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Guest
Dans le langage courant, l’empathie se définit comme un moyen permettant de se mettre à la place de l'autre. Cette définition n’éclairant pas vraiment la notion d’empathie, qui possède en réalité plusieurs facettes, la confusion entre empathie et sympathie est souvent faite, comme les termes semblent proches lorsqu’il s’agit de ressentir les émotions d’autrui. Mais si sur le plan affectif, ces deux notions peuvent opérer de manière similaire, les théories modernes y voient des distinctions évidentes. La différence entre empathie et sympathie se préciserait donc au niveau cognitif, et je vous propose de voir plus en détails les champs d’action de ces deux concepts, présents au quotidien dans nos relations sociales.
Sympathie :
Attrait naturel, spontané et chaleureux qu'une personne éprouve pour une autre.
Concordance entre deux ou plusieurs personnes que rapprochent certaines affinités, certains goûts ou jugements communs.
Fait de s'associer aux sentiments d'autrui, de ressentir la joie ou, le plus souvent, la douleur d'autrui.
Empathie :
Compréhension des sentiments et des émotions d'un autre individu, et de ses états non-émotionnels, comme ses intentions et ses croyances.
Capacité de décentration par rapport à soi, pour percevoir et se représenter les ressentis et états mentaux d’autrui, mais sans nécessairement s’en préoccuper.
Partager et comprendre de manière empathique, les états émotionnels et affectifs des autres, et se sentir des affinités avec autrui en étant sympathique, est essentiel lors de nos interactions sociales. Mais si la sympathie est orientée vers le bien-être d'autrui, en ressentant et partageant leurs états affectifs, l’empathie semble plus neutre dans sa finalité. La proximité des deux notions venant du fait que l’empathie s’enracine dans la notion plus ancienne de sympathie, si le fait de ressentir les émotions est leur principale caractéristique commune, l’empathie peut adopter un caractère plus intellectuel en interprétant et comprenant l’émotion de nos paires, sans pour autant la partager. De plus, l’individu empathique est capable d’effectuer une distinction entre soi et autrui, et de réguler ses émotions. De fait, l’empathie favoriserait une observation objective d’un état émotionnel, contrairement à la sympathie où le partage affectif serait inter-subjectif.
L’empathie revête trois dimensions qui sont d’ordre imitative, émotionnelle et cognitive. L’empathie peut donc s’aborder comme une simple contagion émotionnelle, une manière de ressentir et partager émotionnellement les états affectifs d’autrui, et une manière de percevoir les émotions et états mentaux, en les comprenant de manière rationnelle. Une écoute attentive est donc primordiale dans le processus empathique cognitif, afin d’interpréter au mieux les points de vue extérieurs et actes isolés de ses contemporains. Aussi se représenter leurs intentions et affections, n’implique pas nécessairement de jugement de valeur ou un partage émotionnel, néanmoins un témoignage affectif peut s’opérer dans la relation. Mais ce partage affectif ne sera pas forcément identique à l’émotion d’autrui, comme nous gardons notre identité lorsque nous faisons preuve d’empathie. En d’autres termes, l’affect partagé sera ressenti avec une moindre intensité qu'autrui, et sans que nous nous oublions dans son émotion, comme lorsque nous sommes sympathique. C’est pourquoi nous ne rigolerons ou pleurerons peut-être pas comme autrui, autant que lui, en gardant une certaine mesure de l’émotion perçue, ainsi qu’une distance avec cette même émotion que nous partagerions. Si le partage émotionnel et la compréhension intellectuelle peuvent s’articuler dans l’empathie, ils sont opposés à la tendance comportementale mécanique de cette dernière. Le fait de reproduire par contagion émotionnelle dite empathique, les postures, les mimiques, ou plus largement les expressions verbales et faciales d’autrui, en mimant automatiquement son comportement sans nécessairement s’en rendre compte ou le vouloir, échappe à la dimension cognitive et à toute mesure des affects. Mais un premier mimétisme permettrait une éventuelle compréhension ultérieure des états émotionnels observés, dans le cas où l’imitation serait le vecteur initiatique de l'affectivité dans l'empathie. Et si la perte identitaire momentanée dans le processus mimétique empêcherait donc la tendance objective de l’empathie, une individualité suffisamment constituée, serait capable de réguler son oubli de soi, en ne s’immergeant que partiellement dans l’émotion d’autrui, partageant alors un affect sans mettre de côté sa propre identité.
