Bon alors. Je viens plus trop sur le forum mais j'écris pas mal ces temps-ci et dieu sait que les types qui écrivent ont au fond d'eux une putain d'envie de partager alors voila.
C'est un TR d'une douille d'AM sur de la MXE, le soir de Noël dernier, après un concert de Crazy Astronaut.
C'est l'expérience la plus marquante de ma vie, un grand changement qui s'est opéré à ce moment là. De grands moments qui ont suivis, des rencontres sublimes... Des choses qui comptent. Fini le batifolage. Bref.
Enfin je pense avoir réussi à traduire ça par des mots. Alors voila.
thA'M-Hole
J'ai eu l'idée de me tirer une douille d'AM. Coco n'arrivait toujours pas, et nous étions de plus en plus perchés. Stone me racontait un passage de sa vie, et je l'écoutais avec attention, alors que je commençais à concrétiser ma pensée. Le tabac dans le foyer, une petite pointe sur le couteau et -oh, tiens, il y en a pas mal quand même ; oh, ça n'est pas si grave- hop, on pose sur le tabac, sans en renverser à côté. Les poumons se vident, on bloque la respiration, rapide regard autour, coup de flamme, et on aspire. Ca passe tout seul. Vraiment. J'entends souvent les gens dire : « Ah nan mais la douille, j'en ai tiré une une fois, ok ça m'a défoncé, mais j'me suis étouffé pendant quinze minutes, c'est vraiment trop trash je sais pas comment tu fais ! » Bah c'est comme tout, l'habitude. Tout suit donc son cours, normalement, Stone continue son histoire et je l'écoute, assis là, sans rien dire, j'écoute. Et alors, un imperceptible changement, un doute me traverse. Quel est le point de départ de son histoire -je ne me souviens plus!-, et quel est son but, son propos de fond ? Qu'y a-t-il derrière toutes ses paroles, que veut-il me raconter... De quoi veut-il me convaincre ? Et pourquoi veut-il me convaincre d'ailleurs, qu'est-ce qu'il cherche à prouver ?
Ce qu'il me raconte est-il seulement vrai... ?
La question est posée. Je perds le fil de ce qu'il me dit alors qu'elle résonne, comment pourrais-je le savoir si c'était faux, après tout, ce n'est que sa parole et mon consentement, il n'y a que nous dans cette pièce, et personne pour appuyer les dires de l'un ou de l'autre, ce n'est qu'une construction jeux de mots, où chacun peut composer comme il le souhaite, la simple confrontation de deux esprits...
Tout perturbé par ma réflexion, je détourne le regard, et me rends compte que la douille d'AM est en train de me taper salement. Je ne capte plus du tout ce que Ston est en train de me raconter. Je ferme les yeux, mon déplacement de tête ayant entrainé un décalage trop radical pour que je tienne. Les dissociatifs sont forts pour ça, et l'AM remonte très fortement les effets de la MXE. Surtout en douille.
Les yeux fermés, je visualise deux cerveaux d'un blanc éclatant, plongés dans un brouillard scintillant, et de chacun jaillissent des gerbes de lumières, qui se connectent entre elles et fusionnent parfois, mais parfois, l'une annihile l'autre, et gagne petit à petit du terrain, jusqu'à parvenir au cerveau d'en face et elle commence alors à tenter... de le convertir... Oui c'est ça, elles tentent de conquérir l'autre, et ce que je vois, ce sont les paroles de Stone tentant de rentrer en moi, afin que je les accepte -mais je m'en trouve incapable, le doute. Le doute... Et la chaleur de l'AM qui débarque, brusque, je connais cette sensation, ce fourmillement intérieur, si désagréable, si prenant, tout le corps qui sue, et cette lourdeur qui prend du terrain, très rapidement, qui plaque au sol, qui empêche d'effectuer le moindre mouvement... alors qu'il suffirait de se lever et de boire, juste boire, se passer de l'eau sur le corps, pour contrer cette bouffée de chaleur, et tout irait mieux, mais non, mais non, cette incapacité de se déplacer, cette incapacité de même ne serait-ce qu'ouvrir la bouche pour demander de l'eau... Et la lourdeur qui gagne du terrain... Je connais cette sensation. J'ai déjà vécu ça, la première fois que j'ai tiré une douille d'AM, j'avais pris de la MXE six heures avant, je m'en souviens, je m'en souviens, j'ai déjà vécu ça, ça commence comme ça et...
L'arrachement.
