- Inscrit
- 10/9/11
- Messages
- 2 003
TR 2C-B n°1 : BAD TRIP (25/03/12)
Fête germanique de l'équinoxe de printemps. Bref, c'était une date importante pour moi, celle du renouveau de la nature, du printemps, du soleil, des petits oiseaux qui chantent et tout...
Résumé: Premier bad trip. Expérience horrible de la Grande fractale qui annihile à jamais toutes mes confortables illusions et me renvoie dans une réalité devenue impossible à supporter.
Dose: 20mg de 2C-B par voie orale en gélule
Set & setting : Assez bon, mais légèrement risqué en termes de bad.
J'étais juste là pour passer bonne soirée avec deux bons amis (Conor et Sylvain) en testant une molécule qui aurait du être amusante mais peu intense. Ce que j'avais oublié, c'est qu'après un mois entier sans tripper et à discuter avec des gens divers dont les différents points de vue avaient enclenché beaucoup débuts de questions en moi, mon état mental n'était pas du tout stable. Entres autres, je m'étais rendu compte que j'étais quelqu'un de globalement assez immature, avec un comportement très autistique. Du coup, pas de secrets, psychisme instable = bad.
Sur le setting, la forêt était quand même un bon choix. L'isolation relative par rapport au monde extérieur était plutôt appréciable, on était assez confortablement installés, bien qu'en fin de nuit/début de matinée le froid se soit fait un peu sentir. Le son, également, nous a lâché en cours de route, ce qui était assez dommage. Niveau ravitaillement en boisson/nourriture, rien à redire. Le fait d'avoir trimballé les instruments (didgeridoo, guimbarde, flûtes, tambour) était fort appréciable.
Détails :
Toute la chronologie est donnée en heure d'été (le passage se faisant durant la nuit du trip).
2h30 : Dans la chambre de Conor où nous passions la soirée, nous droppons en simultané nos 20mg de 2C-B. Nous avions légèrement mangé juste avant, d'où la montée peut-être un peu longue.
3h10 : Après avoir remangé un peu et tapé une grosse douille de salvia à deux (Sylvain a pris le gros de la fumée, moi ce qui restait au fond*: petits effets pour moi – les couleurs des objets me regardent, petites sensations tactiles typiques de la salvia à doses modérées*; effets un peu plus intenses mais très gérables pour Sylvain) nous sortons et nous mettons en route vers la forêt.
Vingt minutes après environ, nous arrivons à l'entrée du bois. Légers effets mentaux jusque là, je me lance en mode « nous sommes trois valeureux héros se lançant dans une quête vers la forêt maudite ». apparitions d'hallus auditives sur le chemin, mélange entre du Nightwish (en mieux) et la bande-son du Seigneur de Anneaux. Face au panneau de l'entrée, la musique s'intensifie brutalement dans un espèce de climax surpuissant. J'en suis fort content, c'est très récréatif, le trip va être plus amusant que je ne le pensais.
4h : Après encore environ vingt minutes de marche, nous nous sommes proches du dolmen où nous avions prévu de nous poser. Les visuels ont fait leur apparition, ils sont faibles les yeux fermés et, les yeux ouverts, la forêt nocturne prend des couleurs étrangement irisées. Bodyload quasi-inexistant. Petit imprévu (non, en fait, stupéfaction complète se soldant par des cris exagérés de notre part)*: près des dolmens se déroule une teuf d'une centaine de personnes. Le son est de qualité variable, et les gens semblent se connaître, nous préférons donc nous éloigner et installer le campement plus loin, presque hors de portée de la musique.
Nous commençons à discuter quelque peu, à caler le son, à rouler un joint. Les visuels se développent lentement, nous jouons de la musique, tout va bien, c'est justement le trip que je cherchais.
Peu à peu, la forêt devient un immense tas de visuels changeants. Les branches, les tapis de feuilles mortes, forment d'immenses fresques flurorescentes éclairées par nos quelques bougies dont la flamme danse avec la musique. Bien que moins intenses qu'un 2C-P à 13mg, tout cela est quand même fort esthétique, et surtout sans bodyload.
