont été contraint à une privation de liberté à laquelle ils n’étaient plus habitués. D’où la mise en place d’attestation de déplacement individuelle, que chacun et chacune devait remplir pour sortir. C’est une forme de biopolitique que d’imposer de telles conditions aux individus, parce qu’ils ne seraient pas responsables, alors même que les fondements juridiques des attestations ont de quoi questionner…mais avec des policiers chargés de surveiller et punir les citoyens infantilisés, en faisant des exemples mis en avant dans les principaux médias, cela renforçait l’obéissance. La soumission. D’ailleurs, certains commissariats ont du publier des communiqués demandant aux citoyens bienveillants de ne plus appeler pour dénoncer avec zèle leurs voisins, parce que les serveurs étaient saturés.
La Petite Voix continua de questionner Foucault, ce qui agaça Jamy : « Voyez-vous d’autres exemples d’application du biopouvoir sur les corps et les esprits ?
- Sans rentrer dans les formes gestionnaires et structurelles du pouvoir économico-politique, pour en rester à un plan médiatique, il est courant d’observer symboliquement des formes langagières de mépris dans les discours des dirigeants. Exemple du Président Macron affirmant que dans les gares on croise des gens qui réussissent et d’autres qui ne sont rien. Avant d’appeler les mécontents à venir le chercher, en arguant être le seul responsable de leurs problèmes. Maintenant que le peuple, qui a ses raisons, est dans la rue, de la violence symbolique découle la violence physique, lorsqu’il s’agit de mater la colère qui gronde. Comme on la constaté il y a quelques minutes, quand le pouvoir est acculé, il se légitime d’une violence visant à réprimer les manifestants. Marquer un 1 corps marque 1000 esprits. Et, de fait, depuis la répression qui s’est abattue sur les Gilets Jaunes et les citoyens habitués des manifestations plus traditionnelles, les gens ont peur de manifester. Ils n’osent plus descendre dans la rue. Ainsi le biopouvoir gagne la bataille. Pour le moment…
Jamy intervint afin d’en finir avec sa liste de questions, à respecter : « Pour en revenir à la topographie de la surveillance généralisée, quand est-il du numérique dans les pratiques biopolitiques ?
- D’évidence, le biopouvoir s’exerce dans l’espace virtuel du numérique. Le digital a prit une telle importance aujourd’hui, qu’il est au premier plan quand il s’agit de cyber sécurité, de guerres économiques ou militaires. Autrement, en pleine confusion médiatique, on a vu que la macronie a imposé de force la 5G sur tout le territoire, que ça soit pour pouvoir administrer l’ensemble des institutions, que faciliter l’essor économique du numérique. La 5G facilite les publicités ciblées à partir de data données chèrement récoltées parmi des utilisateurs occupés à savoir s’il est préférable de visionner du porno sur son smartphone dans un ascenseur, ou vivre comme des amishs. L’important étant de ne pas envisager les potentialités tentaculaires de profit et de surveillance permises par de telles technologies. On voit là que la biopolitique a un pouvoir d’action multimodal et multifonctionnel, en opérant à de nombreux niveaux, dont les médias sont une des clés de voûte, notamment pour suggérer des pratiques ou imprégner d’idéologies les esprits de spectateurs non avertis. De citoyens détournés de toute critique pertinente. Souvenons-nous que renforcer l’égocentrisme de chacun en exacerbant l’individualisme égoïste et atomiste des citoyens est une manière de conditionner les masses, pour qu’elles ne daignent pas opérer en dehors de cadres contraignants, définis par les puissants, qui dépensent beaucoup de moyens pour maintenir leurs pouvoirs.
Jamy fronça des sourcils en regardant l’imposant bâtiment blanc du ministère : « On conclura en retenant qu’au fil des siècles, la biopolitique est passée d’un pouvoir monarchique à un pouvoir bourgeois, qui s’applique à contrôler toujours plus finement les individus, avec le moins de violence possible. Et ce de manière à favoriser le développement économique, à faire fructifier le capital d’une minorité au détriment de la majorité, en assurant la protection et la rapidité de moyens de communications, toujours plus efficaces pour surveiller les populations. Entre l’entretient de moyens de productions au profit du capital et reproduction sociale qui ne profite pas au soutien mutuel et réciproque des travailleurs entre eux, la biopolitique vise à susciter l’adhésion des citoyens à un ordre ultra-concurrentiel, à l’échelle globale de la mondialisation. Aux individus moralement isolés sont suggérées des visions du monde, des représentations politiques dans leurs imaginaires, qui au fil d’une éducation dépolitisante bien rodée, incitent de soi-même à certains comportements initialement non désirés, à se conformer par nécessités sociales et économiques dans un certain asservissement, involontairement volontaire. Mais nous aborderons cela une prochaine fois, en détaillant quelques fonctionnements des « sociétés de contrôle ». Merci Michel Foucault.