En une aspiration spiralée, je me retrouve projeté hors de cette réalité, hors de mon corps, ça va très vite, une seule propulsion, et voilà que je m'envole, et que je vois le monde que j'habitais ne devenir plus d'un point, centre du trou noir, dans lequel toutes les autres réalités s'éclatent aussi, toutes sans exception, et moi qui sort de ça, si brusquement, et je me dis, en un triste soupir, que je n'aurais pu dire au revoir à ma mère... ni à tous ceux que j'aime... Et ça, ça me rend profondément triste.
Car ça y est, je suis mort. Enfin, non, je ne suis pas mort -enfin je n'espère pas!-, mais mon esprit a quitté mon enveloppe charnelle, pour aller se faire propulser tout là haut, et mon corps n'a donc plu d'essence propre. Pantin mécanisé, vide de tout, je suis devenu ce type qu'on traîne à l'asile, ce type avec le regard perdu dans la contemplation d'un univers que nul autre que lui ne peut entrevoir, qui n'avance que si on le pousse et se stoppe si on le freine, mais qui de lui-même n'entreprendrait rien, simple enveloppe charnelle vide de tout, plus la moindre preuve d'humanité... la pierre. Le roc, imperturbable à l'épreuve de la vie qui passe, insensible face à la douleur de ses semblables qui défilent devant lui, ses parents, ses amis les plus proches, qui le pleurent, chaque fois qu'ils lui rendent visite, mais rien, rien sur son visage, aucune expression, rien qui leur permettrait de savoir même qu'il les voit. Qu'il est conscient de leur présence, non, rien, rien de tout cela, rien sur ce visage qui ne s'allume, si ce ne sont ces deux yeux qui regardent fixement l'intérieur de la rétine... Bloqués sur cette image, si scintillants, si clairs, ces yeux qui perlent un doux voile de larmes protectrices, là pour bloquer la si forte lumière qui les transperce, ces yeux si forts, si beaux... et pourtant si loin de tout...
Et ce type là, ça y est, c'est moi, et je vois ma mère qui me pleure, tandis que l'on tire doucement par la main pour me ramener à ma chambre aux murs d'un blanc éclatant, où je serai de nouveau oublié, un temps, jusqu'à la nouvelle visite, jusqu'aux nouveaux pleurs, jusqu'au renouvellement sans fin de mon silence, dénudé de tout. Sale histoire.
Me voilà plongé hors de toute réalité physique, hors de mon enveloppe charnelle, je tente de me définir et me découvre en tant que boule d'énergie, une puissance infinie contenue dans un espace réduit, de la taille d'un ballon de foot, maximum... Je suis devenu cette boule, qui scintille de mille feux, parcourue d'énergie pure et virevoltante, en constant changement, qui ne peut tenir en place et qui se tord, se tord, dans tous les sens, se tord et se tortille, bouillonnante... Et pourtant contenue en ce si petit espace, forcée à être là, bloquée... Mais pas coupée du reste de l'univers. En effet, dans cette énergie déferlante, je parviens à percer, j'y mets énormément de volonté et je parviens à m'échapper, enfin, pas tout à fait, je réussis juste à créer de légères brèches, très minces, très fines, depuis lesquelles je me laisse couler, tout doucement au départ... avant qu'encore une fois je me retrouve violemment aspiré, par ces si minuscules brèches, qui me relient à l'univers tout entier. Fines tentacules, depuis lesquelles je perçois le reste de l'univers, de tous les univers, tout, tout, toutes les informations de tous les univers, tous les événements, toutes les situations, qui déferlent les unes après les autres, qui s'engouffrent dans ces si petites fissures, à une vitesse hallucinantes, et qui me transpercent, toutes à la fois. Elles se fondent en mon essence et je les assimile, je n'ai pas le choix, pas d'autre choix que de les laisser me pénétrer, me torturer... Nul ne peut résister à ça, non, nul ne peut supporter cet afflux sans fin d'informations, ce déferlement, cette violence...
Jamais je n'avais connu ça auparavant. Une telle douleur, si intense, et surtout, qui ne s'arrête jamais...