Ainsi de l’aptitude consciente à s’imaginer ce que ressent autrui, tout en pouvant éprouver ses ressentis, jusqu’à la tendance inconsciente de reproduire par contagion les émotions que nous percevons, l’empathie intervient dans un large spectre de nos capacités de communication, toujours en conservant une distance entre soi et autrui. Il est alors important de préciser que l’empathie n’est ni bonne ni mauvaise, et que son éthique repose sur la manière dont on l’utilise. Par exemple, un acte cruel nécessite une disposition empathique pour connaitre le ressenti d’autrui, afin de tirer plaisir de sa souffrance en la mesurant, quand un acte altruiste, nécessite aussi une disposition empathique, pour reconnaitre la souffrance d’autrui, et l’aider à la surmonter en sachant quoi faire à sa place, si celui-ci est trop épris par son émotion pour s’en sortir.
A l’opposé, la sympathie est plus orientée dans son but, en nous faisant adopter une attitude bienveillante à l’égard d’autrui. Et ce en cherchant à réduire ses souffrances, quitte à partager une émotion qui n’est pas la sienne. Effectivement en rencontrant l’affection d’un autre par sympathie, si celle-ci est perçue comme désagréable, nous nous y identifierons tout en cherchant à s’en détacher, comme nous ne voudrions plus voir autrui en pâtir, et ainsi retrouver une émotion plus agréable en nous, alors qu’autrui continuerait de souffrir. On atteindrait ici la limite du processus sympathique quand il s’agit d’entraide, parce que si rire avec quelqu’un pour le soutenir permet de l’aider à ne pas rester seul dans une discussion, dans un cas plus grave, partager la douleur d’autrui pour ensuite la fuir afin de ne plus la ressentir soi-même, ne l’aidera aucunement à ne plus souffrir. Être sympathique ne revient donc pas toujours à exactement refléter l’émotion partagée, il s’agit en fonction de la situation, d’adopter plus ou moins l'affection d'autrui, si celle-ci est jugée bonne ou mauvaise. Dans le cas où l’on perçoit l’émotion comme négative, nous chercherions à nous en détacher pour nous sentir en sécurité, ne partageant ainsi plus la même émotion qu’autrui, quand dans le cas où l’émotion perçue serait positive, nous pourrions nous y identifier et y participer en l’imitant, et ce sans garder de distance entre l’affection partagée et soi-même.
Comme pour l’empathie, la reproduction des comportements est un vecteur moteur de la sympathie, aussi on distingue trois formes de sympathie qui sont de l’ordre de l'identification, de l'aspiration et de la participation sociale. La sympathie permet donc de respectivement se retrouver en autrui, comme dans une âme-sœur par exemple, de trouver en autrui des qualités que l’on souhaiterait avoir, et de s’en inspirer, et d’individuellement se trouver des affinités sociales ou groupales dans un système ou une collectivité, ou vis à vis d'objet inanimé. La sympathie opère donc consciemment, de la simple acceptation et compréhension des sentiments et capacités du prochain, jusqu'à la pleine identification à ses affections, amenant à les reproduire inconsciemment au point de perdre toute mesure de l’émotion quand à sa propre individualité. Il ne s’agit pas ici de contagion émotionnelle, mais d’une reproduction comportementale en mettant sa personne de côté, pour mieux accepter et mimer les caractères de ses contemporains, ce qui peut grandement faciliter les relations sociales. Alors qu’en situation d’empathie, si l’émotion ressentie est similaire à l’émotion vécu par autrui, l’expression de l’émotion ressentie se situe entre l’absence de réponse émotionnelle, pouvant s’apparenter à de la froideur, et une réponse émotionnelle trop intense, pouvant déstabiliser l’individu, et le mener à un état de stress ou de panique.
Il peut en résulter une coupure émotionnelle, suite à la difficulté de réguler ses émotions. Cette réaction est caractérisée par le souci égoïste de réduire la souffrance naissante en l’individu, comme lorsqu'en étant sympathique l'individu ressentant la douleur d'autrui, change son affection pour se sentir lui-même mieux. Il faut bien comprendre que la coupure émotionnelle peut s’opérer face à n’importe quelle émotion, lorsque l’individu se retrouve en détresse, devant un sentiment de tristesse ou de joie. Face à un sentiment qui le dépasse, nous en venons à nous couper de nos émotions pour ne pas nous faire submerger par celles-ci, allant jusqu’à refouler l’émotion d’origine empathique ou sympathique. La coupure émotionnelle est donc un processus pour se mettre à distance d’affects que l’on redoute et de la souffrance qu’ils occasionneraient, le plus souvent inconsciemment, mais aussi pour prévenir d’une perte de contrôle, faute de trouver un équilibre entre nos émotions et notre raison. A notée qu’en situation d’urgence, se couper de ses émotions permet de se parer de toute contagion émotionnelle jugée dangereuse, et rester lucide face à un danger peut nous sauver la vie, quand d’autres la perdront, paralysés par la peur.
