YO! J'ai fais mon premier trip à l'ALD-52 ce week-end et j'en ai rédigé le trip report. Comme je n'ai pas encore le nombre de post suffisant pour ouvrir un thread, je le poste ici:
Background.
Depuis des années maintenant, j'observe les psychédéliques avec un intérêt vif, un respect profond et une distance raisonnable. Ma première prise de MDMA, vers mes 20 ans, a complètement chamboulé mon rapport aux drogues. 6 mois après, j'avais banni le cannabis de ma vie alors qu'il m'accompagnait quotidiennement depuis mes 13 ans et j'étais sorti d'une dépression longue de plusieurs années. Je me plongeais avec passion dans mes études, goutais enfin la vie et ses possibilités sans ressentir le besoin de consommer quoi que ce soit. Bien sûr il y eut d'autres prises, mais elles furent toutes plus qu'une récréation : la MDMA, le 6-APB et le 5-MAPB m'apprirent durablement à m'ouvrir aux autres, la salvia me fit découvrir un monde insoupçonné et absurde. Les truffes et le AL-LAD en petite quantité m'ancrèrent plus intensément dans la vie, sans jamais atteindre de véritable psychédélie. Jusqu'à lundi dernier, j'avais flirté avec le seuil sans jamais le franchir totalement (à part peut-être avec la salvia, mais cette plante est bien trop bordélique pour que j'en ramène quoi que ce soit de valable). Jusqu'à ma prise d'ALD-52, mes défenses étaient à chaque fois restées intactes.
Set.
Mais ne brulons pas les étapes. Depuis 6 mois, je lutte pour ne pas sombrer dans l'océan de merde qui constitue ma vie : celle que je pensais être la femme de ma vie m'a quitté, j'ai fini mes études et je suis complètement perdu. Je ne sais pas quoi faire de mes dix doigts, j'ai une trouille bleue de l'avenir. Plus rien n'a de saveur, je suis complètement apathique, plongé dans une anhédonie sans début ni fin. La dépression a rampé jusqu'à moi et m'a rattrapé, m'enferrant dans ses chaines cadenassées. Mon quotidien est routinier, constitué d'un cadre artificiel qui me maintient actif: je fais du sport régulièrement, participe aux quelques activités qui se présentent à moi sans conviction ni plaisir, j'ai un petit boulot à la con qui me permet de mettre du ketchup dans mes pâtes. Mais depuis 6 mois, je me prépare. Je sens qu'il est temps pour moi de plonger à l'intérieur, j'ai besoin de me confronter à moi-même. Je médite 1h par jour, m'essaye à l'auto-hypnose sans grand succès et fais mes recherches. Le LSD m'attire depuis 3 ans environ, mais en l'absence de contact fiable, je m'oriente vers l'ALD-52. Je grappille toutes les informations disponibles ici et là : Psychonaut (j'en profite pour tous vous remercier

en plus d'avoir forger mon rapport aux psychédéliques, vous m'avez fait taper des barres à des moments où j'en avais bien besoin), Erowid, Bluelight et d'autres sites. Je lis également le bouquin de James Fadiman,
The Psychedelic user's guide. Je commande 5 buvards dosés à 100µg (pour triper et avoir la possibilité de micro doser). Je me sens prêt.
Setting.
Il y a 2 semaines j'annonce à T., mon meilleur ami en qui j'ai une confiance totale, mon envie de faire cette expérience. Tout de suite, il me semble un peu inquiet et me dit qu'il veut être là pour me surveiller le jour J. C'est exactement ce que je comptais lui demander. Notre décision est prise, nous passerons 5 jours sur les bords de Loire, dans la maison de campagne de mes parents. Nous arrivons vendredi matin et passons une première journée à profiter de la nature. Lui semble détendu, il blague comme à son habitude, prend quelques photos. De mon côté, j'ai du mal à me laisser aller. Je me sens déprimé et un peu anxieux. J'ai décidé de prendre la drogue le lendemain matin. On en parle un peu tout au long de la journée. Le samedi matin, je drop un quart de buvard puis un autre 1h après, pour monter en douceur. Toute la journée, j'alterne entre mon état normal et un état de conscience légèrement modifié. Quelques distorsions visuelles, une perception plus profonde de la musique mais rien de transcendant. J'en ressort frustré, je sens le potentiel de la molécule sans l'atteindre. J'en parle à T. le soir. Il devine immédiatement où je veux en venir. Je redroperai le surlendemain de ma première prise, et cette fois, il a décidé de m'accompagner.
Le trip.