L'ensemble des univers qui se fond en moi, par ces tentacules qui scintillent de milles couleurs, aux teintes inégalées en ce monde. Je souffre. Longtemps. Sans que cela ne s'arrête. Jamais. Car je suis bientôt contraint d'accepter mon sort. Me voici là bloqué pour l'éternité. Ce n'est pas une pensée en l'air, une impression quelconque qui se profile au loin, non, c'est quelque chose que j'expérimente à l'instant même. L'éternité. L'éternité, alors que je suis bloqué là, à subir le déferlement de tous les instants, qui défilent, les uns après les autres... Alors que mon corps est bloqué, là bas, quelque part... Là, ici, je le vois, dans l'ensemble des choses qui passent, je le vois... Je l'aperçois, qui prépare le café, là-bas... Et c'est alors que je me rends compte que non, il n'est pas forcément à l'asile, et que d'ici, je parviens à le contrôler encore, je parviens à lui donner vie, à lui faire continuer à faire ce qu'il faisait tous les jours, les mêmes taches, la même routine, avec l'esprit en moins, la folie en moins, juste la routine et les jours qui passent, tous les mêmes... Je comprends alors que je ne suis probablement pas seul, pas seul à vivre ça, et dans le flot, je me mets en quête et j'arrive à entrevoir certaines personnes du forum, qui eux aussi doivent vivre comme ça à l'heure actuelle, n'être qu'un reflet, un fantôme perdu dans le brouillard du monde, alors que l'esprit lui !... L'esprit carbure, à son maximum, dans toute sa splendeur, dans sa puissance absolue. Mais il n'est pas sensé vivre ça, il n'a jamais été préparé pour ça ! Et pourtant, je ne suis pas le seul à vivre cette tourmente. Au delà de la vision de leurs corps effacés, j'entrevois les autres tels que je suis, boules d'énergie pures bloquées sur la grille... La grille. Ca y est, après toutes ces années, tous ces siècles écoulés, je parviens enfin à définir l'espace sur lequel je suis bloqué, je parviens à voir au delà du moi, au delà de ma propre souffrance, celle-ci s'efface d'ailleurs petit à petit -non pas qu'elle s'atténue, mais ça y est, quelque part au fond de moi, je parviens à l'accepter, je me fais à l'idée qu'elle sera pour toujours -fardeau éternel... mais pas personnel. En effet, il y a malgré tout cette pensée qui me réchauffe le cœur : je ne suis pas seul.
Dans la tourment éternelle, je ne suis pas seul. Bloqué sur cette grille, je ne suis pas seul. A boucler à l'infini, je ne suis pas seul. A ressentir chaque chose de chaque monde, je ne suis pas seul. A subir l'éternité, je ne suis pas seul. A vouloir comprendre ce qui m'arrive, je ne suis pas seul. A vouloir m'en sortir, plus que tout au monde, à vouloir échapper à cette souffrance infinie, non, je ne suis pas seul...
Ca y est, nous savons que nous ne sommes pas seuls. Alors, bientôt, enfin devenus conscients du pouvoir que nous pouvons avoir sur l'ensemble des univers que nous subissons, nous commençons à chercher une solution. En effet, après avoir compris l'influence que je pouvais avoir sur mon propre corps, pourtant perdu si loin, dans un lointain recoin égaré sous une myriade de plans de réalités, j'ai bientôt réalisé -et chacun des autres l'a fait au même moment- que je pouvais volontairement participer à la modification de chacun de ces mondes aux réalités pourtant complètement différentes... Ainsi, la vague de souffrance qui me frappe perpétuellement ne serait peut-être finalement que la résultante d'une création de mon esprit... qui turbine turbine et crée des univers tellement complexe qu'il s'y engouffre sans hésiter -sans bientôt plus supporter l'excès constant d'informations, qu'il a pourtant lui-même engendré...
Et donc, si nous pouvions avoir ce pouvoir sur ces univers, pourquoi n'y aurait-il pas une solution, un échappatoire quelconque... pourquoi ne pourrions nous pas influencer la réalité au point d'échapper à l'éternité... retrouver une vraie valeur du temps... Alors nous nous y mettons, tous ensembles, tous bloqués sur la grille nous réfléchissons, à toute vitesse, avec toute la force de notre esprit qui carbure, carbure, nous réfléchissons à une solution, à comment sortir de là, ce foutu plan hors de tout...