- Merci à vous.
oOo
2023 resterait-elle une date maudite dans l'Histoire, ou nos valeureux résistants parviendront-ils à vaincre le rouleau compresseur du capitalisme médiatico-réactionnaire ?
oOo
- Ba ? Qu’est-ce que tu fais Freud ? Pourquoi tu scrutes ton avant-bras comme ça, questionna la Petite Voix.
- Je cherche ce qu’il y a de biopolitique en moi.
- De biopolitique ? Qu’est-ce que c’est que ça encore, de la psychanalyse ?
- Non non, même si la psychanalyse aide évidemment à comprendre les liens entre biologie et politique. Freud inclina sa main d’avant en arrière, en observant avec attention sa volonté consciente actionner ses muscles et tendons. Freud marmonna dans sa barbe : « C’est une question de subjectivité, quand l’on veut ce que l’on fait…mais il arrive qu’on ne fasse pas ce que l’on voulait. Notamment quand on agit inconsciemment, sans connaissance des causes ni des conséquences de nos actes…mais pourquoi donc de telles contradictions ? Quels liens avec le contrat social tacite ?
- T’es sur que ça va Freud, t’en as encore trop prit ? T’as trop sni
- Attentends !! Je crois que j’ai compris ! Faut pas que je perde mon aperception, tout me paraît clair là ! Faut que je note. Vite !
- Oula, je te laisse à tes prises de conscience. J’aimerai pas embêter tes intuitions… Surement que Jamy pourra m’expliquer tout ça, lui.
- Hey oui la Petite Voix, il ne faut pas déranger le Père Freud quand il est concentré. Il a toujours fait chier avec son ego surdimensionné, mais sa majesté aura surement de quoi nous éclairer le moment venu. En attendant revenons-en à la biopolitique, autrement appelé biopouvoir. Commençons par une définition générale. Selon Hardt et Negri, la biopolitique est une forme de pouvoir « exprimée comme un contrôle qui s’étend à travers les profondeurs des consciences et des corps de la population ».
- Je sens qu’on va devoir s’accrocher…
- Mais non, c’est pas si compliqué que ça, on va tout détailler ensemble. Et je suis sur que de toi-même tu vas préciser le sujet, parce qu’en réalité tu sais déjà ce qu’est la biopolitique. - Clin d’œil - Faut juste mettre des mots dessus, à l’aide d’un ou deux concepts opérants, sourit Jamy en joignant ses mains. On y va ?
- Ouai !!
- Allez chauffe Marcel, mais pas trop vite parce qu’on économise l’énergie hein. D’ailleurs moi je vais éteindre toutes ces lampes inutilement annulées.
GENERIQUE - guitare ROCK’N’ROLL - trop cool.
PShiiiiiiiii - Le camion s’arrête devant le Ministère de l’Économie et des Finances.
Oh Yeah !
- Mais pourquoi on s’arrête devant Bercy ? Je croyais qu’on irait au Collège de France pour essayer de comprendre des trucs incompréhensibles, dit naïvement la Petite Voix.
- On est là parce qu’avant Freud y a eu Marx, et que la rencontre de ces deux pensées à donné le freudo-marxisme, qui a un temps influencé Michel Foucault. C’est avec lui qu’on a rendez-vous à Bercy, mais c’est bizarre je ne le vois pas… Anxieux, Jamy regarda sa montre plusieurs fois d’affilé.
En attendant Foucault, pour combler Jamy expliqua à La Petite Voix que le freudo-marxisme était une sorte de psychologie sociale qui articulait analyse freudienne des processus psychiques et analyse marxiste des processus sociaux.
- Ce ne serait pas une manière de saisir les dimensions affectives inter-relationnelles des personnes prises dans conditions. En orientant consciemment ou inconsciemment nos comportements individuels et collectifs, d’après des règles morales qui déterminent nos prises de décision. Autrement dit, du corps à l’esprit, c’est une question d’idéologie, de valeurs psycho-physiologiques entre nature biologique et culture politique.
- Toujours aussi vive d’esprit la Petite Voix, tu captes vite !