Sylvain avec qui je discute commence à se déformer, se dédoubler, encore et encore, à rassembler à Dracula (on aime se taper des délires transsylvaniens), etc. Ce n'est pas trop oppressant, j'en ris bien (surtout que des silhouettes humanoïdes n'arrêtent as de courir et sauter dans tous les sens derrière lui). Nous partons en quête (en gros, marcher dix minutes pour décrire un demi-cercle autour du campement) et ma vison change, j'ai l'impression de rentrer dans l'adaptation vidéoludique du Seigneur des Anneaux I ou II. Les difficultés de communication dues au 2C-B se font sentir, surtout chez moi : dur de trouver les mots, longues pauses, bégaiement intensif, …
Je me lève et m'éloigne un peu pour danser, mais le cœur n'y est pas. Un léger bodyload s'installe et va en montant.
Nous retournons nous asseoir. Je commence à cogiter sur un des points qui m'avait tant pris la tête ces deux dernières semaines : le fait d'être totalement immature. J'essaye au cours de la soirée de réagir en adulte, mais à chaque fois, tant de questions m'assaillent : pourquoi est-ce que je n'en ai pas envie ? Pourquoi suis-je obligé de me forcer à chaque fois pour ne pas me comporter comme un sale gosse égoïste ? Pourquoi est-ce que j'agis de manière totalement factice et ostentatoire, pourquoi est-ce que j'attache tant d'importance à montrer aux autres et surtout à moi-même que je ne suis pas un gamin ?
Conor me laisse le hamac, voyant que je monte plus et plus vite qu'eux (ils sont trippés, mais pas autant que moi). J'accepte et m'installe lentement dedans (j'ai du mal à me faire convaincre d'enlever mes rangers pour me glisser totalement dedans).
Les visuels yeux fermés s'intensifient. Deviennent fort jolis sans pour autant atteindre le 2C-P. Mais là, contrairement au 2C-P, ils commencent à prendre un sens, ce qui me plait beaucoup. La grande fractale se déroule, se déroule, j'atteins des niveaux de conscience de plus en plus élevés. Au début je me bats pour ne pas lâcher l'affaire et me faire éjecter de cet ascenseur cosmique. Puis une fois que je comprends qu'il me faudrait au contraire me battre pour y échapper, je lâche prise. « Vas-y... je suis prêt. J'ai complètement lâché prise. Je suis prêt pour la grande révélation cosmique ».
A ce moment apparaît, assez mal dessiné, un visage de policier afro-américain. Je rouvre les yeux et éclate de rire. Sacré 2C-B va. Pas de grande révélation cosmique ce soir, juste ce que je cherchais, à savoir un trip fort amusant avec des amis et des visuels plus beaux que je ne le pensais. Même si le bodyload a bien augmenté et e rappelle le 2C-P, quoiqu'en beaucoup moins fort et oppressant.
Les visuels reprennent, m'emportent. Et peu à peu, sans que je le veuille, je l'ai, ma grande révélation. Ça commence par une espèce de simili-boucle. Je l'identifie comme telle et décide de jouer un peu avec, mais finis par perdre le contrôle quand je remarque qu'une deuxième, puis une troisième boucle se forme. Peu à peu, tout devient une boucle, et je prends conscience de n'être une parte infime de la grande fractale cosmique, cette immense boucle formée d'un nombre infini de boucles s'étendant à l'infini dans une infinité de dimensions. C'est une dissolution de l'ego. Mais une dissolution insupportable. Cette immense fractale m'écrase, m'oppresse, m'atomise, me viole, vide mon existence de tout sens.
Mes amis me demandant si ça va. Non. Rien ne va. Ils me demandent de décrire la situation, les mots me semblent totalement impuissants pour qualifier la réalité fractalaire dans laquelle je suis plongé, mais j'essaye tout de même de leur expliquer l'horreur de la situation.
