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Hop, encore une petite vidéo de Blast (45 min) :
L'idée est la suivante : le système économique mondial serait de plus en plus régi non pas par le capitalisme, qui consiste à accumuler les moyens de production (machines), mais par un nouveau féodalisme (= accumulation des terres) exprimé dans le numérique : le techno-féodalisme.
Dans ce système, la richesse provient de la capacité à comprendre et orienter les désirs des consommateurs, donc de récolter leurs données et leur présenter un écran sensé représenter le réel.
Dans ce système, les seigneurs possèdent les terres digitales et nous n'avons d'autres choix que de passer par chez eux pour accomplir nos activités quotidiennes, nous acquittant au passage d'une gabelle en donnée ou en centimes. Ainsi des transactions, des communications, des documentations. VISA, Messenger, Google bien sûr...
Dans ce système nous sommes les techno-serfs, puisque nous sommes prisonniers de ces espaces digitaux dont s'éloigner devient de plus en plus coûteux.
Il est à noter que cette théorie n'est pas vraiment nouvelle : elle avait déjà été présentée en 2020.
Bon, rien de nouveau, mais l'entendre exposé aussi clairement m'a fait du bien, parce qu'explique simplement une tendance lourde et multi-face assez angoissante, cette impression de ne plus rien maîtriser sur une terre que je suis assez vieille pour avoir fantasmé comme un espace de liberté. Ce qui frappe aussi, c'est la massification du phénomène, et l'intégration des gouvernements dans ce système mondialisé, ce que je trouve carrément flippant au regard du futur de nos démocraties déjà bien décaties.
J'veux pas crier "nouvel ordre mondial", mais je crois que là, on taperait plus juste qu'avec les Illuminatis.
En chanson :
Voilà voilà. Maintenant, ça me fait réfléchir au rôle de Psychonaut. J'ai la conviction depuis quelques années que ce petit forum de niche ne concerne pas que les drogues. Dans un monde numérique qui, de mon point de vue, évolue dans la mauvaise direction, c'est un acte politique que de maintenir un espace de discussion autogéré, qui présente à chacun le même réel, qui ne farme pas de données, qui en revende encore moins, qui n'est pas rentable, qui n'a pas d'intérêt cachés, qui s'efforce de garder accessibles des archives de plus de vingt ans même quand elles n'entrent plus dans la Charte contemporaine.
Un contre-exemple : suite à l'arrestation du patron de Telegram, un script a été lancé sur l'application, qui a supprimé des dizaines de salons de discussion liés aux drogues : principalement des vendeurs, mais aussi des salons de RDR, dont les modérateurs ont perdu l'accès à toutes les archives et ont été bannis de la plate-forme. Des mois de travail réduits en fumée, sans recours, suite à la décision unilatérale d'un techno-seigneur nettoyant ses terres avant de les ouvrir au régime en place.
J'ai mis un point d'interrogation dans le titre, car je ne sais pas ce que d'infimes résistances comme celles de Psychonaut peuvent bien valoir, je ne sais pas quelles alliances nous pouvons nouer, si des efforts comme les nôtres peuvent théoriquement représenter un obstacle aux intérêts surpuissants, ou si nous ne représentons qu'une forme d'intertie. Je me demande si nous sommes les neutres qui laissent le pire advenir, ou si mettre de l'énergie dans ces petites lutte a un peu de sens.
Mais je vois comment les objets les plus futiles (quel média social ? who cares ?) deviennent des enjeux politiques démesurés. Ca m'effraie et me fascine à la fois, et j'ai envie d'en parler.
Je suis notamment très admirative du travail de l'association Framasoft, qui fournit des outils libres. Au début je ne comprenais pas bien, car autant que possible, ces outils découplent logiciel et hébergement. Je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas simplement "aller sur Mastoodon / PeerTube", pourquoi je devais d'abord rejoindre une instance et ce genre de chose.
En fait, c'est l'inverse du techno-féodalisme. Tu as l'outil : il est libre. Mais également, avec cet outil, tu vas où tu veux : chez toi, chez un tiers de confiance, c'est toi qui vois. Par contre, ce lieu est nécessaire, tu ne vas pas utiliser l'outil dans le vide, et ce lieu n'est pas fourni avec l'outil, tu dois le choisir ou le créer. Pour une personne comme moi, qui n'a pas été éduquée aux enjeux numérique, qui s'intéresse simplement aux choses, ça a été un véritable saut conceptuel. J'ai réalisé le pouvoir du territoire, et la servitude à laquelle nous acquiescons en louant contre notre personnalité des outils qui ne fonctionnent qu'à un seul endroit.
