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LA PARANOÏA 3 - DÉVELOPPEMENT DU FAUX SELF ET SES RAPPORTS AVEC LES CARACTÈRES ÉGOTIK

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LA PARANOÏA 3 - DÉVELOPPEMENT DU FAUX SELF ET SES RAPPORTS AVEC LES CARACTÈRES ÉGOTIQUES



Le soi est l’ensemble des informations qu’a un individu de lui-même, et auxquelles il peut avoir accès de manière plus ou moins consciente, d'après l'idée ou l'image qu'il se fait de sa personne. L’accès à ces informations se fait par le biais de tendances physiologiques (voir Le monde des sensations) et de mécanismes psychiques (voir Les instances psychiques), de part ses relations intra-personnels (la qualité de son dialogue intérieur) et interpersonnels (ses relations sociales). Pour faire simple, l'on partira du fait que la connaissance de soi peut se comprendre dans deux dimensions que sont le concept de soi et l'estime de soi, cette dernière dépendant de la façon dont on interprète et évalue ces informations à partir de plans cognitif, émotionnel, comportemental et social. Il s'agirait donc dans une perspective épigénétique, de se concentrer sur la façon dont la personnalité est influencée et modulée par son environnement, et inversement.​

Définition du self (le soi) en psychanalyse :​

Le self est le fondement du symbole, qui donne à l'individu le sentiment d'exister, l'impression de son identité, de son intimité. En se développant dans le contact avec l'environnement, il est ce que nous reconnaissons comme étant nous-même, nous représentant spécifiquement. A partir des travaux de Jung, le soi s'est surtout référé à la vision qu'en avait Donald Winnicott dans la seconde moitié du 20ème siècle, celui-ci ayant notamment distingué le vrai-self du faux-self :​

- Le vrai-self est un état d’esprit dans lequel l'individu a suffisamment confiance en lui, et en l'environnement, pour s'exprimer tel qu'il est, c'est à dire être lui-même en s'affirmant avec honnêteté, sincérité et spontanéité. Il accepte ainsi de montrer sa vraie personnalité, en étant naturellement soi-même. Le soi désignerait donc l'image réaliste que le sujet se fait de lui-même, et qui correspondrait à une vision avérée de sa personne, perçue au travers d'un sentiment d'adaptation complaisant, d'idées adéquates sur soi et le monde, et d'actions appropriées dans sa réalité. Le vrai self se retrouve spontanément dans ses relations sociales, quand l’individu a intégré les exigences instinctuelles nécessaires à une harmonie en soi, à une sérénité bien-portante et bienveillante avec son entourage. C'est une "position théorique d'où proviennent à la fois le geste spontané et l'idée personnelle, le geste spontané étant un vrai-self en action. Seul le vrai-self peut être créateur et lui seul peut être ressenti comme réel", selon Winnicott.​

- Le faux-self se construit prioritairement comme une adaptation à l'environnement, lorsque l'on est en décalage avec sa réalité, dans une confusion entre ses passions et besoins, ses envies et désirs, mais aussi ses espérances, ses ambitions et autres idéaux (voir relation entre ses morales, hontes et culpabilités). Le faux self, autrement dit les masques produits par son ego à partir de ses complexes, de ses manques à être, est une instance psychique constituée pour s'adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante, et prévenir de frustrations et déceptions possibles. C'est donc à partir de ses anticipations et autres ruminations, que l'ego produit dans l’esprit de l’individu une image de soi défensive, surestimée ou dévalorisée en fonction de ses réactions inadaptées et inappropriées à l’environnement, d'après toutes ses attitudes représentatives des rôles qu'ils nous seraient imposés de jouer pour maintenir tant bien que mal les apparences indispensables à notre équilibre mental. Il s’agit là pour l’individu d’investir son moi au travers de quelques illusions et autres sublimations, de faire preuve d’ego afin de masquer sa vraie personnalité aux autres et à lui-même, et d'ainsi ne pas se mettre en défaut en se rendant compte qu'il est dans des postures correspondant aux attentes d'autrui, mais allant à l’encontre de sa manière d’être naturelle. Le faux-self révèle cette dissociation interne à travers un certain conformisme, des attitudes sociales réservées et toujours polies, ou de bonnes manières dans ses rapports aux autres (c'est toute la problématique éthique de l'indispensable hypocrisie et du respect que chacun doit à autrui et à lui-même, vaste sujet).​

