Yulquen
Neurotransmetteur
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Lieu : Amsterdam, dans un bois
Produit et dosage : Truffes « Atlantis », 10g
Expériences des protagonistes avant le trip:
V: Cannabis, MDMA 1x, Champignons 1x
C: Cannabis, LSD 1x
L: Cannabis, Truffes 1x (moins fortes)
Moi: Cannabis, MDMA, 2C-B, Ketamine
Voici mon premier TR, désolé c’est très très long mais il m’a semblé nécessaire de tout détailler pour rendre l’expérience plus vivante et compréhensible.
C’était l’été dernier, à Amsterdam, avec V, L et C, trois potes de lycée. C’était moi qui avait lancé l’idée et réussi à motiver les autres.
Les conditions météorologiques avaient jusqu'alors été peu propices à un trip hallucinogène (pluie et froid), c'est donc à la veille de notre départ, au gré d’une éclaircie, que nous nous sommes décidés à manger ces fameuses truffes.
La veille au soir, nous nous étions couchés relativement tôt, et je m’étais réveillé en premier à 8h du matin avec pétard en guise de petit-déjeuner. Je dois dire que mon état d’esprit à l’aube d’une expérience psychédélique n’était pas des plus positifs ; cela faisait un moment que le cannabis avait révélé chez moi son potentiel anxiogène, et les deux derniers jours passés à s’enfumer la tête dans les coffee shops avaient ainsi placés sous le signe d’une paranoïa qui à mon sens trouve bien sa place dans cette ville. De plus, je m’inquiétais depuis plusieurs mois sur ma santé mentale, et venait de traverser une période étrange et difficile de ma vie (changement de pays, début de la vie sans les parents, mort d’un ami proche, découverte de la « drogue dur »…) j’avais eu notamment des effets bizarres avec le cannabis, paranoïa, légère dépersonnalisation, effet désastreux sur ma confiance en moi… ces inquiétudes sont depuis à peu près réglées… (désolé de raconter ma vie mais c’est pour indiquer mon état d’esprit)
Dans les heures qui précédèrent le trip, j’étais donc plongé dans l’incertitude quant à cette expérience, réputée intense, et me demandais si j’étais vraiment prêt. Mais peu importe, c’était moi qui avait lancé l’idée, les autres étaient tous d’attaque, et je me voyais mal mettre nos plans à l’eau. Après avoir fumé quelques joints et achetés les truffes, nous nous rendîmes à l’endroit qui nous paraissait le plus adapté à ce à quoi nous allions nous adonner, à savoir un bois situé à côté de notre camping dans le nord de la ville, lieu paisible loin de l’activité trépidante de celle-ci.
Vers 13h nous prîmes place sur des blancs face à un lac et mangeâmes les truffes. Je ne fis qu’une bouchée de mes dix grammes, qui n’avaient finalement pas un goût si dégueulasse que ce à quoi je m’étais préparé (j’avais l’impression de bouffer des noix un peu acides), les mâchai jusqu’à ce qu’elles deviennent liquides et fit passer tout ça avec une gorgée d’eau.
Les prochaines trente minutes se passèrent sans que je me rende vraiment compte du temps qui passe, puis à un moment, je me rendis compte de quelques mouvements dans mon champ de vision, sans être sûr si c’était les premiers effets ou simplement le fruit de mon imagination. Puis, rapidement, les mouvements dans l’eau se confirmèrent et devinrent de plus en plus présents, et j’en fis part à mes amis qui pour leur part ne sentaient encore rien, à part C.
En cinq minutes, les visuels étaient devenus indéniables, les branches des arbres sur la rive d’en face avaient commencé à tournoyer telles des lianes dans une jungle chatoyante et colorée. Un de mes souvenirs les plus marquants de ce trip est de tourner la tête à ma droite, et de voir la forêt se transformer en un monde fantastique. Les feuilles des arbres se multipliaient, s’agrandissaient pour former des animaux et des personnages resplendissant de couleur et de beauté. J’étais émerveillé par le spectacle sublime qui s'offrait à moi, et impressionné par la force de ces visuels qui ne consistaient pas en la simple déformation de mon champ de vision mais en la formation d’un univers à part entière, guidé par mon interprétation des formes qui se dessinaient devant mes yeux. J’étais devant une œuvre d’art en perpétuelle expansion, ce qui était d’ailleurs déstabilisant (agréablement) car cela paraissait impossible. Le même phénomène se produisit, quand, les yeux fermés, je visualisais des scènes sans queue ni tête, comme si un film se jouait dans ma tête. Je me souviens avoir vu une sorte de grand temple, avec des visages qui se rapprochaient de moi, et d’avoir l’impression que cela m’était familier. Plus tard j’eus la vision d’un homme à la peau bronzée, dont je ne voyais pas le visage, avec des gens (je m’étais mis en tête qu’ils étaient sud-américains, détail intéressant par rapport au produit utilisé) qui balançaient des jets de peinture rouge dans ma direction. Bien sûr, tout cela était complétement con et sans aucun sens. C’était d’ailleurs assez drôle, je fermais les yeux, visualisais ces scènes pendant un moment sans que cela me paraisse étonnant, puis d’un coup je réalisais que quelque chose de complétement insensé se produisait, et que j’étais absolument incapable de le relier à des expériences vécues par le passé, puisque j’étais dépourvu de tous mes repères avec le monde réel. J’essayais tant bien que mal de rattacher cela à la réalité, mais cela m’était complétement impossible, et cela ne me dérangeait d’ailleurs pas plus que ça (au contraire).
Ajoutez à cela quelques hallucinations auditives, j’avais l’impression d’entendre des petites créatures de la forêt faire des petits bruits que je ne saurais décrire, une sorte de son un peu « rond », avec un côté très drôle et rassurant. Cela m’évoquait assez bien l’idée que je me faisais des champignons.
