Bon, j'ai du retard à rattraper !
Omegoa a dit:
A mon sens cette pensée est pareil a une "grace animale", c'est une pensée qui est ancrée dans la vérité du corps. Les symboles sont juste des perceptions poétiques de phénomène physique réel, la seule chose qui est rajoutée par dessus c'est la richesse émotionnelle propre a l'Homme et la perception holistique qui sous tend l'entreprise. A contrario, la manière que nous avons de parler en ce present moment est dénuée de cette forte empreinte qui fait surgir les contenus inconscients, leur presence vague et insaisissable. Cette pensée trop precise, trop analytique et trop reflexive qui n'applique pas a la forme meme de sa pensée les réalités qu'elle appréhende, est un déséquilibre.
1) Quand tu écris
"la seule chose qui est rajoutée", je trouve que tu fais une impasse totale sur
la culture, alors que la généalogie de la nôtre remonte à 2500-3000 ans, 100 générations d'ancêtres, ça fait un méga-millefeuille de couches culturelles dont les traces sont sédimentées en nous.
2) Si
"la manière que nous avons de parler en ce moment est dénuée de cette forte empreinte" humaine, c'est d'abord à cause de cette sècheresse de l'échange écrit, que nous essayons de "mouiller" de manière rudimentaire à l'aide d'un petit ensemble d'icônes très étriqué. Dès notre premier échange, je t'ai dit franco,
"Let's get together!" (
avec mon enthousiasme habituel de totem Chien), pour voir un peu quelles grâces humaines nous pourrions co-produire ensemble et dépasser ce
"dénuement".
Omegoa a dit:
J'ajouterais que "L'absurde a un sens" ou "L'insensé est sensé". Et pour moi il en est ainsi de part une perception cyclique du temps, que tu as justement devinée. Le temps cyclique est pareils a la mort de l'ego, c'est accepté que la souffrance arrive inlassablement, que le contrôle nous échappe, que nous sommes soumis a la repetition inlassable de schémas immémoriaux.
Moi aussi, j'étais en accord avec cet écho consonant et complémentaire que tu as fait à mon 2. Une de mes façons de conjurer en large part le tragique vécu, c'est en effet de reconnaître distinctement que sous une déclinaison ou une autre,
le tragique considéré a été éprouvé par tous les hommes avant moi, en gros. Encore mieux --
et ça devrait te plaire : quand, en plus, je me rends compte que le tragique personnel qui m'occupe est tout à fait analogue à un noeud relationnel archétypal
ayant fait l'objet d'une tragédie grecque (
au hasard ![Wink ;) ;)](https://cdn.jsdelivr.net/joypixels/assets/8.0/png/unicode/64/1f609.png)
) ou d'une oeuvre marquante un peu plus moderne, alors là, c'est encore mieux : il n'est plus (
ressenti comme) tragique, ce noeud, il est juste humain et par lui, j'ai une sacrée généalogie prestigieuse, en quelque sorte.
Bon, après,
"L'absurde a un sens", c'est trahir la langue et manquer de sérieux avec ses interlocuteurs, surtout balancé sans un mot de commentaire. (
En passant, je mets ma casquette d'étymologue : c'est "ab-surdo", c'est-à-dire prononcé par un sourd, à des époques où il n'y avait ni langue des signes codifiée, ni implants cochléaires ;>). Ou dit autrement : j'ai précisé que, d'expérience, il me semble pouvoir affirmer que "
Tout a un sens" (
et on peut très bien discuter juste de ce point pour l'éprouver, à l'occasion). Ça implique que
l'absurde n'existe pas, en réalité. C'est peut-être pour ça que je ne vois pas ce que tu veux dire.
Omegoa a dit:
Je suis ancien grateux, je ne fonctionnais qu'a l'impro. Autant parce que c’était mentalement plus intéressant, être dans la constante creation et pousser les limites des constructions connus, autant parce que venait toujours ce moment de l'extase, ou je perdais les pédales et m’envolais foudroyé par l'inspiration.