Petit à petit vient la pensée que je vais redescendre. Un jour. En effet, la lucidité revient... pour repartir aussitôt. La lucidité n'est qu'une étape de la boucle. Tout espoir s'en va. Non, il n'y aura pas de redescente, parce que la lucidité, parce que la réalité, ne sont qu'une partie de la Fractale.
Il commence à faire jour et la perche diminue, quoique présente. La lente augmentation de la luminosité est totalement intolérable, aucun d'entre nous ne comprend pourquoi il fait jour ni pourquoi notre volonté qu'il ne fasse pas jour ne fait pas reculer le temps.
7h30*: Au fond du trou, je réalise qu'il n'y a qu'un moyen de m'en sortir. Affronter la réalité en face. Assumer ce que je suis. Regarder mon visage. D'une main tremblante, je sors mon appareil portable et me prends en photo, puis regarde le résultat. Contrairement à ce que je pensais, aucun visuel résiduel ne modifie ce que je vois. C'est juste mon visage. Le visage d'un trippé dans la forêt, qui a passé toute sa nuit sous drogue dans un hamac à s'agiter dans tous les sens. Impossible d'assumer ça dans mon état.
Avec le jour arrive le froid matinal, presque plus fort que celui de la nuit malgré le soleil, et donc l'envie de C. et Sylvain de rentrer (le bodyload a commencé à diminuer un peu). Je suis à environ deux heures de chez moi. Et nous devons récupérer nos affaires chez C., ce qui signifie croiser ses parents, voire leur parler. Je m'en sens totalement incapable. En fait, la simple pensée qu'il puisse exister un monde autour de cette forêt, avec une société et des gens avec lesquels je vais être forcé d'interagir à un moment ou un autre, me fait pleurer et hurler de douleur.
J'en suis incapable. Totalement. Tout ce que je veux, c'est rester à jamais dans ces bois, hanté par la Fractale mais au moins préservé des autres.
Sylvain et surtout Conor me poussent à venir et commencent à ranger nos affaires. Enfin me vient le mot salvateur. Un bad. C'était un bad trip. Tout s'explique*! Un grand poids s'enlève, mais je reste tout de même choqué et me sens complètement incapable d'essayer de communiquer avec le monde extérieur.
Nous finissons par nous mettre en route. La forêt est relativement agréable, et je gère à peu près mon angoisse, toujours sous le choc. La sortie des bois est rude, bien que les rues soient désertes. Croiser une joggueuse est une rude épreuve, j'évite son regard et parviens à me contrôler à peu près.
9h*: Face à la maison de Conor, je me suis résigné. On va voir ce que donne la confrontation avec ses parents, même si je n'ai guère d'espoir. Finalement, par chance, nous ne les croisons pas en nous ruant dans sa chambre. Conor nous fournit un peu à manger, à boire, me laisse le pull qu'il m'avait prêté pour que je rentre chez moi sans trop subir le froid. Il roule un joint et le fait tourner, je refuse. Trop peur de repartir.
9h30*: Départ de chez Conor, qui nous raccompagne à la gare, sachant que nous avions de grandes chances de nous perdre vu notre état. Le bodyload est toujours présent mais bien atténué.
11h*: J'arrive chez moi, après avoir plus ou moins contenu mon mal-être et ma panique face au regard des gens.
Ma banlieue est si étrange. L'idée d'avoir un chez-moi est complètement désuète. Tout ce qui se rattache à ma vie d'avant le bad n'a plus aucun sens. J'évite mon père et vais me coucher, anéanti, avec un mal de tête typique des 2C.
Je n'ai pas la sensation de dormir vraiment, plutôt de me laisser emporter par mes pensées plus ou moins déprimantes, puis d'en perdre totalement le contrôle comme dans un rêve, et enfin de sortir du rêve quelques heures plus tard.
19h: Je me lève. Toujours fatigué, mal au crâne, totalement lessivé, sans aucune joie de vivre. Rien n'a de sens. Je vais manger avec ma famille, essayant de camoufler mon état tant bien que mal.