D’ailleurs, il est utile de préciser que j’étais à ce moment-là dans un état d’euphorie que je n’avais jamais connu, une euphorie d'origine non seulement corporelle, puisque mon corps était parcourus de vagues de chaleur encore plus agréables que ce que peut procurer un produit comme la MDMA, mais également mentale, puisque, non contents de m’offrir le spectacle de ce que l’esprit humain est capable de produire, les visuels faisaient appel à mes émotions, réveillant en moi des sensations déjà connues, me rappelant mon enfance, et de manière générale m’évoquant des choses qui me semblait très familières, malgré le côté complétement irréel de l’expérience.
Pendant ce temps (maximum 10 minutes…) mes amis avaient eux aussi commencé à vraiment sentir les effets (sauf L. qui avait avalé ses truffes directement et n’avaient pas encore vraiment de visuels, et nous étions tous les quatre très excité. Nous décidâmes de bouger et d’aller à un autre endroit, sur la rive d’en face. Pendant que nous marchions sous les arbres, j’avais l’impression que nous étions des explorateurs partis à la découverte d’une jungle à l’autre bout de la planète, et nous nous amusions à marcher comme si nous étions partis en mission furtive en terre inconnue.
Arrivés à notre destination, nous nous assîmes dans l’herbe, et restâmes à cet endroit pendant tout le trip, quasiment incapables de bouger. Je fis part de mon état à mes compagnons, et tout ce que je trouvai à dire pour résumer la situation fut « J’suis complétement NIQUE les gars », ce qui était le ressenti général. J’étais encore sur le cul par rapport à la puissance du truc. Mais paradoxalement, même si c’était une expérience bouleversante et complétement folle, elle ne me paraissait pas si difficile à endurer (par rapport à ce que j'imaginais), et j’avais l’impression que c’était finalement quelque chose de très familier, de déjà vécu. A ce moment, j’étais donc très confiant dans ma capacité à supporter ce type d’expérience.
Je ferai tout de même une parenthèse sur mon ressenti par rapport à mes potes : L., qui est un vrai personnage de dessin animé dans la vie, et qui m’apparaissait comme un facétieux lutin encapuchonné, me faisait tripper comme pas possible. A chaque fois qu’on lui parlait ou proposait quelque chose, il répondait par un « mmmmh… mouee... » hilarant et tout à fait dans l’esprit du personnage que je lui avais attribué. Rien de particulier à dire sur V., un très bon pote à moi, sinon qu’on était assez complices. Je ressentais par contre quelques tensions avec C. (probablement à sens unique), que je ne connaissais pas particulièrement bien (c’est résolu depuis, c’est un mec super cool en fait). D’ailleurs, quelques minutes auparavant il m’avait quelque peu vexé en critiquant mon choix de musique (Autechre) et m’avait demandé de changer.
J’avais une sorte de sentiment de gêne par rapport à mes compères. J’avais d’une part l’impression que nous étions tous connectés et que nous avions une influence réciproque sur « notre trip » (comme si c’était un seul trip partagé entre tous), ce qui empêchait de dire et faire ce que l’on voulait, de peur de mettre des mauvaises vibes dans le trip (j’essayais par exemple de lancer des petites vannes, mais tous trippés qu’on était nous ne comprenions rien, et regardions nos mains avec des sourires gênés. Mais cela n’est que mon ressenti car apparemment, les autres ont trouvé qu’on s’est bien fendu la gueule). Mais d’autre part, j’avais aussi l’impression d’être coupé des autres et de ne pouvoir vraiment m’exprimer sans gêne, ce qui pour moi est assez révélateur de quelques problèmes que j’ai au niveau de mes relations aux autres.
Je ne parlais d’ailleurs apparemment pas beaucoup, j’étais plongé dans la réflexion et dans la contemplation des visuels magnifiques qui transformaient la forêt en ce monde magique décrit plus haut. Par contre, contrairement à mes amis, je n’avais pas l’impression d’être particulièrement paranoïaque par rapport aux quelques personnes qui passaient dans le bois (eux, dès qu’ils voyaient quelqu’un, chuchotaient en se demandant si ils parlaient d’eux et si ils nous avaient crâmés).
En dehors de cette gêne sociale, j’étais par ailleurs toujours dans un état de béatitude face non seulement à la beauté des lieux, mais aussi au sentiment de paix et de sérénité qui caractérisait notre environnement. Les arbres formaient de grands personnages levant les yeux et bras au ciel, et c’était comme si, le temps d’un trip, la nature dévoilait ses mystères, les masses végétales se transformant en s’incroyables créatures, comme si les esprits de la forêt sortaient de leur tanière et se donnaient en spectacle devant nous. J’avais l’impression d’être privilégié, mais était conscient que c’était une sorte de cadeau que la nature me faisait, et que ce n’était pas quelque chose qu’il fallait prendre comme acquis, qu’au final, si ce monde s’ouvrait à moi, ce ne serait que passager, et qu’il repartirait aussi vite qu’il était apparu sans me laisser complétement faire partie de lui. Je reviendrai là-dessus plus tard.
Pour en revenir à nos activités, elles consistèrent simplement à rouler à joint, la situation paraissant idéale. Les champignons me gratifiaient déjà d’un body high extrêmement agréable et d’un état de relaxation absolue qui donnaient sacrément envie de fumer la bonne weed. Ce joint me laissa cependant insatisfait, puisqu’on l’avait fait tourner et que je n'avais donc pas pu en profiter complétement. Dès qu’il fut fini, je déclarai donc qu’il était temps de s'en rouler un chacun, ce que nous fîmes, non sans mal. J’ai mis au moins vingt minutes à effriter dans ma main, puisque la paume de celle-ci était devenue le théâtre d’une scène se développant à l’infini. Mon sens de la perspective et des dimensions était complétement chamboulés, et j’avais l’impression que je n’étais pas en train de regarder ma main, mais un panorama géométrique multicolore qui s’étendait et se transformait devant mes yeux ébahis.