- C’est parce que j’ai lu l’article de Laura sur les fondements biologiques de la morale. Pas simple au début, mais après coup ça paraît évident !
- Oui bon. Qu’est-ce qu’y fout Foucault ? s’impatienta Jamy en tournant en rond dans le camion. On a un timing à respecter nous. Et avec la suppression de la redevance télé, on n’a pas intérêt à déconner si on ne veut pas se faire virer par Bolloré ! - Un temps - Bon tant pis, on fera sans lui. Jamy se racla la gorge, puis se tourna vers toi : « En gros, pour saisir ce qu’est le biopouvoir, il faut comprendre comment les conditions socio-économiques conditionnent les affections des citoyens dans un ordre politique donné. Autrement dit, de l’immatérialité du culturel aux réalités matérielles, la biopolitique incite à agir de telles ou telles façons, pour contrôler les populations sans plus de coercition. Il est aussi question de régulation des populations au niveau sanitaire, dans une logique de perpétuation de l’espèce. Mais également de préserver la production du capital dans un accroissement économique, tout en assurant la reproduction d’une main d’œuvre corvéable. Contrôle des natalités et moyens de production sont donc intimement corrélés. Avec ce que cela nécessite d’endoctrinement pour susciter la plus grande adhésion des travailleurs à un modèle économique capitaliste ultra-libéral, qui au final leur est défavorable.
- D’où le fait qu’on soit devant Bercy ! Mais alors si on va parler de biologie et de néolibéralisme, on devrait aborder l’impact sur nos vies des biotechnologies, qui génèrent des maxis profits.
- C’est un des chapitres prévus.
- Cool ! J’espère aussi qu’on va décortiquer comment les idéologies morales libérales façonnent les imaginaires capitalistes au travers d’illusions progressistes hors sols, produites à partir de désirs consuméristes narcissiques, artificiellement suscités par les marchés. La publicité, tout le monde croit y échapper, mais en vrai on se fait tous berner. Saleté de neuromarketing ! Je trouve ça dingue à quel point la vanité abêtie les individus, qui au final se plient et vantent un ordre du monde dépendant de la croissance du PIB pour subsister. Alors que la majorité y perd en liberté et pouvoir d’achat plus qu’elle n’y gagne en confort de vie. Des indicateurs de l’OCDE aux sondages d’opinions, tout l’affirme ! Où est la prise en compte des affects ? De l’amour dans tout ça ?
Une vive chaleur traversa la poitrine de Jamy : « Tu fais quoi après l’émission la Petite Voix ? Parce que moi je suis sapiosexuel et
- Reste dans ton camion et continue de me faire cours Jamy.
- Ohaaa, euh, alors, j’en étais où ?
La porte s’ouvrit et Freud entra :
- Ba alors Jamy, on a les pulsions qui démangent ?
- Non mais, c’est..
- Vazi pas besoin d’épiloguer, tu vas pas finir sur MeToo pour ça. Au fait, j’ai croisé Foucault derrière Bercy, il essayait d’expliquer à Lemaire qu’il devrait taxer les supers profits au lieu de faire comme si on était encore dans l’abondance des Trente Glorieuses. Peine perdue ! L’autre a toujours pas saisi qu’on était entré dans l’ère des pénuries. Et qu’il fallait d’urgence changer de cap ! Mais vu la tête à claque, autant parler à un tableur Excel… Ah tient v’la Foucault ! Wooh Foucault, c’est par là, vient ! Je vais te faire visiter le camion !
« Qu’est-ce que c’est que cette émission, se demanda Jamy en prenant sa tête entre ses mains, ça part totalement en vrille. Faut que je récupère la main. Et puis pourquoi j’ai demandé ça à la Petite Voix… Trop de pression, je m’embrouille. Respire - Huuumpffooooooooow - et fait le taffe. Allez ! »
Foucault à l’antenne :
- Oui Jamy, dans mon cours au Collège de France, j’ai tâché de préciser les modalités d’exercice du pouvoir depuis le moyen-âge, à partir de la notion d’anatomo-politique, qui permet de saisir une continuité historique dans les manières de gouverner, au travers d‘une certaine discipline appliquer aux corps sociaux, ou comment sont intériorisées les normes morales à un niveau ontologique, biologique, n’est-ce pas.
Jamy resta coi. « Déjà que j’avais rien bité à son cours, là c’est la perte d’audience assurée… Bolloré va pas kiffer ! » : Pourriez-vous détailler tout cela ?
