JeunePeyote a dit:
Dowdidik franchement, [...]
D'ailleurs, un argument de droite qui revient souvent, c'est que l'État doit être présent pour protéger les gens. Mais le problème, c'est que personne ne protège les gens de la violence et de l'injustice créées par les États. D'autant plus que si l'on ne laisse pas les gens s'organiser, ils ne pourront jamais apprendre à le faire.
Juste par curiosité, quels sont les auteurs qui ont forgé ta manière de penser ?
Et qu'est-ce que tu appelles un "positionnement politique bayésien" ?
Ça me fait tellement plaisir d'avoir une conversation aussi riche alors que c'est la toute première à laquelle je participe sur le Forum.
Je pense que le plus gros effort cognitif à faire, c'est de ne pas oublier que chaque cause a une conséquence, et que les conséquences deviennent des causes. Par exemple si on prend des résultats scolaires, on connaît bien aujourd'hui les déterminants sociaux qui les influencent, tout comme il y a des déterminants biologiques, économiques, etc etc. Mais tout ça parle d'une part de l'obtention ou non d'un diplôme, mais en même temps cette obtention ou non vient s'ajouter aux déterminismes précédents qui vont influencer la suite de la vie. Pour autant ce n'est pas une simple addition je pense, mais plutôt un produit, et on arrive sur l'émergence de phénomènes plus complexes qu'aux niveaux précédents. Tout ça pour dire que je pense qu'on pense pareil, peut-être pas avec les mêmes termes et même cheminements de pensée.
Pour moi l'anarchisme est impossible à mettre en place à grande échelle, parce que ce serait faire fi de notre biologie et de notre histoire. Il y a des freins partout, à tous les niveaux de la société, et beaucoup trop de gens sont attachés à leur petit ou grand pouvoir sur les autres. Aucune transition pacifique n'est possible, et je pense pas que ça vaille le coup de passer par une révolution sanglante pour, peut-être, obtenir un modèle de société qui sera forcément très différent de l'idéal qui nous aurait poussé à vouloir l'atteindre. On revient à ce truc de "dès que je commence une action, la réalité a déjà commencé à changer et je vais forcément être en décalage par rapport à mon objectif initial". Comme le fait d'observer une particule qui provoque un phénomène nous empêchant de la voir dans son "milieu naturel". Il y a des trucs comme ça, qui ne peuvent (et peut-être doivent) rester seulement des idéaux qui ont quand même un impact bénéfique sur la vie de plein de gens (les valeurs morales, l'empathie, le souci de l'autre, etc).
Mais si on parle à petite échelle et qu'on reste au niveau d'une tribu plus ou moins large, ça me paraît beaucoup plus faisable. Seulement, ça implique un changement tel dans nos comportements, notre manière de consommer etc, que ça me paraît très utopiste (même si plus réaliste qu'à plusieurs millions/milliards). Pas sûr qu'on ait des hôpitaux dans un système anarchiste (et peut-être n'en aurions-nous plus besoin), des systèmes de voie ferrée, etc etc. Les grosses infrastructures desquels on est complètement dépendant aujourd'hui ne serait plus possibles à mon avis, ça demande trop de hiérarchisation, trop de monde, et énormément de ressources qui viennent souvent de gens exploités de manière inhumaine. Après je suis peut-être un peu pessimiste, mais j'ai rien qui me vient à l'idée qui puisse contrebalancer un peu.
Je sais plus quel anarchiste a dit ça, mais je me retrouve dans l'idée que tant que tout le monde ne sera pas libre dans le monde, alors je ne le serai pas. Et aujourd'hui c'est encore plus vrai quand la société m'oblige à avoir un téléphone pour être socialement intégré, mais que ce téléphone doit être produit par des esclaves pour que je puisse me le payer. Pareil pour les bagnoles, et même plein de trucs du quotidien auxquels on ne pense même pas parce que c'est complètement internalisé et qu'on se voit pas vivre sans.
J'ai pas mal lu de philosophie avant de vraiment me plonger dans les papiers scientifiques : Nietzsche, Wittgenstein, Spinoza et pas mal d'anarchistes comme Kropotkin, Proudhon. D'une certaine manière, dans les livres écrits par des scientifiques que j'ai lus, il y a énormément de raisonnement philosophique du fait des données partagées : Behave de Robert Sapolsky est un livre fondateur dans ma pensée, ça parle du comportement humain, ce qui l'influence, l'absence de libre arbitre, le déterminisme, l'évolutionnisme ; This View of Life de David Sloan Wilson qui parle des groupes humains, de l'héritage évolutionnaire, de comment on peut imaginer un meilleur modèle de société en se basant sur tout ça ; Us & Them de David Berreby qui parle de l'impact sur la santé du regard des autres, le stigma, l'identité sociale, etc...
Mais avant de rentrer à fond dans la bonne vieille science, je me suis principalement intéressé à l'épistémologie, "comment savoir si ce que je sais a quoi que ce soit de concret ?" Et ça a pas été du gâteau, ça m'est tombé dessus au début de la Tronche en Biais, je suis passé par Hygiène Mentale et Science4All et niveau bouquins le livre de Baillargeon : Manuel d'autodéfense intellectuelle, mais aussi Julia Galef avec Scout Mindset, Ca a pris du temps de lutter contre mes biais cognitifs, remettre les choses dans l'ordre etc. Pour te dire à quel point c'était une aventure, j'étais clairement raciste, sexiste, homophobe, anti drogue, un pur produit d'une famille basique du Var biberonné par TF1 et BFMTV durant un long moment. Du coup fort heureusement mon cerveau était calibré pour trier correctement les infos, me manquait juste les
bonnes infos. L'esprit critique envers soi et envers les informations est pour moi le truc primordial avant de se lancer dans autre chose (en ce qui concerne le domaine de l'apprentissage et de la connaissance, de la recherche, toussa) et du coup maintenant pour moi la philosophie c'est un peu secondaire, vu que la plupart des penseurs disent un peu ce qu'ils veulent sans trop forcément se baser sur des trucs tangibles. Les idées c'est bien, être ancré dans le réel ça me paraît mieux.
Pour moi le positionnement politique bayésien c'est inspiré de la méthode bayésienne pour mettre à jour une opinion. Je te mets un lien si tu connais pas déjà qui expliquera beaucoup mieux que moi.
Cette vidéo en particulier est un truc qui a été une révélation pour moi. Changer d'avis c'est pas con, ça fait pas de moi quelqu'un qui sait pas ce qu'il veut, etc. C'est juste complètement normal quand on se veut intelligent et raisonnable.
Bon là j'ai fais un gros pavé :-s