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Psych... et déclic
Set : Un peu fatigué mentalement, mais bien dans ma peau, en équilibre avec moi-même autant que faire se peut. C'est mon dépucelage lysergique, je n'attends rien de particulier de la molécule, j'ai juste au fond de moi le désir sincère de changer certaines choses et je suis curieux de voir si le trip accélérera ces changements. Je ne suis évidemment pas seul, X se montrera un parfait sitter. Les buvards sont à lui et cela fait quelques mois déjà que l'on a décidé de prendre du LSD ensemble. Je le considère comme un ami et j'ai une grande confiance en lui suite à un trip dissociatif particulier.
And...
Setting : On trouve une petite clairière dans le bois de Vincennes, entre deux chemins fréquentés par les promeneurs. Nous pouvons les apercevoir mais eux ne nous voient pas. X a prit un petit ampli pour la musique. Il est environ 15h, la lumière est douce, la chaleur aussi. Ce petit coin est très joli, tout s'annonce très bien.
Montée
Les buvards sont dosés à 100ug mais ils ont pris un coup de chaud, X estime leur teneur à environ 80ug. On drop une moitié chacun. Nous sommes assis tranquillement, discutons peu, attendons la montée. Ne sachant pas ce qui va m'arriver, je me concentre beaucoup sur mon ressenti. Au bout de 10~15 minutes, je ressens quelque chose de subtil, aussi bien corporellement que mentalement. Je ne parviens pas à mettre le doigt sur ce dont il s'agit, et craignant un bête effet placebo, je n'en parle pas à X. À T+30min, néanmoins, les effets sont suffisamment présents pour que je comprenne qu'il s'agit bel et bien de la montée. Je demande à mon voisin de trip si c'est possible de ressentir les effets si tôt, et il m'affirme déjà vivre les effets corporels. Arborant un sourire dont je n'ai pas l'habitude, il m'explique que c'est dur à reconnaître tant qu'on en a pas fait l'expérience.
T+45, je note sur mon portable : « élévation de l'humeur, légère euphorie, attitude contemplative. Sensations comme la première montée au DXM : des portes qui s'ouvrent dans mon esprit et d'autres portes qui disparaissent purement et simplement. » Mais, et X me le confirme, c'est très différent d'un trip disso : le LSD fait intégrer pleinement son corps.
La note continue : « Grosse circulation d'énergie, un peu de mal à tenir en place. La musique prend plus de volume. »
En effet, je suis obligé de marcher et sautiller, des tensions parcourent mes muscles avant de disparaître puis de revenir. Des sortes de flux énergétiques puissants arrivent de ma tête et descendent le long de mon corps, d'autres pulsent de ma poitrine. Je tente de prendre du recul et de basculer en vision aérienne, de contempler mon corps les yeux fermés. L'image mentale qui s'impose à moi est limpide : je vois des filaments d'une lumière jaune et verte très pure tourner dans mon organisme. Une lumière identique à celle de la clairière où nous nous trouvons.
T+55 : redrop d'un quart chacun. Je ne tiens plus du tout en place. Le sol ondule d'une façon ample et douce quand je me concentre.
Trip
A partir de là, je n'ai plus rien noté et j'ai totalement mis de côté la notion du temps, plus ou moins malgré moi. Je n'ai plus trop souvenir des conversations avec X, la plupart n'étaient pas importantes.
J'ai la sensation d'être retombé en enfance. X veille sur moi et profite à sa façon, je « veille » aussi sur lui d'une certaine manière. Je ressens clairement qu'il est l'adulte et moi l'enfant mais ça ne me dérange pas. Je me sens en parfaite sécurité.
D'énormes frissons me courent sur la peau, je m'en mords les lèvres de plaisir. J'en fais part à X en insistant sur le fait que j'ai les muscles tendus, il comprend que je réclame un massage des épaules sans oser le dire clairement. Ses doigts dénouent chaque nœuds, libérant des vagues de plaisir à chaque fois.
