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En 1963, le sociologue Howard Becker publie un ouvrage du nom de Outsiders, études d'une sociologie de la déviance, qui a un succès fou et qui aujourd'hui encore fait partie des best-sellers de la sociologie.
Que signifie "déviance" ? Ce mot désigne les pratiques qui s'éloignent de la norme, qui posent problème à la société, telles que le vol, le meurtre, la toxicomanie, la délinquance, etc. Plein de sociologues cherchaient jusque-là à l'expliquer en trouvant des caractéristiques communes aux auteurs d'actes déviants, donc en situant la cause de la déviance dans l'individu. Becker prend le contre-pied de cette approche : pour lui, la déviance est un processus par lequel des activités sont désignées comme sortant de la norme. Autrement dit, l'origine de la déviance se situe non pas dans l'individu déviant, mais dans son étiquetage comme déviant par un ordre normatif.
(Il y aurait plein de choses à dire sur la sociologie de la déviance, mais ce ne sera pas le sujet du topic. Albert Ogien a fait en 1995 un livre de synthèse à son propos.)
Cette approche est celle d'un courant qui va devenir majeur dans la sociologie américaine : l'interactionnisme. Alors que le fonctionnalisme à la Durkheim considérait que chaque rouage de la société remplit une fonction, l'interactionnisme voit la société comme un processus par lequel des individus et des groupes d'individus se transmettent continuellement des significations. trois notions sont là hyper importantes : celle de processus, et celle de signification, et celle de transmission. Tout cela permet de comprendre l'apprentissage social.
Je vais prendre un exemple qui nous intéresse, et qui est aussi le premier présenté par Becker : celui des consommateurs de cannabis. Je vais résumer rapidement, mais vous pourrez trouver l'étude entière dans les chapitres 3 et 4 de Outsider, ou alors directement l'article "Becoming a Marihuana User".
Pour écrire ces chapitres, qui à l'origine sont un article de sociologie, il a interviewé une cinquantaine de fumeurs de cannabis. Sa théorie a été construite à partir de ces entretiens, avec l'idée qu'elle n'aurait de la valeur que si elle pouvait s'appliquer à chaque cas : ce n'est donc pas statistique / quantitatif, mais purement qualitatif.
Il faut avant tout comprendre que pour Becker, le fumeur de cannabis n'est pas une personne différente des autres. Ce n'est pas en lui, dans des caractéristiques personnelles, qu'il faut chercher l'origine de son usage de cannabis.
Le consommateur attribue, au départ, à la drogue une signification négative, renforcée au quotidien par l'expression de cette signification négative par son entourage, les médias, la police etc.
Comment en vient-il à fumer du cannabis de façon régulière, à adopter une pratique déviante, à devenir déviant ? Pour Becker, ça ne se fait pas d'un coup, il n'y a pas de cause unique. C'est le fruit d'un processus, une suite de conditions réunies les unes après les autres : il nous présente un modèle séquentiel de la déviance.
Devenir un fumeur de cannabis
La première étape, pour le futur bédaveur, est d'être en contact avec des gens qui accordent à la drogue une autre signification. Pour eux, fumer du cannabis est une source de plaisir, une activité bénigne, et surtout, non-déviante. Ce nouvel entourage rend possible, pour l'individu, une reconfiguration de ses propres significations. C'est seulement à cette condition qu'il laissera sa curiosité, son goût de l'aventure, ... prendre le dessus sur ses réticences.
Ensuite, il faut se procurer de la drogue. Cela demande soit d'avoir des amis fumeurs, soit de trouver un dealer, donc ça réclame un réseau social ou un apprentissage transmis par des pairs.
Ensuite, il faut apprendre la technique pour fumer. Il y a l'effritage, le roulage (qui peut la première fois être fait par un autre), mais aussi la façon d'inspirer, de gérer sa dose, etc. Si ces technique ne sont pas transmises par les pairs, l'expérimentateur risque fort de rester sur sa faim et ne deviendra pas un fumeur de cannabis.