EXEMPLES
On retrouve l’empathie dans la culpabilité, lorsqu'une fois sorti de notre affection nous empêchant une vision claire de la situation, nous estimons que nous n’aurions pas du faire ceci, ou que nous regrettons d’avoir dit cela. Autrement nous pouvons nous représenter la tristesse de quelqu’un sans pour autant la ressentir, comme lorsque nous regardons un journal télévisé, montrant des gens malheureux parce qu’ils ont subi un bombardement massif, et face à l’effroi sur leur visage nous comprenons qu’ils vivent des heures tristes. Aussi de l’empathie à la coupure émotionnelle il n’y a qu’un pas, puisqu’à force de voir des images terribles sur un écran, nous les banalisons sans ne plus percevoir la tristesse d’une situation dramatique, et ce d’autant plus que l’action se passe loin de chez soi.
Pour aborder plus gaiement la convergence entre sympathie et empathie, intéressons nous de nouveau au rire, quand nous ressentons ensemble un sentiment de gaieté en partageant un fou rire lors d’une contagion émotionnelle,où pour cela il suffit qu’une personne à côté de nous rie sincèrement, pour susciter en nous un rire nerveux. De manière sympathique nous répondrions à un rire pas forcément sincère par un autre rire plus ou moins sincère selon son degré de crédulité.
Plus différemment, nous serons toujours à même de rire en étant sympathique qu’empathique. De fait lorsqu’un tiers fait une blague, que celle-ci nous soit réellement drôle ou pas, en étant sympathique nous allons en rire afin de ne pas laisser l’humoriste seul avec son humour, ou nous retrouver face à un humour auquel nous n’avons pas dit oui, ce qui peut faire naitre un malaise entre nous et autrui, ainsi qu'en nous même. Cette gêne se faisant, pour combler un certain vide anticipé, ou parce que nous sommes vraiment touchés par la blague, nous rions sympathiquement.
En faisant preuve d’empathie, nous ne nous identifierons pas sans réflexion à la blague énoncée, en mesurant au préalable l’effort fourni par l’humoriste. Si celui-ci propose un humour qui ne nous plait pas, ou que nous jugeons trop naïf ou simpliste, nous ne feindrons pas forcément de rire afin de le soutenir, ce qui n’aide pas toujours à entretenir un échange social fluide et sans prise de tête. Je ne dis pas qu’être sympathique revient à mentir, mais que témoigner de la sympathie peut ne pas refléter réellement ce que nous pensons, comme nous donnons du crédit à autrui en nous mettant de côté momentanément. Dans ce sens être empathique reviendrait à n’adhérer qu’à ce qui nous correspond comme nous restons nous-même dans ce processus mental, tout en comprenant ce que veux autrui, mais ne pouvant toujours être en relation avec des individus partageant les mêmes affinités que nous, il peut être utile de savoir être sympathique pour faciliter ses échanges, et ainsi ne pas paraitre socialement froid et distant lorsque nous sommes amenés à évoluer en communauté. Selon notre humeur, nous sommes plus apte à être sympathique qu'empathique, ou inversement.
Autre exemple révélant notre nature à nous identifier aux choses avec plus ou moins de recul sur soi, les types de film qui nous intéressent. Notre nature sympathique nous amènera plus facilement à regarder des blockbusters, nous identifiant alors à des héros animant notre soif d’aventure et de conquête, de justice et de combats mémoriaux. Nous y perdrions notre individualité en plongeant dans l’univers du héros, sauvant le monde de grands dangers, ou de torts que nous souhaitons redresser, parce que comme notre héros, nous sommes gentils, œuvrant pour le bien des gens. Ainsi nous pouvons nous fondre dans toutes sortes d’univers plus ou moins fantastiques, métaphores politiques et sociales de notre société, et apprécier agir comme par magie, ou conduire des bolides en défouraillant sur tout ce qui bouge, comme si nos actes étaient dépourvus de conséquences, du moment que le héros à qui tout est permis, s’en sort vivant. A l’opposé, notre nature empathique nous amène à regarder des films romançant les histoires de quelques individus, sans excentricité, ou dualité entre bien et mal, annonçant des déflagrations et autres excès cinématographiques. S’identifiant donc moins à un imaginaire nous sortant de notre quotidien, nous nous retrouvons alors confronté à la réalité des protagonistes, comprenant et interprétant leurs faits et gestes en leur témoignant plus ou moins d’affection.