Puis l'on s'éloigne l'un de l'autre, je m'amuse à redécouvrir la clairière tout en jouant avec la traînée de feuilles colorées. Lui aussi m'a dit voir de belles traînées. Me souvenant d'un bâton qu'il a jeté à notre arrivée dans la clairière, je vais le ramasser et m'amuse à dessiner des arabesques avec. Je ressens très vite le morceau de bois comme une extension de mon bras, une symbiose avec l' « arme » telle que je n'en avais pas vécu depuis longtemps. Je me bats contre des ombres, les yeux fermés, c'est très intense. L'énergie qui circule en moi prend enfin un sens. Je ne recherche plus l'esthétique visuelle mais une esthétique corporelle, dans la souplesse et l'activation organisée des muscles, dosant la force de mes gestes et l'harmonie entre mes membres.
A côté de notre clairière se trouvait un buisson mort de haute taille formant un enchevêtrement de bois de forme plus ou moins cylindrique. Derrière, je trouve un miroir éclaté tapissant le sol de petits éclats et des arbrisseaux morts. Un frisson glacé me parcourt la nuque, et une réflexion très enfantine m'envahit : « Faut pas venir ici, c'est la clairière du Miroir Brisé ». Ce constat est accompagné de peurs et d'une sensation d'ombre malsaine, j'en suis un peu perturbé. Mon « enfant intérieur » se tapit au fond de moi et c'est le jeune adulte qui reprend le dessus, rationalisant par automatisme. Néanmoins, l'aspect mauvais du lieu est toujours aussi présent et je me dépêche de partir retourner faire de l'escrime avec mon bâton. Je comprends qu'il me faudra encore un peu de temps pour savoir jouer avec la sensibilité que procure le LSD, et qu'il m'est inutile de chercher à comprendre pourquoi j'avais si peur sur l'instant. J'oublie très vite l'incident et passe à autre chose.
X me rejoint, on rit de nos visuels, il dessine une spirale avec son bras, je fais de même avec le bâton, avant de le lui tendre au cas où il voudrait jouer.
Les jeux de lumière de la forêt tissent des motifs liquides à travers les frondaisons, tout change de couleurs, le visage de X est entouré d'un halo argenté. Soudain, je prends conscience que je suis pleinement dans le trip et me prend une baffe visuelle. Tout respire et vit avec intensité, je perçois le moindre détail, l'agencement des feuilles dans les branches suit des équations mathématiques, tout est fractal. Sauf que ça fait beaucoup, je n'ai encore jamais vu ça. Je tente de revoir le monde « normalement », n'y arrive pas, ma respiration se coupe, j'aimerais appuyer sur le bouton Pause.
Puis je comprends que c'est inutile, me rappelle que tout s'arrêtera dans quelques heures, que ce que je vois est foutrement beau et que je surkiffe mon état. J'ai la sensation d'avoir passé une sorte d'épreuve, me sens prêt à passer à la suite.
On reste encore un peu dans la clairière, X me fait comprendre que cela ne sert à rien d'intellectualiser le trip maintenant et que j'aurais tout le loisir de le faire après. Je cesse d'essayer vainement de mettre des mots sur ce que je ressens et me contente de vivre l'instant présent, comme il le préconise. Effectivement, je kiffe bien mieux comme ça.
Il propose qu'on quitte le lieu pour rejoindre le petit lac annulaire dans le parc, proche de la ville.
Je prends un plaisir fou à voir le chemin bouger et à contempler le paysage avec X. Je regrette un peu que nous ne soyons pas parvenu à avoir plus de complicité et d'égalité, j'ai l'impression qu'il ne prend pas autant son pied que moi. Puis je réalise que le trip s'est construit autour du fait qu'il était le sitter et moi le sitté, qu'il a une bien plus grande connaissance du lsd que moi, et qu'il a donc sa façon d'apprécier. Dans de futurs trips on parviendra probablement à une empathie plus poussée, et, qui sait, à cette « télépathie » qui m'est si chère ?