23h30: Fatigué, dégoûté par ce monde qui est une aberration sans utilité et n'ayant de réponse de personne parmi les rares à qui je voudrais parler, je vais me recoucher. Même sensation d'absence de sommeil réel... Lendemain difficile, avec une crise d'angoisse évitée de peu.
Conclusion :
Bad trip en règle, intensifié par le fait que je ne m'y attendais pas du tout (le 2C-B me semblait idéal pour un trip assez récréatif, sans trop de prises de tête). Je n'avais pas du tout observé mon état mental, que je considérais comme normal, alors qu'au contraire beaucoup de brèches avaient été ouvertes ces dernières semaines: le trip s'est engouffré dedans et a complètement fait éclater mon esprit.
C'est seulement plus tard que j'ai réussi à comprendre que mon trip, que cette Fractale infinie qui englobait tout, n'était qu'une part de quelque chose d'encore plus cosmique, qui est tout simplement... la réalité. Celle que je dois affronter, celle dans laquelle je dois vivre. Je ne m'y sens toujours pas prêt, mais qu'importe. J'essaye. Petit à petit. Je réapprends à vivre comme un enfant qui découvre le monde et la communication avec autrui. J'assume le fait de n'être encore qu'un jeune ignorant qui a tant à comprendre, tant à découvrir, tant à apprendre des autres.
Je ne parviens plus vraiment à regretter ce trip, malgré le fait qu'il ait foutu en l'air toutes mes constructions mentales et toute mon existence antérieure. De toute façon, quelque part, je sais que j'aurais continué à taper diverses molécules avec des dosages toujours plus élevés, jusqu'à ce que je bade.
Je ne pense pas retoucher aux psyché avant un certain temps. Même le THC risque de mettre longtemps avant d'être à nouveau gérable. J'hésite même à arrêter complètement ; pourtant je sais qu'une part de moi-même n'y renoncera pas. Pas parce que je suis dépendant, pas même parce que j'aime foncièrement ça, pas pour le psychonautisme.
Juste parce que je n'ai pas envie de rester sur un échec.
Fête germanique de l'équinoxe de printemps. Bref, c'était une date importante pour moi, celle du renouveau de la nature, du printemps, du soleil, des petits oiseaux qui chantent et tout...
Résumé: Premier bad trip. Expérience horrible de la Grande fractale qui annihile à jamais toutes mes confortables illusions et me renvoie dans une réalité devenue impossible à supporter.
Dose: 20mg de 2C-B par voie orale en gélule
Set & setting : Assez bon, mais légèrement risqué en termes de bad.
J'étais juste là pour passer bonne soirée avec deux bons amis (Conor et Sylvain) en testant une molécule qui aurait du être amusante mais peu intense. Ce que j'avais oublié, c'est qu'après un mois entier sans tripper et à discuter avec des gens divers dont les différents points de vue avaient enclenché beaucoup débuts de questions en moi, mon état mental n'était pas du tout stable. Entres autres, je m'étais rendu compte que j'étais quelqu'un de globalement assez immature, avec un comportement très autistique. Du coup, pas de secrets, psychisme instable = bad.
Sur le setting, la forêt était quand même un bon choix. L'isolation relative par rapport au monde extérieur était plutôt appréciable, on était assez confortablement installés, bien qu'en fin de nuit/début de matinée le froid se soit fait un peu sentir. Le son, également, nous a lâché en cours de route, ce qui était assez dommage. Niveau ravitaillement en boisson/nourriture, rien à redire. Le fait d'avoir trimballé les instruments (didgeridoo, guimbarde, flûtes, tambour) était fort appréciable.
Détails :
Toute la chronologie est donnée en heure d'été (le passage se faisant durant la nuit du trip).
2h30 : Dans la chambre de Conor où nous passions la soirée, nous droppons en simultané nos 20mg de 2C-B. Nous avions légèrement mangé juste avant, d'où la montée peut-être un peu longue.