Lundi matin, après le petit déjeuner, je me sors un buvard entier et donne à T. la moitié restante de l'avant-veille. Nous nous servons des verres d'eau, trinquons et faisons descendre le tout dans nos estomacs. Instantanément, l'angoisse me glace l'arrière du crâne : je n'aurais pas dû faire ça. Pas autant. Mais je reprends rapidement le dessus en rationnalisant : la tolérance des lysergamides étant ce qu'elle est, mon pseudo trip de samedi va restreindre la puissance de celui-ci (La naïveté. La tolérance a sûrement joué un rôle mais il s'avérera que l'ALD-52 de mon précédent buvard était en fait très mal réparti et que je viens de donner à T. de quoi triper entièrement). Je parviens à rentrer dans Borderlands 2, que nous avons lancé sur la X-Box pour patienter le temps de la montée. A T+1, nos talents au jeu vidéo sont beaucoup trop erratiques pour continuer. Je vois mieux que jamais ce qu'il se passe à l'écran mais je suis incapable d'y réagir. La bouillie de pixels gagne en profondeur, les couleurs sont éclatantes et le son des explosions résonnent avec plus de puissance. Je meurs dans le jeu et lâche un regard à T. qu'il me rend. On éclate de rire. On s'est compris.
Après avoir éteint la console, nous sortons nous balader. Il pleut et il fait froid mais cela ne nous dérange pas. Alors que nous longeons la Loire, T. semble de plus en plus apprécier le début des effets, il joue avec le paysage et plaisante. Je tente de rentrer dans le jeu mais n'y parviens pas. Je ressens bien quelques effets mais c'est beaucoup plus léger que la veille. Quelques perceptions altérées, les feuilles sont plus feuillues et le béton plus bétonné que d'habitude mais rien de fou. Vaincu par la pluie, nous décidons de rentrer à la maison. Le retour au chaud est agréable. Nous nous posons dans les canapés du salon et discutons un peu. T. est en train de monter sérieusement. Je le lâche des yeux quelques secondes pour me rouler une clope et le retrouve à 5 mètres de là où il se trouvait, en train de faire un câlin au mur en granit. Il me lance : « Mec ! Je sens le mur dans tout mon bras ! » et son regard d'halluciné fait voler en éclat les digues de ma sobriété. J'éclate de rire, je sens notre amitié dans sa forme la plus évidente, celle qui se passe de mots. Les 20 minutes qui suivent ne sont qu'hilarité délirante et dénuée de sens, pure et complète. On en est à T+2h30, la drogue est montée.
J'observe mon corps, mes pieds et mes mains sont immenses, les textures ondulent légèrement. T. est en pleine récréation, il bouge dans tous les sens, explore la maison et la vue du jardin, prend des photos. Je m'essaye un peu à la peinture sans grand plaisir, quelque chose semble m'attirer vers l'intérieur avec gravité. Un voile de peur verdâtre couvre ma vision et la mandarine que je veux éplucher rétrécit dans mes mains. C'est le moment que choisit T. pour aller prendre une douche à l'étage. Je ne veux pas l'inquiéter et lui sourit. A tout à l'heure poto. Seul, je lance les 4 saisons à fond sur les enceintes du salon et m'allonge dans le canapé. La musique est magnifique, profonde, virevoltante, insaisissable. La vie se déverse dans mes oreilles à chaque note et se mélange à mon esprit. Le premier mouvement de printemps est une joie intense, une invitation à la gaieté simple et claire. La peur n'a pas sa place ici. Je suis soulevé à 5 cm au dessus du sol, léger comme l'air, grain de pollen ballotté par le vent. Vivaldi me parle de sa perception de la vie avec une perfection totale. Le début d'Eté me redépose sur le canapé, me rends mon corps pour mieux y exercer sa puissance. Les violons me propulsent vers l'intérieur. Quelque chose en moi répond au vrombissement des violoncelles, une masse noire qui remonte de ma poitrine à ma tête. Je ressens une peur immense, je sens que la musique la nourrit et que je ne vais pas pouvoir l'esquiver, la réprimer. Je me rappelle alors que c'est ce que j'attendais de cette journée. Je suis ici pour me confronter à moi-même, coûte que coûte. Je lâche cette pensée qui me sert de bouée de sauvetage pour retourner dans un torrent musical de terreur. Les sons me crient dessus. La tension se fait de plus en plus forte, je suis écrasé par cette masse, j'étouffe sous son poids et son inéluctabilité. Elle grossit, grossit, me recouvre entièrement et grossit encore, jusqu'à ce qu'elle soit tellement enflée qu'elle m'explose à la gueule. Un raz de marée d'amour pour mes parents me submerge alors. J'en suis anéanti, balayé. Je pleure. Je pleure une rivière d'amour sans m'arrêter. Je viens de redécouvrir une sensation oubliée depuis plus de 10 ans, étouffée sous des couches de rancœur vulgaire et de non-dits. Vivaldi m'envoie toute sa force que je transforme en amour direct, limpide et éclatant qui vient couler le long de mes joues. Je comprends que je ne dois plus perdre une seconde et leur dire que je les aime. Je comprends leur mortalité. Je comprends leur amour pour ma sœur, mon frère et moi. Automne adoucit la honte que j'éprouve d'avoir été aussi égoïste, au point de couper toutes possibilités de dialogue sincère avec eux. Chaque note des ensembles de violons m'apprend un peu plus les espoirs que ma mère et mon père ont mis dans notre famille dès la naissance de mon grand frère. Une immense beauté émerge de tout cela, une harmonie indicible. Je vois mes parents s'aimer d'une force qui me dépasse puisqu'elle m'a créée et je pleure de joie.
