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Ce fût mon premier trip.
Dosage : 1 joint d'une variété inconnue, je suppose de la skunk.
Set : le bateau, de nuit, les parents ne sont pas là, en compagnie d'un ami qui m'était proche. Pas de playlist musicale mais une idée des morceaux à mettre.
Setting : je me sens bien dans mon corps et ma tête, content et enthousiaste à l'idée de fumer ce joint avec ce pote. Je n'avais aucune tolérance, je n'avais pas fumé depuis environ 2 mois, et mon ami non plus. Je découvrais, à ce moment, le cannabis depuis environ 6 mois.
Montée - *quinte de toux*
On galère à rouler notre joint pur. Pas bien gros, devait y avoir 0,4 grammes. Soit 0,2 g chacun, vraiment pas grand chose. Et pourtant.
Et pourtant.
On l'allume, on tire, on tousse un peu, tout va bien, on est plutôt sérieux.
Arrivé vers la moitié du stick, tout à coup, BAM, Marie-Jeanne me met une grosse baffe, j'éclate de rire.
Effets simultanés, mon pote aussi rigole, on est bien, la vie est belle. On s'empresse de fumer le joint, je me dirige vers le lecteur musical et met Echoes des Pink Floyd (musique traditionnelle qui trouve sa place dans chaque trips). A ce moment, c'est la seule musique que je sens pouvoir écouter.
On se détend sur le canapé, à moitié allongés, et on se laisse emporter par la montée fulgurante.
Trip :
1) Baignade synesthésique.
Ca mooonte dans une poussée énormissime, j'ai un immense sourire, la tête basculée en arrière.
Plus aucune notion de temps, le passé n'est plus ; le futur, c'est le moment où je mettrais la musique suivante ; le présent, c'est... "une particule d'instant suspendue entre deux néants". Le présent, c'est TOUT. Le temps est quelque chose d'indissociable de l'espace, c'est indescriptible, ce n'est plus un ressenti subjectif, le temps est, au même titre que l'espace est. C'est comme ça.
Tout est hyper ralenti.
Oh, wait... LA MUSIQUE N'A MÊME PAS ENCORE COMMENCÉ !
A peine cette pensée formulée que la première note apparaît. Littéralement.
Alors que mes paupières s'abaissent inéluctablement, comme le rideau d'un théâtre, une projection est faite sur ce même rideau.
C'est un éclair. Non. Un trait blanc. Non.
Une goutte de lumière.
J'ouvre les yeux : le bateau est toujours le même, mon pote se laisse aller lui aussi, il semble vivre quelque chose d'extrême également. Tant mieux. Ma vision périphérique est rosée.
Yeux refermés, la 2ème note retentit. Nouvelle goutte.
Puis une autre. Et encore une autre.
Au fur et à mesure qu'Echoes se développe, à une vitesse extrêmement ralentie - me permettant d'en cerner toutes les nuances - les visuels commencent à se former.
J'avais déjà eu une expérience synesthésique auparavant, mais rien de comparable. Alors que la première fois, j'étais détaché des visuels, là, je baigne dedans, complétement. Le son m'entoure de toutes parts, le bateau lui-même est rempli d'ondes sonores que je perçois visuellement.
Et à ce moment, seules les 10 premières secondes du morceau se sont écoulées, ça promet pour la suite. (bien évidemment, je suis beaucoup trop défoncé pour me faire cette réflexion sur l'instant)
Les gouttes de lumière s'accumulent au bas de mon champ de vision (yeux fermés), et des vagues, des spirales, commencent à s'ajouter au tableau.
Soudain, première note de guitare basse. L'univers entier vibre. Ma bouche s'ouvre de joie.
Dans ma tête, on peut résumer le chaos de mes pensées ainsi : "PUTAIN C'EST OVERMEGAPUISSANT JE ME FONDS DANS MON CANAPÉ DE PLAISIR JE SENS MA PSYCHÉ ME DEGOULINER PAR LES OREILLES"
Arrive le premier coup de batterie. Mes bras se lèvent d'eux-même vers le plafond et je crie malgré moi "OH OUI, OH OUI !"
Je fais l'amour à la musique, mais je me souviens que mon pote me fait face, allongé, et que je ferais mieux d'éviter de perturber son trip. Je me relâche à nouveau, mon corps n'est que frissons.
A partir de ce moment, la majeure partie de mon esprit est occupée par une sorte de réflexion hyper intense qui se développera tout au long de la musique - malheureusement je n'en ai... aucun souvenirs :mrgreen: (en effet, le trip date d'il y a plus d'un an)
En plus de ça, j'établis dans ma tête le parallèle avec un trip moitié onirique sur... i-doser. (beaucoup ne croient pas à l'efficacité de ce truc, je les comprends, j'ai moi-même recherché en vain des effets sur la plupart des "i-doses", et je n'ai que quelques fois ressentis un vague quelque chose).
