Phoenix
Glandeuse Pinéale
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Hey hey, voilà mon TR d'hier soir, enjoy et sorry pour mes TR à rallonge
Substance : Truffes Utopia
Dosage : Moitié d’un sachet de 15g
Set & setting : Dans mon appart’, soirée prévue depuis longtemps avec le même pote qu’à mon dernier trip. Reposée, en forme, rien mangé depuis plusieurs heures.
Charge physique
20h45 : Après un petit moment ritualistique comme d’habitude avec ce pote – bougies, encens, petit instant pour nous recentrer sur nous-mêmes –, on se partage les 15 grammes. (J’ai toujours autant de mal avec le goût, décidément) On se pose tranquillement en attendant les effets.
Quelques minutes plus tard, j’ai soudainement envie d’une clope, j’enfile un sweat et m’en grille donc une sur le balcon. Il fait froid, et en rentrant je tremble un peu.
Je m’allonge sur mon lit, et je constate que les tremblements continuent, comme de légers spasmes – ça m’arrive souvent sous weed, c’est un peu embêtant mais je fais avec.
21h15, je commence à avoir de très légers effets visuels. Comme d’habitude, ça commence par onduler et danser légèrement et comme d’habitude, mon pote, les yeux fermés, est déjà plus loin que moi et bien lancé dans la visualisation.
Là, il se trouve que mes tremblements, au lieu de s’atténuer, deviennent de plus en plus forts. Je tremble de froid, inexplicablement. Je me dis que c’est passager et je me fais un thé ; en fait c’est de pire en pire, ç’est devenu incontrôlable et plutôt violent. J’ai des sensations de chaud-froid et je ne sais pas trop comment calmer le truc.
Ca dure une bonne quinzaine de minutes où j’ai l’impression de ressentir la charge physique de ce que je viens de mettre à mon corps. Finalement je réalise qu’en lâchant prise complètement et en détendant mes muscles, les tremblements s’arrêtent, même si ça reste latent. Je ne me sens pas super bien non plus. J’essaie de respirer profondément et là j’ai un gros accès de tachycardie qui me surprend, je me dis que je vais devoir y aller doucement.
Le tout finit par s’estomper doucement, à mesure que les effets généraux prennent plus d’ampleur.
Visuels
Les choses se colorent légèrement, les couleurs deviennent plus intenses, les objets prennent une substance différente, tout se déforme un peu. Je regarde le mur blanc devant moi et y vois comme des filaments en 3D, un genre d’impression que le vide n’est pas vide, que tout vibre même dans l’absence de matière. Je vois de façon éphémère des auras lumineuses autour de tous les objets de la pièce, c’est fort et ça me fait sourire ; on parle des ondes de forme avec mon pote.
Je me rasseois sur mon lit, en fermant les yeux je commence à voir apparaître du noir habituel des spirales, des lignes, d’abord rouges puis de toutes les couleurs. Tout danse, tout pulse, les choses s’enroulent et se complexifient. Je souris, ça me fascine et ça me rend dingue, j’exprime mon incrédulité à mon pote : Comment est-ce que notre cerveau peut-il seulement recevoir (créer) une image d’une complexité pareille ?
Lui qui fonctionne beaucoup dans la visualisation s’étonne du fait que je voie habituellement un écran noir, m’envie même. Au contraire, je suis souvent frustrée par mon manque complet d’imagination, l’impression d’être bloquée, privée de cette capacité. C’est inhabituel et agréable d’avoir soudain un tel déchaînement de visuels.
Les symboles débarquent en masse, j’en suis heureuse, c’est une des choses que je préfère et que je n’avais pas eue depuis mon premier trip. D’abord les yeux fermés, puis un peu partout, dès que je regarde une surface quelconque. Des mandalas/mosaïques jaunâtres courent sur le carrelage. J’ai un peu de peine à cerner des symboles précis, pourtant, l’intensité du trip est assez modérée ; j’ai l’impression qu’ils sont tout juste hors d’atteinte.
Je regarde mes mains, et prends du temps à discerner ce que je vois. Quelques minutes plus tard, je réalise soudain que ça ressemble à des écailles, côté reptilien qui ressort peut-être
Déjà vu, again and again…
Je regarde mon mur, couvert – substances ou pas !