Cette vérité toute simple est pourtant inaccessible à la plupart des gens, car le monde du libre n'est audible quasiment qu'aux zinzins du numérique. Les serfs lambdas, comme moi, la plupart du temps ne comprendront tout simplement pas l'enjeux. J'ai l'impression que c'est seulement par hasard que j'ai été en position de sortir de cette caverne.
J'ai envie que Psychonaut puisse participer à cet effort, en ramenant la question des libertés numériques dans ce combat pour la liberté de conscience que représentent la réduction des risques et le psychonautisme. Mais comment faire ?
« Le capitalisme est déjà mort »
Dans son dernier livre, l’économiste Yanis Varoufakis défend une nouvelle théorie économique : le techno-féodalisme. Selon lui, nous aurions déjà basculé dans une sorte d’ère post-capitaliste, qui serait bien pire que le capitalisme lui-même. Sur le…
www.blast-info.fr
Dans son dernier livre, l’économiste Yanis Varoufakis défend une nouvelle théorie économique : le techno-féodalisme. Selon lui, nous aurions déjà basculé dans une sorte d’ère post-capitaliste, qui serait bien pire que le capitalisme lui-même. Sur le plateau de Blast, il veut mettre en garde contre les nouveaux modes de domination, et expliquer comment cette nouvelle organisation de la production nous mènera incontestablement dans le mur sans changement majeur. Au micro de Salomé Saqué, celui qui a mené la lutte contre les dogmes néo-libéraux au sein de l’Union européenne par la voix du ministère des finances de la Grèce en 2015 propose un nouvel apport théorique pour comprendre la structure de l’économie d’aujourd’hui.
L'idée est la suivante : le système économique mondial serait de plus en plus régi non pas par le capitalisme, qui consiste à accumuler les moyens de production (machines), mais par un nouveau féodalisme (= accumulation des terres) exprimé dans le numérique : le techno-féodalisme.
Dans ce système, la richesse provient de la capacité à comprendre et orienter les désirs des consommateurs, donc de récolter leurs données et leur présenter un écran sensé représenter le réel.
Dans ce système, les seigneurs possèdent les terres digitales et nous n'avons d'autres choix que de passer par chez eux pour accomplir nos activités quotidiennes, nous acquittant au passage d'une gabelle en donnée ou en centimes. Ainsi des transactions, des communications, des documentations. VISA, Messenger, Google bien sûr...
Dans ce système nous sommes les techno-serfs, puisque nous sommes prisonniers de ces espaces digitaux dont s'éloigner devient de plus en plus coûteux.
Il est à noter que cette théorie n'est pas vraiment nouvelle : elle avait déjà été présentée en 2020.
Le techno-féodalisme, une critique de l'économie numérique avec Cédric Durand
Entretien avec Cédric Durand sur son livre Le techno-féodalisme, publié aux éditions de la Découverte en 2020.
www.radiofrance.fr
Au début des années 2020, le consensus de la Silicon Valley se délite. Inégalités folles, stagnation de la productivité, instabilité endémique… la nouvelle économie n’est pas advenue. Les algorithmes sont omniprésents, mais ce n’est pas pour autant que le capitalisme s’est civilisé. Au contraire.
La thèse de ce livre est qu’avec la digitalisation du monde se produit une grande régression. Retour des monopoles, dépendance des sujets aux plateformes, brouillage de la distinction entre l’économique et le politique : les mutations à l’œuvre transforment la qualité des processus sociaux et donnent une actualité nouvelle au féodalisme. L’ouvrage commence par proposer une généalogie du consensus de la Silicon Valley et met en évidence les cinq paradoxes qui le minent.
La thèse centrale est ensuite déroulée, rythmée par des développements sur les GAFA, les chaînes globales de valeur ou encore le système de crédit social chinois. Les grandes firmes se disputent le cyberspace pour prendre le contrôle sur des sources de données. Les sujets sont attachés à la glèbe numérique. Dans l’ordre économique qui émerge, les capitaux délaissent la production pour se concentrer sur la prédation.