Durant ce trip i-doser mi-synesthésique mi-onirique, je m'étais senti propulsé dans l'espace, à travers l'univers à une vitesse plus grande que la lumière, avant d'en atteindre l'extrêmité et de... sortir de l'univers, au paroxysme du bordel.
Et là, le trip à la beuh s'oriente sur un schéma semblable : sensation de quitter son corps et de foncer de plus en plus vite dans un coin de l'univers - un peu façon 2001 l'odyssée de l'espace.
C'est à cette occasion que je découvre la façon dont l'imagination est décuplée sous cannabis.
La musique monte en puissance, le temps est toujours aussi ralenti, voir plus qu'avant, je perçois chaque instruments de façon parfaitement distincte, ils sont tous en fusion parfaite. Chaque notes du solo de guitare m'aspire vers le haut, ça pousse fort, de plus en plus fort...
2) Je ne suis plus un être humain, je suis un monde
Ne vous en faites pas, dans ce titre il ne s'agit nullement là d'une crise égotique, au contraire, mon égo est de plus en plus réduit en charpie.
La musique passe à la partie funky, ca swingue, ca danse, j'ouvre les yeux et j'ai les plus belles OEV (open eyes visual) de ma vie :
je vois des balles de lumière rebondir entre les parois ; une sorte de toile psychédélique violette fluo, dorée, rose, orange et blanche s'est tissée entre les deux hauts-parleurs. Les balles de lumière se mettent à rebondir dans tout le bateau, toujours au rythme de la musique.
Malheureusement, le côté stone est si grand que je n'ai pas la force de garder la tête dressée, elle se penche en avant, et je me mets à marquer le rythme avec mes mains, mes pieds et par de petits coups de crâne.
A force de bouger des parties de mon corps de la sorte, elles prennent vie peu à peu, et je n'ai bientôt plus besoin de penser à les faire bouger pour qu'elles s'animent toutes seules.
Très vite, j'ai l'impression que ma tête est une entité séparée du reste de mon corps, et alors que je bouge mon crâne de bas en haut, je perçois clairement un mouvement glissant circulaire (comme si ma tête était déposée sur un plateau rond et qu'on lui faisait suivre les contours de ce plateau, indépendamment de mon cou, vous suivez ? Oui, ce n'est pas clair haha).
Il en va de même de mes mains : elles se sont transformées en triangles immenses qui s'abattent tels des marteaux sur le canapé.
Mes pieds sont trop éloignés et se noient dans une brume psychédélique violacée (faut dire aussi que je suis myope et que j'avais retiré mes lunettes).
Les hallus continuent de se développer, accompagnées d'une totale perte de la perception des distances.
Mon corps est un... chantier, et j'y vois des ouvriers qui y travaillent, des arbres, des blocs de pierre, des structures qui tiennent en lévitation...
Mais déjà, la partie funky commencent à décroître pour laisser place aux mouettes.
(je précise que durant tout ce temps, mon inconscient était toujours entrain de développer des grosses réflexions)
Je ferme les yeux et les CEV (closed eyes visual) reprennent très vite là où j'en étais resté : en plein voyage dans l'univers.
Perdant de la vitesse, je débouche dans une zone du cosmos absolument ténébreuse.
Bad ?
Non. Je connais suffisamment bien cette musique pour l'accepter toute entière, hors de question de s'abandonner aux angoisses.
Néanmoins, ça me demande un certain effort, je n'ai pas la force de me soucier autrement que par la pensée de mon pote, qui, j'espère, va bien supporter la musique.
Je suis dans les abysses de l'hyperespace, là où il n'y a plus de lumière.
Très gentiment, avec une puissance incroyable, monte quelque chose. Ce n'est pas un rayonnement, c'est un cri. Un déchirement.
Et cela provient d'une entité.
Je suis foudroyé, tétanisé, paralysé, déchiqueté, sondé.
Curieusement, à part une infime peur, je ne ressens pas d'émotion, alors que tout mon corps est tendu comme la corde d'un arc.
Le hurlement diminue, laisse place à un autre cri. Je parviens à voir à travers mes yeux clos cette entité.
C'est une tête d'oiseau gigantesque émergeant des ténèbres, ouvrant grand son bec pour en laisser jaillir son hurlement synesthésique, matérialisée sous la forme d'un laser blanc.
Aurais-je affaire là à un archétype de Jung ? Serait-ce Horus, le dieu à tête de faucon, garant de l'harmonie universelle ? Va savoir. Le plus important sur le moment, c'est qu'il me laisse traverser son monde.