A ce moment-là, anecdote marrante, je suis allé pisser plus loin dans les arbres, joint aux lèvres. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais, et je voyais mal ce qui se passait autour de moi, entendant juste des éclats de voix et des rires autour de moi. Je ne savais pas d’où tout cela provenait, puisque les arbres formaient des sortes de structure, comme des petits abris,et je voyais des gens au loin, sans savoir à quelle distance ils se trouvaient. Soudain, alors que j’étais en train de pisser, je me rendis compte que les éclats de rire m’étaient sûrement destinés, puisque j’étais en train de me soulager bite au vent face à un groupe de gens situés à quelques mètres de moi. J'étais un peu gêné, quand même...
De retour à notre spot, je m’assis, continuai à fumer mon spliff, et commençai à me rendre compte de l’effet qu’il avait sur moi. C'était bizarre, j'étais défoncé mais en même temps je ne savais plus ce qu'être stone et être sobre signifiait. Le joint m'affectait et je m'en rendais compte, mais en même temps la sensation était différente. De toutes façons, de manière générale, des concepts élémentaires tels que la pensée était complétement abscons pour moi à ce moment. Je me demandais ce qu'est une pensée au final? Quelque chose que l'on matérialise par une petite voix qu'on localise dans notre tête, comme si elle existait, alors qu'au final, ce n'est pas le cas. Je me rendais compte du caractère si intangible des pensées, et que c'était un chose abstraite, immatérielle. Alors que d'ordinaire je (on) situe ma voix dans ma tête, elle ne semblait plus provenir d'un endroit particulier... elle était juste là. C'était d'ailleurs un peu le cas pour chacun de mes sens et sensations. Alors que d'ordinaire, notre esprit a tendance à placer les choses sur différents plans (ce que l'on voit, entend, pense, ressent etc.), c'est comme si tout était au même niveau et avait la même importance, comme si tout était mélangé dans le même espace. C'est comme si en temps normal il y avait plusieurs canaux à travers passaient la pensée, la vue, l'ouïe... et que là il n'y en avait qu'un à travers tout passait.
Mais le joint avait aussi un autre effet: le trip était amplifié, les visuels commençaient à être (encore) plus intense qu’avant, et je me dis qu’un gros pers’ d’AK-47 n’était peut-être pas une si bonne idée que ça. Mon tempérament angoissé commençait à prendre le dessus sur la confiance qui était jusqu’alors la mienne, et j’éteignis le joint en essayant de canaliser la puissance du trip qui devenait non seulement plus fort, mais aussi plus bizarre. Cependant, je ne dis rien à mes amis, de peur de les entraîner avec moi, et me concentrai simplement sur les visuels. D’ailleurs, le ciel commença à se couvrir et la forêt ensoleillée commença à prendre une teinte plus sombre. A ce moment, je me mis à penser que j’avais peut-être été trop en confiance. Quand le trip avait commencé à monter, quand les premiers effets, si agréables, s’était installés, j’avais l’impression que ce n’était pas au-dessus de mes capacités, et que j’avais réussi à dompter la psilocybine, d’une certaine manière. Il me vint à l’esprit tous les conseils que j’avais lu quant au respect à accorder aux psychédéliques, et comment ils peuvent retourner l’esprit au point de faire vivre un sale quart d’heure à celui qui est trop téméraire. J’avais l’impression que les entités de la forêt qui m’avaient dévoilé leur beauté allaient maintenant me montrer leur face cachée, leur côté plus inquiétant. Quand le soleil revenait, j’avais l’impression que cet assombrissement soudain n’avait qu’un avant-goût des sensations terribles qu’ils étaient capables de faire ressentir, une mise en garde destinée à me remettre à ma place. Mais quand celui-ci laissait de nouveau la place aux nuages, je me retrouvais derechef dans cet état d’anxiété.
En plus de cela, je commençais à ne plus sentir mon corps, et avait l’impression que celui-ci était divisé en deux parties, celle de droite et celle de gauche. J’étais complétement anesthésié, comme cela m’est déjà arrivé (dans une bien moindre mesure) avec le cannabis, cette sorte de dépersonnalisation qui il y a peu me faisait redouter la survenue d’une psychose à laquelle j’aurais été destiné.
Pour couronner le tout, mes potes s’étaient rendu compte que j’étais complétement perché, et commençait à me dire « Oh putain t’es en train de te déconnecter ! ». L. était bien paumé aussi, en train d’essayer de faire marcher mon téléphone et me demandant comment faire pour changer la musique. Imaginez-vous sentir la panique monter en vous, sans que vous puissiez en faire part aux autres, pendant que quelqu’un presque aussi perché que vous vous parle de choses prosaïques (rajoutant ainsi à la confusion), alors que vos amis sont en train de vous dire que vous êtes vraiment vraiment très perché (et que vous vous en rendez compte). Le tout, sans sentir son corps… j’avais l’impression que le monde était devenu fou, et que j’étais coincé dans un coin enfoui de mon esprit, une partie qui, bien que familière dans une certaine mesure, était complétement déroutante, comme si il y avait un bug, une erreur qui faisait que tout se répétait en boucle et ne finirait jamais… comme si on était bloqué à cet endroit, à ce moment, dans un monde complétement fou à lier. Des formes de petits monstres ouvrant et fermant leurs bouches se formaient dans l’eau, la forêt n'était plus une forêt mais plein de choses en même temps, et de manière générale, depuis ce fameux joint, tout était devenu tellement détaillé que mon esprit confus et désorienté avait du mal à suivre et à supporter tant de stimuli différents qui survenaient à un même moment. Par ailleurs, quand le visage de C. était dans la périphérie de mon champ de vision, il se transformait en celui d’un monstre et j'avais l'impression qu'autour de lui, ce n'était plus une forêt, mais une planète inconnue.