Si faire preuve d’empathie est socialement moins sexy qu’être d'humeur sympathique en s’identifiant à tout et n’importe quoi tant que ça nous fait sortir de notre vide existentiel, l’empathie nous permet d’accepter la dure réalité quand la sympathie nous propose d’adhérer à tout ce qui n’est pas réel, voire insensé, mais pourrait le devenir dans notre imaginaire si nous y croyons assez fortement, ou que nous ne réfléchissions pas plus loin que les apparences présentées. L’achat de goodies aidant, on comprend que les lobbyistes ont suivi des programmes de formation visant à utiliser leur empathie, afin de mieux cerner les intérêts de futurs clients, et de leur proposer des produits susceptibles de les intéresser, selon leur style émotif et cognitif. Cette démarche cynique reste une compétence sociale marchande, basée sur le caractère innée de la sympathie et de la contagion émotionnelle des consommateurs. Mais si notre aptitude à rêver en s’identifiant à des icônes imaginaires est innée, qu’en est-il de notre faculté à réfléchir au lieu de naïvement nous réjouir ?
ACQUISE OU INNÉE ?
Initialement l’empathie est une disposition innée et inconsciente à ressentir les émotions d’autrui, pour progressivement et au fil d’un apprentissage basé sur le mimétisme, devenir une tendance consciente à nous mettre mentalement à la place d’autrui. Cette acquisition d'expériences se faisant en deux temps, la première composante apparaissant lors des premiers stades du développement de l’enfant, est l’activation de neurones miroirs nous permettant de partager les émotions de nos paires, et de reproduire les ressentis que nous percevons autour de nous. La seconde composante se développe vers quatre ou cinq ans, nous permettant des manipulations et des représentations mentales en interprétant les émotions perçues, et comprenant de manière rationnelle les intentions d’autrui. Nos capacités d’empathie sont influencées par notre attention et notre motivation, et sont en lien direct avec l’enseignement de celles-ci. Si notre empathie dépend des conditions environnementales de notre milieu, modulant la plasticité de notre cerveau et favorisant les connexions entre affection et raison, un enseignement pédagogique de règle de vie en société est nécessaire à son bon développement. Effectivement en apprenant à un enfant à se décentrer pour se mettre à la place d’autrui, afin de saisir les différences de son raisonnement avec ceux des autres, parents et professeurs peuvent aider les enfants à élargir les représentations de leur environnement, optimisant leur altérité et inhibant leur agressivité.
Si la sympathie sert de base affective au développement moral de l’enfant, l’empathie est nécessaire à une coexistence harmonieuse, parce qu’elle permet des comportements prosociaux. Empathie et sympathie recouvrent donc des états affectifs spécifiques, issus de circuits neuronaux en partie indépendants, et présentant des trajectoires neuro-développementales distinctes. Au fur et à mesure de son développement, l’enfant passe de la contagion émotionnelle dite empathique, à une attitude sympathique d’identification, pour ensuite se différencier des autres via une réflexion dite d’empathie cognitive. Ainsi, les conduites altruistes et prosociales observables à l'âge adulte, dépendent d’interactions et de situations complexes, selon des facteurs motivationnels, caractériels, sociaux et culturels. L’empathie peut autant entraîner de la sympathie envers autrui, qu’une détresse personnelle, de l’indifférence ou même le plaisir de voir quelqu’un souffrir. Mais chez les individus normaux, le spectacle de la souffrance d’autrui incite à des conduites d’aide ou de compassion, pouvant être motivées par le seul désir égoïste de supprimer la gêne que la vue de la souffrance suscite, ou être motivées, par l’effet positif de l’approbation sociale, physiologiquement gratifiante. Nous en venons aussi à aider autrui sans en attendre aucun bénéfice, ne cherchant pas de reconnaissance en racontant nos bienfaits à qui nous en félicitera.
Autrement dit, l'empathie, contrairement à la sympathie qui est spontanée, est une pratique relationnelle qui s'enseigne et s'apprend. Les parents ont un rôle essentiel dans son développement, en parlant d’émotions avec les enfants, en facilitant leur identification et leur verbalisation, et en expliquant les situations et ressentis vécus selon différents points de vue et approches. Ce pourquoi l’empathie est qualitative et quantitative selon chaque individu, comme chacun a grandi dans un milieu différent, avec des aptitudes cérébrales innées, ayant été plus ou moins développé par la suite. Et si il est plus difficile de reconnaitre que de s’identifier, on peut espérer que les futures recherches sur l’empathie et l’effort de certains chercheurs à proposer de nouvelles méthodes d’enseignement, favorisera son développement parmi les populations en réduisant les grands maux de nos sociétés.
