La présence d'esprits multiples intra-plante
Je voudrais de nouveau revenir dans ce chapitre sur le thème des esprits multiples au sein d'une même plante. Comme je l'ai stipulé dans mon troisième chapitre, les esprits des plantes que l'on nomme mères des végétaux, sont pour moi, la résultante de processus mimétiques biochimiques. Au-delà de cette conclusion, je pense que ces apparitions d'esprits végétaux révèlent également des particularités intrinsèques à la nature des plantes. C'est le cas à mon sens des esprits multiples intra-plantes.
Effectivement les chamans reconnaissent pour une seule et même plante, la présence de nombreux esprits. Pour certaines d'entre elles, il est possible de dénombrer ainsi des esprits respectifs pour les racines, d'autres pour les feuilles et les écorces etc. Ces êtres sont d'apparence humanoïde, souvent personnifiés comme des petits enfants ou des êtres minuscules à l'instar de nos lutins et divers gnomes du folklore européen, qui sont d'ailleurs à ce sujet, eux aussi associés aux plantes et fongis* hallucinogènes du vieux continent. De récentes découvertes de la botanique contemporaine laissent entrevoir la possibilité que ces êtres multiples perçus par les chamans lors de leurs visions seraient une perception défocalisée, voire personnalisée pour le chaman de la diversité génétique intra-plante.
Pour comprendre ces découvertes, il nous faut une fois de plus nous débarrasser de nos préjugés zoocentriques qui nous empêchent de percevoir la plante autrement que sous l'aspect d'une individualité. Car il est important de comprendre que la notion d'individu ne s'applique pas aux plantes, celles-ci sont potentiellement une et multiples.
En effet si vous découpez une plante en plusieurs morceaux, il vous sera possible dans de bonnes conditions d'en obtenir de nouvelles, c'est ce que les jardiniers et horticulteurs nomment le bouturage et le marcottage.
Il serait donc plus judicieux de se représenter la plante comme un ensemble de nombreuses plantes potentielles, plutôt qu'un être unique individuel.
Mais c'est la génétique qui corrobore le mieux cette vision des végétaux. En effet le génome des plantes à montré que celles-ci n'étaient pas des êtres individuels. Tout d'abord la diversité génétique au sein de la plante peut se situer au niveau de ces chromosomes, cette diversité peut se chiffrer chez certaines d'entre elles entre 12 et 200. Il est effectivement possible à une plante de posséder des différences génétiques intra sec, ayant des gènes de formes différentes selon la répartition de ceux-ci dans la structure végétale. C'est ainsi qu'il a été prouvé que des arbres de la forêt équatoriale de Guyane possédaient des génomes différents au sein de leurs frondaisons.
C'est le professeur Francis Hallé et la botaniste Darlyne Murawski qui ont effectivement, lors d'une mission d'exploration de la canopée avec le radeau des cimes, mis en évidence par divers prélèvements et analyses la diversité génétique au sein de ces grands arbres de la forêt, montrant ainsi que ces arbres pouvaient être comparés à des colonies d'entités végétales, de génomes différents. C'est ici que je reviens sur mes esprits multiples intra-plante. Je pense que par l'intermédiaire du mimétisme biochimique neuronal généré par les plantes constitutives de l'Ayahuasca, les plantes révèlent leur nature coloniaire constituées d'entités génétiquement multiples.
Un autre élément plaidant en la faveur de la nature coloniaire des plantes sont les réitérats. Le concept de la réitération fut remis sur le devant de la recherche en botanique par le botaniste néerlandais Roelof Oldeman en 1972, lors d'une mission de recherches en Guyane française. Pour résumer la pensée d'Oldeman, celui-ci suggère de considérer les rejets d'un arbre comme des arbres plus jeunes poussant sur des plus vieux, stipulant que les arbres devraient être reconnus comme des architectures d'entités végétales se poussant les unes sur les autres à l'instar d'une colonie. Partant de là, il nous serait plus juste de considérer les plantes sous l'aspect de colonie, de sous unités autonomes constituées par l'ensemble des réitérats. Or c'est bien cette vision des plantes que l'on perçoit avec l'ivresse à l'Ayahuasca. Pour vous donner une idée de cette réalité je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer l'ouvrage « Ayahuasca vision» de Pablo Amaringo et Luis Eduardo Luna, celui-ci regorge de motifs de plantes anthropomorphes à visages multiples.
Copyright Romuald Leterrier et agence IS3 novembre 2002. extrait du livre l'enseignement de l'Ayahuasca. Reproduit en exclusivité avec l'autorisation de l'auteur, le 28 novembre 2002.