Je serais incapable de dire combien de temps cet état a duré (pas si longtemps je pense), mais je sais qu’au final j’ai finalement réussi à me calmer, même si il est resté une petite gêne jusqu’à la fin du trip. Je suis d’un côté déçu d’avoir eu ce moment d’angoisse, mais en même temps fier d’avoir réussi à le surmonter sans paniquer et sans avoir besoin d’aide extérieure (à part une bière).
D’ailleurs, je ne suis pas le seul à avoir senti l’intensité monter après ce joint, C lui aussi me fit part après le trip d’un sentiment similaire. Quant à V., il lui arriva le même phénomène d’anesthésie, ce dont il nous fit part, l’air inquiété. Il se trouve que je venais de sortir de cette phase, et je pu donc le rassurer en lui disant que cela m’était aussi arrivé. Apparemment, V s’inquiéta aussi quand C. et moi lui dirent qu’il avait des motifs sur son visage (des lignes, formes géométriques qui parcouraient son faciès et se déplaçaient rapidement sur sa peau), ne comprenant pas que c’était simplement nos visuels.
Après environ trois ou quatre heures (peut-être plus, nous ne faisions pas vraiment attention au temps), les visuels commencèrent à s’estomper, seule restait la sensation d’avoir vécu une expérience incroyable et hors du commun. Nous passèrent la descente à regarder le cadre dans lequel le trip avait eu lieu, à contempler la beauté désormais bien réelle de l’environnement, en essayant de se retrouver dans un lieu qui nous paraissait bien différent de ce dont nous nous souvenions. En partant, nous marchâmes à travers un long couloir d’arbres, par lesquels passaient quelques rayons de soleil qui faisaient apparaître la forêt comme un havre de paix.
Ce soir-là fut passé à fumer des joints en jouant aux cartes dans la tente, puis à aller en ville. Nous nous installâmes à un moment à une terrasse en centre-ville, contemplant le triste spectacle d’une ville envahie par les touristes venus chercher le vice et les sensations fortes, tout en buvant une bière hors de prix… tout un contraste.
Analyse
Les jours qui suivirent le trip, j’étais un peu dans le doute par rapport au moment de « bad » que j’avais vécu. Quand je fumais beaucoup de weed, je revoyais dans le coin de ma vision les visages de mes amis se déformer. Certaines de mes impressions ressenties pendant le trip (bonnes ou moins bonnes) sont restées et m’ont beaucoup intriguées et fascinées pendant un moment, je veux parler du caractère si familier du monde dans lequel j’ai pénétré quelques heures, le lien si fort qu’il semble avoir avec l’enfance, avec les expériences passées. Un monde qui semble si chaleureux, si protecteur, dans lequel il ferait si bon rester ; mais en même temps, cette fascination est malsaine, car la vie doit suivre son cours, la réalité prendre le dessus, et la beauté et sérénité de cet univers doit être remplacée par le rythme trépidant du monde réel. Celui qui veut rester perpétuellement dans cet état devra faire le sacrifice d’une existence saine, normale, et proche des réalités, se défausser des responsabilités indissociables d’une vie menée « normalement » (et passer à côté de tout plein de trucs supers cools...). L’espace d’un instant, un monde incroyable m’a ouvert ses portes, mais je sais qu’il n’est pas sain pour moi de trop y réfléchir, car même si il fascinant, c’est quelque chose qu’il est impossible de complétement saisir, et donc quelque chose auquel je pourrai toujours réfléchir, sans jamais mettre vraiment le doigt dessus, sans pouvoir le matérialiser. Ce serait un peu de la torture, en quelque sorte (tout ceci n’engage que moi bien sûr). Je précise que je ne vois pas ce monde psychédélique comme un refuge qui apporte du récomfort face au monde réel parfois dur et impitoyable, mais que je suis très intéressé par le fait que ce monde peut nous faire vivre des choses déjà connues, faire ressortir des émotions cachées qui s'étaient éloignées de nous, nous ramener à des endroits, à des états d'esprit jusque là insoupçonnés.
Depuis, j’ai trippé plusieurs fois au 2C-B et au LSD, en retrouvant cet état d’esprit et en retrouvant cet univers (de manière différente) mais je l’aborde désormais avec plus de recul. Même si chaque expérience est toujours très marquante, c’est moins un choc pour moi que ça a pu l’être au début. A noter également qu'avant cette expérience, les visuels du 2C-B me paraissent différents, comme si ils n'était pas tout à fait définis, alors que les deux dernière fois où j'ai trippé avec ce produit (envrion 18 et 8 mg), les visuels semblaient beaucoup plus proches de ceux des truffes...
Quant à cette phase de « bad », je ne suis toujours pas sûr de ce qui a pu la démarrer, mais je pense que le joint à quelque chose à voir dedans (il a rendu le trip plus intense, plus bizarre, et surtout plus anxieux). En tous cas, malgré ça ce trip reste une expérience très positive dont je me souviendrai toujours avec nostalgie (mes potes aussi d’ailleurs). J’ai adoré le côté « naturel » du produit, comme si en mangeant ces plantes la nature nous dévoilait sa face cachée (ironique d’ailleurs, avec des truffes achetées dans un magasin, vendues dans un emballage tape-à-l’œil destiné à attirer le regard du touriste en quête de sensations fortes). D’ailleurs, cela reste ma seule expérience avec la psilocybine, et je compte bien retenter dans un futur que j’espère proche.