Le faux-self a donc une fonction d'adaptation et de protection du vrai-self​

Le faux-self est ainsi essentiel individuellement comme socialement, en ayant la fonction positive et très importante de dissimuler le vrai-self si ce dernier est trop fragile ou inadapté, en se soumettant aux exigences de l'environnement. Winnicott, pour qui le terme "self" concernait directement le fait de vivre, distingue cinq degrés d'organisation du faux-self, selon différentes situations rencontrées allant de la plus banale et agréable, à la plus inconvenante moralement, et désagréable physiquement comment psychiquement :​

- Dans une relation sereine, commune et sécurisée, le faux-Self autorise l'expression spontanée, confiante et sincère de soi en société, par des attitudes à priori polies, des manières sociales adaptées aux autres, ainsi que respectueuses des conventions ou des lois (de l'ordre en vigueur). Il établit le contact avec autrui et soi-même, maintient à distance ce et ceux qui nous déplairaient sur le moment, tout en préservant son intimité. Le vrai-self en symbiose avec un environnement qu'il maitriserait, peut alors s'exprimer avec qui il veut dans une relation d'objet plaisante, dès que l'individu le souhaite.​

- Dans une relation où l'individu serait embêté, sa personnalité chercherait à s'identifier à des tiers afin de mimer un comportement favorisant son adaptation. Ce mimétisme social tiendrait lieu de faux-self en permettant à l'individu de bien paraitre, en s’accommodant de sa réalité via des apparences conformes et rassurantes. Le vrai-self parviendrait ensuite à s'exprimer relativement facilement à travers d'identifications de types sympathiques ou empathiques par exemple (voir les trois formes d'empathie et de sympathie, les mécanismes de défense de type identification projective).​

- Dans une relation où l'individu serait mal à l'aise, le Faux-Self rechercherait des conditions idéales pour permettre au vrai-self de s'exprimer, en tentant de trouver une adaptation adéquate avec l'environnement. On retrouve là le même processus identificatoire et salvateur que lorsque l'individu est dans l'embarras, mais à un degré plus élevé de gène. Il y a donc un paraitre plus important, au travers de masques d'ego plus proéminents. De manière naturelle mais inauthentique, l'individu inquiet et incertain joue des rôles de convenances, en n'étant pas vraiment lui-même. Cette perte de liberté dans l'inauthenticité et l’hypocrisie est le prix à payer pour être reconnu et accepté dans le jeu des relations sociales en général.​

- Dans une relation de gène totale (forte honte ou intense culpabilité), le faux-self maintient le vrai-self sous protection en déniant ou refoulant les objets jugés hostiles ou comme persécuteurs, afin de préserver l'individu d'un environnement perçu comme menaçant ou nocif pour son intégrité psychique ou physique. L'anxiété et l'angoisse sont manifestes, l'individu adoptant des réaction de fuite, de stagnation, ou de défense. En se clivant en lui-même pour ne pas s'avouer ses manques à être, ses faiblesses et autres vulnérabilités, le sujet présente autant de moi qu'il a de complexes, pour s'adapter à sa réalité qui ne lui convient pas, sur le moment, mais aussi dans sa vie de tous les jours (voir l'anxiété généralisée qui se complait de nos angoisses existentielles en nous tourmentant inlassablement, plus ou moins consciemment).​

- Dans un cas de situation extrême (angoisse, paranoïa, phobie, forte dissociation, risque de décompensation, etc), le faux-self recouvre entièrement la personnalité, et il se confond avec celle-ci en laissant en toute situation une impression de fausseté dans la relation. Le vrai-self est alors inapparent, totalement dissimulé aux autres, et à soi. L'individu souffre de la situation qu'il subit en société, mais aussi dans son for intérieur, et la tension entre vrai et faux-Self est créatrice de différents handicap dans sa vie sociale et personnelle (voir les innombrables et permanents dommages de la somatisation quand on déni ses complexes psychiques, que l'on s'y perd dans ses contradictions en cherchant à dominer sa vie émotionnelle au lieu de composer en toute complicité avec elle). L'individu effrayé de lui-même, ne se reconnait plus, et évolue à côté de sa personne (voir les corrélations entre nihilisme, névrose, dissociation, état de dépersonnalisation et de déréalisation).​