J'ai rencontré en début d'année un gratteux de 50 ans qui pouvait jouer plutôt bien différents styles et avec qui on avait bien boeuffé la 1ère fois. Et puis la 2e fois, je lui ai présenté une suite d'accords groovy et originale à boeuffer éventuellement, et là, il m'a dit :
"Ah non, là dans un de tes accords, il y a quelque chose qui ne sonne pas bien, vraiment". J'étais un peu étonné de sa réaction, je lui ai demandé de m'expliquer ce qui n'allait pas, et non, il ne pouvait pas expliquer, juste ça sonnait pas bien pour lui. Alors je lui expliqué assez exactement ce qu'était cette suite d'accords (
3 accords simples de la forme blues, I, IV et V, mais abordés avec une "sus 4" se résolvant tout de suite en 3re majeure, ce même schéma sur les 3 accords, harmonieux structurellement). On aurait dit que pas un seul mot de ce que je lui expliquais ne lui parlait. Franchement, pendant un très long moment, j'étais sur le cul, après ça, et je n'avais plus envie de jouer. Je venais de rencontrer pour la 1ère fois de ma vie un guitariste qui n'avait
pas un poil de connaissance musicale ; je ne pensais pas que ça pouvait exister. ;>
C'est ton cas aussi ? Pour moi, la musique est faite pour être jouée à plusieurs (
ah tiens, ça me fait penser, j'ai au moins un boeuf enregistré il y a 40 ans où on était 4 ou 5 et tous à l'acide, faudrait que je me le ressorte !). Ne pas s'être cultivé de façon à pouvoir échanger intellectuellement avec les autres musiciens, ça permet très très peu de jouer à plusieurs.
Omegoa a dit:
si tu apprend directement a l'oreille et au feeling, ce travail de deconstruction tu n'en as plus forcement besoin, tu est dans la deconstruction perpétuelle.
Il ne s'agit pas de
"déconstruction" mais de "
construction". Celle du langage permettant de parler de la musique pour aller plus loin à la fois dans sa pratique personnelle et dans le jeu avec les autres. Toi, tu me sembles parler d'une pratique musicale qui est vouée à être largement (
sinon exclusivement, car c'est sûr qu'on peut toujours délirer à plusieurs et vaille que vaille !) solipsiste.
Le fond du truc : je pensais en parler à Budshrooms pour répondre sur
"cheminement intellectuel", mais ça peut aussi te répondre à toi :
L'analytique est incontournable pour
se faire le récit de ce que l'on vit et en fixer une part dans la mémoire créative et d'expérience. Il sert aussi à étudier la logique de ce qu'on a pu éprouver afin, si l'expérience a été très positive, de pouvoir plus aisément en retrouver le chemin plutôt que de s'en remettre à chaque fois aux hasards de la grâce immanente.
Une image pour l'illustrer : tu cherches à atteindre un site dont tu es séparé par un précipice. Grâce à ton "mojo", ton sens intuitif aiguisé, ta connaissance sensible poussée du lieu en général et du site visé en particulier, tu es capable de te dépasser pour parvenir à sauter par-dessus le précipice et atteindre le site. Mais tu ne peux pas prétendre, de cette manière, y retourner à tout moment où cela te semblerait propice. Il y a le vent, qui joue, voire le reste de la météo ; ta capacité physique du moment ; ton état psychologique du moment, etc. Je pars du principe que tu sais quand les éléments sont favorables et que tu ne t'y risques pas quand ils ne le sont pas. Mais d'autres n'auront pas cette sagesse, peut-être, et le choc sera rude au fond du précipice.
Ce que recouvrait notamment ma mention d'un
"cheminement intellectuel" aussi, appliqué à cette métaphore, ça consiste à faire tout le patient travail qu'il faut pour
jeter une passerelle entre ton site et le site plus ou moins extatique voulu. Et ainsi pouvoir le revisiter à chaque fois que c'est le "keiros", sans dépendre de circonstances extérieures.
Je suis également obligé de mentionner ta maîtrise très poussée de la langue et d'un discours analytique aux autres, pour te rappeler que tu as beaucoup plus de compétences intellectuelles et analytiques qu'on croirait à lire tes plaidoyers !