– d’une vingtaine de pages où sont inscrites des citations. Les lettres dansent, sautillent, se mélangent un peu, baignent dans des couleurs pastels. Pas mal de rose pâle, de vert. (Plus tôt, j’avais eu l’impression que tout mon appart’ était plongé dans une sorte de filtre vert pâle)
Je me demande soudainement si une lettre = une couleur partout, ou si les couleurs sont attribuées indifféremment aux lettres. Je regarde de nouveau, plus attentivement, mais j’ai perdu un peu de visuel et je ne parviens plus à voir les couleurs distinctement. Je me rallonge et continue à regarder le mur.
Là, je pars sévèrement en bad d’un seul coup ; absorbée tranquillement par ces pages affichées au mur, en une fraction de seconde l’image globale change radicalement et j’ai soudainement l’impression que c’est la même page partout. Je détourne le regard en vitesse et me lève brutalement dans le même élan en décrivant ce que je viens de voir à mon pote. Je bouge un peu partout en essayant de désamorcer au plus vite, de nouveau, cette sensation que toutes les choses se ressemblent, peuvent se confondre en une fraction de seconde, que tout semble déjà connu et propice à se répéter. J’étais en un sens certaine que cette sensation perturbante de déjà vu continuerait à me suivre dans chacun de mes trips d’une façon ou d’une autre. Comme d’habitude, j’essaie de penser à autre chose, et pourtant mon esprit me ramène à cette sensation perturbante qui m’intrigue malgré moi. J’essaie de m’y replonger très doucement, sans me laisser submerger ; le dosage léger que j’ai pris y est assez propice, les choses sont davantage choisies qu’imposées. Je parle donc de cette sensation à mon pote, et je la ressens m’entourer de façon relativement omniprésente. Comme je lui décris, le déjà vu, déjà connu, l’impression d’être bloqué dans une dimension, tout ça est présent, posé autour de moi, mais pour une fois pas envahissant. Ce n’est pas plus mal, étant donné que ça semble décidé à me suivre, ça me permet d’apprendre à apprivoiser cette impression.
Je continue à l’explorer et la décrire.
Il me semble que mon appart’ est comme figé, une forme de décor de théâtre duquel il serait impossible de s’échapper. La sensation d’être épié par une caméra dans une cellule de prison, avec une heure précise, un scénario précis, pas pour le côté paranoïaque d’être observé mais pour la sensation d’être plongé dans une mise en scène angoissante.
Comme je parviens à l’exprimer, j’ai l’impression que cette image, là, dans l’instant – mon appart’, mon pote, ce soir-là, cette heure-là, –, si j’allais plus loin, je retrouverais exactement la même. Et encore plus loin, la même encore.
Il me dit, « Plutôt comme “imbriqué” », alors ? », je confirme. C’est totalement ça, comme des dimensions imbriquées les unes dans les autres, des boîtes les unes dans les autres, une chaîne vicieuse.
J’ai tendance à oublier, en fait, qu’il y a un monde extérieur, que les choses continuent à vivre et évoluer dehors, au-delà de mon lieu de trip, tant la situation présente est vécue intensément sous psychés. J’essaierai à l’avenir de m’en rappeler pour ne pas me sentir bloquée ici et maintenant.
Mon pote quant à lui, très versé dans la visualisation et l’introspection, semble galérer. Il me dit qu’il voit des choses l’attendant aux portes du subtil, et qu’il se dirige droit dessus s’il va plus loin. Ce n’est pas la première fois qu’il me parle de ses démons, de ses confrontations directes à des choses bien noires. Je peine à le comprendre, je vis mes trips différemment, bien davantage dans l’observation de mon environnement, dans l’analyse de mes divers ressentis et questionnements intellectuels, mais j’essaie de l’aider un peu.
Il me dit qu’il sent quelque chose de (il peine à poser des mots dessus) relativement récréatif, qui l’engage à simplement se laisser aller à la musique et au trip sans chercher à travailler sur quoi que ce soit. Je confirme en lui disant qu’il doit ressentir mon énergie de l’instant, qui est davantage au lâcher-prise et au trip récréatif qu’à la pure introspection visant à un travail précis. J’espère ne pas trop l’emmener là-dedans avec moi s’il désire autre chose.
Personnellement, je suis plutôt bien là-dedans – malgré ces impressions de boucles et de déjà-vu, qui s’estompent un peu –, je me sens chez moi dans cette dimension alternative, j’ai l’impression d’être dans un grand terrain de jeu.
La salade : Déconditionnements & Dissociation
On a la dalle depuis un bout de temps, même avant la prise. Je lui propose des salades que j’ai ramenées de mon boulot.
