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La panique morale date d'il y a quelques années (2021), je ne sais pas si ce produit circule encore sous cette appellation, mais c'est probable.
Il y a quelques années donc, les personnes qui s'intéressent aux actualités congolaisent auront entendu parler du bombé, le nouveau fléau qui sévit parmi la jeunesse.
Toute nouvelle drogue étant potentiellement intéressante, j'ai essayé de comprendre de quoi il était question.
"Bombé" signifie "puissant". La couverture médiatique présente le produit ainsi :
- on l'obtient en raclant des filtres catalytique de bagnoles (ce serait du résidu de pot d'échappement). Souvent est mentionné le mélange avec d'autres produits, sans qu'on comprenne bien quoi fait quoi.
- le produit rend euphorique et hagard, transforme en zombie, et plein de jeunes errent dans la ville, les yeux vides.
Exemples : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210820-rdc-les-dangers-de-la-bombé-une-drogue-artisanale-de-plus-en-plus-consommée-à-kinshasa
www.aa.com.tr
www.radiookapi.net
Attention, le COCKTAIL DE LA MORT !! https://awa-afrika.com/a-la-une/bombe--la-dangereuse-composition-du-cocktail-de-la-mort
Le truc de la "drogue zombie", bon : on nous a sorti ça à chaque nouvelle panique morale. De ce que j'interprète, ça désigne moins la drogue, que le drogué dans l'espace public. En fait, ça désigne des catégories de gens qui n'ont pas les moyens de se droguer tranquillement chez elleux, et qui le font dehors : soit parce que c'est pas possible de le faire en privé, soit justement pour supporter la vie dehors. Ça stigmatise la drogue pour masquer un problème de précarité. Je connais pas la société congolaise, mais c'est en tous cas ce qu'il s'est passé en Europe avec le crack et la "krokodil", aux USA avec les noids... et certains articles insistent sur le fait que les consommateurs de bombé sont des jeunes désœuvrés qui traînent dans la rue, ou des gens pauvres, qui ne peuvent s'acheter de meilleur produit.
La composition me pose plusieurs questions :
- y a-t-il vraiment des résidus de pots d'échappement dans le bombé ? Cela me rappelle les rumeurs autour de la composition de la "chimik" (à la Réunion), présentée comme faite de pots d'échappement et de poudre de néons (!), alors que c'est en fait un blend de noids de synthèse.
- S'il y en a, pourquoi ? Est-ce que c'est psychoactif ? Est-ce pour faire "joli", pour donner un style ? Est-ce la transposition d'une autre habitude, que j'ignore ?
- S'il n'y en a pas, pourquoi inventer ça ?
En fait, qu'il y en ait ou pas, c'est quoi ce délire de se droguer avec des déchets toxiques ? Je dis ça sans condescendance, il y a vraiment un truc qui me questionne. J'ai l'impression que ces rumeurs, avérées ou pas, disent un truc de notre civilisation (en tant qu'elle est globalisée), et plus finement, de la société locale, mais là j'ai pas les billes.
Une "descente de police" dans un "labo de fabrication de bombé" a été médiatisée : dans ces articles, on parle bien de filtres catalyseurs, ce qui semble avérer cette rumeur.
www.aa.com.tr
www.radiopanik.org
Dans le même temps, ces articles mentionnent parfois d'autres produits :
- la nutriline, qui serait un "médicament" ou un "apéritif" en vente libre au Congo. Je sais pas ce que c'est. Je ne trouve que des trucs sur la nutrition des nourissons, genre cathéter pour bébé, je comprends pas le rapport. Exemple : https://vygon.co.uk/product/neonato...catheters-introducers-and-cannulas/nutriline/
- le chanvre, cannabis j'imagine.
- le tramadol. Ça, je connais !
- le diazépam. Je comprends mieux !
- le mungulu. Une plante. Ça fait apparemment partie de toute une petite pharmacopée visant à camoufler l'odeur et l'apparence du cannabis, avec potentiellement une synergie au niveau des effets psychoactifs. Ouah, je découvre un monde là...
- le fond de teint. Bon là on reste sur la même interrogation : info ou intox, style ou défonce ?
Heureusement, en 2023, a eu lieu une petite étude de toxicologie analytique :
pubmed.ncbi.nlm.nih.gov
Pas de pots d'échappement, donc, mais un bon vieux mélange de drogues bien connues. Après, cette étude ne peut pas être représentative. Mais si la rumeur des pots d'échappement était fausse, mon interrogation demeurerait : pourquoi inventer cette composition dégue ? Jusqu'à mettre en scène une descente de police dans un laboratoire clandestin ?? C'est quoi le mythe derrière ? Qu'est-ce que cela signifie ?
Je m'arrête là pour ce soir, mais j'ai trouvé quelques articles à propos du commerce de "bombé", notamment des interviews de dealers.
Il y a quelques années donc, les personnes qui s'intéressent aux actualités congolaisent auront entendu parler du bombé, le nouveau fléau qui sévit parmi la jeunesse.
Toute nouvelle drogue étant potentiellement intéressante, j'ai essayé de comprendre de quoi il était question.
"Bombé" signifie "puissant". La couverture médiatique présente le produit ainsi :
- on l'obtient en raclant des filtres catalytique de bagnoles (ce serait du résidu de pot d'échappement). Souvent est mentionné le mélange avec d'autres produits, sans qu'on comprenne bien quoi fait quoi.
- le produit rend euphorique et hagard, transforme en zombie, et plein de jeunes errent dans la ville, les yeux vides.
Exemples : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210820-rdc-les-dangers-de-la-bombé-une-drogue-artisanale-de-plus-en-plus-consommée-à-kinshasa