Nous explorons toutes les solutions, ça y est, nous sommes déterminés à nous en sortir, le vent de la révolte gronde en chacun de nous et ça va mal aller pour le connard qui nous a envoyé là ! Ouais, parce que y'a forcément quelqu'un qui est responsable de notre arrivée ici, quelqu'un qui a foutu la merde et vous savez quoi, ben putain on va lui faire sa fête à cet enfoiré, quand on va le retrouver, quand on se serra barré... Alors on explore les possibilités, tous les scénarios possibles et ça fuse et on se motive les uns les autres, on se taquine, ouais ce gros con, il va prendre cher aha, et là soudain, tous sur la grille à cogiter, on entrevoit... La lumière. La lumière, en face, là, et mais ouais, mais c'est lui, ça doit être par là-bas, la sortie, là où cet enfoiré se cache, alors on cogite d'autant plus, on donne de toutes nos forces, le maximum du maximum, on mobilise toutes nos ressources, quitte à souffrir d'avantage, quitte à s'user d'avantage, tant pis, on le fait, on le fait...
Mais rien. Aucune solution qui s'offre à nous, rien. Le vide, aucune solution, rien. Rien du tout. Nous sommes anéantis. Désespérés. On le savait bien, que ce serait comme ça, qu'on ne trouverait pas. On le savait bien... Alors pourquoi est-ce qu'on a tous continué à chercher des solutions alors, pourquoi est-ce qu'on a puisé dans nos ressources, pourquoi est-ce qu'on s'est fait souffrir un peu plus, alors qu'au fond, on le savait très bien, qu'il n'y aurait pas de solution... Pourquoi, pourquoi se faire du mal inutilement.... Pourquoi aucun d'entre nous n'a relevé, ne s'est aperçu de l'absurdité de la chose, et n'y a mit fin... Regards coupables, regards gênés. Tous dans la même galère pour l'éternité, et même pas capable d'assumer -la responsabilité du groupe. Alors, je fais comme tout le monde et me renfrogne, me replonge en mon moi intérieur...
Je remonte le fil jusqu'à mon corps, qui vit sa vie dans son coin. Actuellement assis sur un banc, en train de regarder paisiblement les gens qui passent dans le parc devant lui. Sans se soucier de grand chose... Comment le pourrait-il après tout ? Je suis ici et pas là-bas... Je le regarde fixement, qui ne fait rien, et je décide de plonger en lui -en moi. Le temps se stoppe, et fait marche arrière. Je me regarde redevenir fœtus, puis je relance le cours de ma vie, tel qu'il s'est déroulé, et voilà, je regarde -passons le temps. Je revois toutes ces incroyables choses que j'ai pu vivre, ces situations si farfelues, tous ces gens impliqués... Je vois les conséquences de mes actes, pour chacun d'entre eux, parfois même les plus infimes -sont ceux qui peuvent faire le plus de mal... Je comprends mieux maintenant, ce que je n'arrivais pas à entrevoir avant, mes erreurs, mes choix, le regard des gens. Je comprends maintenant, parce que j'ai changé de point de vue, tout simplement, j'ai regardé toutes ces situations comme jamais je n'aurais pu les voir sur le coup, je les ai regardé, de haut, comme un type qui serait bloqué là pour toujours vous voyez. Aha... Ce genre de gars... qui en aurait strictement rien à foutre. Mais après tout, c'est ma vie, là, qui défile. Je me rends compte de toutes mes erreurs, revis toutes mes peines -elles restent plus que les joies!-, mais dans un sens, oui, je m'en fous, je regarde ça d'un air vague, comme si ce n'était pas moi, et je me rends compte de la façon dont j'aurais du faire les choses pour que tout se passe bien, ou plutôt... oui, il est de toute façon trop tard pour s'apitoyer là-dessus, bien trop tard, alors je me laisse juste bercer par les scènes qui défilent devant moi... Oscillantes entre un certain absurde et un foutu rire jaune, comédie de bien bas niveau ma foi... Tout ce jeu, tous ces faux-semblants, toutes ces fois où j'ai agi régi par un amas impénétrable de conventions... J'en frémis, et bientôt, le spectacle de mon existence ne me passionne plus du tout : il me débecte au contraire.