Ensuite, il faut apprendre à reconnaître les effets et à les considérer comme agréables. Eh oui ! Dans les entretiens menés par Becker, la plupart des usagers se rappellent n'avoir pas "plané" la première fois, ou ne pas s'en être aperçu, ou n'avoir pas apprécié. Par exemple, on peut ressentir un grand stress à cause de ces sensations bizarres, craindre de mourir etc., et alors le pair déjà expérimenté peut dire : "t'inquiète, tu planes c'est tout" et alors la sensation bizarre acquière une nouvelle signification et on peut en profiter. On peut aussi se trouver parfaitement normal jusqu'à que les autres se mettent à rigoler et qu'on se rende compte qu'en fait on dit que de la merde depuis cinq minutes. Bref, il faut assigner la signification "je plane et ça m'éclate" aux sensations ressenties. Sinon, l'usager sera déçu et ne recommencera pas.
Rester un fumeur de cannabis
Comme Becker le dit si bien : "Un individu n'adopte un mode de consommation régulier de la marijuana que s'il a appris à l'aimer, mais cette condition nécessaire n'est pas suffisante : il doit aussi maîtriser les puissants contrôles sociaux qui font apparaître son usage comme immoral ou imprudent."
C'est l'importance de ces contrôles sociaux, leur efficacité, ou au contraire l'habileté du fumeur à les contourner, qui détermine jusqu'à quel point il mènera sa carrière de fumeur de spliff (la carrière est une autre notion importante chez Becker). Cette défaillance des contrôles sociaux est permise par l'existence de groupes sociaux alternatifs, qui n'emploient pas les mêmes significations que l'ordre global.
Trois exemples :
- pour devenir et rester un fumeur régulier, il faut avoir des sources d'approvisionnements stables. Sinon, on ne sera jamais que fumeur occasionnel. La vente étant illégale, les contrôles sociaux déstabilisent sans cesse le marché : emprisonnement des dealers, méfiance conséquente, produits peu sûrs... donc pour se procurer régulièrement du cannabis, il faut connaître les revendeurs, renouveler régulièrement sa connaissance de ce réseau, savoir comment bien présenter et inspirer la confiance, comment inspirer le respect aussi histoire de pas se faire arnaquer... Tout ça est rendu possible par l'intégration à des cercles sociaux de consommateurs qui partagent leurs bons plans, se portent garants des uns des autres etc.
- la peur d'être rejetée par les personnes attribuant des significations négatives au cannabis est un frein très puissant à l'usage régulier : la famille, l'employeur, les amitiés nouées avant le début de la consommation... L'exigence de garder le secret implique de rester discret, discontinuer les prises, surveiller son odeur, autant d'obstacles. Pour devenir un fumeur régulier, l'usager doit contrôler cette peur : soit en apprenant à paraître sobre alors qu'il est défoncé, soit en s'intégrant à un cercle social déviant où l'usage de cannabis n'a pas de signification négative et où il pourra se livrer à sa déviance sans subir de contrôle social.
- le fumeur n'est moralement pas différent des non-fumeurs, il a intégré les mêmes idéaux de "prendre soin de sa santé", "garder le contrôle" etc. Pour continuer à fumer sans se sentir mauvais, il lui faut élaborer des rationalisations qui lui permettent d'interpréter sa pratique d'une façon qui l'accorde avec la morale. Par exemple : qu'il y a pire que le cannabis, comparaisons avec l'alcool, assurer qu'on contrôle sa consommation... Ces interprétations sont soutenues et renforcées par la participation à des groupes sociaux accordant des significations similaires à l'usage de cannabis.
L'importance de ces cercles sociaux alternatifs est telle que la plupart des consommateurs ralentissent voire cessent leur consommation en s'en éloignant : qu'ils n'aient plus accès au produit, plus l'occasion de fumer, ou qu'ils changent de point de vue... La carrière de consommateur n'est donc pas infinie : les travaux sociologiques ultérieurs remarquent d'ailleurs que la plupart des usagers addicts à un produit cessent néanmoins de consommer après la trentaine.
Ok, et donc ?
Ce que j'aime retenir de cette exposé, c'est que dans l'usage de drogues, il n'y a pas que l'usager et la drogue, ce n'est pas une rencontre à deux termes. Prendre de la drogue nécessite un apprentissage social (en cela, ce n'est pas une activité différente des autres).