Je n'ai plus beaucoup de souvenirs de ce passage, mais il fût ardu.
3) dissolution d'ego
La fin de cette partie "mouettes" laisse mon esprit un peu perdu dans le vide qui m'entoure. Bien heureusement, l'obscurité est très vite brisée par une goutte de lumière.
Une goutte de lumière tout à fait semblable au début de la musique.
Boucle ?
A l'instar du début, la goutte de lumière fait office d'appat, je tourne autour, la vois s'écraser dans le rien, et je me sens à nouveau aspiré vers le haut.
Une cascade de lumière se forme gentiment, s'épaissit, prend de la consistance, je recommence à grimper vers l'infini, de plus en plus vite.
Arrivé là, mes réflexions métaphysiques touchent à leur fin.
Les psychédéliques sont pour moi (et d'autres, apparemment) des substances facilitant le passage des éléments inconscients vers le conscient.
En d'autres terme, c'est une prise de conscience de l'inconscient.
Mais que se passe-t-il quand hémisphère droit et gauche sont en symbiose totale ? Que l'inconscient n'est plus inconscient, mais totalement révélé ?
J'ignore si cette chose est possible - la mise en lumière totale de ce qui compose l'inconscience ; mais arrivé à un certain stade de prise de conscience, j'ai remarqué qu'il se produisait deux choses, pas toujours accompagnées : l'extase et/ou la dissolution d'ego.
Or, justement, pour en revenir au trip, j'approchais beaucoup de ce stade de conscience extrême :
- mes réflexions inconscientes touchaient à leur fin et les conclusions étaient sur le point de se révéler à mon esprit ;
- mon trip cosmique influencé par mon imaginaire arrivait lui aussi au bout, j'arrivais aux limites de l'infini ;
- tout mon être était envahi d'endorphines, cette petite molécule du plaisir, je frôlais l'orgasme ;
- tous mes sens se mélangeaient, bien que la synesthésie ouïe/vue dominait ;
+ un tas de petites choses indescriptibles
La musique grimpait toujours plus haut dans l'éclat cosmique et mon corps se crispait involontairement. Je n'ai jamais eu un aussi grand sourire, au point que mes lèvres me fassent mal et que je ne puisse rien y faire.
Arriva enfin le paroxysme, l'extrême, le "nirvana".
Mon corps s'est cambré d'un coup et j'ai été pris de simili-convulsions : en réalité je tremblais en suivant les notes de la guitare, extrêmement rapides ;
J'étais pur plaisir ;
Mon esprit, le foyer de mon égo, là-bas, très loin, n'est pas sorti de l'univers. Mais il en a touché les limites et s'est étendu d'un coup ;
Mon "âme" (y a pas d'autres mots) restée à l'intérieur de mon corps s'est comme... dissoute.
Pour mieux expliquer, car c'est pas clair du tout :
malgré mes tremblements incontrôlés hardcore, mes hallucinations yeux fermés gardaient toute leur netteté.
Je voyais devant moi s'étendre tout l'univers dans des tons rosés, des nuances de blanc/or, et tout un tas d'autres couleurs moins évidentes. Des sortes de liens, de câbles cosmiques traversaient l'espace, conservant la cohésion du Monde. C'était comme une toile d'araignée faite d'Amour brut.
Quant à mon égo, ma conscience, bah... comment décrire cela à quelqu'un qui ne l'a pas vécu ? De plus, mes souvenirs sont assez imprécis. Pour essayer quand même de mettre des mots sur cette destruction d'ego intense, je dirais que :
- j'étais devenu le bateau (j'en faisais partie, je ressentais chaque éléments qui le composait, j'étais mon pote, ses vêtements, ses cheveux, son esprit, j'étais chaque fibre des coussins sur lesquels j'étais couché)
- J'étais devenu l'univers entier. Je n'arrive pas à accéder à ces souvenirs dans ma mémoire, tellement ça me dépasse. En essayant d'y repenser, là, j'en ai les larmes aux yeux. Je pense que pour me remémorer ça, je devrais le revivre. Je ne peux contempler mes souvenirs sans être débordé par les émotions intenses de ce moment.
Souvent, les usagers qui rapportent une dissolution d'égo - sous salvia par exemple - racontent qu'ils devenaient ce qui les entouraient, ou quelque chose d'extérieur à eux-même sur quoi ils se concentraient. C'est ce qui s'est produit avec le bateau, dans lequel j'étais ; mais mon esprit (ou plutôt mon imaginaire) touchait les limites de l'univers. En touchant ces limites, ça m'a permis de "cerner" en partie ce qu'était le Monde, et j'ai pu me fondre en lui.
Double dissolution d'ego : à échelle humaine, et à échelle cosmique.