Cédric Durand est économiste à l’université Sorbonne Paris-Nord. Ses recherches portent sur la mondialisation, la financiarisation et les mutations du capitalisme contemporain.
Bon, rien de nouveau, mais l'entendre exposé aussi clairement m'a fait du bien, parce qu'explique simplement une tendance lourde et multi-face assez angoissante, cette impression de ne plus rien maîtriser sur une terre que je suis assez vieille pour avoir fantasmé comme un espace de liberté. Ce qui frappe aussi, c'est la massification du phénomène, et l'intégration des gouvernements dans ce système mondialisé, ce que je trouve carrément flippant au regard du futur de nos démocraties déjà bien décaties.
J'veux pas crier "nouvel ordre mondial", mais je crois que là, on taperait plus juste qu'avec les Illuminatis.
En chanson :
Voilà voilà. Maintenant, ça me fait réfléchir au rôle de Psychonaut. J'ai la conviction depuis quelques années que ce petit forum de niche ne concerne pas que les drogues. Dans un monde numérique qui, de mon point de vue, évolue dans la mauvaise direction, c'est un acte politique que de maintenir un espace de discussion autogéré, qui présente à chacun le même réel, qui ne farme pas de données, qui en revende encore moins, qui n'est pas rentable, qui n'a pas d'intérêt cachés, qui s'efforce de garder accessibles des archives de plus de vingt ans même quand elles n'entrent plus dans la Charte contemporaine.
Un contre-exemple : suite à l'arrestation du patron de Telegram, un script a été lancé sur l'application, qui a supprimé des dizaines de salons de discussion liés aux drogues : principalement des vendeurs, mais aussi des salons de RDR, dont les modérateurs ont perdu l'accès à toutes les archives et ont été bannis de la plate-forme. Des mois de travail réduits en fumée, sans recours, suite à la décision unilatérale d'un techno-seigneur nettoyant ses terres avant de les ouvrir au régime en place.
J'ai mis un point d'interrogation dans le titre, car je ne sais pas ce que d'infimes résistances comme celles de Psychonaut peuvent bien valoir, je ne sais pas quelles alliances nous pouvons nouer, si des efforts comme les nôtres peuvent théoriquement représenter un obstacle aux intérêts surpuissants, ou si nous ne représentons qu'une forme d'intertie. Je me demande si nous sommes les neutres qui laissent le pire advenir, ou si mettre de l'énergie dans ces petites lutte a un peu de sens.
Mais je vois comment les objets les plus futiles (quel média social ? who cares ?) deviennent des enjeux politiques démesurés. Ca m'effraie et me fascine à la fois, et j'ai envie d'en parler.
Je suis notamment très admirative du travail de l'association Framasoft, qui fournit des outils libres. Au début je ne comprenais pas bien, car autant que possible, ces outils découplent logiciel et hébergement. Je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas simplement "aller sur Mastoodon / PeerTube", pourquoi je devais d'abord rejoindre une instance et ce genre de chose.
En fait, c'est l'inverse du techno-féodalisme. Tu as l'outil : il est libre. Mais également, avec cet outil, tu vas où tu veux : chez toi, chez un tiers de confiance, c'est toi qui vois. Par contre, ce lieu est nécessaire, tu ne vas pas utiliser l'outil dans le vide, et ce lieu n'est pas fourni avec l'outil, tu dois le choisir ou le créer. Pour une personne comme moi, qui n'a pas été éduquée aux enjeux numérique, qui s'intéresse simplement aux choses, ça a été un véritable saut conceptuel. J'ai réalisé le pouvoir du territoire, et la servitude à laquelle nous acquiescons en louant contre notre personnalité des outils qui ne fonctionnent qu'à un seul endroit.
Cette vérité toute simple est pourtant inaccessible à la plupart des gens, car le monde du libre n'est audible quasiment qu'aux zinzins du numérique. Les serfs lambdas, comme moi, la plupart du temps ne comprendront tout simplement pas l'enjeux. J'ai l'impression que c'est seulement par hasard que j'ai été en position de sortir de cette caverne.
J'ai envie que Psychonaut puisse participer à cet effort, en ramenant la question des libertés numériques dans ce combat pour la liberté de conscience que représentent la réduction des risques et le psychonautisme. Mais comment faire ?
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