- Mon cher Jamy, je sais que tu as un timing à respecter, mais on ne peut pas battre la cadence plus vite que nécessité l’oblige. Vois-tu, se plier à une temporalité exigée par des multinationales est un bel exemple d’application biopolitique. Regarde-toi, t’es tout stressé. Le temps martelé de l’usine n’est pas bon pour toi mon ami. Sois plus Jamming Jamy. Détente man. Le temps est ce qu’il y a de plus précieux, alors prenons-le. Vient on va se poser au café là-bas. Et cesse de t’en faire, le monteur te fera une belle émission tu verras.
Jamy se retint de pleurer, avant de suivre l’aura de Foucault, qui depuis qu’il avait prit du LSD en Californie semblait une autre personne, plus individuée.
Assis autour d’un verre, Foucault prit le temps d’exposer son propos, avec clarté :
« …le pouvoir politique, tel qu’il s’exerçait dans le corps social, était un pouvoir très discontinu ». Au regard des intérêts du capitalisme industriel naissant, le vieux « système de pouvoir » des monarchies d’antan présentait deux grands défauts. Le premier, c’est que trop de choses échappaient aux souverains. Les gouvernants avaient peu de visibilité quant aux activités de contrebande, aux délits en tout genre, aux complots orchestrés par les républicains. De la fin des royautés aux Républiques naissants partout en Europe, la question que se posait les puissants étaient : comment « passer d’un pouvoir lacunaire, global, à un pouvoir continu, atomique et individualisant : que chacun, que chaque individu en lui-même, dans son corps, dans ses gestes, puisse être contrôlé, à la place des contrôles globaux et de masse » ?
De Machiavel au panoptique de Bentham, on comprend que les formes disciplinaires adoptées par les sociétés modernes visent à un contrôle social individualisé, de plus en plus abstrait et omniprésent.
- C’est cela. De haut en bas de la pyramide sociale, le contrôle hiérarchisé de tous par tous se veut omnipotent dans son omniprésence.
- Tel Big Brother, qui fait que chacun suspecte son voisin, en se fliquant soi-même. Une forme de paranoïa latente qui empêche la réunion des corps sociaux en un peuple puissant, parce qu’uni et soudé. Et le second inconvénient ?
« Le second grand inconvénient des mécanismes de pouvoir, tels qu’ils fonctionnaient dans la monarchie, est qu’ils étaient excessivement onéreux. » Le pouvoir « était essentiellement pouvoir de prélèvement ». C’est-à-dire percepteur et prédateur. Autrement dit, l’action du pouvoir opérait toujours une soustraction économique, sans permettre d’enrichissement des populations. Ce qui défavorisait l’accroissement de l’économie à un niveau global. Sans de nombreuses classes sociales avec différents pouvoirs d’achat, avec le désir permanent de monter en gamme, pas de société de consommation. Aussi rappelons-nous que l’idéal libéral d’alors prônait une main invisible qui régulerait l’économie, à condition que rien n’entrave les échanges commerciaux. De frein au libre échange, sans plus être un obstacle à la paix promise par les libéraux, le pouvoir se devait donc de stimuler l’économie boursière, en favorisant un plus large enrichissement personnel dans une société de marchés. D’où cette seconde préoccupation : comment « trouver un mécanisme de pouvoir tel que, en même temps qu’il contrôle les choses et les personnes jusqu’au moindre détail, il ne soit pas onéreux ni essentiellement prédateur pour la société, qu’il s’exerce dans le sens du processus économique lui-même ».
- Et finalement, quelles solutions ont été trouvé à ces deux préoccupations ?
- Deux exemples qui devraient parler à toutes et tous.
Un grondement de plus en plus manifeste vint perturber l’échange.
« On est lààààà. On est lààààààà…même si Macron le veut paaas ! » Jamy vit un attroupement s’engager sur le Pont de Bercy, dont certaines personnes revêtaient un gilet jaune. Des policiers tentèrent d’empêcher quelques manifestants de s’aventurer sous les arches du pont, en leur intimant sévèrement de marcher sur la chaussée. Ce qui motiva d’autant plus de gens à sortir des clous. S’en suivit deux bruyantes explosions et un gazage massif du pont, qui divisa le cortège en deux groupes.