Et c'est parce que je suis devenu l'univers que j'ai ressenti une telle extase, je pense.
Je n'arriverais malheureusement (ou pas) à détailler davantage le ressenti, car comme je l'ai dit c'est impossible pour moi de m'en souvenir, alors que la mémoire du moment est encore là. Je n'y ai simplement pas accès.
La suite ?
Fin de l'extase, mon être se réajuste en lui-même.
La musique n'a pas encore fini de monter, sauf que cette fois, c'est le passage sans la guitare électrique, juste la basse, précédent les derniers couplets chantés.
Mon esprit tout au loin est comme "inspiré" vers mon corps, à une vitesse indescriptible. Ma conscience est vierge, pure, je suis un foeutus hyperspatial (tiens, ca fait encore penser à 2001 l'odyssée de l'espace...)
La pression de la musique se fait douloureuse, mon esprit alors immense et infini se reconcentre en un point et s'apprête à rejoindre mon corps.
On peut y voir un parallèle avec un accouchement, d'ailleurs. Je renais. On m'expédie de cet endroit où j'étais si bien pour rejoindre le monde réel, et je suis accueilli par les chants de Gilmour et Wright (sympa comme sage-femmes).
Le reste, je n'en ai plus trop de souvenirs, c'est la fin de l'immense rush cannabique, j'émerge doucement.
Le morceau terminé, j'ouvre les yeux, je suis dans l'obscurité, aucune hallus. Je tente de me lever et... n'y arrive pas. Je suis épuisé, faiblichon et encore complétement stone.
Avec de gros gros efforts, je change de morceau, je passe à l'album Wish You Were Here je crois. Plus trop de souvenirs de la suite. (Shine on You Crazy Diamond m'apparaît comme une cathédrâle inachevée, seule pensée que j'en garde).
Je m'arrête là, après ça n'en vaut pas la peine.
Conclusion : c'est ce trip qui m'a fait plonger dans un amour inconsidéré du cannabis, j'ai tenté à plusieurs reprises de revivre quelque chose d'aussi intense mais n'y suis jamais parvenu. C'est aussi grâce à ce trip que j'ai pleinement pris conscience du principe de tolérance à la drogue, et que ça ne valait pas du tout la peine, pour moi, de fumer régulièrement (ce qui ne m'a pas empêché de le faire et d'en souffrir).
J'ai découvert à travers cette perche le principe de disso d'ego sous psychédélique (chose dont je n'avais jamais entendu parler haha), la mort-renaissance, tout ça, et c'est (grâce) à cause de ça que je me suis intéressé pour de vrai à l'univers de la draugue en général.
Ce que j'en ai retiré ? Mmh, pas que du bon. Une prise de conscience que la réalité, c'est probablement pas tout à fait ce qu'on croit ; que le cerveau est un truc hyper puissant qu'on a pas fini d'explorer ; que la vie, on y attache vachement d'importance alors qu'en fait, on est que des poussières dans un Tout vachement grand ; que nous aimer ou nous haïr les uns les autres ne changera rien, à part à notre échelle, et que notre échelle est bien ridicule comparé à notre nombril qui est bien grand.
Tout ceci accompagné d'une légère perte de foi (je n'ai jamais été croyant, hein), comme si j'étais démotivé à l'idée que de toute façon, la Grande Vérité Ultime et Patatra était inaccessible à l'homme, en fait.
Evidemment, ce n'était pas à proprement dit des prises de conscience, plutôt un renforcement de celles-ci. Comme un petit savoir qui occuperait soudain bien plus de place.
Si je n'avais pas vécu ce trip, je ne serais probablement pas le même aujourd'hui, mais je n'aurais pas été pire ou meilleur que maintenant. Juste différent. Bref, j'aurais très bien pu m'en passer - mais maintenant le mal/bien est fait, c'est depuis ces 23 minutes aux allures d'éternité que je me suis tourné vers l'exploration de mes processus mentaux - bref, la psychonautique quoi.
Il serait très facile pour vous, lecteurs, de me mettre dans la case "mystique" après ce TR, et je le comprends. Mais comment voulez-vous foutre des mots rationnels sur une expérience de ce genre ? Pour l'instant j'aurais bien du mal à décrire tout ça d'une autre façon, plus conventionnelle. Ca viendra sûrement avec le temps, quand j'aurais un peu plus d'expérience psychonautique.
Aussi, je tiens à rappeler que le délire "esprit dans le cosmos" était principalement entraîné par mon imagination, mais que cette imagination a contribué aux sensations (je doute que mon extase aurait été si forte sans l'influence de mon subconscient, par exemple).
Bref.