Merci de m’avoir lu si vous avez eu le courage tout finir !
Produit et dosage : Truffes « Atlantis », 10g
Expériences des protagonistes avant le trip:
V: Cannabis, MDMA 1x, Champignons 1x
C: Cannabis, LSD 1x
L: Cannabis, Truffes 1x (moins fortes)
Moi: Cannabis, MDMA, 2C-B, Ketamine
Voici mon premier TR, désolé c’est très très long mais il m’a semblé nécessaire de tout détailler pour rendre l’expérience plus vivante et compréhensible.
C’était l’été dernier, à Amsterdam, avec V, L et C, trois potes de lycée. C’était moi qui avait lancé l’idée et réussi à motiver les autres.
Les conditions météorologiques avaient jusqu'alors été peu propices à un trip hallucinogène (pluie et froid), c'est donc à la veille de notre départ, au gré d’une éclaircie, que nous nous sommes décidés à manger ces fameuses truffes.
La veille au soir, nous nous étions couchés relativement tôt, et je m’étais réveillé en premier à 8h du matin avec pétard en guise de petit-déjeuner. Je dois dire que mon état d’esprit à l’aube d’une expérience psychédélique n’était pas des plus positifs ; cela faisait un moment que le cannabis avait révélé chez moi son potentiel anxiogène, et les deux derniers jours passés à s’enfumer la tête dans les coffee shops avaient ainsi placés sous le signe d’une paranoïa qui à mon sens trouve bien sa place dans cette ville. De plus, je m’inquiétais depuis plusieurs mois sur ma santé mentale, et venait de traverser une période étrange et difficile de ma vie (changement de pays, début de la vie sans les parents, mort d’un ami proche, découverte de la « drogue dur »…) j’avais eu notamment des effets bizarres avec le cannabis, paranoïa, légère dépersonnalisation, effet désastreux sur ma confiance en moi… ces inquiétudes sont depuis à peu près réglées… (désolé de raconter ma vie mais c’est pour indiquer mon état d’esprit)
Dans les heures qui précédèrent le trip, j’étais donc plongé dans l’incertitude quant à cette expérience, réputée intense, et me demandais si j’étais vraiment prêt. Mais peu importe, c’était moi qui avait lancé l’idée, les autres étaient tous d’attaque, et je me voyais mal mettre nos plans à l’eau. Après avoir fumé quelques joints et achetés les truffes, nous nous rendîmes à l’endroit qui nous paraissait le plus adapté à ce à quoi nous allions nous adonner, à savoir un bois situé à côté de notre camping dans le nord de la ville, lieu paisible loin de l’activité trépidante de celle-ci.
Vers 13h nous prîmes place sur des blancs face à un lac et mangeâmes les truffes. Je ne fis qu’une bouchée de mes dix grammes, qui n’avaient finalement pas un goût si dégueulasse que ce à quoi je m’étais préparé (j’avais l’impression de bouffer des noix un peu acides), les mâchai jusqu’à ce qu’elles deviennent liquides et fit passer tout ça avec une gorgée d’eau.
Les prochaines trente minutes se passèrent sans que je me rende vraiment compte du temps qui passe, puis à un moment, je me rendis compte de quelques mouvements dans mon champ de vision, sans être sûr si c’était les premiers effets ou simplement le fruit de mon imagination. Puis, rapidement, les mouvements dans l’eau se confirmèrent et devinrent de plus en plus présents, et j’en fis part à mes amis qui pour leur part ne sentaient encore rien, à part C.
En cinq minutes, les visuels étaient devenus indéniables, les branches des arbres sur la rive d’en face avaient commencé à tournoyer telles des lianes dans une jungle chatoyante et colorée. Un de mes souvenirs les plus marquants de ce trip est de tourner la tête à ma droite, et de voir la forêt se transformer en un monde fantastique. Les feuilles des arbres se multipliaient, s’agrandissaient pour former des animaux et des personnages resplendissant de couleur et de beauté. J’étais émerveillé par le spectacle sublime qui s'offrait à moi, et impressionné par la force de ces visuels qui ne consistaient pas en la simple déformation de mon champ de vision mais en la formation d’un univers à part entière, guidé par mon interprétation des formes qui se dessinaient devant mes yeux. J’étais devant une œuvre d’art en perpétuelle expansion, ce qui était d’ailleurs déstabilisant (agréablement) car cela paraissait impossible. Le même phénomène se produisit, quand, les yeux fermés, je visualisais des scènes sans queue ni tête, comme si un film se jouait dans ma tête. Je me souviens avoir vu une sorte de grand temple, avec des visages qui se rapprochaient de moi, et d’avoir l’impression que cela m’était familier. Plus tard j’eus la vision d’un homme à la peau bronzée, dont je ne voyais pas le visage, avec des gens (je m’étais mis en tête qu’ils étaient sud-américains, détail intéressant par rapport au produit utilisé) qui balançaient des jets de peinture rouge dans ma direction. Bien sûr, tout cela était complétement con et sans aucun sens. C’était d’ailleurs assez drôle, je fermais les yeux, visualisais ces scènes pendant un moment sans que cela me paraisse étonnant, puis d’un coup je réalisais que quelque chose de complétement insensé se produisait, et que j’étais absolument incapable de le relier à des expériences vécues par le passé, puisque j’étais dépourvu de tous mes repères avec le monde réel. J’essayais tant bien que mal de rattacher cela à la réalité, mais cela m’était complétement impossible, et cela ne me dérangeait d’ailleurs pas plus que ça (au contraire).
Ajoutez à cela quelques hallucinations auditives, j’avais l’impression d’entendre des petites créatures de la forêt faire des petits bruits que je ne saurais décrire, une sorte de son un peu « rond », avec un côté très drôle et rassurant. Cela m’évoquait assez bien l’idée que je me faisais des champignons.