RDC : « Bombé », la drogue artisanale qui fait dormir debout à Kinshasa
- Le président de la République, Felix Tshisekedi, a attiré l’attention des membres du Gouvernement sur ce phénomène inquiétant qui sévit depuis quelques semaines et qui touche la jeunesse congolaise. - Anadolu Ajansı

Kinshasa : « Bombé », la drogue qui défigure les jeunes et les plonge dans l’inconscience
« Bombé ». Ce nom est de plus en plus évoqué dans le vocabulaire des Kinois. C’est une nouvelle drogue fabriquée à base des résidus des tuyaux d’échappement des véhicules. Très prisée par les jeunes de la capitale Kinshasa, cette substance toxique ne laisse pas sans conséquences : dormir débout...

Le truc de la "drogue zombie", bon : on nous a sorti ça à chaque nouvelle panique morale. De ce que j'interprète, ça désigne moins la drogue, que le drogué dans l'espace public. En fait, ça désigne des catégories de gens qui n'ont pas les moyens de se droguer tranquillement chez elleux, et qui le font dehors : soit parce que c'est pas possible de le faire en privé, soit justement pour supporter la vie dehors. Ça stigmatise la drogue pour masquer un problème de précarité. Je connais pas la société congolaise, mais c'est en tous cas ce qu'il s'est passé en Europe avec le crack et la "krokodil", aux USA avec les noids... et certains articles insistent sur le fait que les consommateurs de bombé sont des jeunes désœuvrés qui traînent dans la rue, ou des gens pauvres, qui ne peuvent s'acheter de meilleur produit.
La composition me pose plusieurs questions :
- y a-t-il vraiment des résidus de pots d'échappement dans le bombé ? Cela me rappelle les rumeurs autour de la composition de la "chimik" (à la Réunion), présentée comme faite de pots d'échappement et de poudre de néons (!), alors que c'est en fait un blend de noids de synthèse.
- S'il y en a, pourquoi ? Est-ce que c'est psychoactif ? Est-ce pour faire "joli", pour donner un style ? Est-ce la transposition d'une autre habitude, que j'ignore ?
- S'il n'y en a pas, pourquoi inventer ça ?
En fait, qu'il y en ait ou pas, c'est quoi ce délire de se droguer avec des déchets toxiques ? Je dis ça sans condescendance, il y a vraiment un truc qui me questionne. J'ai l'impression que ces rumeurs, avérées ou pas, disent un truc de notre civilisation (en tant qu'elle est globalisée), et plus finement, de la société locale, mais là j'ai pas les billes.
Une "descente de police" dans un "labo de fabrication de bombé" a été médiatisée : dans ces articles, on parle bien de filtres catalyseurs, ce qui semble avérer cette rumeur.