« Mais c’est pas vrai, se dit Jamy, ils ont décidé de tous me faire chier aujourd’hui ou quoi ? »
- Observons cette manifestation Jamy, c’est très à propos. Le maintien de l’ordre semble provoquer plus de désordre qu’autre chose. Au point de devoir diviser le groupe pour mieux régner. Cette manière d’opérer avec répression par la force signe l’échec de la biopolitique, lorsque les sujets jusque là asservis, n’obéissent plus aux règles établies. Quand il y a rupture du contrat social, face aux revendications du peuple, ne reste au pouvoir mit en échec que la violence physique pour se maintenir. Ces pauvres citoyens ne demandent qu’à vivre plus décemment, mais l’État n’y consent point. Pour qu’il y est des super gagnants, il faut inévitablement des super perdants. C’est la loi de la compétitivité capitaliste productrice d’inégalités. Misérable darwinisme social vecteur d’une inexorable paupérisation. Mais revenons-en à nos deux exemples.
- Oui voila. Jamy tenta de rester focalisé sur le moment présent, malgré de nouvelles explosions au loin qui raisonnèrent dans son abdomen, tel un lointain écho du pouvoir, inscrit en lui. « L’ingé son va avoir du boulot pour effacer tous ces bruits. On va prendre du retard, va falloir que je la joue fin avec la direction… »
- Dans mes recherches, j’ai montré comment se sont instaurés des dispositifs disciplinaires et biopolitiques afin de pérenniser le développement économique des sociétés, et ce malgré des fléaux qui frappaient sans crier gare. Exemple de la quarantaine. Jusqu’au moyen-âge, ce dispositif était efficace face aux épidémies, mais bloquer une cité toute entière nuisait à son économie. C’est donc au fil du temps qu’ont été mis en place des moyens permettant de concilier l’efficacité des quarantaines avec la préservation des activités économiques. Autrement dit, allier surveillance individualisée - autant des malades que des personnes non atteintes - au maintient des échanges commerciaux.
- Comment ?
- En prévenant les pandémies, grâce à la mise en place d’institutions disciplinaires qui isolaient plusieurs semaines des groupes d’individus ciblés. Par exemple des navigateurs venus d’orient, sur une île à proximité de la côte. La mise en place de quarantaines partielles mais de longues durées, dans une répartition des dispositifs de contrôle sur plusieurs niveaux, a assuré la continuité des activités économiques. Un mois d’attente pour marchands et marchandises valaient mieux que des années de va et vient de virus dans les faubourgs et alentours des cités. Au risque de contaminer tout le pays. Et plus… En parallèle de ces moyens disciplinaires institutionnels, se sont établis des réseaux de communication pour mieux contrôler l’application des règles, en plus de faire circuler des informations et de donner des ordres plus efficacement. Parce que toujours le biopouvoir cherche à avoir l’action la plus directe qui soit sur ses sujets. Question d’économie de moyens et d’énergie, en plus de renforcer son impériosité.
La Petite Voix intervint : « Comme avec l’appli Anti-Covid dans la poche de chaque citoyen, qui autorise à sortir de chez soi ou impose de rester enfermer.
- Exact. D’ailleurs, en cela on peut constater une véritable topographie du biopouvoir contemporain.
- C’est-à-dire ? questionna gaiement la Petite Voix.
- Je veux dire par là que le biopouvoir s’applique dans des dimensions spatiales et temporelles. Il contraint ou autorise les corps à faire ceci ou cela, dans un territoire accessible ou non, ainsi que dans une durée limitée. Délimitée. En imposant des limites, la biopolitique délimite nos champs d’action, autant dans l’espace que dans le temps.
- En plus d’agir sur les corps, comme avec l’obligation du port du masque. Alors qu’au départ les politiciens affirmaient qu’il ne servait à rien.
- Tout à fait. Le biopouvoir agit sur les corps, ainsi que sur les esprits. De restrictions spatiales et temporelles lors des confinements, au port du masque qui amenuise les contacts avec autrui, également masqué, les citoyens ont été contraint à une privation de liberté à laquelle ils n’étaient plus habitués. D’où la mise en place d’attestation de déplacement individuelle, que chacun et chacune devait remplir pour sortir. C’est une forme de biopolitique que d’imposer de telles conditions aux individus, parce qu’ils ne seraient pas responsables, alors même que les fondements juridiques des attestations ont de quoi questionner…mais avec des policiers chargés de surveiller et punir les citoyens infantilisés, en faisant des exemples mis en avant dans les principaux médias, cela renforçait l’obéissance. La soumission. D’ailleurs, certains commissariats ont du publier des communiqués demandant aux citoyens bienveillants de ne plus appeler pour dénoncer avec zèle leurs voisins, parce que les serveurs étaient saturés.
