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[Délire] Une forme d’illumination comme une autre - En contrepoint à ma vie d’anonyme

Tridimensionnel

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NdT (Note-de-Tridi) : ces deux textes sont tirés du numéro 3 du magazine Sans Remède (dont je parle dans ce topic) ; je n'en suis pas l'autrice et ils n'ont pas été écrits par la même personne. C'est-à-dire que si ces expériences sont proches, elles ne se suivent pas et ne sont pas réductibles l'une à l'autre.

Le premier texte relate le début du délire, lorsque celui-ci peut encore passer pour un état d'esprit comme un autre. J'ai trouvé très intéressante l'exploration de cette frontière, assez trouble finalement, entre l'idée enthousiaste et l'idée délirante ; où l'on voit d'ailleurs que tout n'est pas à jeter (rien, d'ailleurs), que tel dans un trip artificiel (LSD ou autres) il y a la possibilité d'en tirer un enseignement à perpétuer dans la sobriété, avec de la mesure.

Le second est peut-être un peu plus voyeuriste dans le sens où il plonge directement dans la phase aiguë du délire. Il a été l'un des premiers à vraiment me faire réfléchir au sens de la folie et à la place qu'on lui accorde par sa conclusion, ce moment où l'autrice parle des livres d'auteurs délirants (tel Anthonin Arthaud) que l'on est bien contents d'exhiber dans sa bibliothèque parce que ce sont des mots bien rangés, alors qu'ici personne n'a pris la peine d'observer l'autrice d'un point de vue autre que médical, personne ne lui a rapporté ses propre paroles.








Une forme d'illumination comme les autres


J’ai commencé par dormir très peu, c’était à l’époque où je fumais pas mal de joints avec des amis. Ça a débuté avec de l’euphorie : quelque chose s’est emballé. Euphorie, je ne sais pas si c’est le mot. Enthousiasme, en tout cas. De l’exaltation, ajoutée au fait de ne pas dormir.

C’est arrivé en février, si je me souviens bien. À l’époque, je suivais des cours dans une école de jazz, depuis 4 ou 5 mois déjà. J’étudiais le piano et je me suis mis à découvrir une nouvelle façon de jouer. Ça a été un des premiers éléments déclencheurs. Il y a un moment, comme tu as pratiqué des accords, des thèmes différents, tu commences à avoir ça dans les mains, tu as emmagasiné un peu de connaissances.​
Et ce qu’il y a, c’est que j’ai pris conscience de ça en un coup. Du jour au lendemain, littéralement. La première fois j’avais décidé, pour voir, de jouer sans cadre prédéterminé, sans partir d’un morceau ou de quoi que ce soit. Juste s’asseoir à son piano et commencer à pianoter sans se soucier de l’harmonie ni d’autre chose. Et en fait ça donnait des choses vraiment intéressantes. Je prenais conscience de nouvelles possibilités. C’était vraiment chouette. Je me rendais compte que je pouvais improviser totalement pendant une longue période, une heure par exemple, et y prendre plaisir. En plus comme c’était une nouvelle découverte, c’était très enthousiasmant. Ce dont je me souviens, c’est que j’ai montré ça à mon prof, et il était très enthousiaste lui aussi. Il m’a fait une liste des compositeurs que je devais écouter.​
C’est ce jour-là, le jour du cours de piano, que ça a commencé à s’emballer. Je pensais à plein de choses ! Enfin oui, c’est des bouffées maniaques. Tu passes tellement de temps à te poser des questions sur le monde, la vie, tout ça... À un moment il faut que ça sorte. Ça peut sortir de plein de manières, ça dépend. Si tu crées, si tu composes des morceaux, ça peut sortir comme ça petit-à-petit, et parfois ça peut aussi sortir de façon plus dangereuse, parce que tout sort en même temps. D’ailleurs je me souviens que théoriquement, il y avait des idées intéressantes. On peut expliquer les choses rationnellement, le fait que je n’avais pas assez dormi et tout ça, le fait que je suis entré dans un état reconnu cliniquement comme délirant, mais ça reste une forme d’illumination comme​
une autre.​