Le trip vire à l’euphorique, le moment est complètement comique. J’essaie de débarrasser la table pour libérer de la place mais je galère comme pas possible, je suis morte de rire. Là où normalement, tout est fluide et automatique, j’ai l’impression que la prise de psychés rompt les séquences, fait perdre les acquis, automatismes cognitifs et conditionnements. Je bloque sur chaque étape, sans pour autant être incapable de quoi que ce soit, tout est juste (bien) plus difficile
. Je dissocie également chaque objet, ne voyant plus de logique d’ensemble aux choses et à leur placement.
On arrive enfin à se poser pour manger et je reste quand même morte de rire, prise d’un profond sentiment d’absurdité de tout ça, avoir cette foutue salade dans une assiette avec des couverts profondément étranges, j’ai l’impression de devoir réapprendre l’utilité de chaque objet. Idem pour tout autour de moi, cette table, ces chaises, tout me paraît nouveau et sujet à être remis en question.
J’enchaîne sur l’aspect incroyablement étrange de cette salade que je galèrerai à manger pendant un bon bout de temps. Re-fou rire quand mon pote me dit qu’il a du mal à distinguer les aliments qui la composent, qu’il ne les reconnaît qu’à l’instant, quand il s’en pose la question. (Je passe sous le silence le moment où il les énumère, parle de fromage de chèvre où je lui réponds hilare que bien sûr que non, ce n’est pas ça, c’est de la feta, et ne réalise qu’à l’instant que… c’est la même chose. Profond moment de perturbation interne)
On vire un peu plus sérieux en parlant conditionnements, expérience spirituelle profonde/nature divine interne VS expérience habituelle, ego, apprentissages. Je peine un peu à poser des explications claires mais c’est intéressant.
Je continue en décortiquant longuement une sensation déjà présente dans mon premier trip : le non-sens de l’heure. Je la lis, et elle me semble complètement absurde.
Je m’y engage timidement, j’essaie depuis ma surdose au 25C-NBOMe d’avoir une boîte noire dans mon cerveau à ne pas toucher (Heure-lieu-sécurité-fin du trip), je veux éviter de perdre la notion du temps et renforcer cette impression d’être bloquée ad vitam aeternam entre deux dimensions, mais la douceur du trip me permet d’aller explorer un peu.
Je prends beaucoup de temps à exprimer clairement mes impressions, mais je finis par y parvenir : l’heure affichée en digital n’est qu’un graphisme. Ce trip-là a une forte tendance à dissocier les choses, comme précédemment où mon impression d’absurdité provenait partiellement de l’impression d’avoir un recul conscientisé sur la situation tout en la vivant dans l’instant, ce qui provoquait en moi l’étrange doute : « Mais qui est-ce qui observe, et qui est-ce qui vit alors ? Suis-je deux, ou une ? Suis-je omnisciente, ou ma conscience alterne-t-elle d’un endroit à un autre ? Où est mon identification, mon “moi” ? ».
Ici, je parviens à éclaircir la façon dont je dissocie le nombre, du numéro, du graphisme. Les double 2 du 22h sont habituellement des 2, sobre, avec le sens qu’on leur donne. Là, la chose prend une dimension supplémentaire, une profondeur inhabituelle : je vois le graphisme du 2, le dessin de l’heure digitale affichée. Je suis toujours capable de lire l’heure mais si je ne me concentre pas, je ne vois que le dessin purement visuel, et ai la sensation que ce que je viens de dire n’a aucun sens.
C’est un peu la même chose qu’un désapprentissage de la lecture, la lecture d’un mot étant un automatisme pour l’adulte tandis qu’un enfant décortique les lettres, avec leur graphisme propre pour les reconnaître, puis les ensembles de lettres qui formeront un son.
Bref, petit moment d’expérimentation bien intéressant.
Nihilisme
Le trip est « densifié » par le repas improvisé, on plane bien moins. Mon pote me dit soudainement qu’il ne pense pas en reprendre comme c’était prévu à la base (il restait 15g du 2[SUP]ème[/SUP] type de truffes qui nous avaient foutu une bonne claque la dernière fois), qu’il a la sensation d’être bloqué par quelque chose. Il m’explique avoir eu la sensation d’avoir fermé les portes au travail possible qu’il avait à faire en début de trip, par peur de ce qu’il a vu plus loin. J’essaie d’éclaircir un peu ses ressentis qui me paraissent assez obscurs, je ne comprends pas vraiment s’il a quelque chose de précis à travailler terré dans son inconscient sobre avant de tripper, ou si c’est quelque chose d’abstrait qui ne vient qu’avec les substances. Dans tous les cas, la chose a l’air récurrente et là où je m’étais tranquillement endormie à notre dernier trip, il avait apparemment lutté toute la nuit contre des choses pas très cool. – Chacun ses démons, j’ai la chance d’être épargnée de ces trucs sombres, contre la récurrence de mes boucles.