3h10 : Après avoir remangé un peu et tapé une grosse douille de salvia à deux (Sylvain a pris le gros de la fumée, moi ce qui restait au fond*: petits effets pour moi – les couleurs des objets me regardent, petites sensations tactiles typiques de la salvia à doses modérées*; effets un peu plus intenses mais très gérables pour Sylvain) nous sortons et nous mettons en route vers la forêt.
Vingt minutes après environ, nous arrivons à l'entrée du bois. Légers effets mentaux jusque là, je me lance en mode « nous sommes trois valeureux héros se lançant dans une quête vers la forêt maudite ». apparitions d'hallus auditives sur le chemin, mélange entre du Nightwish (en mieux) et la bande-son du Seigneur de Anneaux. Face au panneau de l'entrée, la musique s'intensifie brutalement dans un espèce de climax surpuissant. J'en suis fort content, c'est très récréatif, le trip va être plus amusant que je ne le pensais.
4h : Après encore environ vingt minutes de marche, nous nous sommes proches du dolmen où nous avions prévu de nous poser. Les visuels ont fait leur apparition, ils sont faibles les yeux fermés et, les yeux ouverts, la forêt nocturne prend des couleurs étrangement irisées. Bodyload quasi-inexistant. Petit imprévu (non, en fait, stupéfaction complète se soldant par des cris exagérés de notre part)*: près des dolmens se déroule une teuf d'une centaine de personnes. Le son est de qualité variable, et les gens semblent se connaître, nous préférons donc nous éloigner et installer le campement plus loin, presque hors de portée de la musique.
Nous commençons à discuter quelque peu, à caler le son, à rouler un joint. Les visuels se développent lentement, nous jouons de la musique, tout va bien, c'est justement le trip que je cherchais.
Peu à peu, la forêt devient un immense tas de visuels changeants. Les branches, les tapis de feuilles mortes, forment d'immenses fresques flurorescentes éclairées par nos quelques bougies dont la flamme danse avec la musique. Bien que moins intenses qu'un 2C-P à 13mg, tout cela est quand même fort esthétique, et surtout sans bodyload.
Sylvain avec qui je discute commence à se déformer, se dédoubler, encore et encore, à rassembler à Dracula (on aime se taper des délires transsylvaniens), etc. Ce n'est pas trop oppressant, j'en ris bien (surtout que des silhouettes humanoïdes n'arrêtent as de courir et sauter dans tous les sens derrière lui). Nous partons en quête (en gros, marcher dix minutes pour décrire un demi-cercle autour du campement) et ma vison change, j'ai l'impression de rentrer dans l'adaptation vidéoludique du Seigneur des Anneaux I ou II. Les difficultés de communication dues au 2C-B se font sentir, surtout chez moi : dur de trouver les mots, longues pauses, bégaiement intensif, …
Je me lève et m'éloigne un peu pour danser, mais le cœur n'y est pas. Un léger bodyload s'installe et va en montant.
Nous retournons nous asseoir. Je commence à cogiter sur un des points qui m'avait tant pris la tête ces deux dernières semaines : le fait d'être totalement immature. J'essaye au cours de la soirée de réagir en adulte, mais à chaque fois, tant de questions m'assaillent : pourquoi est-ce que je n'en ai pas envie ? Pourquoi suis-je obligé de me forcer à chaque fois pour ne pas me comporter comme un sale gosse égoïste ? Pourquoi est-ce que j'agis de manière totalement factice et ostentatoire, pourquoi est-ce que j'attache tant d'importance à montrer aux autres et surtout à moi-même que je ne suis pas un gamin ?
Conor me laisse le hamac, voyant que je monte plus et plus vite qu'eux (ils sont trippés, mais pas autant que moi). J'accepte et m'installe lentement dedans (j'ai du mal à me faire convaincre d'enlever mes rangers pour me glisser totalement dedans).