Sans tomber dans un pessimisme nihiliste facile, en comprenant post désillusion que ses nécessités et déterminismes gouvernent en grande partie notre vie, je vous dirais que tout n'est pas perdu d'avance et voué à la fatalité. L’organisation du faux-self se mettant très tôt en place dans la vie, sa relation avec le vrai-self a donc toutes les chances d'évoluer, notamment en fonction de l'environnement dans lequel va se développer l’individu, mais aussi selon la qualité de son éducation. Les rapports entre vrai et faux-self évoluent donc tout au long de sa vie, quand chacun s'adapte comme il le peut à son environnement, avec les moyens qu'il a reçu et qu'il acquiert. Dans une perspective existentielle de développement personnel, serait envisageable un travail introspectif visant à améliorer sa vision des choses, son estime de soi, en se reconnaissant dans sa propre vie mêlée à celles de ses chers contemporains (l'indispensable altérité), et ce en permettant de gagner à être soi plutôt que de paraitre ou de chercher à avoir, à accumuler des possessions vaines et entretenant nos illusions d'exister grâce aux bien matériels que nous possédons, qui nous possèdent. Cette volonté d'aller mieux, de faire ce qu'il nous plait, de s'accomplir en s’épanouissant dans une réalisation de soi, peut aussi se faire via un travail thérapeutique avec l'aide de divers spécialistes.​


LE RÔLE DU POTENTIEL INTELLECTUEL DANS LA CONSTRUCTION DU FAUX-SELF

Dans le cas d'un faux self établi chez une personne avec un potentiel intellectuel important, l'esprit tend à devenir le siège du faux self, emprisonnant l’individu dans une vision clivée de lui-même, dans un dualisme corps/esprit où il fera inévitablement preuve d’égo, pour rassurer sa propre personne et son entourage, de ses propres peurs et des éventuelles pressions de son entourage. On peut ainsi observer des réussites scolaires ou sociales brillantes, qui sont l'œuvre de faux-selfs, explicables en partie par le développement de sa structure paranoiaque. Il faudrait là prendre en compte la souffrance de l'individu, qui corrélée avec une mauvaise foi trompeuse due à une mauvaise estime de soi, n'en est pas moins réelle. Et ce même s'il est difficile de la percevoir quand chacun (se) cache plus ou moins sa souffrance, par exemple en réagissant en affirmant sa supériorité en réponse à un sentiment d’infériorité latent, que ça soit dans ses relations sociales ou dans le travail. Il est possible même que la souffrance de l'individu s'accroisse à mesure de sa réussite universitaire, entrepreneuriale, académique ou sociale, avec une impression de fausseté de plus en plus apparente (voir l'imposture généralisée dans la société).​

Appréhender son nihilisme​

L’individu intelligent, mais se mésestimant moralement inconsciemment, en viendrait à se rassurer consciemment dans une vision égotique de sa personnalité, au travers de morales justifiant ce qu'il n'apprécie pas chez lui, notamment en projetant tout ce qui le dérange sur autrui (hypocrisie, égocentrisme, mécanismes de défense et faux semblant +++, ce sont les tenants et aboutissements des multiples rôles que peut prendre le caractère de l'imposteur, aujourd'hui prédominant dans notre société du spectacle). En découle régulièrement chez l'individu des moments où ses tensions entre le vrai et le faux-self deviennent trop fortes, lorsque ses contradictions morales internes (entre le "faites ce que je dis mais pas ce que je fais") deviennent en lui intenables, mais aussi dans ses relations sociales, avec le monde auquel il serait soit disant "connecté", mais qui pourtant lui parait comme hostile. C'est alors qu'en fonction de son éducation et de son environnement, chacun rentre tôt ou tard dans un processus d'autodestruction, lorsqu'il ne peut plus nier son nihilisme, sa part sombre qui manifestement le tourmente de plus en plus consciemment. C'est par exemple la problématique adulescente du passage de l'adolescence à l'âge adulte, mais encore la crise de milieu de vie, bien que l'on soit en permanence en phase à des questionnements existentiels, chacun les abordant à sa façon (qu'il s’agisse de les dénier en se remettant à plus tard dans un oubli de soi nihiliste commun, ou d'y réfléchir en pensée dans une volonté d’introspection menant à des actions éthiques concrètes).​