![Wink ;) ;)](https://cdn.jsdelivr.net/joypixels/assets/8.0/png/unicode/64/1f609.png)
Elles te font souffrir, ou quoi ? Tu veux t'en débarrasser ?
La pleine humanité, c'est de parvenir à être tendu sur toute l'extension qui va du sensible à l'intellectuel, qui va de la joie au tragique, qui va du grain de sable que nous sommes dans l'univers à la conscience de son immensité incommensurable ( = la seule vraie transcendance sans Dieu).
Ça m'attriste quand je lis trop de discours manifestant l'ardent désir de s'amputer d'un de ces pôles parce que, ouh la la, c'est trop fatigant, j'en peux plus, etc.
oOo
Budshrooms a dit:
J'ignore si c'est le But en tout cas je connais peu de gens ayant réchapper à cette écoute "forcée" matérialisée par des hallucinations
Cool que tu sois revenu répondre ! Et ça confirme que nous sommes en phase sur pas mal de trucs. À propos
"du but", puisque c'est vrai que j'en ai parlé au singulier, LZ a aussi ajouté quelque chose :
Laura Zerty a dit:
Je pense qu'il y a plusieurs buts et pas qu'un but lorsque l'on trippe, y en a qui le font pour se divertir et kiffer, d'autres pour se concentrer dans une optique de travail, d'autres pour expérimenter dans une recherche personnelle, à partir de là elles sont toutes respectables tant que l'usager s'engage à fond dans sa démarche, et l'assume complètement.
Bon, à la fois je ne vais pas dire le contraire, bien sûr qu'il y a différents buts poursuivis par différents adeptes...
...mais je vais répéter, car tu ne le peux probablement pas, LZ, presque voué à reproduire la doxa relativiste sans âme du temps, qu'
il y a un usage qui peut être dit le plus utile de tous, donc à privilégier, et c'est celui dont je parlais : utiliser les substances pour mieux se découvrir dans son être, pour être plus présent aux choses, attentif à chaque parcelle de sens et de beauté, etc.
Bon, OK, il faut que jeunesse se passe et les hallus ou autres puissants effets visuels, c'est marrant au début. Mais ça n'est certainement un bon but dans la durée, c'est plutôt un dévoiement.
Budshrooms a dit:
C'est intéressant ce que tu dis là ! Qu'entends tu par "cheminement intellectuel ? Est-ce en rapport avec les 3 Cerveaux ? (reptilien, lymbique, neocortex?) ou bien des "3 Etats du Moi" ? (L'Enfant, l'Adulte, le Parent ?) :Smile:
Merciii !
Comme tu as vu, j'ai commencé à répondre à LZ et toi conjointement sur ce que j'entendais par là :
construire par l'intellectuel, en te "repérant" grâce aux expériences sensibles vécues,
une voie que tu pourras réemprunter pour retourner à l'expérience souhaitée. Et même, une fois ce chemin construit dans de très large proportion, "habiter" (
ou peut-être plutôt "être habité", mais c'est un peu pareil) pour partie en permanence ladite expérience.
Pour le reste, depuis le début, je suis un esprit indépendant qui trace sa route en regardant bien autour, mais sans besoin d'aller chercher moi à quatorze heures, c'est inutile, je sais où il est (
mais bien sûr, il a fallu des décennies pour bien le voir), il est à midi, dans le sens de la marche et du soleil.
Alors les formules réductrices à l'Américaine (
ils adorent réduire tout sur le mode "les 3 P" [Power, People, Profit], etc.), ou même trop nombreuses venant de chez nous, ça n'est pas mon truc. Les topiques de
Freud, dont surtout la dernière (
Moi, Surmoi, Ça), ou celle de Lacan (
Imaginaire, Réel, Symbolique) -- et encore, rien qu'en l'écrivant, je me rends compte que je m'en sers très peu souvent...
Après, c'est moi qui ai bricolé mes dispositifs et je n'ai jamais ressenti le besoin qu'ils épousent la proposition d'untel ou d'unetelle.
Dans l'enfance, le dialogue intérieur était juste à deux voix, ça suffisait :
l'enfant et le
sage (
rudimentaire, mais clair sur les fondamentaux).