Conclusion de la conclusion : c'était d'la bonne ! :weed:
Dosage : 1 joint d'une variété inconnue, je suppose de la skunk.
Set : le bateau, de nuit, les parents ne sont pas là, en compagnie d'un ami qui m'était proche. Pas de playlist musicale mais une idée des morceaux à mettre.
Setting : je me sens bien dans mon corps et ma tête, content et enthousiaste à l'idée de fumer ce joint avec ce pote. Je n'avais aucune tolérance, je n'avais pas fumé depuis environ 2 mois, et mon ami non plus. Je découvrais, à ce moment, le cannabis depuis environ 6 mois.
Montée - *quinte de toux*
On galère à rouler notre joint pur. Pas bien gros, devait y avoir 0,4 grammes. Soit 0,2 g chacun, vraiment pas grand chose. Et pourtant.
Et pourtant.
On l'allume, on tire, on tousse un peu, tout va bien, on est plutôt sérieux.
Arrivé vers la moitié du stick, tout à coup, BAM, Marie-Jeanne me met une grosse baffe, j'éclate de rire.
Effets simultanés, mon pote aussi rigole, on est bien, la vie est belle. On s'empresse de fumer le joint, je me dirige vers le lecteur musical et met Echoes des Pink Floyd (musique traditionnelle qui trouve sa place dans chaque trips). A ce moment, c'est la seule musique que je sens pouvoir écouter.
On se détend sur le canapé, à moitié allongés, et on se laisse emporter par la montée fulgurante.
Trip :
1) Baignade synesthésique.
Ca mooonte dans une poussée énormissime, j'ai un immense sourire, la tête basculée en arrière.
Plus aucune notion de temps, le passé n'est plus ; le futur, c'est le moment où je mettrais la musique suivante ; le présent, c'est... "une particule d'instant suspendue entre deux néants". Le présent, c'est TOUT. Le temps est quelque chose d'indissociable de l'espace, c'est indescriptible, ce n'est plus un ressenti subjectif, le temps est, au même titre que l'espace est. C'est comme ça.
Tout est hyper ralenti.
Oh, wait... LA MUSIQUE N'A MÊME PAS ENCORE COMMENCÉ !
A peine cette pensée formulée que la première note apparaît. Littéralement.
Alors que mes paupières s'abaissent inéluctablement, comme le rideau d'un théâtre, une projection est faite sur ce même rideau.
C'est un éclair. Non. Un trait blanc. Non.
Une goutte de lumière.
J'ouvre les yeux : le bateau est toujours le même, mon pote se laisse aller lui aussi, il semble vivre quelque chose d'extrême également. Tant mieux. Ma vision périphérique est rosée.
Yeux refermés, la 2ème note retentit. Nouvelle goutte.
Puis une autre. Et encore une autre.
Au fur et à mesure qu'Echoes se développe, à une vitesse extrêmement ralentie - me permettant d'en cerner toutes les nuances - les visuels commencent à se former.
J'avais déjà eu une expérience synesthésique auparavant, mais rien de comparable. Alors que la première fois, j'étais détaché des visuels, là, je baigne dedans, complétement. Le son m'entoure de toutes parts, le bateau lui-même est rempli d'ondes sonores que je perçois visuellement.
Et à ce moment, seules les 10 premières secondes du morceau se sont écoulées, ça promet pour la suite. (bien évidemment, je suis beaucoup trop défoncé pour me faire cette réflexion sur l'instant)
Les gouttes de lumière s'accumulent au bas de mon champ de vision (yeux fermés), et des vagues, des spirales, commencent à s'ajouter au tableau.
Soudain, première note de guitare basse. L'univers entier vibre. Ma bouche s'ouvre de joie.
Dans ma tête, on peut résumer le chaos de mes pensées ainsi : "PUTAIN C'EST OVERMEGAPUISSANT JE ME FONDS DANS MON CANAPÉ DE PLAISIR JE SENS MA PSYCHÉ ME DEGOULINER PAR LES OREILLES"
Arrive le premier coup de batterie. Mes bras se lèvent d'eux-même vers le plafond et je crie malgré moi "OH OUI, OH OUI !"
Je fais l'amour à la musique, mais je me souviens que mon pote me fait face, allongé, et que je ferais mieux d'éviter de perturber son trip. Je me relâche à nouveau, mon corps n'est que frissons.
A partir de ce moment, la majeure partie de mon esprit est occupée par une sorte de réflexion hyper intense qui se développera tout au long de la musique - malheureusement je n'en ai... aucun souvenirs :mrgreen: (en effet, le trip date d'il y a plus d'un an)
En plus de ça, j'établis dans ma tête le parallèle avec un trip moitié onirique sur... i-doser. (beaucoup ne croient pas à l'efficacité de ce truc, je les comprends, j'ai moi-même recherché en vain des effets sur la plupart des "i-doses", et je n'ai que quelques fois ressentis un vague quelque chose).