X me dit qu'on arrive près du lac, en désignant son emplacement avec le doigt. Là où il montre, je ne vois qu'une barrière en bois, des buissons et un chemin sur la droite. On s'approche, j'essaie de voir le lac à travers le feuillage des buissons, et là... WHAT DA FUCK ?!
Au dessus des buissons, je vois le ciel et la cime de quelques arbres. A travers les buissons je vois le reflet d'arbres et... de l'herbe ? De l'herbe sur l'eau ? Mais... le reflet ne colle pas ! Je devrais voir le ciel, des nuages et la cime des arbres si le lac est effectivement à notre hauteur.
Je m'arrête brusquement, éclate de rire, à la fois par nervosité et pour décompresser, je fais un tour sur moi-même. X s'enquiert de mon état, je lui demande d'attendre, qu'on s'arrête un instant. J'ose regarder dans la direction du lac, revoit la même chose, ce reflet paradoxal, un lac qui n'a jamais été là, me prend la tête entre les mains, regarde au sol et voit tout onduler, puis respire enfin un grand coup. Je m'avance vers les buissons, empli d'incompréhension, quel est ce tour que me joue mon esprit que je suis incapable de saisir ?
Et là... j'éclate encore de rire. Je croyais que le lac était à notre hauteur alors qu'il était plusieurs mètres en contrebas ! Ce que je prenais pour des reflets de végétations n'étaient qu'un parterre de gazon avec des arbres et des buissons.
Je me sens plus fort, j'ai passé une nouvelle épreuve, sans comprendre moi-même pourquoi je rapporte tout à une succession d'épreuves. X m'en fait la remarque.
On descend les quelques marches qui mènent en bas puis on se pose sur un banc face au lac, juste devant un arbre aux feuilles blanches et vertes claires, très beau. On discute sur le banc de choses et d'autres, je ne peux m'empêcher de rire en voyant chaque fois la traînée derrière les gens qui passent, comme une sorte de fantôme, d'empreinte laissée aussi bien dans le monde que dans mon esprit. Pendant que nous parlons, je me remets encore plus qu'avant à essayer d'intellectualiser le trip, mais plus je tente de mettre des mots plus j'ai des boucles de raisonnement et plus je m'éloigne de la vraie nature du trip. Alors que je crois être sur le point d'expliciter la perche, je réalise que non, je mets juste des mots en pensée sur le... principe de mémorisation et d'oubli. Je joue avec ma mémoire, en faisant remonter des souvenirs puis en effaçant d'autres choses. Mais ça ne dure pas, j'ai beaucoup de mal à me concentrer longtemps.
On va se coucher dans une pente herbeuse et on regarde le ciel. Je fais des roulades dans l'herbe comme un gosse et prend conscience que ce n'est pas quelque chose de tout à fait admis par le système quand on a passé 10 ans. Des femmes plus bas m'observent avec une moue un peu amusée et pleine d'incompréhension, ça me rend triste mais je tente de me calmer. M'allongeant dans l'herbe, je décide d'écouter Echoes sur mon portable pour voir ce qu'elle donne sous LSD. Je la trouve encore plus parfaite et m'abandonne à la contemplation des nuages, qui s'étirent, se font et se défont, tourbillonnent et... « vivent ». X me fait part des irisations qu'il perçoit dans le ciel au moment où j'en prends conscience. Fermant les yeux, je me concentre sur la musique et m'autorise à m'abandonner à des réflexions et des rêveries. Je vois des formes colorées qui suivent la musique mais c'est très brouillon, il me faudra apprendre à développer la synesthésie dans cet état. L'intensité de la perche a beaucoup diminué, nous sommes à T+5H.
X joue avec son kaossilator (bidule électronique magique pour faire du son), je coupe la musique pour l'écouter.
Puis soudain on se rappelle qu'on doit retrouver R et C pour aller dans une soirée psytrance, on décide donc de rentrer, il est 20h30.
X parvient à trouver le métro et m'emmène tout à l'avant, là où on peut voir notre avancée dans le tunnel. Le voyage prend une tournure très psychédélique, le sol ondule et vibre de partout, notre trajet prend des allures de vaisseau filant dans le cosmos.