La Petite Voix continua de questionner Foucault, ce qui agaça Jamy : « Voyez-vous d’autres exemples d’application du biopouvoir sur les corps et les esprits ?
- Sans rentrer dans les formes gestionnaires et structurelles du pouvoir économico-politique, pour en rester à un plan médiatique, il est courant d’observer symboliquement des formes langagières de mépris dans les discours des dirigeants. Exemple du Président Macron affirmant que dans les gares on croise des gens qui réussissent et d’autres qui ne sont rien. Avant d’appeler les mécontents à venir le chercher, en arguant être le seul responsable de leurs problèmes. Maintenant que le peuple, qui a ses raisons, est dans la rue, de la violence symbolique découle la violence physique, lorsqu’il s’agit de mater la colère qui gronde. Comme on la constaté il y a quelques minutes, quand le pouvoir est acculé, il se légitime d’une violence visant à réprimer les manifestants. Marquer un 1 corps marque 1000 esprits. Et, de fait, depuis la répression qui s’est abattue sur les Gilets Jaunes et les citoyens habitués des manifestations plus traditionnelles, les gens ont peur de manifester. Ils n’osent plus descendre dans la rue. Ainsi le biopouvoir gagne la bataille. Pour le moment…
Jamy intervint afin d’en finir avec sa liste de questions, à respecter : « Pour en revenir à la topographie de la surveillance généralisée, quand est-il du numérique dans les pratiques biopolitiques ?
- D’évidence, le biopouvoir s’exerce dans l’espace virtuel du numérique. Le digital a prit une telle importance aujourd’hui, qu’il est au premier plan quand il s’agit de cyber sécurité, de guerres économiques ou militaires. Autrement, en pleine confusion médiatique, on a vu que la macronie a imposé de force la 5G sur tout le territoire, que ça soit pour pouvoir administrer l’ensemble des institutions, que faciliter l’essor économique du numérique. La 5G facilite les publicités ciblées à partir de data données chèrement récoltées parmi des utilisateurs occupés à savoir s’il est préférable de visionner du porno sur son smartphone dans un ascenseur, ou vivre comme des amishs. L’important étant de ne pas envisager les potentialités tentaculaires de profit et de surveillance permises par de telles technologies. On voit là que la biopolitique a un pouvoir d’action multimodal et multifonctionnel, en opérant à de nombreux niveaux, dont les médias sont une des clés de voûte, notamment pour suggérer des pratiques ou imprégner d’idéologies les esprits de spectateurs non avertis. De citoyens détournés de toute critique pertinente. Souvenons-nous que renforcer l’égocentrisme de chacun en exacerbant l’individualisme égoïste et atomiste des citoyens est une manière de conditionner les masses, pour qu’elles ne daignent pas opérer en dehors de cadres contraignants, définis par les puissants, qui dépensent beaucoup de moyens pour maintenir leurs pouvoirs.
Jamy fronça des sourcils en regardant l’imposant bâtiment blanc du ministère : « On conclura en retenant qu’au fil des siècles, la biopolitique est passée d’un pouvoir monarchique à un pouvoir bourgeois, qui s’applique à contrôler toujours plus finement les individus, avec le moins de violence possible. Et ce de manière à favoriser le développement économique, à faire fructifier le capital d’une minorité au détriment de la majorité, en assurant la protection et la rapidité de moyens de communications, toujours plus efficaces pour surveiller les populations. Entre l’entretient de moyens de productions au profit du capital et reproduction sociale qui ne profite pas au soutien mutuel et réciproque des travailleurs entre eux, la biopolitique vise à susciter l’adhésion des citoyens à un ordre ultra-concurrentiel, à l’échelle globale de la mondialisation. Aux individus moralement isolés sont suggérées des visions du monde, des représentations politiques dans leurs imaginaires, qui au fil d’une éducation dépolitisante bien rodée, incitent de soi-même à certains comportements initialement non désirés, à se conformer par nécessités sociales et économiques dans un certain asservissement, involontairement volontaire. Mais nous aborderons cela une prochaine fois, en détaillant quelques fonctionnements des « sociétés de contrôle ». Merci Michel Foucault.
- Merci à vous.
oOo
2023 resterait-elle une date maudite dans l'Histoire, ou nos valeureux résistants parviendront-ils à vaincre le rouleau compresseur du capitalisme médiatico-réactionnaire ?