Sympathie :
Attrait naturel, spontané et chaleureux qu'une personne éprouve pour une autre.
Concordance entre deux ou plusieurs personnes que rapprochent certaines affinités, certains goûts ou jugements communs.
Fait de s'associer aux sentiments d'autrui, de ressentir la joie ou, le plus souvent, la douleur d'autrui.
Empathie :
Compréhension des sentiments et des émotions d'un autre individu, et de ses états non-émotionnels, comme ses intentions et ses croyances.
Capacité de décentration par rapport à soi, pour percevoir et se représenter les ressentis et états mentaux d’autrui, mais sans nécessairement s’en préoccuper.
Partager et comprendre de manière empathique, les états émotionnels et affectifs des autres, et se sentir des affinités avec autrui en étant sympathique, est essentiel lors de nos interactions sociales. Mais si la sympathie est orientée vers le bien-être d'autrui, en ressentant et partageant leurs états affectifs, l’empathie semble plus neutre dans sa finalité. La proximité des deux notions venant du fait que l’empathie s’enracine dans la notion plus ancienne de sympathie, si le fait de ressentir les émotions est leur principale caractéristique commune, l’empathie peut adopter un caractère plus intellectuel en interprétant et comprenant l’émotion de nos paires, sans pour autant la partager. De plus, l’individu empathique est capable d’effectuer une distinction entre soi et autrui, et de réguler ses émotions. De fait, l’empathie favoriserait une observation objective d’un état émotionnel, contrairement à la sympathie où le partage affectif serait inter-subjectif.
L’empathie revête trois dimensions qui sont d’ordre imitative, émotionnelle et cognitive. L’empathie peut donc s’aborder comme une simple contagion émotionnelle, une manière de ressentir et partager émotionnellement les états affectifs d’autrui, et une manière de percevoir les émotions et états mentaux, en les comprenant de manière rationnelle. Une écoute attentive est donc primordiale dans le processus empathique cognitif, afin d’interpréter au mieux les points de vue extérieurs et actes isolés de ses contemporains. Aussi se représenter leurs intentions et affections, n’implique pas nécessairement de jugement de valeur ou un partage émotionnel, néanmoins un témoignage affectif peut s’opérer dans la relation. Mais ce partage affectif ne sera pas forcément identique à l’émotion d’autrui, comme nous gardons notre identité lorsque nous faisons preuve d’empathie. En d’autres termes, l’affect partagé sera ressenti avec une moindre intensité qu'autrui, et sans que nous nous oublions dans son émotion, comme lorsque nous sommes sympathique. C’est pourquoi nous ne rigolerons ou pleurerons peut-être pas comme autrui, autant que lui, en gardant une certaine mesure de l’émotion perçue, ainsi qu’une distance avec cette même émotion que nous partagerions. Si le partage émotionnel et la compréhension intellectuelle peuvent s’articuler dans l’empathie, ils sont opposés à la tendance comportementale mécanique de cette dernière. Le fait de reproduire par contagion émotionnelle dite empathique, les postures, les mimiques, ou plus largement les expressions verbales et faciales d’autrui, en mimant automatiquement son comportement sans nécessairement s’en rendre compte ou le vouloir, échappe à la dimension cognitive et à toute mesure des affects. Mais un premier mimétisme permettrait une éventuelle compréhension ultérieure des états émotionnels observés, dans le cas où l’imitation serait le vecteur initiatique de l'affectivité dans l'empathie. Et si la perte identitaire momentanée dans le processus mimétique empêcherait donc la tendance objective de l’empathie, une individualité suffisamment constituée, serait capable de réguler son oubli de soi, en ne s’immergeant que partiellement dans l’émotion d’autrui, partageant alors un affect sans mettre de côté sa propre identité.
Ainsi de l’aptitude consciente à s’imaginer ce que ressent autrui, tout en pouvant éprouver ses ressentis, jusqu’à la tendance inconsciente de reproduire par contagion les émotions que nous percevons, l’empathie intervient dans un large spectre de nos capacités de communication, toujours en conservant une distance entre soi et autrui. Il est alors important de préciser que l’empathie n’est ni bonne ni mauvaise, et que son éthique repose sur la manière dont on l’utilise. Par exemple, un acte cruel nécessite une disposition empathique pour connaitre le ressenti d’autrui, afin de tirer plaisir de sa souffrance en la mesurant, quand un acte altruiste, nécessite aussi une disposition empathique, pour reconnaitre la souffrance d’autrui, et l’aider à la surmonter en sachant quoi faire à sa place, si celui-ci est trop épris par son émotion pour s’en sortir.