D’ailleurs, il est utile de préciser que j’étais à ce moment-là dans un état d’euphorie que je n’avais jamais connu, une euphorie d'origine non seulement corporelle, puisque mon corps était parcourus de vagues de chaleur encore plus agréables que ce que peut procurer un produit comme la MDMA, mais également mentale, puisque, non contents de m’offrir le spectacle de ce que l’esprit humain est capable de produire, les visuels faisaient appel à mes émotions, réveillant en moi des sensations déjà connues, me rappelant mon enfance, et de manière générale m’évoquant des choses qui me semblait très familières, malgré le côté complétement irréel de l’expérience.
Pendant ce temps (maximum 10 minutes…) mes amis avaient eux aussi commencé à vraiment sentir les effets (sauf L. qui avait avalé ses truffes directement et n’avaient pas encore vraiment de visuels, et nous étions tous les quatre très excité. Nous décidâmes de bouger et d’aller à un autre endroit, sur la rive d’en face. Pendant que nous marchions sous les arbres, j’avais l’impression que nous étions des explorateurs partis à la découverte d’une jungle à l’autre bout de la planète, et nous nous amusions à marcher comme si nous étions partis en mission furtive en terre inconnue.
Arrivés à notre destination, nous nous assîmes dans l’herbe, et restâmes à cet endroit pendant tout le trip, quasiment incapables de bouger. Je fis part de mon état à mes compagnons, et tout ce que je trouvai à dire pour résumer la situation fut « J’suis complétement NIQUE les gars », ce qui était le ressenti général. J’étais encore sur le cul par rapport à la puissance du truc. Mais paradoxalement, même si c’était une expérience bouleversante et complétement folle, elle ne me paraissait pas si difficile à endurer (par rapport à ce que j'imaginais), et j’avais l’impression que c’était finalement quelque chose de très familier, de déjà vécu. A ce moment, j’étais donc très confiant dans ma capacité à supporter ce type d’expérience.
Je ferai tout de même une parenthèse sur mon ressenti par rapport à mes potes : L., qui est un vrai personnage de dessin animé dans la vie, et qui m’apparaissait comme un facétieux lutin encapuchonné, me faisait tripper comme pas possible. A chaque fois qu’on lui parlait ou proposait quelque chose, il répondait par un « mmmmh… mouee... » hilarant et tout à fait dans l’esprit du personnage que je lui avais attribué. Rien de particulier à dire sur V., un très bon pote à moi, sinon qu’on était assez complices. Je ressentais par contre quelques tensions avec C. (probablement à sens unique), que je ne connaissais pas particulièrement bien (c’est résolu depuis, c’est un mec super cool en fait). D’ailleurs, quelques minutes auparavant il m’avait quelque peu vexé en critiquant mon choix de musique (Autechre) et m’avait demandé de changer.
J’avais une sorte de sentiment de gêne par rapport à mes compères. J’avais d’une part l’impression que nous étions tous connectés et que nous avions une influence réciproque sur « notre trip » (comme si c’était un seul trip partagé entre tous), ce qui empêchait de dire et faire ce que l’on voulait, de peur de mettre des mauvaises vibes dans le trip (j’essayais par exemple de lancer des petites vannes, mais tous trippés qu’on était nous ne comprenions rien, et regardions nos mains avec des sourires gênés. Mais cela n’est que mon ressenti car apparemment, les autres ont trouvé qu’on s’est bien fendu la gueule). Mais d’autre part, j’avais aussi l’impression d’être coupé des autres et de ne pouvoir vraiment m’exprimer sans gêne, ce qui pour moi est assez révélateur de quelques problèmes que j’ai au niveau de mes relations aux autres.
Je ne parlais d’ailleurs apparemment pas beaucoup, j’étais plongé dans la réflexion et dans la contemplation des visuels magnifiques qui transformaient la forêt en ce monde magique décrit plus haut. Par contre, contrairement à mes amis, je n’avais pas l’impression d’être particulièrement paranoïaque par rapport aux quelques personnes qui passaient dans le bois (eux, dès qu’ils voyaient quelqu’un, chuchotaient en se demandant si ils parlaient d’eux et si ils nous avaient crâmés).
En dehors de cette gêne sociale, j’étais par ailleurs toujours dans un état de béatitude face non seulement à la beauté des lieux, mais aussi au sentiment de paix et de sérénité qui caractérisait notre environnement. Les arbres formaient de grands personnages levant les yeux et bras au ciel, et c’était comme si, le temps d’un trip, la nature dévoilait ses mystères, les masses végétales se transformant en s’incroyables créatures, comme si les esprits de la forêt sortaient de leur tanière et se donnaient en spectacle devant nous. J’avais l’impression d’être privilégié, mais était conscient que c’était une sorte de cadeau que la nature me faisait, et que ce n’était pas quelque chose qu’il fallait prendre comme acquis, qu’au final, si ce monde s’ouvrait à moi, ce ne serait que passager, et qu’il repartirait aussi vite qu’il était apparu sans me laisser complétement faire partie de lui. Je reviendrai là-dessus plus tard.
Pour en revenir à nos activités, elles consistèrent simplement à rouler à joint, la situation paraissant idéale. Les champignons me gratifiaient déjà d’un body high extrêmement agréable et d’un état de relaxation absolue qui donnaient sacrément envie de fumer la bonne weed. Ce joint me laissa cependant insatisfait, puisqu’on l’avait fait tourner et que je n'avais donc pas pu en profiter complétement. Dès qu’il fut fini, je déclarai donc qu’il était temps de s'en rouler un chacun, ce que nous fîmes, non sans mal. J’ai mis au moins vingt minutes à effriter dans ma main, puisque la paume de celle-ci était devenue le théâtre d’une scène se développant à l’infini. Mon sens de la perspective et des dimensions était complétement chamboulés, et j’avais l’impression que je n’étais pas en train de regarder ma main, mais un panorama géométrique multicolore qui s’étendait et se transformait devant mes yeux ébahis.