Durant ce trip i-doser mi-synesthésique mi-onirique, je m'étais senti propulsé dans l'espace, à travers l'univers à une vitesse plus grande que la lumière, avant d'en atteindre l'extrêmité et de... sortir de l'univers, au paroxysme du bordel.
Et là, le trip à la beuh s'oriente sur un schéma semblable : sensation de quitter son corps et de foncer de plus en plus vite dans un coin de l'univers - un peu façon 2001 l'odyssée de l'espace.
C'est à cette occasion que je découvre la façon dont l'imagination est décuplée sous cannabis.
La musique monte en puissance, le temps est toujours aussi ralenti, voir plus qu'avant, je perçois chaque instruments de façon parfaitement distincte, ils sont tous en fusion parfaite. Chaque notes du solo de guitare m'aspire vers le haut, ça pousse fort, de plus en plus fort...
2) Je ne suis plus un être humain, je suis un monde
Ne vous en faites pas, dans ce titre il ne s'agit nullement là d'une crise égotique, au contraire, mon égo est de plus en plus réduit en charpie.
La musique passe à la partie funky, ca swingue, ca danse, j'ouvre les yeux et j'ai les plus belles OEV (open eyes visual) de ma vie :
je vois des balles de lumière rebondir entre les parois ; une sorte de toile psychédélique violette fluo, dorée, rose, orange et blanche s'est tissée entre les deux hauts-parleurs. Les balles de lumière se mettent à rebondir dans tout le bateau, toujours au rythme de la musique.
Malheureusement, le côté stone est si grand que je n'ai pas la force de garder la tête dressée, elle se penche en avant, et je me mets à marquer le rythme avec mes mains, mes pieds et par de petits coups de crâne.
A force de bouger des parties de mon corps de la sorte, elles prennent vie peu à peu, et je n'ai bientôt plus besoin de penser à les faire bouger pour qu'elles s'animent toutes seules.
Très vite, j'ai l'impression que ma tête est une entité séparée du reste de mon corps, et alors que je bouge mon crâne de bas en haut, je perçois clairement un mouvement glissant circulaire (comme si ma tête était déposée sur un plateau rond et qu'on lui faisait suivre les contours de ce plateau, indépendamment de mon cou, vous suivez ? Oui, ce n'est pas clair haha).
Il en va de même de mes mains : elles se sont transformées en triangles immenses qui s'abattent tels des marteaux sur le canapé.
Mes pieds sont trop éloignés et se noient dans une brume psychédélique violacée (faut dire aussi que je suis myope et que j'avais retiré mes lunettes).
Les hallus continuent de se développer, accompagnées d'une totale perte de la perception des distances.
Mon corps est un... chantier, et j'y vois des ouvriers qui y travaillent, des arbres, des blocs de pierre, des structures qui tiennent en lévitation...
Mais déjà, la partie funky commencent à décroître pour laisser place aux mouettes.
(je précise que durant tout ce temps, mon inconscient était toujours entrain de développer des grosses réflexions)
Je ferme les yeux et les CEV (closed eyes visual) reprennent très vite là où j'en étais resté : en plein voyage dans l'univers.
Perdant de la vitesse, je débouche dans une zone du cosmos absolument ténébreuse.
Bad ?
Non. Je connais suffisamment bien cette musique pour l'accepter toute entière, hors de question de s'abandonner aux angoisses.
Néanmoins, ça me demande un certain effort, je n'ai pas la force de me soucier autrement que par la pensée de mon pote, qui, j'espère, va bien supporter la musique.
Je suis dans les abysses de l'hyperespace, là où il n'y a plus de lumière.
Très gentiment, avec une puissance incroyable, monte quelque chose. Ce n'est pas un rayonnement, c'est un cri. Un déchirement.
Et cela provient d'une entité.
Je suis foudroyé, tétanisé, paralysé, déchiqueté, sondé.
Curieusement, à part une infime peur, je ne ressens pas d'émotion, alors que tout mon corps est tendu comme la corde d'un arc.
Le hurlement diminue, laisse place à un autre cri. Je parviens à voir à travers mes yeux clos cette entité.
C'est une tête d'oiseau gigantesque émergeant des ténèbres, ouvrant grand son bec pour en laisser jaillir son hurlement synesthésique, matérialisée sous la forme d'un laser blanc.
Aurais-je affaire là à un archétype de Jung ? Serait-ce Horus, le dieu à tête de faucon, garant de l'harmonie universelle ? Va savoir. Le plus important sur le moment, c'est qu'il me laisse traverser son monde.
