no_id a dit:
Visionnaire nietzsche. Ou alors c'est lui qui a créé ce systeme morale de merde qu'on ne fait que copier dans toute les déclinaisons possible a toute les strates de la société. Ou alors ca existait et il l'a découvert et maintenant on va tous se battre grace a cette nouvelle perception des choses.
C'est plus compliqué que ça, Nietzsche a proposé une éthique de vie en attaquant la morale (le renversement des valeurs) tout en usant de morale, et disons qu'il n'a pas eu le temps de se départir de ses contradictions puisque la folie l'a rattrapé. L'idée du surhomme qui réinventerait la morale en instaurant de nouvelles valeurs est intéressante, mais trouve ses limites dans notre modernité narcissique, où l'on peut parler de décadence morale effective et avérée. En gros on a gardé l'image du surhomme aussi fort que Superman, et on s'est mit à bouffer des protéines pour avoir l'air d'un super homme, ce qui n'a rien avoir avec le surhomme nietzschéen. Le surhomme de Nietzsche c'est l'individu qui s'est réconcilié dans son âme, en harmonisant son corps et son esprit au lieu de vivre dans un dualisme platonicien/cartésien (le modèle catholique qui met en avant le for intérieur et le libre arbitre avec toute la culpabilisation inhérente aux hontes qui structurent l'occident). Le surhomme nietzschéen est donc un individu qui est maitre de lui-même en ayant comprit ses déterminismes génético-psycho-socials, alors qu’aujourd’hui on prône le narcissisme et l'individualisme au lieu de l'individuation (les instituions individualisent en empêchant de penser par soi-même, c'est la société d'assisté tant critiquée). Bref personne ne "devient qui il est" parce que le social uniformise dans les faits, mais tout en proposant un discours de liberté, de choix, et l'on s'y perd dans nos propres apparences en étant esclaves de nos passions, de nos pulsions dirigées vers la consommation à outrance (c'est l'avoir au détriment de l'être, voila le malaise de la civilisation).
Le point de vue de Nietzsche est philosophique, bien qu'il affirme une volonté de se prendre pour un médecin psychologue, diagnostiquant les maux de la société avec un marteau qui révèle les problèmes moraux, détruit les valeurs anciennes basées sur le ressentiment et la peur, et en reconstruit d'autres par la suite, dans l'idéal (du surhumain).
C'est dans la foulée que débarque Freud avec son point de vue psychanalytique (alors qu'il est philosophique mais ça il le nie). ce qu'il faut savoir c'est que Freud était un conservateur, et qu'il n'a pas joué sur le même tableau que Nietzsche en se gardant d'être un homme révolté. Freud a fait sa révolution de son côté en imposant la culpabilité paternelle dans une culture paternaliste, avec à côté de ça ses concepts de libido et de narcissisme. C'est très bien même si cela peut être critiqué, mais au final ça n'a pas aidé les humains que de mieux se connaitre, enfin le renversement des valeurs s'est opéré contre l'humanité : Dieu est mort, le néo-libéralisme a émergé suite aux deux guerres mondiales, l'autorité paternelle a laissé place à l'autorité maternelle, et l'individu moyen est complètement perdu dans le nihilisme contemporain faute d'un étayage culturel suffisant (certains se vautrent dans le luxe, quand d'autres meurt de faim à l'autre bout du globe, ou en bas de chez soi...c'est difficilement conciliable et ça réactive ses culpabilités inconscientes). La fabrique générale des moutons que nous sommes est aliénante, mais nécessaire pour que chacun consomme comme nous le faisons tous aujourd'hui (elles ne viennent pas de n'importe où les terres rares qui composent votre smartphone construit par un enfant ou un adulte sous payé mais surexploité...arfl, là c'est notre égoïsme qui nous protège de cette vérité). Le bilan est donc que l'altruisme et l'individuation qui était de bonnes valeurs, ont laissé place à l’égoïsme et à l'individualisme, dont on mesure les conséquences sociales et environnementales aujourd'hui (et c'est pas glop, y a du pain sur la planche).
Les responsabilités de Nietzsche et de Freud peuvent être soulignées vu leurs statuts, mais à partir du moment où les générations qui les ont suivi ont récupéré leur pensée dans tous les sens, sans même toujours chercher à comprendre ce que pensait véritablement les auteurs, on ne peut blâmer des mecs qui sont morts et vivaient dans un autre temps (bien qu'ils aient été assez lucide pour être "visionnaires" à leur manière).
Nietzsche est autant un nazi qu'un gaucho coco selon les interprétations qu'on en a, et Freud est un libérateur de la femme machiste et phallocrate...bref vaut mieux lire dans le texte les auteurs, comprendre comment ils ont influencé leur monde (en bien et en mal parce que les choses ne sont pas blanches ou noires, mais grises plus ou moins claires ou foncées), ce qu'il en est aujourd'hui de leur pensée, et tenter de se pencher sur ses propres philosophies comme le préconisaient Nietzsche (renouer avec soi, comprendre ses morales, ses peurs, ses culpabilités). Il en va de la cruauté de notre société, par exemple peut -on être Charlie tout en légitimant des interventions militaires au Moyen-Orient, alors que les attaques terroristes que nous subissons sont dues au fait d’intervenir militairement au Moyen-Orient...à quel moment se pose t'on les bonnes questions, se rend t'on compte que l'on se mord la queue avec une géopolitique offensive et agressive, et que l'on s’anéantit plus ou moins volontairement dans des modes de vie clivés voire schizoïdes (le repli sur soi dans l'oubli de soi tout en se voilant la face n'est pas une solution. Il est impératif de ne plus se culpabiliser inconsciemment en se responsabilisant consciemment, c'est à dire en regardant le monde en face, et en comprenant comment faire face aux menaces et problèmes auxquels nous sommes collectivement confrontés, d'où l'intérêt d'avoir différentes grilles de lecture, comme celles de Nietzsche ou de Freud, mais il y en a bien d’autres, et des plus modernes).
Il y a cette super interview d'Onfray sur Nietzsche, critique et bien vulgarisée, abordant de nombreux aspects de la philosophie de Nietzsche :