Du coup ça me coupe pas mal dans mon élan, moi qui étais partie en pleine forme pour en reprendre. Je suis un peu déçue mais je le comprends largement ; je me sens juste un peu coupable de l’avoir peut-être emmené dans une façon de vivre le trip qui ne lui convenait pas sur l’instant, d’où l’importance de bien choisir son partenaire à chaque fois, même si c’est pas simple sachant que c’est toujours l’inconnu total concernant l’expérience que l’on va vivre.
Lui se pose les yeux fermés, allongés pour profiter tranquille dans son coin du reste des effets qu’il a. Je me sens un peu seule soudainement, je discute un peu sur mon téléphone avec ma meilleure pote et un ami – spéciale dédicace CookiezSlayer, gardien improvisé
– , ça m’aide à m’ancrer, à fuir ce sentiment d’être seule dans l’Univers qui prend de plus en plus de place malgré moi.
Je recommence à parler avec mon pote, là c’est moi qui ai viré plus mal que lui finalement. Je revis le sentiment de manque, de recherche de quelque chose, différemment cette fois de mes derniers trips, pas physiquement ou énergétiquement mais purement intellectuellement et émotionnellement. Je me sens seule, un peu triste. Rien de très fort, j’explique mes ressentis de façon assez désinvolte, même si ça me pèse de plus en plus.
Je lui dis que j’ai l’impression que tout ceci n’est que le résultat de mes circuits cérébraux qui disjonctent, de mon inconscient débridé. Que tout ceci, ce n’est que moi. Qu’il y a de moi dans le tout et que le tout est en moi ; quelque chose que je comprends habituellement en termes de ressenti énergétique transcendant mais qui me semble là bien plus angoissant qu’autre chose, comme s’il était impossible de s’échapper à soi-même. Je prends en pleine gueule la façon dont les psychés me mettent face à moi-même, moi qui me familiarise à peine ces dernières années avec mon énergie et mon ego, auparavant très dissociée et très éparpillée un peu partout. Je me sens soudainement bloquée. Je précise : « Au final, tu te heurtes toujours aux 4 murs de ta conscience ».
Je vire dans une vision quelque peu gnostique, exprime la façon dont je ressens mon corps autant que mon ego comme une prison. – Le concept de Démiurge me parle relativement aussi, par rapport à la force joueuse que j’ai ressenti quelques fois.
J’exprime ma lassitude, de l’illusion, du jeu ; je m’amuse beaucoup à jouer avec les formes, mais quelque part, j’espère bien davantage, un « après », un « au-delà ».. Face à moi, c’est un peu la douche froide : la question cynique « Tu t’attendais à quoi ? » résonne entre les 4 murs de mon appart’. J’ai la soudaine sensation que la réalité, la vérité, c’est ça, c’est ce qu’on vit, c’est la multiplicité des formes, le jeu constant de cette dimension. Je n’ai pas de problème avec ça et ce n’est pas un concept nouveau, mais le côté angoissant et triste me paraît soudain bien plus fort. J’ai l’impression d’être face au sentiment océanique freudien dans sa plus pure essence, seule au sein de l’Univers, à rechercher éperdument un sens, une réassurance, comme un enfant trouve du sens lorsqu’il retrouve la figure maternelle et/ou paternelle après avoir été seul un moment. J’ai peur d’être mise face au fait qu’il n’y a pas d’ailleurs, ou plutôt, que cet ailleurs n’est pas accessible dans cette incarnation. Que ce n’est pas la première fois que l’on vit ça, ni la dernière, que l’on est forcés à subir cet aveuglement irrémédiable.
Je médite toutes ces questions et ai le réflexe de prendre du papier et du stylo pour écrire.
On terminera le trip sur cette note un peu triste, avant d’aller se coucher plus tôt et moins défoncés que prévu, mais c’était peut-être pas une mauvaise idée de pas pousser le dosage vu nos réactions respectives. Comme d’hab, difficile de dormir et une bonne partie de la nuit avec une pleine activité cérébrale, mais un peu de repos quand même.