Je n'ai plus beaucoup de souvenirs de ce passage, mais il fût ardu.
3) dissolution d'ego
La fin de cette partie "mouettes" laisse mon esprit un peu perdu dans le vide qui m'entoure. Bien heureusement, l'obscurité est très vite brisée par une goutte de lumière.
Une goutte de lumière tout à fait semblable au début de la musique.
Boucle ?
A l'instar du début, la goutte de lumière fait office d'appat, je tourne autour, la vois s'écraser dans le rien, et je me sens à nouveau aspiré vers le haut.
Une cascade de lumière se forme gentiment, s'épaissit, prend de la consistance, je recommence à grimper vers l'infini, de plus en plus vite.
Arrivé là, mes réflexions métaphysiques touchent à leur fin.
Les psychédéliques sont pour moi (et d'autres, apparemment) des substances facilitant le passage des éléments inconscients vers le conscient.
En d'autres terme, c'est une prise de conscience de l'inconscient.
Mais que se passe-t-il quand hémisphère droit et gauche sont en symbiose totale ? Que l'inconscient n'est plus inconscient, mais totalement révélé ?
J'ignore si cette chose est possible - la mise en lumière totale de ce qui compose l'inconscience ; mais arrivé à un certain stade de prise de conscience, j'ai remarqué qu'il se produisait deux choses, pas toujours accompagnées : l'extase et/ou la dissolution d'ego.
Or, justement, pour en revenir au trip, j'approchais beaucoup de ce stade de conscience extrême :
- mes réflexions inconscientes touchaient à leur fin et les conclusions étaient sur le point de se révéler à mon esprit ;
- mon trip cosmique influencé par mon imaginaire arrivait lui aussi au bout, j'arrivais aux limites de l'infini ;
- tout mon être était envahi d'endorphines, cette petite molécule du plaisir, je frôlais l'orgasme ;
- tous mes sens se mélangeaient, bien que la synesthésie ouïe/vue dominait ;
+ un tas de petites choses indescriptibles
La musique grimpait toujours plus haut dans l'éclat cosmique et mon corps se crispait involontairement. Je n'ai jamais eu un aussi grand sourire, au point que mes lèvres me fassent mal et que je ne puisse rien y faire.
Arriva enfin le paroxysme, l'extrême, le "nirvana".
Mon corps s'est cambré d'un coup et j'ai été pris de simili-convulsions : en réalité je tremblais en suivant les notes de la guitare, extrêmement rapides ;
J'étais pur plaisir ;
Mon esprit, le foyer de mon égo, là-bas, très loin, n'est pas sorti de l'univers. Mais il en a touché les limites et s'est étendu d'un coup ;
Mon "âme" (y a pas d'autres mots) restée à l'intérieur de mon corps s'est comme... dissoute.
Pour mieux expliquer, car c'est pas clair du tout :
malgré mes tremblements incontrôlés hardcore, mes hallucinations yeux fermés gardaient toute leur netteté.
Je voyais devant moi s'étendre tout l'univers dans des tons rosés, des nuances de blanc/or, et tout un tas d'autres couleurs moins évidentes. Des sortes de liens, de câbles cosmiques traversaient l'espace, conservant la cohésion du Monde. C'était comme une toile d'araignée faite d'Amour brut.
Quant à mon égo, ma conscience, bah... comment décrire cela à quelqu'un qui ne l'a pas vécu ? De plus, mes souvenirs sont assez imprécis. Pour essayer quand même de mettre des mots sur cette destruction d'ego intense, je dirais que :
- j'étais devenu le bateau (j'en faisais partie, je ressentais chaque éléments qui le composait, j'étais mon pote, ses vêtements, ses cheveux, son esprit, j'étais chaque fibre des coussins sur lesquels j'étais couché)
- J'étais devenu l'univers entier. Je n'arrive pas à accéder à ces souvenirs dans ma mémoire, tellement ça me dépasse. En essayant d'y repenser, là, j'en ai les larmes aux yeux. Je pense que pour me remémorer ça, je devrais le revivre. Je ne peux contempler mes souvenirs sans être débordé par les émotions intenses de ce moment.
Souvent, les usagers qui rapportent une dissolution d'égo - sous salvia par exemple - racontent qu'ils devenaient ce qui les entouraient, ou quelque chose d'extérieur à eux-même sur quoi ils se concentraient. C'est ce qui s'est produit avec le bateau, dans lequel j'étais ; mais mon esprit (ou plutôt mon imaginaire) touchait les limites de l'univers. En touchant ces limites, ça m'a permis de "cerner" en partie ce qu'était le Monde, et j'ai pu me fondre en lui.
Double dissolution d'ego : à échelle humaine, et à échelle cosmique.