Je m'observe en effet, mais je n'ai pas l'impression de me voir. Le masque du faux, si souvent... Je l'ai toujours su pourtant, que je portais ce masque, ça a été là pour me protéger, quand il le fallait, ça m'a permis de... Je ne sais pas. Je ne sais même pas si ça m'a protégé. Peut-être même qu'au contraire, ça n'a fait que renforcer mon asociabilité et ma paranoïa. J'ai certainement loupé des tas d'occasions en portant ce masque. Et c'est aussi ce qui fait ce que je suis aujourd'hui... Mais ce qui me frappe le plus, c'est ce jeu d'acteur, pas seulement de ma part, mais de la part de tous les protagonistes et figurants de ma vie, ce jeu si réglé, si fade, et qui m'inspire un profond dégoût... Comme s'il n'y avait jamais une once de sincérité dans chacun de nos actes, tant envers les autres qu'envers nous même. On court, on s'agite dans tous les sens, on se trouve des prétextes pour toujours « avoir quelque chose à faire », on joue le jeu, pleinement plongé dedans, sans même s'en apercevoir, sans même essayer de se poser, et d'être honnête avec soi-même. Faire le point, sur sa vie, sur le monde, et se rendre compte de l'immense illusion qu'est tout cela, l'immense blague, qui n'a pas de fin, que l'acceptation de sa condition... Mais voilà le problème, c'est ça, dans tous ces gens que je vois défiler, je ne vois pas l'ombre d'une part d'acceptation, juste un jeu fortuit, dans lequel tout un chacun rentre par complaisance, par facilité, parce que c'est l'option la plus banale, celle que quelques uns ont magnifiquement construit, la routine, dans la course au vent, à brasser, brasser, sans jamais être honnête avec soi-même, sans jamais savoir vers Où, le grand où, vers quelle tangente se dirige-t-on consciemment, que veut-on réellement faire de notre si courte existence... Et là, je ne vois que des fourmis qui frétillent, perdues dans l'agitation de la masse, qui ne prennent ni le temps de se poser, ni de se connaître. Suivant le mouvement. C'est tellement plus facile...
Ca me dégoute. Je repense à ce concert de Crazy Astronaut, où j'ai fait l'expérience de ces enfoirés de hippies paradeurs, et je comprends mieux que ce qui m'a vraiment touché, c'est le fait que même jusque dans ce milieu, que je commence seulement à vraiment découvrir et en lequel je plaçais tellement d'espoirs, même là le fruit est pourri. Partout en fait, dans le monde entier. A tourner en rond, sans but précis, se contentant ainsi de la facilité, à vivre pour se montrer auprès des autres, pour se donner en spectacle. Ca donne l'impression de se sentir important, on est vu, on communique beaucoup, les gens rient à nos blagues et ça nous donne la sensation qu'on va vivre un peu plus, que ce qu'on aime appeler notre « oeuvre » va influencer le monde entier. Le sentiment qu'on est important pour le monde.
A vrai dire, c'est à la fois complètement faux et bel et bien vrai. En effet, même si nous ne sommes chacun qu'un atome perdu dans le monde, c'est la somme de tous ces atomes qui est importante, et si un seul d'entre eux avait manqué à l'appel, alors tout aurait été différent. En cela oui, nos vies ont la plus grande importance qui soit. Mais il serait ridicule de penser que ce que l'on accomplit a une influence concrète et directe sur le réel, qu'on en verra la finalité, l'utilité, ça non, jamais. Oui le monde est perturbé par la perte de l'un de ses individus -mais il continue malgré tout à tourner... Ainsi, ça ne sert à rien de viser la postérité, l'accomplissement de grandes choses, non, il vaut mieux se concentrer sur son bien-être et sur celui de ceux qu'on aime, essayer de donner le plus de sincérité possible aux gens-pourquoi perdre du temps?-, car rien n'est éternel dans ce monde.
N'existe de véritablement éternel que l'endroit où je me trouve là, bloqué.
Et j'ai sacrément le temps de cogiter, alors que ma vie continue à défiler, tandis que la compréhension que j'avais des gens et des comportements humains s'évanouit un peu plus à chaque instant d'observation... Une réflexion que j'avais élaborée un jour sous 2c-e remonte alors, quelque chose sur la place que l'on occupe dans le monde, par rapport aux gens, à ses proches. Savoir qui l'on est, pour pouvoir être à sa place partout, naviguer comme il se doit. Connaitre sa place dans le monde, dans sa boucle, et dans l'imbriquement des boucles des gens qui partageront notre vie. Etre conscient de la place que l'on occupe... Oui c'est définitivement la chose la plus importante qu'il puisse exister. Il n'y a réellement que comme ça que l'on peut être parfaitement à l'écoute des autres et du monde, être toujours apte à agir, avec la conscience de ses actes... Ce n'est pas rien non... Je fixe toujours ma vie défilante, et, devant tous mes actes, devant toutes mes actions et inactions passées, je comprends enfin. Ca y est. Je comprends enfin qui je suis.