A ce moment-là, anecdote marrante, je suis allé pisser plus loin dans les arbres, joint aux lèvres. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais, et je voyais mal ce qui se passait autour de moi, entendant juste des éclats de voix et des rires autour de moi. Je ne savais pas d’où tout cela provenait, puisque les arbres formaient des sortes de structure, comme des petits abris,et je voyais des gens au loin, sans savoir à quelle distance ils se trouvaient. Soudain, alors que j’étais en train de pisser, je me rendis compte que les éclats de rire m’étaient sûrement destinés, puisque j’étais en train de me soulager bite au vent face à un groupe de gens situés à quelques mètres de moi. J'étais un peu gêné, quand même...
De retour à notre spot, je m’assis, continuai à fumer mon spliff, et commençai à me rendre compte de l’effet qu’il avait sur moi. C'était bizarre, j'étais défoncé mais en même temps je ne savais plus ce qu'être stone et être sobre signifiait. Le joint m'affectait et je m'en rendais compte, mais en même temps la sensation était différente. De toutes façons, de manière générale, des concepts élémentaires tels que la pensée était complétement abscons pour moi à ce moment. Je me demandais ce qu'est une pensée au final? Quelque chose que l'on matérialise par une petite voix qu'on localise dans notre tête, comme si elle existait, alors qu'au final, ce n'est pas le cas. Je me rendais compte du caractère si intangible des pensées, et que c'était un chose abstraite, immatérielle. Alors que d'ordinaire je (on) situe ma voix dans ma tête, elle ne semblait plus provenir d'un endroit particulier... elle était juste là. C'était d'ailleurs un peu le cas pour chacun de mes sens et sensations. Alors que d'ordinaire, notre esprit a tendance à placer les choses sur différents plans (ce que l'on voit, entend, pense, ressent etc.), c'est comme si tout était au même niveau et avait la même importance, comme si tout était mélangé dans le même espace. C'est comme si en temps normal il y avait plusieurs canaux à travers passaient la pensée, la vue, l'ouïe... et que là il n'y en avait qu'un à travers tout passait.
Mais le joint avait aussi un autre effet: le trip était amplifié, les visuels commençaient à être (encore) plus intense qu’avant, et je me dis qu’un gros pers’ d’AK-47 n’était peut-être pas une si bonne idée que ça. Mon tempérament angoissé commençait à prendre le dessus sur la confiance qui était jusqu’alors la mienne, et j’éteignis le joint en essayant de canaliser la puissance du trip qui devenait non seulement plus fort, mais aussi plus bizarre. Cependant, je ne dis rien à mes amis, de peur de les entraîner avec moi, et me concentrai simplement sur les visuels. D’ailleurs, le ciel commença à se couvrir et la forêt ensoleillée commença à prendre une teinte plus sombre. A ce moment, je me mis à penser que j’avais peut-être été trop en confiance. Quand le trip avait commencé à monter, quand les premiers effets, si agréables, s’était installés, j’avais l’impression que ce n’était pas au-dessus de mes capacités, et que j’avais réussi à dompter la psilocybine, d’une certaine manière. Il me vint à l’esprit tous les conseils que j’avais lu quant au respect à accorder aux psychédéliques, et comment ils peuvent retourner l’esprit au point de faire vivre un sale quart d’heure à celui qui est trop téméraire. J’avais l’impression que les entités de la forêt qui m’avaient dévoilé leur beauté allaient maintenant me montrer leur face cachée, leur côté plus inquiétant. Quand le soleil revenait, j’avais l’impression que cet assombrissement soudain n’avait qu’un avant-goût des sensations terribles qu’ils étaient capables de faire ressentir, une mise en garde destinée à me remettre à ma place. Mais quand celui-ci laissait de nouveau la place aux nuages, je me retrouvais derechef dans cet état d’anxiété.
En plus de cela, je commençais à ne plus sentir mon corps, et avait l’impression que celui-ci était divisé en deux parties, celle de droite et celle de gauche. J’étais complétement anesthésié, comme cela m’est déjà arrivé (dans une bien moindre mesure) avec le cannabis, cette sorte de dépersonnalisation qui il y a peu me faisait redouter la survenue d’une psychose à laquelle j’aurais été destiné.
Pour couronner le tout, mes potes s’étaient rendu compte que j’étais complétement perché, et commençait à me dire « Oh putain t’es en train de te déconnecter ! ». L. était bien paumé aussi, en train d’essayer de faire marcher mon téléphone et me demandant comment faire pour changer la musique. Imaginez-vous sentir la panique monter en vous, sans que vous puissiez en faire part aux autres, pendant que quelqu’un presque aussi perché que vous vous parle de choses prosaïques (rajoutant ainsi à la confusion), alors que vos amis sont en train de vous dire que vous êtes vraiment vraiment très perché (et que vous vous en rendez compte). Le tout, sans sentir son corps… j’avais l’impression que le monde était devenu fou, et que j’étais coincé dans un coin enfoui de mon esprit, une partie qui, bien que familière dans une certaine mesure, était complétement déroutante, comme si il y avait un bug, une erreur qui faisait que tout se répétait en boucle et ne finirait jamais… comme si on était bloqué à cet endroit, à ce moment, dans un monde complétement fou à lier. Des formes de petits monstres ouvrant et fermant leurs bouches se formaient dans l’eau, la forêt n'était plus une forêt mais plein de choses en même temps, et de manière générale, depuis ce fameux joint, tout était devenu tellement détaillé que mon esprit confus et désorienté avait du mal à suivre et à supporter tant de stimuli différents qui survenaient à un même moment. Par ailleurs, quand le visage de C. était dans la périphérie de mon champ de vision, il se transformait en celui d’un monstre et j'avais l'impression qu'autour de lui, ce n'était plus une forêt, mais une planète inconnue.