Dépasser sa haine de soi​

Comme on peut le constater tous les jours, la dépréciation de soi s'exprime de manières diverses et avec des intensités variées, sur différents plans tel que le somatique (affections psychosomatiques, auto-mutilations, ou autres consommations addictives en tout genre), ou sur le psychiatrique via des troubles de la personnalité (névroses, psychoses, paranoïa, auto-accusations, hontes et culpabilités marquées). Mais par ailleurs, une grande intelligence permettrait de compenser l’inadéquation qu'entretient l’individu avec son environnement, et d’ainsi lui assurer un développement psychoaffectif relativement satisfaisant, dans lequel ses peurs et angoisses reculeraient idéalement au profit d’un éveil personnel émancipateur (l'individu deviendrait alors qui il est, rien de plus et rien de moins, sans plus dépendre d'exigences familiales et socio-culturelles contraignantes. Il s'agirait de "se faire liberté"). On comprend donc qu'au fil de son évolution, le faux-self permet à l'individu intelligent de se protéger de lui-même en se cachant ses propres vérités, qui au fond de lui l'effrayent et le tourmentent, qu'il en soit plus ou moins conscient selon ses qualités d'auto-observation et d'auto-analyse.​

Différents types de faux self, symbolisme et éthique de vie, ou comment comprendre ses différentes manières d'être​

Il y aurait au moins deux types de faux-self, les premiers n’employant que relativement peu de symboles et faisant preuve de beaucoup d’égo pour s'affirmer vulgairement et maladroitement, et les seconds plus intelligents/hyperactifs du fait d'une sur-sollicitation de leur cerveau, se montrant plus respectueux, éduqués et engagés, mais aussi adaptables, malléables et interchangeables. Le premier groupe de faux-self est relativement primaire, direct et sans filtre/censure, quand le second groupe est plus maniéré, secondaire et apte à ne pas se livrer puérilement ou naïvement. Cette forme d'intelligence émotionnelle et intellectuelle permettant de plus grandes nuances, est souvent moralement préférée en société, mais l'on n'abordera pas là la question de l'obéissance et de la liberté. Vis à vis de l'individu, l'intelligence est nécessaire et salvatrice lorsqu'elle compense les trop importants défauts qu'il a avec son environnement, ses manques à être qui occasionnent frustrations et déceptions, mais aussi des preuves d’égo et des volontés de possession, d'avoir dans le paraitre. Ainsi une intelligence bien utilisée permettrait d’utiliser un faux-self sans pour autant montrer trop d’égo, en prenant du recul sur soi et les situations, mais aussi sans trop (se) mentir.​

Les troubles les plus communs de la personnalité surviendraient surtout lors d’un renforcement du faux-self, quand l’individu se fondant sympathiquement dans son environnement, en viendrait à se leurrer en adoptant des rôles qui ne correspondent pas à sa personne (ego +++).​

D’un point de vue comportemental, alors que son état de santé mentale s'aggrave au fur et à mesure qu'il (se) joue d'illusion, l’individu est souvent socialement considéré comme bien portant par son entourage, du fait même de sa bonne adaptation parmi ses contemporains (l'une des principales caractéristiques du faux-self). La comédie humaine qui se joue alors est permise par l’action négatrice des faux-self vaniteux de l’entourage de l'individu, évitant à chacun de percevoir et de se confronter véritablement à la souffrance d’autrui dans un manque d'empathie et d'altérité, mais aussi d'éviter à chacun de se rendre compte de sa propre souffrance, de ses propres rôles induits par son ego, qui est le meilleur des scénaristes. A l’échelle d’une société, les egos se protègent collectivement dans un aveuglement vaniteux généralisé, fondé sur l’ethnocentrisme commun à une somme d'individualités égocentrées dans un même moule culturel, et tendant toujours plus à une forme d'uniformisation individualisante dans un monde globalisé (c'est la surconsommation au service de l'illusion d'exister au travers de ses vaines possessions, qui sont la pâture des faux-semblants, des belles apparences trompeuses d'une réussite conformiste).​