Aussi, bien que l'action pharmacologique d'un produit soit une donnée stable et indéniable, ce n'est pas le seul paramètre à prendre en compte pour comprendre les effets d'un produit sur une personne. L'expérience est modelée par les significations que cette personne accorde à sa consommation, des significations qui ne naissent pas ex nihilo mais sont transmises par l'entourage, les lectures, la musique, la religion, et réinterprétées par l'individu.
Et ce modelage n'est pas insignifiant, il joue un rôle prépondérant dans les trajectoires de vie. Les travaux de Becker ont ainsi été inspirés par ceux de Lindesmith qui en 1938 a montré que l'addiction aux opiacés (et la non-addiction aussi, puisqu'elle n'est pas systématique) est autant le fruit d'attributions de significations aux manque et au soulagement du manque par le produit que de l'action pharmacologique du produit. J'en parlerai peut-être une autre fois !
Pour aller plus loin, je trouverais intéresser d'envisager Psychonaut du point de vue de cet apprentissage social. Le forum est en soi un lieu d'apprentissage des techniques d'usage de drogues. Les TR donnent des clefs pour interpréter et apprécier les effets des produits. À une époque y'avait tout une hype autour des "matrices prénatales" et de l' "ego death". Même si l'on interdit l'échange de plans, il arrive qu'on donne des indices sur comment faire pour se procurer un produit (par exemple la liste RDR des shops de RC, censée aider à éviter les arnaques, ou les astuces pour naviguer sur le darknet). Fréquenter le forum normalise la consommation, c'est une observation qui a déjà été faite plusieurs fois. Et il arrive souvent que des membres prennent des distances avec le forum dans le but conscient de réduire leur consommation. Pour toutes ces raisons, des consommateurs socialement isolés IRL peuvent intégrer, même lorsqu'ils ne participent pas activement au forum, un groupe social alternatif.
Est-ce que cette grille de lecture vous parle ? Si vous repensez aux étapes de vos diverses consommations, est-ce que vous parvenez à distinguer les influences, les apprentissages, les réinterprétations ?
Que signifie "déviance" ? Ce mot désigne les pratiques qui s'éloignent de la norme, qui posent problème à la société, telles que le vol, le meurtre, la toxicomanie, la délinquance, etc. Plein de sociologues cherchaient jusque-là à l'expliquer en trouvant des caractéristiques communes aux auteurs d'actes déviants, donc en situant la cause de la déviance dans l'individu. Becker prend le contre-pied de cette approche : pour lui, la déviance est un processus par lequel des activités sont désignées comme sortant de la norme. Autrement dit, l'origine de la déviance se situe non pas dans l'individu déviant, mais dans son étiquetage comme déviant par un ordre normatif.
(Il y aurait plein de choses à dire sur la sociologie de la déviance, mais ce ne sera pas le sujet du topic. Albert Ogien a fait en 1995 un livre de synthèse à son propos.)
Cette approche est celle d'un courant qui va devenir majeur dans la sociologie américaine : l'interactionnisme. Alors que le fonctionnalisme à la Durkheim considérait que chaque rouage de la société remplit une fonction, l'interactionnisme voit la société comme un processus par lequel des individus et des groupes d'individus se transmettent continuellement des significations. trois notions sont là hyper importantes : celle de processus, et celle de signification, et celle de transmission. Tout cela permet de comprendre l'apprentissage social.
Je vais prendre un exemple qui nous intéresse, et qui est aussi le premier présenté par Becker : celui des consommateurs de cannabis. Je vais résumer rapidement, mais vous pourrez trouver l'étude entière dans les chapitres 3 et 4 de Outsider, ou alors directement l'article "Becoming a Marihuana User".
Pour écrire ces chapitres, qui à l'origine sont un article de sociologie, il a interviewé une cinquantaine de fumeurs de cannabis. Sa théorie a été construite à partir de ces entretiens, avec l'idée qu'elle n'aurait de la valeur que si elle pouvait s'appliquer à chaque cas : ce n'est donc pas statistique / quantitatif, mais purement qualitatif.