RDC : démantèlement d'un atelier de fabrication de la drogue "Bombé"
- Un Tunisien parmi les malfrats. - Anadolu Ajansı


Radiografi - BOMBÉ, UNE DROGUE QUI RAVAGE KINSHASA
Quel avenir pour la jeunesse ?

Dans le même temps, ces articles mentionnent parfois d'autres produits :
- la nutriline, qui serait un "médicament" ou un "apéritif" en vente libre au Congo. Je sais pas ce que c'est. Je ne trouve que des trucs sur la nutrition des nourissons, genre cathéter pour bébé, je comprends pas le rapport. Exemple : https://vygon.co.uk/product/neonato...catheters-introducers-and-cannulas/nutriline/
- le chanvre, cannabis j'imagine.
- le tramadol. Ça, je connais !
- le diazépam. Je comprends mieux !
- le mungulu. Une plante. Ça fait apparemment partie de toute une petite pharmacopée visant à camoufler l'odeur et l'apparence du cannabis, avec potentiellement une synergie au niveau des effets psychoactifs. Ouah, je découvre un monde là...
- le fond de teint. Bon là on reste sur la même interrogation : info ou intox, style ou défonce ?
Heureusement, en 2023, a eu lieu une petite étude de toxicologie analytique :

Bombé, an undetermined substance that caused an outbreak of illicit drug use in Kinshasa, Democratic Republic of the Congo - PubMed
Thanks to international collaboration, Bombé was documented to be a heroin-based drug and its alleged origin from catalytic exhausts was not substantiated. The local human expertise and technical capacity for undertaking toxicological analyses should be increased in Africa.

Résultats : L'analyse des échantillons de Bombé a révélé la présence d'héroïne (2-12% de l'aire sous la courbe totale des échantillons) et de dérivés opioïdes, de paracétamol (33-72%), de caféine (17-26%), ainsi que de benzodiazépines (5/6 échantillons) et de cyproheptadine (2/6 échantillons). Les concentrations de métaux neurotoxiques n'étaient pas remarquables. Les concentrations médianes (plage) de manganèse et de plomb étaient respectivement de 9,4 µg/g (plage de 3-334 μg/g) et de 0,36 µg/g (plage de 0,1-3,12 μg/g ). Tous les hydrocarbures aromatiques polycycliques étaient inférieurs au seuil de détection (<0,10 µg/g).
Conclusion : Grâce à la collaboration internationale, le Bombé a été documenté comme étant une drogue à base d'héroïne et sa prétendue origine des pots d'échappement catalytiques n'a pas été corroborée. L'expertise humaine locale et la capacité technique à entreprendre des analyses toxicologiques devraient être renforcées en Afrique.
Pas de pots d'échappement, donc, mais un bon vieux mélange de drogues bien connues. Après, cette étude ne peut pas être représentative. Mais si la rumeur des pots d'échappement était fausse, mon interrogation demeurerait : pourquoi inventer cette composition dégue ? Jusqu'à mettre en scène une descente de police dans un laboratoire clandestin ?? C'est quoi le mythe derrière ? Qu'est-ce que cela signifie ?
Je m'arrête là pour ce soir, mais j'ai trouvé quelques articles à propos du commerce de "bombé", notamment des interviews de dealers.
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