FAUX SELF ET SENTIMENT D’INCOMPLÉTUDE DANS LA PARANOÏA, EN LIEN AVEC LE BESOIN DE DIRECTION MORALE

Vis à vis des états d'incertitude, d'inquiétude, de méfiance et de paranoïa, les travaux de Janet à propos du sentiment d'incomplétude sont intéressants. Pour distinguer quatre principales dimensions éthiques et morales, remarquons :​

- L'incomplétude dans les émotions, où se retrouvent les variations de l'humeur et les angoisses latentes​
- L'incomplétude dans les opérations intellectuelles, où se rangent les sentiments d’étrangeté, de déjà-vu, de fausse reconnaissance, de doute​
- L'incomplétude dans l'action, où se rencontrent les sentiments de difficulté, d'inutilité de l'action, puis d'automatisme, de domination, de mécontentement, d'intimidation, de révolte​
- L'incomplétude dans la perception de sa propre personne, où opèrent les phénomènes dissociatifs, soit l'étrangeté du moi, le dédoublement de soi, la dépersonnalisation et la déréalisation​

Toutes ces incomplétudes permettent de dresser un tableau pathologique de la psychasthénie, c'est à dire la névrose liée à une baisse de la tension psychologique, caractérisée par des troubles psychiques (absence d'attention, impuissance à agir, manque de résolution, doute permanent, perte progressive du sens du réel), accompagnés généralement de troubles physiques (angoisse, manque d'appétit, insomnie, céphalées et algies diverses). Tous ces symptômes révélant les quatre principales formes du sentiment d'incomplétude, se retrouvent en partie dans les troubles de la personnalité paranoïaque.​

Du soma à la psyché, de l'émotionnel à l'intellectuel, du besoin d'être aimé au besoin de direction morale​

Toutes ces insuffisances psychologiques sont donc corrélées à des symptômes se manifestant dans des opérations d'ordre émotionnelles et intellectuelles, favorisant le développement de faux-self. Par exemple dans l'inefficacité des actes sociaux, au travers de l'aboulie (perte de vitalité, diminution ou la privation de la volonté) - spécialement professionnelle, lorsque l'individu se perd dans un travail qui ne lui correspond pas, qui le dévitalise plutôt qu'il ne l'épanouit et le motive, en tirant trop peu satisfaction d'un travail pas toujours bien fait. Tout individu a un besoin de stimulation, de direction morale, c'est à dire d'être guidé pour se réaliser dans des actions éthiques. Autrement il se retrouve livré à ses procrastinations, ses passions tristes, ses pulsions de mort, à ses tendances autodestructrices, aux idéaux collectifs, à l'avis d'autrui, c'est à dire à son nihilisme qui l'empêche de s'émanciper en s'individuant, en ne faisant pas ce qui lui plait (il suit donc les tendances du troupeau dans un processus d'individualisation, guidés par les bergers de la publicité, des médias de masse en connivence avec les professionnels de la politique). La paranoïa en lien avec ses faux-self aurait elle pour rôle de nous faire nous raconter des histoires, afin de nous rassurer quand au monde qui nous entoure, dans la plus grande escroquerie de soi ?​



Article suivant : LES ORIGINES DE LA PARANOÏA
 
Passionnant ce tableau des relations entre faux et vrai selfs. L idée que le faux self se développe en protection du soi et selon l intensité de l hostilité ressentie dans l environnement paraît pertinente pour comprendre les états psychiques individuels.

Les travaux de Janet sur le trouble des personnalités doubles ou multiples sont fondamentaux pour comprendre la construction aux alentours de 1880 de la notion de polypsychisme. De là, la prise de conscience que l individu est potentiellement pluriel dans ses rapports au monde, contribue à permettre de comprendre les modes psychiques de défense.