Je me souviens que je lisais un livre qui m’avait marqué, Les Chimpanzés et Moi de Jane Goodall, une femme qui a étudié les chimpanzés dans les années soixante. Elle décrit bien cette société, tout à fait complexe comme n’importe quelle société. Et quelque chose m’avait frappé. Elle observe que les jeunes chimpanzés sont toujours occupés à jouer, et tout ce temps qu’ils passent à jouer les rend familiers avec la jungle, avec les lianes, avec le fait de sauter, de s’accrocher : très vite ils deviennent complètement à l’aise. Ce serait impossible que l’un d’eux rate une liane.​
C’est cette idée du jeu qui m’a tout à coup... en me mettant tout à coup à jouer du piano sans... en jouant, comme ça, sans me poser de questions, ça rejoignait l’idée qu’il fallait tout prendre dans le sens du jeu. Une espèce de légèreté. Une nouvelle façon de voir les choses. C’est par le plaisir que l’on apprend. Les enfants jouent, ils ont du plaisir à jouer, et c’est justement par là que les choses se passent. C’est par là qu’ils vivent le monde. C’est tout à fait à l’opposé de l’idée de travailler pour apprendre, pour devenir bon. En plus c’est une idée que tu subis beaucoup quand tu étudies un instrument. Tu vois des gens qui jouent mille fois mieux que toi, tu te dis oh putain, toutes les heures de pratique c’est par qui me restent à faire... Comme on est beaucoup dans une société comme ça, tu penses toujours que tu ne pratiques pas assez, que tu pourrais passer plus de temps devant ton piano.​
Et là tout d’un coup, c’est passé de l’autre côté. La question ce n’était plus de travailler pour progresser, mais bien de jouer. Le fait de jouer du piano me procurait déjà immédiatement du plaisir. Il n’était donc plus question de pratiquer une seconde. Ce que je veux dire, ce n’est pas qu’arrivé à un certain niveau de connaissance de l’instrument j’étais enfin capable de prendre du plaisir à en jouer. C’est plutôt l’inverse : la conversion s’est faite sur le plan théorique d’abord. C’est en partant de la notion de jeu telle qu’elle est abordée dans Les Chimpanzés et Moi, et en la confrontant à mon expérience d’apprenti musicien, que j’ai été capable de comprendre que plus jamais je n’aurais à pratiquer, que plus jamais je n’aurais à m’entraîner, qu’il n’était plus question que de jouer. Le fait qu’on dise jouer du piano tombait bien, évidemment. Ça confirmait de façon extérieure et donc inattaquable la théorie. Je me souviens d’ailleurs m’être mis à délirer là-dessus.​

Je crois que c’est à partir de ce jour-là, du cours de piano, que j’ai commencé à ne plus dormir. Ou alors… si je me souviens bien... oui, j’avais déjà très peu dormi la veille ... genre deux heures ou quoi. (J’avais été à une soirée chez des amis). Quand tu as peu dormi, tu fais les choses de façon beaucoup plus directe. Le temps que tu réalises que tu veux faire quelque chose, tu es déjà en train de le faire. Du coup il y a une sorte d’assurance et d’évidence dans ce que tu fais. Et aussi dans ce que tu dis : tu as l’impression que ça tombe plus juste, doté exactement de la bonne nuance métaphorique. C’est le geste juste qui s’impose à toi, sans que tu n’aies rien à faire.​
Alors ça, ajouté au fait que je venais de trouver une nouvelle façon de jouer qui m’enthousiasmait, et au fait que je développais une théorie sur l’idée que tout n’est que jeux et improvisation, tu penses que j’avais de quoi commencer à m’envoler…​