Il faut avant tout comprendre que pour Becker, le fumeur de cannabis n'est pas une personne différente des autres. Ce n'est pas en lui, dans des caractéristiques personnelles, qu'il faut chercher l'origine de son usage de cannabis.
Le consommateur attribue, au départ, à la drogue une signification négative, renforcée au quotidien par l'expression de cette signification négative par son entourage, les médias, la police etc.
Comment en vient-il à fumer du cannabis de façon régulière, à adopter une pratique déviante, à devenir déviant ? Pour Becker, ça ne se fait pas d'un coup, il n'y a pas de cause unique. C'est le fruit d'un processus, une suite de conditions réunies les unes après les autres : il nous présente un modèle séquentiel de la déviance.
Devenir un fumeur de cannabis
La première étape, pour le futur bédaveur, est d'être en contact avec des gens qui accordent à la drogue une autre signification. Pour eux, fumer du cannabis est une source de plaisir, une activité bénigne, et surtout, non-déviante. Ce nouvel entourage rend possible, pour l'individu, une reconfiguration de ses propres significations. C'est seulement à cette condition qu'il laissera sa curiosité, son goût de l'aventure, ... prendre le dessus sur ses réticences.
Ensuite, il faut se procurer de la drogue. Cela demande soit d'avoir des amis fumeurs, soit de trouver un dealer, donc ça réclame un réseau social ou un apprentissage transmis par des pairs.
Ensuite, il faut apprendre la technique pour fumer. Il y a l'effritage, le roulage (qui peut la première fois être fait par un autre), mais aussi la façon d'inspirer, de gérer sa dose, etc. Si ces technique ne sont pas transmises par les pairs, l'expérimentateur risque fort de rester sur sa faim et ne deviendra pas un fumeur de cannabis.
Ensuite, il faut apprendre à reconnaître les effets et à les considérer comme agréables. Eh oui ! Dans les entretiens menés par Becker, la plupart des usagers se rappellent n'avoir pas "plané" la première fois, ou ne pas s'en être aperçu, ou n'avoir pas apprécié. Par exemple, on peut ressentir un grand stress à cause de ces sensations bizarres, craindre de mourir etc., et alors le pair déjà expérimenté peut dire : "t'inquiète, tu planes c'est tout" et alors la sensation bizarre acquière une nouvelle signification et on peut en profiter. On peut aussi se trouver parfaitement normal jusqu'à que les autres se mettent à rigoler et qu'on se rende compte qu'en fait on dit que de la merde depuis cinq minutes. Bref, il faut assigner la signification "je plane et ça m'éclate" aux sensations ressenties. Sinon, l'usager sera déçu et ne recommencera pas.
Rester un fumeur de cannabis
Comme Becker le dit si bien : "Un individu n'adopte un mode de consommation régulier de la marijuana que s'il a appris à l'aimer, mais cette condition nécessaire n'est pas suffisante : il doit aussi maîtriser les puissants contrôles sociaux qui font apparaître son usage comme immoral ou imprudent."
C'est l'importance de ces contrôles sociaux, leur efficacité, ou au contraire l'habileté du fumeur à les contourner, qui détermine jusqu'à quel point il mènera sa carrière de fumeur de spliff (la carrière est une autre notion importante chez Becker). Cette défaillance des contrôles sociaux est permise par l'existence de groupes sociaux alternatifs, qui n'emploient pas les mêmes significations que l'ordre global.
Trois exemples :
- pour devenir et rester un fumeur régulier, il faut avoir des sources d'approvisionnements stables. Sinon, on ne sera jamais que fumeur occasionnel. La vente étant illégale, les contrôles sociaux déstabilisent sans cesse le marché : emprisonnement des dealers, méfiance conséquente, produits peu sûrs... donc pour se procurer régulièrement du cannabis, il faut connaître les revendeurs, renouveler régulièrement sa connaissance de ce réseau, savoir comment bien présenter et inspirer la confiance, comment inspirer le respect aussi histoire de pas se faire arnaquer... Tout ça est rendu possible par l'intégration à des cercles sociaux de consommateurs qui partagent leurs bons plans, se portent garants des uns des autres etc.