Parmi les penseurs de la psychologie scientifique, de laboratoire, Janet, à partir de l' étude des hystériques, se propose d isoler les différentes personnalités alternantes et de définir leurs rôle de défense pour un potentiel soi originel.

Il s agit moins dès lors de définir les vraies ou fausses personnalites que de renfondre entre eux ces différents états pour restaurer l illusion nécessaire de l unité psychique.

Je te conseille la lecture de L âme réécrite de Ian Hacking.

J aurais néanmoins une interrogation :

Peut on, au delà de la praticité d une schématisation faux-vrai self, considérer le soi comme autre chose que le résultat des interactions entre le petit point intérieur qui se développe des la naissance d un individu et son contexte social, pédagogique, familial etc?

Le soi existe-t-il autrement que comme une toile interactionnelle entre la vie psychique et les stimulations externes ?
 
Merci pour ce retour :)

Par rapport à ta question sur le soi, j'avais proposé un article sur le sujet qu'est le soi dans ses généralités et spécificités (http://www.psychonaut.fr/thread-31493.html) mais qui s'apparente à une sorte de bricolage que j'avais fais l'année dernière (j'étais fatigué à cette époque, je n'avais pas bien fignolé le travail sur cet article, comparé aux autres instances psychique freudiennes). Bon il y a des infos pertinentes sur la vision psychanalyste du soi, mais on peut aller voir au delà je pense.

En gros je terminais l'article par cette conclusion :

Le soi est une sorte de point virtuel entre conscient et inconscient, englobant le moi et au centre des boucles dans lesquelles nous évoluons constamment, quand nous répétons des actes dans un processus d'individuation. Le soi est aussi ce qui nous connecte au cosmos, au "Tout" environnant, qui nous fait prendre conscience que de la poussière on en retourne toujours à la poussière, dans la grande boucle qu'est notre existence, prise elle-même dans l'infinité des boucles du vivant. Aussi il se manifeste par des symboles, s’exprime dans des moments difficiles où le moi est en échec et ouvre la voie à de nouvelles compréhensions. Ce désir de retour à l’origine, représente pour Jung par la quête du héros, est une recherche de soi-même qui peut se perdre dans la régression fusionnelle si elle n’est pas menée par un moi conscient qui se confronte aux opposés et qui peut se dire : « Je suis porteur de bien et de mal ; d’ombre et de lumière ; mon désir de totalité est une défense contre la confrontation à ma petitesse. »

Disons que je laissais possible une (faible) hypothèse mystique à l'instance qu'est le soi, mais autrement je dirais aujourd'hui que le soi n'existe pas, en tant qu'il n'a pas de consistance matérielle, un peu comme l'âme. Le soi n'existe que si l'on y croit, si l'on croit en soi (et en autrui, vu qu'on entretient tous notre moi dans nos relations sociales où l'on se reconnait en tant qu'individu à part entière, doté d'un ego porteur de sens, du sens de son existence, en gros c'est notre ego qui nous fait dire "moi je" en s'incarnant symboliquement dans une image de soi, une représentation mentale, que l'on nomme "soi").

Donc d'un côté il y a le corps qui existe en étant matière, d'un autre côté l'esprit immatérielle qui baigne dans l'imaginaire et le symbolique, et à la jonction des deux toutes les intéractions neuronales et physiologiques qui animent l'être vivant dans son étant, via son cerveau. Donc le cerveau serait le siège de l'âme, et le soi la totalité de l'être en tant qu'il est corps et esprit, dans une représentation symbolique (en gros dire soi est un anthropomorphisme, cela ne parle qu'aux êtres humains baignant dans le langage, par exemple aucun animal ne reconnaitra le soi, puisque l'animal est plus qu'il ne parait, en n'ayant pas assez conscience de lui-même pour se mettre en représentation dans une projection imaginaire et symbolique de sa personne).

Après on peut commencer à distinguer quels animaux sont plus aptes à se reconnaitre dans un miroir, c'est à dire à comprendre qu'ils sont face à une image d'eux, et n'ont pas face à leur être, enfin on voit qu'il y a là des degrés de perception dans la conscience de soi. Mais déjà que l'humain dit "c'est moi" lorsqu'il se regarde dans un miroir au lieu de dire que c'est l'image de soi qu'il voit, alors on ne va pas demander aux animaux de disserter sur leurs apparences lol.