Et la petite voix suave qui se glisse lentement autour de moi et m'enroule avec chaleur, alors qu'elle me révèle enfin mon vrai nom. Ma véritable essence d'être.
Je sais qui je suis. Et j'en suis fier. Très fier même, en vrai j'exulte, ça y est, je sais, je sais quelle est ma place, quel est mon rôle à jouer dans tout ça, comment je peux être la quintessence de moi-même.. ! Je sais... Ooh, oui, que je suis heureux... J'ai tellement fait semblant avant. Tellement joué, je ne pensais pas, je ne réalisais pas l'importance que ça pouvait avoir. Parce que je n'étais pas innocent non plus, je le savais très bien, que je jouais un rôle, j'avais un but derrière tout ça, des desseins cachés, ce n'était que pur égoïsme, pardonnez moi, pardonnez moi d'avoir fait semblant, ça n'arrivera plus, je ne sais même pas pourquoi je le faisais avant -alors que je le faisais pourtant avec tant de facilité... Foutu jeu, dans lequel je m'étais embarqué sans penser aux conséquences, c'est la facilité, la facilité qu'on nous a créé et nous, on y fonce tous, conscients d'y foncer, mais sans savoir à côté de quoi on passe, sans même y penser, on n'y fait pas attention, car ce qui n'est pas la norme finit souvent loin des yeux du grand public... Mais je ne ferai plus ça, je ne serai plus comme ça, je le promets, maintenant que je sais quelle est ma place, maintenant que je sais qui je suis, je tenterai au maximum de ne plus commettre ces erreurs...
Avant de... mais... …
Blocage.
Avant de me rendre compte que cela ne sert finalement plus à grand chose, puisque je suis plus là-bas, puisque je suis mort, ou que même si ce n'est pas la mort, je reste du moins bloqué sur ce foutu plan, à boucler à l'infini, seul, entouré de ces autres qui ne s'en tirent pas mieux que moi...
...
Je rage, un peu, et vite de plus en plus, peste sur ces choses mal faites de la vie, peste sur mon existence, et peut-être que j'aurais pu trouver ma place bien avant, peut-être que j'aurais pu m'éloigner du Jeu de la vie, du grand théâtre du monde, et j'aurais pu me poser, j'aurais pu faire les bons choix. Pour moi, pour les autres. Maintenant, il est trop tard. Même si je parviens à insuffler quelque vitalité à mon corps, je ne pourrai jamais plus lui rendre son esprit, lui rendre « moi ». Une enveloppe charnelle juste là pour les autres, pour que les choses continuent normalement pour eux. Je ne voudrais pas causer encore plus de soucis que ce que je n'ai déjà fait...
Puis, la même petite voix qui m'avait susurrée mon nom qui resurgit : « Ubik ? »
Aussitôt, le plan sur lequel je me trouve commence à s'effondrer sur lui-même. Je me vois alors, boule d'énergie toujours bloquée, sur cette grille qui s'écroule, qui vole en éclat, en un fracas monstrueux. SHBAM, ça casse et ça dégringole un peu plus, et SHBAM et ça fait un tour impossible, contorsionnant le plan d'une manière complètement illogique, échappant à toutes les lois de la physique connues, et SHBAM, le décor se remet en place et recommence sa déconstruction, pièce après pièce, alors que ma substance se retrouve transpercée, déchiquetée par des faisceaux d'énergies pures, qui tentent de s'échapper comme ils peuvent de cette réalité collapsante...
« Ubik ? »
Je m'en prends plein la gueule, et la douleur ne cesse de s'intensifier, ce que j'avais connu avant n'était rien, là c'est le dernier plan de l'univers qui s'effondre, et toutes les réalités qu'il abritait et que je subissais déjà semblent s'être données rendez-vous pour une dernière danse, un dernier cri, leur dernière chance pour prouver qu'elles existent, elles aussi, avant que la Lumière, qu'on voyait en face, ne grandisse plus et finisse par les envahir.
« Est-ce que tu as envie de vomir Ubik ? »
Ce n'est même plus une envie de vomir c'est tout mon être qui se contorsionne, qui prend les coups, qui ne sait plus comment il est fait, et qui ne cesse de se tordre, encore, sous les coups de ces rayons aveuglants, écrasants...