Je trouve la perception des visages très particulière, j'ai l'impression d'avoir perdu tout filtre habituel et de regarder des faciès d'animaux – ce qui est le cas. Je vois les visages dans tous leurs défauts et leurs qualités, les trouve souvent très chevalins. Le maquillage, chez toutes personnes, me paraît quelque chose d'aberrant. Je ne peux me défaire du contraste entre la personnalité des gens et leur accoutrement, entre leur Être et leur Paraître. Je me sens mélancolique face à l'apparent manque d'intégrité de certains. Ils sont tous laids. Seul X me paraît vraiment humain, entier et beau.
Puis je me rappelle que je suis chéper et que je juge un peu trop les autres. Je tente de me mettre à la place de chacun et réalise que beaucoup semblent souffrir des contradictions et conflits internes qui les habitent. Ils ont le courage de chercher à s'adapter à la société et c'est une chose admirable en soi. Mon jugement n'a donc pas plus de valeur qu'un autre et il m'est ridicule de m'y attacher. Néanmoins je ne me débarrasse pas totalement de mon filtre de perception habituel, j'ai du mal à m'en détacher et de toute façon, j'en ai besoin pour me situer par rapport aux autres. Je mets mes réflexions de côté dans ma tête car on doit sortir du métro.
On retrouve R pas loin de chez X, je suis content d'enfin le rencontrer, même si c'est un vrai choc de parler à quelqu'un qui n'est pas du tout dans le même état d'esprit que X et moi. Je lui demande « Alors, c'est comment le réel ? », espérant qu'il se prenne au jeu, mais il se tourne vers X et lui demande si je suis perché avec un sourire un brin moqueur. Je comprends qu'il va me falloir redescendre sur terre si je veux communiquer.
Arrivé chez X, on se pose puis, par curiosité, je décide d'aller me voir dans le miroir. J'ai beaucoup entendu parler du choc que cela peut procurer, mais on est à T+6, ça me paraît parfaitement gérable. Je m'enferme dans les toilettes, me regarde et me souviens de mes réflexions dans le métro. Je suis surpris et content de voir mon visage dans tous ses défauts, je me prends une petite claque d'humilité. Je vois dans le miroir une personne fatiguée, heureuse mais qui semble me supplier un peu de l'autoriser à se reposer.
La suite n'est pas très intéressante, je me focalise beaucoup sur le fonctionnement social entre un mec perché et un mec pas (encore) perché, on attend C en bavardant et en préparant des paras avant de partir en boîte vers 23h30. X m'offrira un para de 15mg de 2c-b qui prolongera le trip sur quasi toute la nuit, mais ça n'a pas vraiment sa place dans ce TR. Il est donc temps de conclure :
La perche au LSD m'a d'un côté complètement surpris, et d'un autre correspondait exactement à ce à quoi je m'attendais. J'avais pu avoir un aperçu lors de trips cannabiques puissants, mais je ne l'avais jamais vécu, et c'est juste... indescriptible. Je ne ressens pas le besoin de manger un autre carton avant un moment.
Malgré sa simplicité, ce trip a changé un certain nombre de choses en moi. Il a « guéri » exactement ce que je cherchais à guérir depuis de longs mois, et actuellement je m'efforce d'intégrer le trip et de comprendre comment ces changements ont pu être opérés aussi vite. Je n'en retire que du bon et j'en suis content, mais je comprends que bouffer de l'acide à la pelle n'est pas la solution pour se guérir de tous ses conflits internes, il faut un travail avant et un travail après – chose que m'a beaucoup répété X avant puis après le trip, justement. Je mentirais si je disais que je n'ai pas hâte de vivre un autre trip, mais j'ai quand même envie de laisser du temps passer. Le lendemain et le surlendemain, j'étais un peu KO psychologiquement, j'avais juste besoin de me reposer et d'avoir de la solitude.
Voilou ! Je m'attendais pas à faire si long, j'espère que vous serez quelques-uns à avoir lu jusqu'au bout !