Trip mitigé, pas le meilleur mais intéressant tout de même. Je traverse une période pas des plus faciles en ce moment et ça me rappelle l’importance du contexte pour tripper, je vais peut-être faire une petite pause un moment, selon comment je me sens d’ici à quelques semaines/quelques mois

Substance : Truffes Utopia
Dosage : Moitié d’un sachet de 15g
Set & setting : Dans mon appart’, soirée prévue depuis longtemps avec le même pote qu’à mon dernier trip. Reposée, en forme, rien mangé depuis plusieurs heures.
Charge physique
20h45 : Après un petit moment ritualistique comme d’habitude avec ce pote – bougies, encens, petit instant pour nous recentrer sur nous-mêmes –, on se partage les 15 grammes. (J’ai toujours autant de mal avec le goût, décidément) On se pose tranquillement en attendant les effets.
Quelques minutes plus tard, j’ai soudainement envie d’une clope, j’enfile un sweat et m’en grille donc une sur le balcon. Il fait froid, et en rentrant je tremble un peu.
Je m’allonge sur mon lit, et je constate que les tremblements continuent, comme de légers spasmes – ça m’arrive souvent sous weed, c’est un peu embêtant mais je fais avec.
21h15, je commence à avoir de très légers effets visuels. Comme d’habitude, ça commence par onduler et danser légèrement et comme d’habitude, mon pote, les yeux fermés, est déjà plus loin que moi et bien lancé dans la visualisation.
Là, il se trouve que mes tremblements, au lieu de s’atténuer, deviennent de plus en plus forts. Je tremble de froid, inexplicablement. Je me dis que c’est passager et je me fais un thé ; en fait c’est de pire en pire, ç’est devenu incontrôlable et plutôt violent. J’ai des sensations de chaud-froid et je ne sais pas trop comment calmer le truc.
Ca dure une bonne quinzaine de minutes où j’ai l’impression de ressentir la charge physique de ce que je viens de mettre à mon corps. Finalement je réalise qu’en lâchant prise complètement et en détendant mes muscles, les tremblements s’arrêtent, même si ça reste latent. Je ne me sens pas super bien non plus. J’essaie de respirer profondément et là j’ai un gros accès de tachycardie qui me surprend, je me dis que je vais devoir y aller doucement.
Le tout finit par s’estomper doucement, à mesure que les effets généraux prennent plus d’ampleur.
Visuels
Les choses se colorent légèrement, les couleurs deviennent plus intenses, les objets prennent une substance différente, tout se déforme un peu. Je regarde le mur blanc devant moi et y vois comme des filaments en 3D, un genre d’impression que le vide n’est pas vide, que tout vibre même dans l’absence de matière. Je vois de façon éphémère des auras lumineuses autour de tous les objets de la pièce, c’est fort et ça me fait sourire ; on parle des ondes de forme avec mon pote.
Je me rasseois sur mon lit, en fermant les yeux je commence à voir apparaître du noir habituel des spirales, des lignes, d’abord rouges puis de toutes les couleurs. Tout danse, tout pulse, les choses s’enroulent et se complexifient. Je souris, ça me fascine et ça me rend dingue, j’exprime mon incrédulité à mon pote : Comment est-ce que notre cerveau peut-il seulement recevoir (créer) une image d’une complexité pareille ?
Lui qui fonctionne beaucoup dans la visualisation s’étonne du fait que je voie habituellement un écran noir, m’envie même. Au contraire, je suis souvent frustrée par mon manque complet d’imagination, l’impression d’être bloquée, privée de cette capacité. C’est inhabituel et agréable d’avoir soudain un tel déchaînement de visuels.
Les symboles débarquent en masse, j’en suis heureuse, c’est une des choses que je préfère et que je n’avais pas eue depuis mon premier trip. D’abord les yeux fermés, puis un peu partout, dès que je regarde une surface quelconque. Des mandalas/mosaïques jaunâtres courent sur le carrelage. J’ai un peu de peine à cerner des symboles précis, pourtant, l’intensité du trip est assez modérée ; j’ai l’impression qu’ils sont tout juste hors d’atteinte.
Je regarde mes mains, et prends du temps à discerner ce que je vois. Quelques minutes plus tard, je réalise soudain que ça ressemble à des écailles, côté reptilien qui ressort peut-être

Déjà vu, again and again…
Je regarde mon mur, couvert – substances ou pas !