« Tu sais Ubik, tu viens de le voir, tu n'as pas toujours tout bien fait dans la vie. »
Sans... blague..! Je ne peux même pas me permettre ne serait-ce que penser à une réponse, à un acte de réponse, je suis incapable d'effectuer la moindre action, plaqué au sol par ces énergies folles tandis que la petite voix, à l'allure pourtant si douce, continue à me parler de ma vie, de mes actions. Mes inactions, tous les actes manqués. Les choix, et leurs conséquences. Elle continue, lentement, à énumérer tout ça, et elle fait le point. Elle va à l'essentiel, elle dit des choses simples, elle ne me vend pas la lune, elle ne me juge pas, elle ne me matraque pas de faits et d'événements comme j'avais pu subir avant, elle me montre juste ce que j'ai fait et ce que j'aurais pu faire. Comment les choses sont devenues ensuite, et le point de vue des autres, plus seulement le mien non, le point de vue de l'univers face à mes décisions. Ses réactions.
La déferlante a commencé à se calmer depuis quelques instants déjà, tout doucement, les vagues d'énergies se sont faites plus douces, plus chaleureuses, et elles finissent de s'évanouir. La lumière, qui avait tout envahit, disparaît, tout s'arrête subitement, et je me retrouve tout seul, coi, recroquevillé dans un coin. Le corps -ou ce qui en fait office- meurtri, je n'ose faire le moindre mouvement après toute cette violence. Je reste donc immobile. J'attends quelque chose, un signe, la petite voix. Elle s'est tue elle aussi. Elle s'est arrêtée en même temps que le reste. Mais je sens vite sa présence mielleuse se profiler. Elle s'approche doucement de mon être éparpillé, et me glisse alors, d'un air langoureux: « Maintenant, tu vas pouvoir revenir. »
Stupeur. Panique. Hein, quoi, mais...
« Maintenant, tu vas pouvoir revenir sur Terre. »
mais c'est impossible je suis mort, j'ai vécu l'éternité, j'ai vécu l'ensemble des univers à la fois, j'ai
« Après avoir vu tout ça, tu vas quand même revenir. »
toutes les choses qui existent et bien plus encore, l'expérience de l'éternité, j'ai compris la mort
« Et oui, après avoir vu tout ça, tu vas quand même revenir. »
Je jurerais entendre un brin de malice dans sa voix. Mais ce n'est possible, je ne peux pas, pas après ça, pas après avoir vu tout ça, avoir subi tout ça...
« Et si tu vas revenir. Pile quand tu étais parti regardes. »
Au loin, dans l'obscurité, je distingue comme un immense diapositif. Je me rapproche vite, j'y plonge à toute vitesse sans avoir le choix, et c'est alors que je vois que dans chaque photo se trouve la même scène -l'instant de mon départ!-, mais avec à chaque fois, un détail qui change, quelque chose de différent. Nouvelle réalité. Tant de possibilités d'univers parallèles pour un point qui semble pourtant si fixe dans l'espace et le temps...
« Tu vois, déjà de retour. »
Ca se rapproche, de plus en plus vite, et je panique, de plus en plus.
Mais non, je ne peux pas, je ne peux pas, pas après ça non je
« Juste cette case là. »
J'y suis projeté d'un coup.
JE NE
« … comme si rien ne s'était passé. »
JE NE VEUX PAS !
C'n'est pas que je ne peux pas c'est que j'ne veux pas...
Quand il ouvre de nouveau les yeux, il ne sait pas où il se trouve. Il relève doucement la tête et ne reconnaît pas l'endroit. Une chambre, sombre, encombrée, posters aux murs... Et quelqu'un, quelqu'un en face, qui le regarde fixement. Il tremble, il est perdu. Il sait qu'il est un être humain, qu'il est vivant, mais c'est bien tout ce qu'il sait. Revenu de là-bas. Des flashs lui reviennent, des flashs de ce qu'il était avant, cette boule d'énergie bloquée sur ce plan de réalité, subissant l'ensemble des univers... Ubik... Il se souvient de cette petite voix féminine qui lui parlait, si gentiment, si doucement, lui susurrait à l'oreille... Est-ce que tu as envie de vomir Ubik ? Ces vagues d'énergies qui l'avaient transpercées, ces plans s'abattant sur lui, Shbaam et prends toi ça, et Shbaam et prends toi ça et Shbaam et... Et ce retour. Oui tu reviens Ubik, oui après avoir vécu tout ça tu reviens. Tu vas vivre. Envers et contre tout, même envers tes envies, tu reviens Ubik. Hein quoi ? Tu reviens à la vie. Non... Si. Je regarde autour de moi. Où est-ce que je suis ? Une chambre, encombrée, des posters sur les murs. Quelqu'un en face de moi, assis sur un matelas. Je regarde mes mains. Qui suis-je ? Mon corps tremble. Puis, un son. Un son... Véritable, authentique, pas le produit de mon imagination, non, un son véritable, réel, dur. Solide comme du béton, qui choque mon oreille, que j'intègre, je suis être humain. Un son, qui sort de la bouche de la personne qui se tient en face de moi, un son, deux syllabes, une sonorité chantante...