A l’opposé, la sympathie est plus orientée dans son but, en nous faisant adopter une attitude bienveillante à l’égard d’autrui. Et ce en cherchant à réduire ses souffrances, quitte à partager une émotion qui n’est pas la sienne. Effectivement en rencontrant l’affection d’un autre par sympathie, si celle-ci est perçue comme désagréable, nous nous y identifierons tout en cherchant à s’en détacher, comme nous ne voudrions plus voir autrui en pâtir, et ainsi retrouver une émotion plus agréable en nous, alors qu’autrui continuerait de souffrir. On atteindrait ici la limite du processus sympathique quand il s’agit d’entraide, parce que si rire avec quelqu’un pour le soutenir permet de l’aider à ne pas rester seul dans une discussion, dans un cas plus grave, partager la douleur d’autrui pour ensuite la fuir afin de ne plus la ressentir soi-même, ne l’aidera aucunement à ne plus souffrir. Être sympathique ne revient donc pas toujours à exactement refléter l’émotion partagée, il s’agit en fonction de la situation, d’adopter plus ou moins l'affection d'autrui, si celle-ci est jugée bonne ou mauvaise. Dans le cas où l’on perçoit l’émotion comme négative, nous chercherions à nous en détacher pour nous sentir en sécurité, ne partageant ainsi plus la même émotion qu’autrui, quand dans le cas où l’émotion perçue serait positive, nous pourrions nous y identifier et y participer en l’imitant, et ce sans garder de distance entre l’affection partagée et soi-même.
Comme pour l’empathie, la reproduction des comportements est un vecteur moteur de la sympathie, aussi on distingue trois formes de sympathie qui sont de l’ordre de l'identification, de l'aspiration et de la participation sociale. La sympathie permet donc de respectivement se retrouver en autrui, comme dans une âme-sœur par exemple, de trouver en autrui des qualités que l’on souhaiterait avoir, et de s’en inspirer, et d’individuellement se trouver des affinités sociales ou groupales dans un système ou une collectivité, ou vis à vis d'objet inanimé. La sympathie opère donc consciemment, de la simple acceptation et compréhension des sentiments et capacités du prochain, jusqu'à la pleine identification à ses affections, amenant à les reproduire inconsciemment au point de perdre toute mesure de l’émotion quand à sa propre individualité. Il ne s’agit pas ici de contagion émotionnelle, mais d’une reproduction comportementale en mettant sa personne de côté, pour mieux accepter et mimer les caractères de ses contemporains, ce qui peut grandement faciliter les relations sociales. Alors qu’en situation d’empathie, si l’émotion ressentie est similaire à l’émotion vécu par autrui, l’expression de l’émotion ressentie se situe entre l’absence de réponse émotionnelle, pouvant s’apparenter à de la froideur, et une réponse émotionnelle trop intense, pouvant déstabiliser l’individu, et le mener à un état de stress ou de panique.
Il peut en résulter une coupure émotionnelle, suite à la difficulté de réguler ses émotions. Cette réaction est caractérisée par le souci égoïste de réduire la souffrance naissante en l’individu, comme lorsqu'en étant sympathique l'individu ressentant la douleur d'autrui, change son affection pour se sentir lui-même mieux. Il faut bien comprendre que la coupure émotionnelle peut s’opérer face à n’importe quelle émotion, lorsque l’individu se retrouve en détresse, devant un sentiment de tristesse ou de joie. Face à un sentiment qui le dépasse, nous en venons à nous couper de nos émotions pour ne pas nous faire submerger par celles-ci, allant jusqu’à refouler l’émotion d’origine empathique ou sympathique. La coupure émotionnelle est donc un processus pour se mettre à distance d’affects que l’on redoute et de la souffrance qu’ils occasionneraient, le plus souvent inconsciemment, mais aussi pour prévenir d’une perte de contrôle, faute de trouver un équilibre entre nos émotions et notre raison. A notée qu’en situation d’urgence, se couper de ses émotions permet de se parer de toute contagion émotionnelle jugée dangereuse, et rester lucide face à un danger peut nous sauver la vie, quand d’autres la perdront, paralysés par la peur.