Je me demande soudainement si une lettre = une couleur partout, ou si les couleurs sont attribuées indifféremment aux lettres. Je regarde de nouveau, plus attentivement, mais j’ai perdu un peu de visuel et je ne parviens plus à voir les couleurs distinctement. Je me rallonge et continue à regarder le mur.
Là, je pars sévèrement en bad d’un seul coup ; absorbée tranquillement par ces pages affichées au mur, en une fraction de seconde l’image globale change radicalement et j’ai soudainement l’impression que c’est la même page partout. Je détourne le regard en vitesse et me lève brutalement dans le même élan en décrivant ce que je viens de voir à mon pote. Je bouge un peu partout en essayant de désamorcer au plus vite, de nouveau, cette sensation que toutes les choses se ressemblent, peuvent se confondre en une fraction de seconde, que tout semble déjà connu et propice à se répéter. J’étais en un sens certaine que cette sensation perturbante de déjà vu continuerait à me suivre dans chacun de mes trips d’une façon ou d’une autre. Comme d’habitude, j’essaie de penser à autre chose, et pourtant mon esprit me ramène à cette sensation perturbante qui m’intrigue malgré moi. J’essaie de m’y replonger très doucement, sans me laisser submerger ; le dosage léger que j’ai pris y est assez propice, les choses sont davantage choisies qu’imposées. Je parle donc de cette sensation à mon pote, et je la ressens m’entourer de façon relativement omniprésente. Comme je lui décris, le déjà vu, déjà connu, l’impression d’être bloqué dans une dimension, tout ça est présent, posé autour de moi, mais pour une fois pas envahissant. Ce n’est pas plus mal, étant donné que ça semble décidé à me suivre, ça me permet d’apprendre à apprivoiser cette impression.
Je continue à l’explorer et la décrire.
Il me semble que mon appart’ est comme figé, une forme de décor de théâtre duquel il serait impossible de s’échapper. La sensation d’être épié par une caméra dans une cellule de prison, avec une heure précise, un scénario précis, pas pour le côté paranoïaque d’être observé mais pour la sensation d’être plongé dans une mise en scène angoissante.
Comme je parviens à l’exprimer, j’ai l’impression que cette image, là, dans l’instant – mon appart’, mon pote, ce soir-là, cette heure-là, –, si j’allais plus loin, je retrouverais exactement la même. Et encore plus loin, la même encore.
Il me dit, « Plutôt comme “imbriqué” », alors ? », je confirme. C’est totalement ça, comme des dimensions imbriquées les unes dans les autres, des boîtes les unes dans les autres, une chaîne vicieuse.
J’ai tendance à oublier, en fait, qu’il y a un monde extérieur, que les choses continuent à vivre et évoluer dehors, au-delà de mon lieu de trip, tant la situation présente est vécue intensément sous psychés. J’essaierai à l’avenir de m’en rappeler pour ne pas me sentir bloquée ici et maintenant.
Mon pote quant à lui, très versé dans la visualisation et l’introspection, semble galérer. Il me dit qu’il voit des choses l’attendant aux portes du subtil, et qu’il se dirige droit dessus s’il va plus loin. Ce n’est pas la première fois qu’il me parle de ses démons, de ses confrontations directes à des choses bien noires. Je peine à le comprendre, je vis mes trips différemment, bien davantage dans l’observation de mon environnement, dans l’analyse de mes divers ressentis et questionnements intellectuels, mais j’essaie de l’aider un peu.
Il me dit qu’il sent quelque chose de (il peine à poser des mots dessus) relativement récréatif, qui l’engage à simplement se laisser aller à la musique et au trip sans chercher à travailler sur quoi que ce soit. Je confirme en lui disant qu’il doit ressentir mon énergie de l’instant, qui est davantage au lâcher-prise et au trip récréatif qu’à la pure introspection visant à un travail précis. J’espère ne pas trop l’emmener là-dedans avec moi s’il désire autre chose.
Personnellement, je suis plutôt bien là-dedans – malgré ces impressions de boucles et de déjà-vu, qui s’estompent un peu –, je me sens chez moi dans cette dimension alternative, j’ai l’impression d’être dans un grand terrain de jeu.
La salade : Déconditionnements & Dissociation
On a la dalle depuis un bout de temps, même avant la prise. Je lui propose des salades que j’ai ramenées de mon boulot.