T. redescend de sa douche alors qu'Hiver se termine, il a bien tripé avec la buée apparemment mais un problème d'eau chaude l'a interrompu. Je lui raconte ce que je viens de vivre. Je ramasse ma mandarine qui a récupéré une taille normale et je tente de l'éplucher mais cette trouillarde refuse de se laisser faire. Commence alors le combat le plus épique qu'un homme n'ait jamais livré contre un fruit. Sa peau est transformée en écorce mais je me sers de mes ongles acérés pour la percer en une giclée. Elle crie et tente de s'échapper grâce à son jus glissant mais je la tiens fermement. Elle utilise alors son charme et convainc mes doigts de ne pas la découper en quartier mais je les engueule jusqu'à ce qu'ils décident de m'obéir. Je ne me réconcilie avec elle qu'au moment où je fourre un de ses quartiers dans ma bouche, qui éclate avec une joie acide et sucrée. T. est dans la cuisine, en pleine créativité. Il réarrange tout, prend des photos, peint les assiettes, bouge les verres et renverse les chaises. Il est frénétique.
Un rayon de soleil vient napper la pelouse du jardin. Nous nous ruons à l'extérieur pour en profiter, mes pieds nus fusionnent avec le son mouillé qu'ils font dans la boue. Nous rentrons dans un délire de trippés en nous prenant pour des personnages d'un mauvais film de prévention anti-drogue. Tout y passe : la course sur place en beuglant « Oh non ! J'arrive plus à avancer ! C'est parce que j'ai fumé trop d'acide ! » ou encore le délire paranoïde à base de schtroumpfs cannibales volants. Bref, on se tape des barres avant de rentrer, chassés du jardin par bon gros nuage bien gras.
Je mets un live de Worakls et je me laisse entrainer par les basses en fermant les yeux. Je fusionne avec elles, me laisse envahir par la puissance en tapant sauvagement du pied. Mon corps se fraye un chemin instinctif dans la musique et les concepts qu'elle m'apporte. Je danse la vie avec une compassion universelle. L'Humanité toute entière étincelle aux bouts de mes doigts en un courant électrique qui me guide, et inversement. Je ressens précisément la place que j'ai sur cette planète quand mon esprit se propage à travers mon corps au rythme du son. La mélodie électronique me parle de la méditation et me révèle un secret précieux : tout ce que j'apprends aujourd'hui, ce n'est pas la drogue qui me l'apporte. La substance me permet d'écouter plus facilement, mais je peux y parvenir naturellement si je travaille cette capacité. Je repense à mon ex et ressens les raisons de notre séparation avec intensité, sans pour autant qu'elles ne m'agressent. Je suis convaincu par la sincérité de notre histoire et accepte qu'elle soit terminée. C'est mon premier amour mais il est révolu. Continuer avec elle aurait été une trahison que ni elle ni moi n'aurais pu longtemps accepter. Je me laisse complètement aller dans l'instant, comme je ne me l'étais pas autorisé depuis 6 mois…
La fin du trip est moins intéressante. On a fini par regarder Mad Max Fury Road en descendant tranquillement, jusqu'à T+10. T. a vécu un trip extraverti et complètement ludique à l'inverse de moi, et s'il m'a dit avoir apprécié l'expérience, il n'est pas sûr de vouloir la réitérer un jour. J'ai eu ce que je voulais, j'ai creusé pour déterrer un trésor que j'ai rapporté avec moi. Je retenterai l'expérience un de ces quatre, quand j'aurai intégré tout ça et que j'irai mieux. Je ne sais pas quel impact cela aura sur moi mais je ferai tout pour en faire une force. Pour décrire mon trip en une phrase, je dirai que l'ALD-52 a rebattu le jeu de carte que je suis, le contenu reste le même mais l'ordre est différent.
Voilà! Merci à ceux qui m'ont lu jusqu'au bout!