EXEMPLES
On retrouve l’empathie dans la culpabilité, lorsqu'une fois sorti de notre affection nous empêchant une vision claire de la situation, nous estimons que nous n’aurions pas du faire ceci, ou que nous regrettons d’avoir dit cela. Autrement nous pouvons nous représenter la tristesse de quelqu’un sans pour autant la ressentir, comme lorsque nous regardons un journal télévisé, montrant des gens malheureux parce qu’ils ont subi un bombardement massif, et face à l’effroi sur leur visage nous comprenons qu’ils vivent des heures tristes. Aussi de l’empathie à la coupure émotionnelle il n’y a qu’un pas, puisqu’à force de voir des images terribles sur un écran, nous les banalisons sans ne plus percevoir la tristesse d’une situation dramatique, et ce d’autant plus que l’action se passe loin de chez soi.
Pour aborder plus gaiement la convergence entre sympathie et empathie, intéressons nous de nouveau au rire, quand nous ressentons ensemble un sentiment de gaieté en partageant un fou rire lors d’une contagion émotionnelle,où pour cela il suffit qu’une personne à côté de nous rie sincèrement, pour susciter en nous un rire nerveux. De manière sympathique nous répondrions à un rire pas forcément sincère par un autre rire plus ou moins sincère selon son degré de crédulité.
Plus différemment, nous serons toujours à même de rire en étant sympathique qu’empathique. De fait lorsqu’un tiers fait une blague, que celle-ci nous soit réellement drôle ou pas, en étant sympathique nous allons en rire afin de ne pas laisser l’humoriste seul avec son humour, ou nous retrouver face à un humour auquel nous n’avons pas dit oui, ce qui peut faire naitre un malaise entre nous et autrui, ainsi qu'en nous même. Cette gêne se faisant, pour combler un certain vide anticipé, ou parce que nous sommes vraiment touchés par la blague, nous rions sympathiquement.
En faisant preuve d’empathie, nous ne nous identifierons pas sans réflexion à la blague énoncée, en mesurant au préalable l’effort fourni par l’humoriste. Si celui-ci propose un humour qui ne nous plait pas, ou que nous jugeons trop naïf ou simpliste, nous ne feindrons pas forcément de rire afin de le soutenir, ce qui n’aide pas toujours à entretenir un échange social fluide et sans prise de tête. Je ne dis pas qu’être sympathique revient à mentir, mais que témoigner de la sympathie peut ne pas refléter réellement ce que nous pensons, comme nous donnons du crédit à autrui en nous mettant de côté momentanément. Dans ce sens être empathique reviendrait à n’adhérer qu’à ce qui nous correspond comme nous restons nous-même dans ce processus mental, tout en comprenant ce que veux autrui, mais ne pouvant toujours être en relation avec des individus partageant les mêmes affinités que nous, il peut être utile de savoir être sympathique pour faciliter ses échanges, et ainsi ne pas paraitre socialement froid et distant lorsque nous sommes amenés à évoluer en communauté. Selon notre humeur, nous sommes plus apte à être sympathique qu'empathique, ou inversement.
Autre exemple révélant notre nature à nous identifier aux choses avec plus ou moins de recul sur soi, les types de film qui nous intéressent. Notre nature sympathique nous amènera plus facilement à regarder des blockbusters, nous identifiant alors à des héros animant notre soif d’aventure et de conquête, de justice et de combats mémoriaux. Nous y perdrions notre individualité en plongeant dans l’univers du héros, sauvant le monde de grands dangers, ou de torts que nous souhaitons redresser, parce que comme notre héros, nous sommes gentils, œuvrant pour le bien des gens. Ainsi nous pouvons nous fondre dans toutes sortes d’univers plus ou moins fantastiques, métaphores politiques et sociales de notre société, et apprécier agir comme par magie, ou conduire des bolides en défouraillant sur tout ce qui bouge, comme si nos actes étaient dépourvus de conséquences, du moment que le héros à qui tout est permis, s’en sort vivant. A l’opposé, notre nature empathique nous amène à regarder des films romançant les histoires de quelques individus, sans excentricité, ou dualité entre bien et mal, annonçant des déflagrations et autres excès cinématographiques. S’identifiant donc moins à un imaginaire nous sortant de notre quotidien, nous nous retrouvons alors confronté à la réalité des protagonistes, comprenant et interprétant leurs faits et gestes en leur témoignant plus ou moins d’affection.