Maintenant si l'on veut croire en un Soi avec une majuscule, qui serait connecté à je ne sais quelle divinité mystico-écologique, personnellement je n'y adhère pas parce que je n'y crois pas. Mes recherches métaphysiques ne basculent pas dans l'ésotérisme quand je flirte avec les limites de la croyance. J'admets uniquement que l'individu est connecté à son environnement de part ses sens lui permettant de percevoir l'immédiateté du monde, mais aussi via son intuition lui permettant de percevoir l'infiniment grand et petit, ce que les sens ne permettent pas d'appréhender. Au delà je ne crois en aucune relation mystique, mais juste aux relations sociales, familiales, etc, comme tu l'as présenté, dans le sens où le soi est une construction mentale de l'image que l'on se fait de soi, et que l'on ressentirait spontanément surtout, c'est à dire dans le moment présent quand on se sent en tant qu'individu formant une totalité dans une harmonie entre corps et esprit, fondu dans un environnement, un contexte, une ambiance.


Si certains sont intéressés par le sujet, et prêt à gravir les pentes de ma "folie" théorique, j'ai développé dans ce Tr fictif les relations que j'ai vu entre le soi, le narcissisme, le moi, l'ego, la honte, la culpabilité, et son nihilisme dans la dissolution de l'ego (l'ego death, le passage de vie/mort/renaissance), le tout dans une perspective existentielle de développement personnel, pour advenir à soi en surmontant ses difficultés au quotidien, en gros voir comment entrer par la réflexion et l'émotion dans un processus d'individuation pour être soi, sans plus ni moins que soi.

http://www.psychonaut.fr/thread-31671.html
 
Coucou Lara,

Bien plus que le siège de l’âme, qu’il est surement temps de mettre de coté en tant que concept, si je puis me permettre ^^, le cerveau est « soi », en constante évolution, toujours et jamais identique. D’un coté tu as les mécanismes électriques cérébraux qui permettent de décrypter le sommeil, l’état attentionnel etc. De l’autre, le modèle chimique, les neurotransmetteurs qui déterminent en grande partie, humeur, énergie, etc. Ces deux modèles travaillent en synergie pour maintenir l’illusion du « soi », un soi comme tu le soulignes en interactions constantes avec les boucles conscientes/inconscientes, avec l’environnement, la réalité etc. La stabilité de ces deux modèles détermine en grande partie le monde dans lequel chacun vit : une parano ne vit pas dans le même monde qu’un croyant qui lui-même ne vit pas dans le même monde qu’un nihiliste, etc.
Depuis les années 50 (pour faire synthétique et pas trop loin), en Occident, les chimistes et pharmacologues créent des psychotropes et des molécules qui inhibent ou stimulent la neuro-transmission en vue d’influencer sur les différents états du « soi ».
Depuis le début du 21e siècle, la stimulation cérébrale profonde, considérée comme une nouvelle frontière dans le champ de la psychiatrie, influe sur les addictions, les toc, les troubles thymiques etc.
Cette technique hérite d’une vieille tradition à l’interface de la psychochirurgie et des projets de type « mind control » élaborés aux usa, à l’université de Tulane notamment.
Le soi organique, dynamique, électrochimique est depuis longtemps l’objet de manipulation, d’interventionnisme médical dans les domaines de la psychiatrie mais également dans celui du enhancement (amélioration de ses compétences cognitives) renforcé par les perspectives transhumanistes.

quelques lectures en français:


Le libre arbitre et la science du cerveau Broché – 19 avril 2013
de Michael S. Gazzaniga (Auteur), Pierre Kaldy (Traduction)

Le cerveau et le monde interne 18 février 2015
de Mark Solms et Olivier Turnbull

L'Ame réécrite. Etude sur la personnalité multiple et les sciences de la mémoire9 mars 2006
de Ian Hacking

et une énorme littérature en américain sur l'influence de la stimulation électrique sur la personnalité.
 
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