Je serais incapable de dire combien de temps cet état a duré (pas si longtemps je pense), mais je sais qu’au final j’ai finalement réussi à me calmer, même si il est resté une petite gêne jusqu’à la fin du trip. Je suis d’un côté déçu d’avoir eu ce moment d’angoisse, mais en même temps fier d’avoir réussi à le surmonter sans paniquer et sans avoir besoin d’aide extérieure (à part une bière).
D’ailleurs, je ne suis pas le seul à avoir senti l’intensité monter après ce joint, C lui aussi me fit part après le trip d’un sentiment similaire. Quant à V., il lui arriva le même phénomène d’anesthésie, ce dont il nous fit part, l’air inquiété. Il se trouve que je venais de sortir de cette phase, et je pu donc le rassurer en lui disant que cela m’était aussi arrivé. Apparemment, V s’inquiéta aussi quand C. et moi lui dirent qu’il avait des motifs sur son visage (des lignes, formes géométriques qui parcouraient son faciès et se déplaçaient rapidement sur sa peau), ne comprenant pas que c’était simplement nos visuels.
Après environ trois ou quatre heures (peut-être plus, nous ne faisions pas vraiment attention au temps), les visuels commencèrent à s’estomper, seule restait la sensation d’avoir vécu une expérience incroyable et hors du commun. Nous passèrent la descente à regarder le cadre dans lequel le trip avait eu lieu, à contempler la beauté désormais bien réelle de l’environnement, en essayant de se retrouver dans un lieu qui nous paraissait bien différent de ce dont nous nous souvenions. En partant, nous marchâmes à travers un long couloir d’arbres, par lesquels passaient quelques rayons de soleil qui faisaient apparaître la forêt comme un havre de paix.
Ce soir-là fut passé à fumer des joints en jouant aux cartes dans la tente, puis à aller en ville. Nous nous installâmes à un moment à une terrasse en centre-ville, contemplant le triste spectacle d’une ville envahie par les touristes venus chercher le vice et les sensations fortes, tout en buvant une bière hors de prix… tout un contraste.
Analyse
Les jours qui suivirent le trip, j’étais un peu dans le doute par rapport au moment de « bad » que j’avais vécu. Quand je fumais beaucoup de weed, je revoyais dans le coin de ma vision les visages de mes amis se déformer. Certaines de mes impressions ressenties pendant le trip (bonnes ou moins bonnes) sont restées et m’ont beaucoup intriguées et fascinées pendant un moment, je veux parler du caractère si familier du monde dans lequel j’ai pénétré quelques heures, le lien si fort qu’il semble avoir avec l’enfance, avec les expériences passées. Un monde qui semble si chaleureux, si protecteur, dans lequel il ferait si bon rester ; mais en même temps, cette fascination est malsaine, car la vie doit suivre son cours, la réalité prendre le dessus, et la beauté et sérénité de cet univers doit être remplacée par le rythme trépidant du monde réel. Celui qui veut rester perpétuellement dans cet état devra faire le sacrifice d’une existence saine, normale, et proche des réalités, se défausser des responsabilités indissociables d’une vie menée « normalement » (et passer à côté de tout plein de trucs supers cools...). L’espace d’un instant, un monde incroyable m’a ouvert ses portes, mais je sais qu’il n’est pas sain pour moi de trop y réfléchir, car même si il fascinant, c’est quelque chose qu’il est impossible de complétement saisir, et donc quelque chose auquel je pourrai toujours réfléchir, sans jamais mettre vraiment le doigt dessus, sans pouvoir le matérialiser. Ce serait un peu de la torture, en quelque sorte (tout ceci n’engage que moi bien sûr). Je précise que je ne vois pas ce monde psychédélique comme un refuge qui apporte du récomfort face au monde réel parfois dur et impitoyable, mais que je suis très intéressé par le fait que ce monde peut nous faire vivre des choses déjà connues, faire ressortir des émotions cachées qui s'étaient éloignées de nous, nous ramener à des endroits, à des états d'esprit jusque là insoupçonnés.
Depuis, j’ai trippé plusieurs fois au 2C-B et au LSD, en retrouvant cet état d’esprit et en retrouvant cet univers (de manière différente) mais je l’aborde désormais avec plus de recul. Même si chaque expérience est toujours très marquante, c’est moins un choc pour moi que ça a pu l’être au début. A noter également qu'avant cette expérience, les visuels du 2C-B me paraissent différents, comme si ils n'était pas tout à fait définis, alors que les deux dernière fois où j'ai trippé avec ce produit (envrion 18 et 8 mg), les visuels semblaient beaucoup plus proches de ceux des truffes...
Quant à cette phase de « bad », je ne suis toujours pas sûr de ce qui a pu la démarrer, mais je pense que le joint à quelque chose à voir dedans (il a rendu le trip plus intense, plus bizarre, et surtout plus anxieux). En tous cas, malgré ça ce trip reste une expérience très positive dont je me souviendrai toujours avec nostalgie (mes potes aussi d’ailleurs). J’ai adoré le côté « naturel » du produit, comme si en mangeant ces plantes la nature nous dévoilait sa face cachée (ironique d’ailleurs, avec des truffes achetées dans un magasin, vendues dans un emballage tape-à-l’œil destiné à attirer le regard du touriste en quête de sensations fortes). D’ailleurs, cela reste ma seule expérience avec la psilocybine, et je compte bien retenter dans un futur que j’espère proche.
Merci de m’avoir lu si vous avez eu le courage tout finir !