Si faire preuve d’empathie est socialement moins sexy qu’être d'humeur sympathique en s’identifiant à tout et n’importe quoi tant que ça nous fait sortir de notre vide existentiel, l’empathie nous permet d’accepter la dure réalité quand la sympathie nous propose d’adhérer à tout ce qui n’est pas réel, voire insensé, mais pourrait le devenir dans notre imaginaire si nous y croyons assez fortement, ou que nous ne réfléchissions pas plus loin que les apparences présentées. L’achat de goodies aidant, on comprend que les lobbyistes ont suivi des programmes de formation visant à utiliser leur empathie, afin de mieux cerner les intérêts de futurs clients, et de leur proposer des produits susceptibles de les intéresser, selon leur style émotif et cognitif. Cette démarche cynique reste une compétence sociale marchande, basée sur le caractère innée de la sympathie et de la contagion émotionnelle des consommateurs. Mais si notre aptitude à rêver en s’identifiant à des icônes imaginaires est innée, qu’en est-il de notre faculté à réfléchir au lieu de naïvement nous réjouir ?
ACQUISE OU INNÉE ?
Initialement l’empathie est une disposition innée et inconsciente à ressentir les émotions d’autrui, pour progressivement et au fil d’un apprentissage basé sur le mimétisme, devenir une tendance consciente à nous mettre mentalement à la place d’autrui. Cette acquisition d'expériences se faisant en deux temps, la première composante apparaissant lors des premiers stades du développement de l’enfant, est l’activation de neurones miroirs nous permettant de partager les émotions de nos paires, et de reproduire les ressentis que nous percevons autour de nous. La seconde composante se développe vers quatre ou cinq ans, nous permettant des manipulations et des représentations mentales en interprétant les émotions perçues, et comprenant de manière rationnelle les intentions d’autrui. Nos capacités d’empathie sont influencées par notre attention et notre motivation, et sont en lien direct avec l’enseignement de celles-ci. Si notre empathie dépend des conditions environnementales de notre milieu, modulant la plasticité de notre cerveau et favorisant les connexions entre affection et raison, un enseignement pédagogique de règle de vie en société est nécessaire à son bon développement. Effectivement en apprenant à un enfant à se décentrer pour se mettre à la place d’autrui, afin de saisir les différences de son raisonnement avec ceux des autres, parents et professeurs peuvent aider les enfants à élargir les représentations de leur environnement, optimisant leur altérité et inhibant leur agressivité.
Si la sympathie sert de base affective au développement moral de l’enfant, l’empathie est nécessaire à une coexistence harmonieuse, parce qu’elle permet des comportements prosociaux. Empathie et sympathie recouvrent donc des états affectifs spécifiques, issus de circuits neuronaux en partie indépendants, et présentant des trajectoires neuro-développementales distinctes. Au fur et à mesure de son développement, l’enfant passe de la contagion émotionnelle dite empathique, à une attitude sympathique d’identification, pour ensuite se différencier des autres via une réflexion dite d’empathie cognitive. Ainsi, les conduites altruistes et prosociales observables à l'âge adulte, dépendent d’interactions et de situations complexes, selon des facteurs motivationnels, caractériels, sociaux et culturels. L’empathie peut autant entraîner de la sympathie envers autrui, qu’une détresse personnelle, de l’indifférence ou même le plaisir de voir quelqu’un souffrir. Mais chez les individus normaux, le spectacle de la souffrance d’autrui incite à des conduites d’aide ou de compassion, pouvant être motivées par le seul désir égoïste de supprimer la gêne que la vue de la souffrance suscite, ou être motivées, par l’effet positif de l’approbation sociale, physiologiquement gratifiante. Nous en venons aussi à aider autrui sans en attendre aucun bénéfice, ne cherchant pas de reconnaissance en racontant nos bienfaits à qui nous en félicitera.
Autrement dit, l'empathie, contrairement à la sympathie qui est spontanée, est une pratique relationnelle qui s'enseigne et s'apprend. Les parents ont un rôle essentiel dans son développement, en parlant d’émotions avec les enfants, en facilitant leur identification et leur verbalisation, et en expliquant les situations et ressentis vécus selon différents points de vue et approches. Ce pourquoi l’empathie est qualitative et quantitative selon chaque individu, comme chacun a grandi dans un milieu différent, avec des aptitudes cérébrales innées, ayant été plus ou moins développé par la suite. Et si il est plus difficile de reconnaitre que de s’identifier, on peut espérer que les futures recherches sur l’empathie et l’effort de certains chercheurs à proposer de nouvelles méthodes d’enseignement, favorisera son développement parmi les populations en réduisant les grands maux de nos sociétés.