Le trip vire à l’euphorique, le moment est complètement comique. J’essaie de débarrasser la table pour libérer de la place mais je galère comme pas possible, je suis morte de rire. Là où normalement, tout est fluide et automatique, j’ai l’impression que la prise de psychés rompt les séquences, fait perdre les acquis, automatismes cognitifs et conditionnements. Je bloque sur chaque étape, sans pour autant être incapable de quoi que ce soit, tout est juste (bien) plus difficile

On arrive enfin à se poser pour manger et je reste quand même morte de rire, prise d’un profond sentiment d’absurdité de tout ça, avoir cette foutue salade dans une assiette avec des couverts profondément étranges, j’ai l’impression de devoir réapprendre l’utilité de chaque objet. Idem pour tout autour de moi, cette table, ces chaises, tout me paraît nouveau et sujet à être remis en question.
J’enchaîne sur l’aspect incroyablement étrange de cette salade que je galèrerai à manger pendant un bon bout de temps. Re-fou rire quand mon pote me dit qu’il a du mal à distinguer les aliments qui la composent, qu’il ne les reconnaît qu’à l’instant, quand il s’en pose la question. (Je passe sous le silence le moment où il les énumère, parle de fromage de chèvre où je lui réponds hilare que bien sûr que non, ce n’est pas ça, c’est de la feta, et ne réalise qu’à l’instant que… c’est la même chose. Profond moment de perturbation interne)
On vire un peu plus sérieux en parlant conditionnements, expérience spirituelle profonde/nature divine interne VS expérience habituelle, ego, apprentissages. Je peine un peu à poser des explications claires mais c’est intéressant.
Je continue en décortiquant longuement une sensation déjà présente dans mon premier trip : le non-sens de l’heure. Je la lis, et elle me semble complètement absurde.
Je m’y engage timidement, j’essaie depuis ma surdose au 25C-NBOMe d’avoir une boîte noire dans mon cerveau à ne pas toucher (Heure-lieu-sécurité-fin du trip), je veux éviter de perdre la notion du temps et renforcer cette impression d’être bloquée ad vitam aeternam entre deux dimensions, mais la douceur du trip me permet d’aller explorer un peu.
Je prends beaucoup de temps à exprimer clairement mes impressions, mais je finis par y parvenir : l’heure affichée en digital n’est qu’un graphisme. Ce trip-là a une forte tendance à dissocier les choses, comme précédemment où mon impression d’absurdité provenait partiellement de l’impression d’avoir un recul conscientisé sur la situation tout en la vivant dans l’instant, ce qui provoquait en moi l’étrange doute : « Mais qui est-ce qui observe, et qui est-ce qui vit alors ? Suis-je deux, ou une ? Suis-je omnisciente, ou ma conscience alterne-t-elle d’un endroit à un autre ? Où est mon identification, mon “moi” ? ».
Ici, je parviens à éclaircir la façon dont je dissocie le nombre, du numéro, du graphisme. Les double 2 du 22h sont habituellement des 2, sobre, avec le sens qu’on leur donne. Là, la chose prend une dimension supplémentaire, une profondeur inhabituelle : je vois le graphisme du 2, le dessin de l’heure digitale affichée. Je suis toujours capable de lire l’heure mais si je ne me concentre pas, je ne vois que le dessin purement visuel, et ai la sensation que ce que je viens de dire n’a aucun sens.
C’est un peu la même chose qu’un désapprentissage de la lecture, la lecture d’un mot étant un automatisme pour l’adulte tandis qu’un enfant décortique les lettres, avec leur graphisme propre pour les reconnaître, puis les ensembles de lettres qui formeront un son.
Bref, petit moment d’expérimentation bien intéressant.
Nihilisme
Le trip est « densifié » par le repas improvisé, on plane bien moins. Mon pote me dit soudainement qu’il ne pense pas en reprendre comme c’était prévu à la base (il restait 15g du 2[SUP]ème[/SUP] type de truffes qui nous avaient foutu une bonne claque la dernière fois), qu’il a la sensation d’être bloqué par quelque chose. Il m’explique avoir eu la sensation d’avoir fermé les portes au travail possible qu’il avait à faire en début de trip, par peur de ce qu’il a vu plus loin. J’essaie d’éclaircir un peu ses ressentis qui me paraissent assez obscurs, je ne comprends pas vraiment s’il a quelque chose de précis à travailler terré dans son inconscient sobre avant de tripper, ou si c’est quelque chose d’abstrait qui ne vient qu’avec les substances. Dans tous les cas, la chose a l’air récurrente et là où je m’étais tranquillement endormie à notre dernier trip, il avait apparemment lutté toute la nuit contre des choses pas très cool. – Chacun ses démons, j’ai la chance d’être épargnée de ces trucs sombres, contre la récurrence de mes boucles.
Du coup ça me coupe pas mal dans mon élan, moi qui étais partie en pleine forme pour en reprendre. Je suis un peu déçue mais je le comprends largement ; je me sens juste un peu coupable de l’avoir peut-être emmené dans une façon de vivre le trip qui ne lui convenait pas sur l’instant, d’où l’importance de bien choisir son partenaire à chaque fois, même si c’est pas simple sachant que c’est toujours l’inconnu total concernant l’expérience que l’on va vivre.
Lui se pose les yeux fermés, allongés pour profiter tranquille dans son coin du reste des effets qu’il a. Je me sens un peu seule soudainement, je discute un peu sur mon téléphone avec ma meilleure pote et un ami – spéciale dédicace CookiezSlayer, gardien improvisé

Je recommence à parler avec mon pote, là c’est moi qui ai viré plus mal que lui finalement. Je revis le sentiment de manque, de recherche de quelque chose, différemment cette fois de mes derniers trips, pas physiquement ou énergétiquement mais purement intellectuellement et émotionnellement. Je me sens seule, un peu triste. Rien de très fort, j’explique mes ressentis de façon assez désinvolte, même si ça me pèse de plus en plus.
Je lui dis que j’ai l’impression que tout ceci n’est que le résultat de mes circuits cérébraux qui disjonctent, de mon inconscient débridé. Que tout ceci, ce n’est que moi. Qu’il y a de moi dans le tout et que le tout est en moi ; quelque chose que je comprends habituellement en termes de ressenti énergétique transcendant mais qui me semble là bien plus angoissant qu’autre chose, comme s’il était impossible de s’échapper à soi-même. Je prends en pleine gueule la façon dont les psychés me mettent face à moi-même, moi qui me familiarise à peine ces dernières années avec mon énergie et mon ego, auparavant très dissociée et très éparpillée un peu partout. Je me sens soudainement bloquée. Je précise : « Au final, tu te heurtes toujours aux 4 murs de ta conscience ».
Je vire dans une vision quelque peu gnostique, exprime la façon dont je ressens mon corps autant que mon ego comme une prison. – Le concept de Démiurge me parle relativement aussi, par rapport à la force joueuse que j’ai ressenti quelques fois.
J’exprime ma lassitude, de l’illusion, du jeu ; je m’amuse beaucoup à jouer avec les formes, mais quelque part, j’espère bien davantage, un « après », un « au-delà ».. Face à moi, c’est un peu la douche froide : la question cynique « Tu t’attendais à quoi ? » résonne entre les 4 murs de mon appart’. J’ai la soudaine sensation que la réalité, la vérité, c’est ça, c’est ce qu’on vit, c’est la multiplicité des formes, le jeu constant de cette dimension. Je n’ai pas de problème avec ça et ce n’est pas un concept nouveau, mais le côté angoissant et triste me paraît soudain bien plus fort. J’ai l’impression d’être face au sentiment océanique freudien dans sa plus pure essence, seule au sein de l’Univers, à rechercher éperdument un sens, une réassurance, comme un enfant trouve du sens lorsqu’il retrouve la figure maternelle et/ou paternelle après avoir été seul un moment. J’ai peur d’être mise face au fait qu’il n’y a pas d’ailleurs, ou plutôt, que cet ailleurs n’est pas accessible dans cette incarnation. Que ce n’est pas la première fois que l’on vit ça, ni la dernière, que l’on est forcés à subir cet aveuglement irrémédiable.
Je médite toutes ces questions et ai le réflexe de prendre du papier et du stylo pour écrire.
On terminera le trip sur cette note un peu triste, avant d’aller se coucher plus tôt et moins défoncés que prévu, mais c’était peut-être pas une mauvaise idée de pas pousser le dosage vu nos réactions respectives. Comme d’hab, difficile de dormir et une bonne partie de la nuit avec une pleine activité cérébrale, mais un peu de repos quand même.
Trip mitigé, pas le meilleur mais intéressant tout de même. Je traverse une période pas des plus faciles en ce moment et ça me rappelle l’importance du contexte pour tripper, je vais peut-être faire une petite pause un moment, selon comment je me sens d’ici à quelques semaines/quelques mois