- la peur d'être rejetée par les personnes attribuant des significations négatives au cannabis est un frein très puissant à l'usage régulier : la famille, l'employeur, les amitiés nouées avant le début de la consommation... L'exigence de garder le secret implique de rester discret, discontinuer les prises, surveiller son odeur, autant d'obstacles. Pour devenir un fumeur régulier, l'usager doit contrôler cette peur : soit en apprenant à paraître sobre alors qu'il est défoncé, soit en s'intégrant à un cercle social déviant où l'usage de cannabis n'a pas de signification négative et où il pourra se livrer à sa déviance sans subir de contrôle social.
- le fumeur n'est moralement pas différent des non-fumeurs, il a intégré les mêmes idéaux de "prendre soin de sa santé", "garder le contrôle" etc. Pour continuer à fumer sans se sentir mauvais, il lui faut élaborer des rationalisations qui lui permettent d'interpréter sa pratique d'une façon qui l'accorde avec la morale. Par exemple : qu'il y a pire que le cannabis, comparaisons avec l'alcool, assurer qu'on contrôle sa consommation... Ces interprétations sont soutenues et renforcées par la participation à des groupes sociaux accordant des significations similaires à l'usage de cannabis.
L'importance de ces cercles sociaux alternatifs est telle que la plupart des consommateurs ralentissent voire cessent leur consommation en s'en éloignant : qu'ils n'aient plus accès au produit, plus l'occasion de fumer, ou qu'ils changent de point de vue... La carrière de consommateur n'est donc pas infinie : les travaux sociologiques ultérieurs remarquent d'ailleurs que la plupart des usagers addicts à un produit cessent néanmoins de consommer après la trentaine.
Ok, et donc ?
Ce que j'aime retenir de cette exposé, c'est que dans l'usage de drogues, il n'y a pas que l'usager et la drogue, ce n'est pas une rencontre à deux termes. Prendre de la drogue nécessite un apprentissage social (en cela, ce n'est pas une activité différente des autres).
Aussi, bien que l'action pharmacologique d'un produit soit une donnée stable et indéniable, ce n'est pas le seul paramètre à prendre en compte pour comprendre les effets d'un produit sur une personne. L'expérience est modelée par les significations que cette personne accorde à sa consommation, des significations qui ne naissent pas ex nihilo mais sont transmises par l'entourage, les lectures, la musique, la religion, et réinterprétées par l'individu.
Et ce modelage n'est pas insignifiant, il joue un rôle prépondérant dans les trajectoires de vie. Les travaux de Becker ont ainsi été inspirés par ceux de Lindesmith qui en 1938 a montré que l'addiction aux opiacés (et la non-addiction aussi, puisqu'elle n'est pas systématique) est autant le fruit d'attributions de significations aux manque et au soulagement du manque par le produit que de l'action pharmacologique du produit. J'en parlerai peut-être une autre fois !
Pour aller plus loin, je trouverais intéresser d'envisager Psychonaut du point de vue de cet apprentissage social. Le forum est en soi un lieu d'apprentissage des techniques d'usage de drogues. Les TR donnent des clefs pour interpréter et apprécier les effets des produits. À une époque y'avait tout une hype autour des "matrices prénatales" et de l' "ego death". Même si l'on interdit l'échange de plans, il arrive qu'on donne des indices sur comment faire pour se procurer un produit (par exemple la liste RDR des shops de RC, censée aider à éviter les arnaques, ou les astuces pour naviguer sur le darknet). Fréquenter le forum normalise la consommation, c'est une observation qui a déjà été faite plusieurs fois. Et il arrive souvent que des membres prennent des distances avec le forum dans le but conscient de réduire leur consommation. Pour toutes ces raisons, des consommateurs socialement isolés IRL peuvent intégrer, même lorsqu'ils ne participent pas activement au forum, un groupe social alternatif.
Est-ce que cette grille de lecture vous parle ? Si vous repensez aux étapes de vos diverses consommations, est-ce que vous parvenez à distinguer les influences, les apprentissages, les réinterprétations ?