Et c'est parce que je suis devenu l'univers que j'ai ressenti une telle extase, je pense.
Je n'arriverais malheureusement (ou pas) à détailler davantage le ressenti, car comme je l'ai dit c'est impossible pour moi de m'en souvenir, alors que la mémoire du moment est encore là. Je n'y ai simplement pas accès.
La suite ?
Fin de l'extase, mon être se réajuste en lui-même.
La musique n'a pas encore fini de monter, sauf que cette fois, c'est le passage sans la guitare électrique, juste la basse, précédent les derniers couplets chantés.
Mon esprit tout au loin est comme "inspiré" vers mon corps, à une vitesse indescriptible. Ma conscience est vierge, pure, je suis un foeutus hyperspatial (tiens, ca fait encore penser à 2001 l'odyssée de l'espace...)
La pression de la musique se fait douloureuse, mon esprit alors immense et infini se reconcentre en un point et s'apprête à rejoindre mon corps.
On peut y voir un parallèle avec un accouchement, d'ailleurs. Je renais. On m'expédie de cet endroit où j'étais si bien pour rejoindre le monde réel, et je suis accueilli par les chants de Gilmour et Wright (sympa comme sage-femmes).
Le reste, je n'en ai plus trop de souvenirs, c'est la fin de l'immense rush cannabique, j'émerge doucement.
Le morceau terminé, j'ouvre les yeux, je suis dans l'obscurité, aucune hallus. Je tente de me lever et... n'y arrive pas. Je suis épuisé, faiblichon et encore complétement stone.
Avec de gros gros efforts, je change de morceau, je passe à l'album Wish You Were Here je crois. Plus trop de souvenirs de la suite. (Shine on You Crazy Diamond m'apparaît comme une cathédrâle inachevée, seule pensée que j'en garde).
Je m'arrête là, après ça n'en vaut pas la peine.
Conclusion : c'est ce trip qui m'a fait plonger dans un amour inconsidéré du cannabis, j'ai tenté à plusieurs reprises de revivre quelque chose d'aussi intense mais n'y suis jamais parvenu. C'est aussi grâce à ce trip que j'ai pleinement pris conscience du principe de tolérance à la drogue, et que ça ne valait pas du tout la peine, pour moi, de fumer régulièrement (ce qui ne m'a pas empêché de le faire et d'en souffrir).
J'ai découvert à travers cette perche le principe de disso d'ego sous psychédélique (chose dont je n'avais jamais entendu parler haha), la mort-renaissance, tout ça, et c'est (grâce) à cause de ça que je me suis intéressé pour de vrai à l'univers de la draugue en général.
Ce que j'en ai retiré ? Mmh, pas que du bon. Une prise de conscience que la réalité, c'est probablement pas tout à fait ce qu'on croit ; que le cerveau est un truc hyper puissant qu'on a pas fini d'explorer ; que la vie, on y attache vachement d'importance alors qu'en fait, on est que des poussières dans un Tout vachement grand ; que nous aimer ou nous haïr les uns les autres ne changera rien, à part à notre échelle, et que notre échelle est bien ridicule comparé à notre nombril qui est bien grand.
Tout ceci accompagné d'une légère perte de foi (je n'ai jamais été croyant, hein), comme si j'étais démotivé à l'idée que de toute façon, la Grande Vérité Ultime et Patatra était inaccessible à l'homme, en fait.
Evidemment, ce n'était pas à proprement dit des prises de conscience, plutôt un renforcement de celles-ci. Comme un petit savoir qui occuperait soudain bien plus de place.
Si je n'avais pas vécu ce trip, je ne serais probablement pas le même aujourd'hui, mais je n'aurais pas été pire ou meilleur que maintenant. Juste différent. Bref, j'aurais très bien pu m'en passer - mais maintenant le mal/bien est fait, c'est depuis ces 23 minutes aux allures d'éternité que je me suis tourné vers l'exploration de mes processus mentaux - bref, la psychonautique quoi.
Il serait très facile pour vous, lecteurs, de me mettre dans la case "mystique" après ce TR, et je le comprends. Mais comment voulez-vous foutre des mots rationnels sur une expérience de ce genre ? Pour l'instant j'aurais bien du mal à décrire tout ça d'une autre façon, plus conventionnelle. Ca viendra sûrement avec le temps, quand j'aurais un peu plus d'expérience psychonautique.
Aussi, je tiens à rappeler que le délire "esprit dans le cosmos" était principalement entraîné par mon imagination, mais que cette imagination a contribué aux sensations (je doute que mon extase aurait été si forte sans l'influence de mon subconscient, par exemple).
Bref.
Conclusion de la conclusion : c'était d'la bonne ! :weed: