Sujet un peu glauque mais j'ai envie de parler de ce que j'ai vécu aujourd'hui, si ça peut être utile à des gens traversant une épreuve semblable.
J'ai essayé de me pendre tout à l'heure, dans un bois à une quinzaine de kilomètres de chez moi. J'avais essayé une fois avec une écharpe quasiment en position assise, mais c'était plus pour tester la douleur qu'autre chose (practice makes perfect). Là j'ai fait debout, avec une corde, hangman's noose, bien serrée sous la mâchoire, un vieux beanie enroulé et scotché autour de la corde pour amoindrir la friction sur la gorge, le nœud derrière l'oreille gauche comme j'ai lu qu'il fallait faire. Une pendaison bien faite amène à l'inconscience en 5-6 secondes est-il dit, et je confirme de par mon expérience. (Don't try it though)
Je tâtonnais en fait, j'essayais de faire en sorte que ça ne m'écrase pas la trachée, les pieds toujours au sol mais le cou bien pris. Mais j'étais pas chaud du tout, j'avais envie de le faire mais j'étais terrifié par les conséquences, étant certain de l'existence d'un monde spirituel, de l'existence du karma et de tout ce que ça implique. Je songeais à ma vieille mère aussi. Mais j'avais tellement pas envie de rentrer chez moi penaud... et en fait accidentellement j'ai quasiment failli partir. Il y a eu comme un vrombissement d'avion ressemblant à ceux des voyages astraux mais en beaucoup plus violent, et les ressentis propres aux peaks/ego deaths des expériences psychédéliques, mais en incontestablement négatif, flippant.
Ça m'a horrifié. Si j'avais vraiment bien attaché la corde à la branche comme je l'avais fait au premier essai, je ne m'en serais pas sorti; mais je n'avais passé que deux fois la corde autour d'icelle. Je suis tombé à la renverse sur le dos quand j'ai réussi à la défaire en urgence, secoué de spasmes, tremblements, mes jambes ne supportant plus mon poids, dans un état de panique pas croyable. J'ai mis un moment à reprendre mes esprits, mon souffle, la maîtrise de mon corps: jamais ressenti un truc comme ça, c'était assez violent, je ne devais pas être loin de perdre connaissance. J'ai un peu pleuré, bruyamment, en criant "pardon mon ex, pardon Papa, pardon mon Dieu"...
L'optique de finir en prison, seul, handicapé, ruiné, fou, etc... tous les heurts de la vie me paraissaient soudain bien dérisoires face à la frayeur absolue de rejoindre l'Au-delà dans d'aussi catastrophiques conditions: j'ai senti et compris instinctivement, instantanément, que c'était une mauvaise idée, aussi foirée que soit ma vie. Il est sans doute préférable de ne pas user de méthodes trop instantanées quand on a ce genre d'envies: même au pire du désespoir on peut toujours changer d'avis. J'ai lu qu'une étude sur les gens sautant du Golden Gate avait avancé que ceux survivant affirmaient tous avoir regretté immédiatement d'avoir sauté.
On peut se demander, est-ce justement parce qu'ils ont regretté de le faire qu'ils ont survécu ? Un peu comme les gens dans le coma qui s'en sortent parce qu'ils veulent vivre, et... les autres. Aller à la lumière ou revenir.
C'était un peu une EMI quelque part, et elle n'était pas plaisante du tout même si elle m'a... recadré. Par contre sur le chemin du retour je doutais déjà de nouveau, je me disais que j'aurais peut-être dû le faire, car je retrouvais la même écuelle de chiasse existentielle à l'issue du trajet.
Je ne suis jamais passé aussi près de la mort, je me suis vraiment senti partir, à une ou deux secondes près c'était plié. Mais j'ai senti que je n'aurais trouvé absolument aucun repos dans cet acte, tout au contraire, je n'aurais trouvé qu'une souffrance amplifiée au maximum. Je me sens prisonnier, tout en me sentant chanceux d'avoir des convictions spirituelles aussi profondément ancrées (et inversement proportionnelles à mes valeurs morales décaties...)
C'est plus la pleine conscience de faire un mauvais choix que de la peur. Je l'ai dans le baba quand même, car j'ai mené ma vie, particulièrement ces derniers temps, d'une manière particulièrement irresponsable, avec l'idée résolue de le faire aujourd'hui, ou dans ces eaux-là. La piqûre de rappel ne change rien au reste du fiasco. Je sais que l'envie reviendra, mais je sais maintenant que sobre c'est infaisable, pas avec tout ce que je sais du Réel. Même si on se réincarne et que le voyage de l'Esprit est éternel, il faut vivre son existence comme si elle était unique. Take care.
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