Les visuels yeux fermés s'intensifient. Deviennent fort jolis sans pour autant atteindre le 2C-P. Mais là, contrairement au 2C-P, ils commencent à prendre un sens, ce qui me plait beaucoup. La grande fractale se déroule, se déroule, j'atteins des niveaux de conscience de plus en plus élevés. Au début je me bats pour ne pas lâcher l'affaire et me faire éjecter de cet ascenseur cosmique. Puis une fois que je comprends qu'il me faudrait au contraire me battre pour y échapper, je lâche prise. « Vas-y... je suis prêt. J'ai complètement lâché prise. Je suis prêt pour la grande révélation cosmique ».
A ce moment apparaît, assez mal dessiné, un visage de policier afro-américain. Je rouvre les yeux et éclate de rire. Sacré 2C-B va. Pas de grande révélation cosmique ce soir, juste ce que je cherchais, à savoir un trip fort amusant avec des amis et des visuels plus beaux que je ne le pensais. Même si le bodyload a bien augmenté et e rappelle le 2C-P, quoiqu'en beaucoup moins fort et oppressant.
Les visuels reprennent, m'emportent. Et peu à peu, sans que je le veuille, je l'ai, ma grande révélation. Ça commence par une espèce de simili-boucle. Je l'identifie comme telle et décide de jouer un peu avec, mais finis par perdre le contrôle quand je remarque qu'une deuxième, puis une troisième boucle se forme. Peu à peu, tout devient une boucle, et je prends conscience de n'être une parte infime de la grande fractale cosmique, cette immense boucle formée d'un nombre infini de boucles s'étendant à l'infini dans une infinité de dimensions. C'est une dissolution de l'ego. Mais une dissolution insupportable. Cette immense fractale m'écrase, m'oppresse, m'atomise, me viole, vide mon existence de tout sens.
Mes amis me demandant si ça va. Non. Rien ne va. Ils me demandent de décrire la situation, les mots me semblent totalement impuissants pour qualifier la réalité fractalaire dans laquelle je suis plongé, mais j'essaye tout de même de leur expliquer l'horreur de la situation.
Petit à petit vient la pensée que je vais redescendre. Un jour. En effet, la lucidité revient... pour repartir aussitôt. La lucidité n'est qu'une étape de la boucle. Tout espoir s'en va. Non, il n'y aura pas de redescente, parce que la lucidité, parce que la réalité, ne sont qu'une partie de la Fractale.
Il commence à faire jour et la perche diminue, quoique présente. La lente augmentation de la luminosité est totalement intolérable, aucun d'entre nous ne comprend pourquoi il fait jour ni pourquoi notre volonté qu'il ne fasse pas jour ne fait pas reculer le temps.
7h30*: Au fond du trou, je réalise qu'il n'y a qu'un moyen de m'en sortir. Affronter la réalité en face. Assumer ce que je suis. Regarder mon visage. D'une main tremblante, je sors mon appareil portable et me prends en photo, puis regarde le résultat. Contrairement à ce que je pensais, aucun visuel résiduel ne modifie ce que je vois. C'est juste mon visage. Le visage d'un trippé dans la forêt, qui a passé toute sa nuit sous drogue dans un hamac à s'agiter dans tous les sens. Impossible d'assumer ça dans mon état.
Avec le jour arrive le froid matinal, presque plus fort que celui de la nuit malgré le soleil, et donc l'envie de C. et Sylvain de rentrer (le bodyload a commencé à diminuer un peu). Je suis à environ deux heures de chez moi. Et nous devons récupérer nos affaires chez C., ce qui signifie croiser ses parents, voire leur parler. Je m'en sens totalement incapable. En fait, la simple pensée qu'il puisse exister un monde autour de cette forêt, avec une société et des gens avec lesquels je vais être forcé d'interagir à un moment ou un autre, me fait pleurer et hurler de douleur.
J'en suis incapable. Totalement. Tout ce que je veux, c'est rester à jamais dans ces bois, hanté par la Fractale mais au moins préservé des autres.
Sylvain et surtout Conor me poussent à venir et commencent à ranger nos affaires. Enfin me vient le mot salvateur. Un bad. C'était un bad trip. Tout s'explique*! Un grand poids s'enlève, mais je reste tout de même choqué et me sens complètement incapable d'essayer de communiquer avec le monde extérieur.