Donc, le jour du cours de piano, en même temps il y avait cet enthousiasme d’avoir découvert un nouvel angle, une autre approche du monde, et en même temps je me suis mis, soudain, à avoir peur qu’il m’arrive quelque chose, à avoir peur de mourir. Comme tout était improvisation, il fallait du coup faire très attention : n’importe quoi pouvait m’arriver. Donc je commençais à avoir cette hantise qu’il m’arrive un accident, que je me fasse renverser par une voiture par exemple.​
En plus, comme je venais de découvrir quelque chose d’intéressant, c’était vraiment pas le moment. C’est comme si, étant conscient pour la première fois d’une nouvelle dimension de la vie, (sa dimension immédiate), la mort m’apparaissait tout à coup comme quelque chose de vraiment inquiétant. On voit que, à marcher en rue (je rentrais du cours de piano) et à être obsédé par la crainte qu’il m’arrive quelque chose à tout moment, j’étais déjà en plein délire. C’est intéressant parce que le fait de se braquer sur la mort était déjà un signe de délire, et en même temps on peut voir ça comme le signe de la conscience, à un certain niveau, de mon état délirant : tu es dans un état dangereux, fais attention à toi. C’est-à-dire que les signaux d’alerte sont effectivement envoyés, mais déjà à travers la moulinette du délire.​

Du coup la nuit suivante j’ai été incapable de m’endormir, cette idée d’une mort possible m’étant insupportable. Ce n’est pas du tout l’éventualité que je ne me réveille pas qui m’effrayait (la question n’était pas là, il n’y avait pas spécialement d’analogie entre dormir et mourir). C’est simplement que je n’arrivais pas à m’endormir : l’idée de la mort était trop effrayante pour trouver le repos. Donc je suppose qu’à partir de ce moment, avec deux heures de sommeil sur quarante huit heures et dans l’état où j’étais, la machine était emballée.​
J’ai commencé à développer des idées plus franchement délirantes. Des théories maniaques. Tu imagines que tout est centré autour de toi. Des gens que tu vois sont en fait des acteurs. Leur rôle apparent n’est qu’une façade. Ils font en réalité partie d’une grande confrérie internationale et ils t’ont repéré comme un des leurs. Ou sans doute que tout ça est prévu depuis très longtemps. Tu as été préparé, éduqué, même à l’insu de tes parents, pour un jour entrer dans leur cercle. Et ce jour est proche. Bientôt tu recevras un signe ; ils t’appelleront et tu seras initié.​

H.​





En contrepoint à ma vie d’anonyme


Le délire.
Dans le jargon médical, B.D.A : Bouffée Délirante Aiguë. On parle aussi beaucoup d’« épisode ». Épisode délirant, épisode psychotique. Il s’agit du moment où l’on « pète un plomb », où l’on largue tout – quotidien, rationnel, normalité – pour voguer, en général à vive allure, vers l’irrationnel. Vers ce qui nous manque, sur nos territoires vidés de toute idée de magie, débarrassés de tout mysticisme, sur nos territoires cherchant à éradiquer toute idée de collectif, de cohésion, abjurant tout projet de révolution ; alors on s’en charge, on s’en charge si fortement que l’on arrive à genoux, pliés sous le poids des symboles, à la porte des hôpitaux. Souffrant terriblement, ou euphorisant jusqu’à la lumière, ne demandant qu’à parler, qu’à se vider, qu’à être suivis, ne demandant rien d’autre que de partager toute cette nouvelle science. Seulement, le docteur n’est pas là pour nous suivre. Il est là pour nous ramener dans son désert.​

Selon ma psychiatre « commis d’office » de l’hôpital, mon diagnostic fut celui-là : « épisode psychotique aigu ».​
Personne ne m’a donné de drogues, de champignons, je n’ai rien fumé, rien pris. J’ai commencé par faire des insomnies ; j’avais entrepris de tout regarder, de tout remettre en question. Je me sentais neuve. C’était l’été, il faisait beau, les gens étaient ouverts, souriants, détendus. Prêts à partager avec moi ces découvertes. Au fur et à mesure de mes nuits presque blanches, je me sentais de mieux en mieux, désinhibée. J’étais quand même bien consciente qu’il me fallait me reposer : je suis allée acheter des capsules de valériane, qui puaient la mort – mais qui étaient censées me faire dormir. J’ai remplacé le café par de la tisane, le thé de l’après- midi par du tilleul : rien n’y a fait. J’essayais de calmer ce sentiment que je qualifiais déjà d’« euphorie », mais j’étais allée trop loin. Après quelques nuits où je ne dormais plus que trois ou quatre heures, je n’ai plus dormi du tout. Un ami était avec moi, m’écoutait : je commençais à monologuer, tout m’inspirait, tout prenait du sens. Le délire avait commencé.​