Quand pendant 20 ans, je me suis passé à mon
tribunal intérieur pour savoir
"si j'étais un monstre" (
pour désirer ardemment prendre des femmes par tous les trous !), il y avait plus de voix, bien sûr :
le mis en examen, le procureur, l'avocat et le juge, au moins.
Bushrooms a dit:
En deux mots je dirais que l’ego n’empêche pas la "touche divine", l’ego n'est qu'une suite d'accords fais avec notre inconscient tel que "quand je mets ma main dans une flamme je me brûle" ou " ma nana m'a largué, c'est toute des sal***" sont des accords. Dans ce contexte que dirais que cet ego est notre Moi présent.
Il n'est peut-être pas inutile que je précise que depuis l'enfance,
je sais très bien "où j'habite", d'où je viens et que c'est un point fixe subjectivement précieux : je suis le produit de notre civilisation judéo-chrétienne-gréco-romaine, et mes racines sont dans cette culture à vie, je m'attache ainsi à les enraciner le plus profondément possible en elle pour que mes branches montent au plus haut vers le ciel.
Les années 60 ont été désorientantes pour pas mal de monde. Beaucoup ont arraché une part de leurs racines de façon à mon avis mal inspirée ; parce que quand on croit qu'on habite ailleurs que chez soi, en général, on ne retrouve jamais de vrai hâvre (
j'admets les exceptions, bien sûr, je parle des généralités). Ça s'est fait surtout à l'initiative des Américains, des Californiens, parce que eux, alors,
les racines ils en ont perdu la moitié il y a 2-3 siècles et ça les fait souffrir depuis (
au point, par exemple, d'importer pierre par pierre de belles demeures anciennes européennes pour les installer là-bas !).
Ces Américains désorientés ont importé le bouddhisme sans énormément d'esprit, évidemment, et en ont fait une espèce de
lingua spiritualica bidonista, ;> avec plein de "keywords" --
MT, ego, etc. -- qui n'ont pas énormément de sens, mais composent une espèce de berceuse qui calme un peu les affres de la condition humaine.
Il y a plein de bouts de sagesse super dans les spiritualités asiatiques, des concepts, des idées, des inspirations auxquelles notre civilisation ne pouvait accéder. Le
Dao, son superbement parlant et juste symbole du Yin/Yang, etc. Je m'en saisis avec joie et pour de réels bénéfices, mais
il n'a jamais été question de me noyer dans la spiritualité de l'autre ; l'accrétion, la syncrétion, elle est à faire sur le site de mes racines et pas ailleurs.
Tout ça pour dire, que quand je lis des phrases où il y a plusieurs fois le mot
"ego", et qu'on n'est pas en train de parler du "Moi" freudien, sous éclairage freudien, moi, je ne sais pas trop de quoi on parle, d'autant qu'il y a en général à côté d'autres termes qui ne me parlent pas, voire des références à des vies antérieures... et là, bon...
oOo
Laura Zerty a dit:
Pour ce qui est de la voie introspective, il y a des degrés d'introspection propre à chacun dans le sens où tout individu n'est pas prêt à vivre autant de désillusion qu'un autre,
Le morcellement dont je parle c'est la perte d'identité, la perte d'ego sous trip quand on se sent totalement dissocié et qu'on fait nawak, ou qu'on pense des trucs trop chelous. On ne se reconnait plus quoi.
Oui, bien sûr, ton "caveat" est juste : tout le monde ne peut pas soutenir de "descendre aux enfers" de la vérité nue de ce qu'il a traversé. Et la structure du "refoulement" consiste en effet à édifier une dalle en béton de convictions et de vécu "révisionniste" pour ne pas souffrir des désillusions.
Sur ton deuxième propos, tu sais --
on en a pas mal discuté substantiellement -- que je ne crois absolument pas que les expériences dissociatives aident à avancer sur le chemin de sa quête et plutôt qu'elles y nuisent.
oOo
Voilà, je crois que je n'ai oublié personne, mais ça fait copieux, c'est sûr --
quand on parle, on parle ! ![Big grin :D :D](https://cdn.jsdelivr.net/joypixels/assets/8.0/png/unicode/64/1f600.png)