Nous finissons par nous mettre en route. La forêt est relativement agréable, et je gère à peu près mon angoisse, toujours sous le choc. La sortie des bois est rude, bien que les rues soient désertes. Croiser une joggueuse est une rude épreuve, j'évite son regard et parviens à me contrôler à peu près.
9h*: Face à la maison de Conor, je me suis résigné. On va voir ce que donne la confrontation avec ses parents, même si je n'ai guère d'espoir. Finalement, par chance, nous ne les croisons pas en nous ruant dans sa chambre. Conor nous fournit un peu à manger, à boire, me laisse le pull qu'il m'avait prêté pour que je rentre chez moi sans trop subir le froid. Il roule un joint et le fait tourner, je refuse. Trop peur de repartir.
9h30*: Départ de chez Conor, qui nous raccompagne à la gare, sachant que nous avions de grandes chances de nous perdre vu notre état. Le bodyload est toujours présent mais bien atténué.
11h*: J'arrive chez moi, après avoir plus ou moins contenu mon mal-être et ma panique face au regard des gens.
Ma banlieue est si étrange. L'idée d'avoir un chez-moi est complètement désuète. Tout ce qui se rattache à ma vie d'avant le bad n'a plus aucun sens. J'évite mon père et vais me coucher, anéanti, avec un mal de tête typique des 2C.
Je n'ai pas la sensation de dormir vraiment, plutôt de me laisser emporter par mes pensées plus ou moins déprimantes, puis d'en perdre totalement le contrôle comme dans un rêve, et enfin de sortir du rêve quelques heures plus tard.
19h: Je me lève. Toujours fatigué, mal au crâne, totalement lessivé, sans aucune joie de vivre. Rien n'a de sens. Je vais manger avec ma famille, essayant de camoufler mon état tant bien que mal.
23h30: Fatigué, dégoûté par ce monde qui est une aberration sans utilité et n'ayant de réponse de personne parmi les rares à qui je voudrais parler, je vais me recoucher. Même sensation d'absence de sommeil réel... Lendemain difficile, avec une crise d'angoisse évitée de peu.
Conclusion :
Bad trip en règle, intensifié par le fait que je ne m'y attendais pas du tout (le 2C-B me semblait idéal pour un trip assez récréatif, sans trop de prises de tête). Je n'avais pas du tout observé mon état mental, que je considérais comme normal, alors qu'au contraire beaucoup de brèches avaient été ouvertes ces dernières semaines: le trip s'est engouffré dedans et a complètement fait éclater mon esprit.
C'est seulement plus tard que j'ai réussi à comprendre que mon trip, que cette Fractale infinie qui englobait tout, n'était qu'une part de quelque chose d'encore plus cosmique, qui est tout simplement... la réalité. Celle que je dois affronter, celle dans laquelle je dois vivre. Je ne m'y sens toujours pas prêt, mais qu'importe. J'essaye. Petit à petit. Je réapprends à vivre comme un enfant qui découvre le monde et la communication avec autrui. J'assume le fait de n'être encore qu'un jeune ignorant qui a tant à comprendre, tant à découvrir, tant à apprendre des autres.
Je ne parviens plus vraiment à regretter ce trip, malgré le fait qu'il ait foutu en l'air toutes mes constructions mentales et toute mon existence antérieure. De toute façon, quelque part, je sais que j'aurais continué à taper diverses molécules avec des dosages toujours plus élevés, jusqu'à ce que je bade.
Je ne pense pas retoucher aux psyché avant un certain temps. Même le THC risque de mettre longtemps avant d'être à nouveau gérable. J'hésite même à arrêter complètement ; pourtant je sais qu'une part de moi-même n'y renoncera pas. Pas parce que je suis dépendant, pas même parce que j'aime foncièrement ça, pas pour le psychonautisme.
Juste parce que je n'ai pas envie de rester sur un échec.