En contrepoint à ma vie d’anonyme, d’inconnue sans importance diluée dans la ville, au fait que « rien ne change que je sois ici ou pas », j’ai opposé ma soudaine et cruciale nécessité. Cette fois, je compte, je suis venue sauver le monde, pas moins que ça. L’égocentrisme éclot brusquement dans le délire. Le symbole, le rite retrouve son importance.​
Je ne vais pas chercher à résumer ici ce délire qui fut le mien. Trop complexe, touffu, et trop de détails ne renvoient qu’à ma propre histoire. Néanmoins, je peux tenter d’en livrer une petite photographie, un « flash ». Non pas un morceau de cet éclair qui m’électrisa plusieurs jours, car l’éclair a disparu, l’orage est passé. Mais un essai de reconstitution de sa lumière.​

Le jour se lève sur la Nationale 20. Je suis de la nuit, comme ceux que je croise. Il y a les gens de la nuit, et les gens du jour : ceux qui nous empêchent de vivre sont ceux du jour. Ceux de la nuit les font vivre : ce sont des Noirs, des Arabes, qui vont ou qui reviennent du travail. Je croise un laveur de carreaux, avec qui je ris beaucoup et qui me dit que j’ai raison, en tout. Il prend mon téléphone, le réseau est en train de se faire. La révolution est en marche. Je sens que bientôt, je conduirai la révolution à travers les rues de Paris, je chante les slogans que tous se réapproprieront, je marcherai nu-pieds ; et si j’étais la messie ? Je me sens infiniment bien, je suis en train de TOUT comprendre. Tout s’enchaîne, je ne mange plus, je ne bois plus, je vais bientôt donner naissance à une nouvelle race, sans estomacs ni viscères, une race sans dedans visqueux, sans trace de sang poisseux, une masse de chair. J’ai des pouvoirs, que je vais apprivoiser, je me sens légère ; je m’allonge par terre et guette l’avion qui explosera, chargé de mon père : est-ce pour cela que j’ai si mal ? La terre va brûler ; l’Afrique a déjà commencé. Je lance un appel à tous ceux que je connais – effort de mémoire inimaginable – pour venir me rejoindre dans la maison, dans la cour : seul espace épargné. Pour sauver l’humanité, ne voyez-vous pas que j’empêche le soleil de toucher la terre, en ne m’arrêtant plus de parler ? Nous vivons plusieurs vies, nous les gens de la nuit, d’ailleurs, la mienne se termine ce soir. Je vais mourir tout à l’heure, frappée par le virus, et j’ai peur.​
Je suis surveillée. Ils me veulent, ces révolutionnaires, je brûle leur Appel avec mes fiches de paie, je broie mon téléphone. Des éclairs d’une folle lucidité me traversent : une douleur immense… je lance mes affaires par la fenêtre. Me crois épiée. Me crois violée. Me crois investie d’une terrible mission.​
J’attends Uranus, tous mes livres sont passés par la fenêtre, attendent avec moi sur l’herbe. L’étoile viendra.​
Je m’allonge, j’attends tous ceux qui doivent me rejoindre. Ils vont assister à ma transformation, je vais grandir. Je dois évacuer sous leurs yeux un morceau de moi, probablement un morceau de merde. Chier sous les yeux des gens, même s’il s’agit de gens que l’on a choisis, qu’y a-t-il de plus horrible aujourd’hui ? à moins que je ne me mette à accoucher, je ne sais pas. Mais quelque chose va sortir de moi, sous leurs yeux, et j’ai honte d’avance. Le temps passe, et rien n’arrive : la transformation n’a pas l’air d’être pour ce soir. Je suis comme une voiture lâchée sans frein dans une pente. Le sol se dérobe sous mes pieds, je sais qu’il faut dormir, je sais qu’il faut manger : je n’ai plus le temps, il y a trop de choses à penser.​
Un taxi arrive, ça tombe bien, j’ai à parler. Que l’on m’amène l’homme que j’aime au plus vite, on parlera politique après. C’est avec lui que tout est possible, avec lui que la révolution va se faire. En route !​
Je ne comprends rien, où m’amène-t-on ? Je pensais arriver à la Maison de La Radio, dans ses grands bâtiments de verre. Certes, trop petits pour refléter tous mes propos, mais ç’aurait été un bon début, et au lieu de ça, j’arrive dans un lieu bizarre, en pierre. Ce sont tous des acteurs, des acteurs qui jouent très bien ; c’est une grande mise en scène faite à mon intention, on n’attend que moi : déjà ailleurs, hors de ces murs, on me fête.​
Ce grand jeu-là n’est qu’une étape, une étape à franchir, pour le retrouver. Il va venir. On cherche à me tromper : on m’en amène plusieurs, des hommes, tous en blouse blanche, et on voudrait me les faire prendre pour lui. On veut que je l’oublie. Mais où suis-je, ici ? Je m’assoie dans un coin de la pièce où l’on m’a mise, avec ma mère, assise sur une chaise en face de moi. Un type, déguisé en docteur, prend des notes. Ma mère me regarde d’un air… paniqué. Elle a peur de ce que je vais dire, de ce que je vais faire, elle sait qu’elle n’est pas allée assez loin, sait que je vais la dépasser. Elle a peur de moi, elle m’a confiée à des médecins. Je la croyais plus forte, reine des sorcières ; elle non plus ne comprend rien, elle aussi veut m’étouffer.​
L’homme en blouse blanche me demande de parler : je lui raconte ce que je peux, ce qui sort de ma bouche. Shéhérazade des journées, pour empêcher le soleil de nous tuer, en parlant, je retiens la lumière ; ici, on ne sent déjà plus la chaleur. Ici, il n’y aura bientôt plus d’air. Je sens que les infirmières sont touchées par ce que je raconte, l’accouchement par le rire, l’accouchement dans le bonheur : elles sentent que j’œuvre pour « notre sexe », nous nous pénétrons par les regards. Mais les hommes sont fermés. Ils ont tous les yeux marron, comme lui. Ils lui ressemblent tous ; ils l’ont mélangé. Ils cherchent à me le faire oublier, mais tant que je m’en souviendrai, ils n’y parviendront pas. Son regard, je le tiens entre mille. Je veux sortir ; on me bouscule, on me ramène, je cherche à me laisser tomber : on me soulève. Je me retrouve allongée sur le ventre, tenue de tous côtés, je me débats, je crie, je ne peux plus bouger ; et dans la fesse, une douleur inouïe.​

Juste avant cette piqûre, je l’ai vu écrire. Il a noté les pathologies qu’il croyait discerner, les symptômes. Il a cherché à faire entrer la nouvelle patiente que j’étais dans une case, afin de savoir quelle pilule, de la blanche ou de la jaune, il me faudra avaler. J’aurais aimé que les soignants m’écoutent, qu’ils me racontent ensuite, « revenue à moi », ce que je racontais alors. Peut-être achètent-ils de la poésie : bien rangée sur des étagères, elle ne leur fait pas peur. Quand elle se propulse dans la rue, qu’elle remue la vie bien ordonnée de leur hôpital, ils la rentrent au plus profond de la chair avec des seringues de fer. On assèche les racines à coups de produits puissants, car on ne connaît pas cette sorte de plante, on a peur de ce mystère.​

Sortie, devant le mur de l’hôpital, j’observe les voitures qui glissent le long de la route. À cet instant, je ne pense pas, je suis vide. Mais maintenant, je me vois : un arbrisseau auquel on a coupé ses racines, et que l’on jette dans la pente, lui ordonnant d’aller aussi vite que ces machines bruyantes.​

P.​
 
Merci du partage, super trouvaille "Sans Remède" .
 
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