« Anaël ? »
Fin de l'acte./
Mon corps tremble, les larmes se mettent à couler toutes seules. Anaël. Ubik... D'un seul coup, tout me revient, toute mon existence, tout mon passé qui resurgit, me revient, souvenirs, flashs dans ma gueule, tout, toute ma vie, tout... TOUT. U... Anaël. bi... Toute ma vie. k...... Anaël !!
Je suis dans ma chambre, avec Stone assis en face de moi.
Et je pleurs.
Après cet événement, j'ai été me couché. Plus tard, Coco a débarqué, je me suis réveillé, rendormi, et puis après, ça allait. On a bien fêté Noël.
Bien à vous.
Ubik/
C'est un TR d'une douille d'AM sur de la MXE, le soir de Noël dernier, après un concert de Crazy Astronaut.
C'est l'expérience la plus marquante de ma vie, un grand changement qui s'est opéré à ce moment là. De grands moments qui ont suivis, des rencontres sublimes... Des choses qui comptent. Fini le batifolage. Bref.
Enfin je pense avoir réussi à traduire ça par des mots. Alors voila.
thA'M-Hole
J'ai eu l'idée de me tirer une douille d'AM. Coco n'arrivait toujours pas, et nous étions de plus en plus perchés. Stone me racontait un passage de sa vie, et je l'écoutais avec attention, alors que je commençais à concrétiser ma pensée. Le tabac dans le foyer, une petite pointe sur le couteau et -oh, tiens, il y en a pas mal quand même ; oh, ça n'est pas si grave- hop, on pose sur le tabac, sans en renverser à côté. Les poumons se vident, on bloque la respiration, rapide regard autour, coup de flamme, et on aspire. Ca passe tout seul. Vraiment. J'entends souvent les gens dire : « Ah nan mais la douille, j'en ai tiré une une fois, ok ça m'a défoncé, mais j'me suis étouffé pendant quinze minutes, c'est vraiment trop trash je sais pas comment tu fais ! » Bah c'est comme tout, l'habitude. Tout suit donc son cours, normalement, Stone continue son histoire et je l'écoute, assis là, sans rien dire, j'écoute. Et alors, un imperceptible changement, un doute me traverse. Quel est le point de départ de son histoire -je ne me souviens plus!-, et quel est son but, son propos de fond ? Qu'y a-t-il derrière toutes ses paroles, que veut-il me raconter... De quoi veut-il me convaincre ? Et pourquoi veut-il me convaincre d'ailleurs, qu'est-ce qu'il cherche à prouver ?
Ce qu'il me raconte est-il seulement vrai... ?
La question est posée. Je perds le fil de ce qu'il me dit alors qu'elle résonne, comment pourrais-je le savoir si c'était faux, après tout, ce n'est que sa parole et mon consentement, il n'y a que nous dans cette pièce, et personne pour appuyer les dires de l'un ou de l'autre, ce n'est qu'une construction jeux de mots, où chacun peut composer comme il le souhaite, la simple confrontation de deux esprits...
Tout perturbé par ma réflexion, je détourne le regard, et me rends compte que la douille d'AM est en train de me taper salement. Je ne capte plus du tout ce que Ston est en train de me raconter. Je ferme les yeux, mon déplacement de tête ayant entrainé un décalage trop radical pour que je tienne. Les dissociatifs sont forts pour ça, et l'AM remonte très fortement les effets de la MXE. Surtout en douille.
Les yeux fermés, je visualise deux cerveaux d'un blanc éclatant, plongés dans un brouillard scintillant, et de chacun jaillissent des gerbes de lumières, qui se connectent entre elles et fusionnent parfois, mais parfois, l'une annihile l'autre, et gagne petit à petit du terrain, jusqu'à parvenir au cerveau d'en face et elle commence alors à tenter... de le convertir... Oui c'est ça, elles tentent de conquérir l'autre, et ce que je vois, ce sont les paroles de Stone tentant de rentrer en moi, afin que je les accepte -mais je m'en trouve incapable, le doute. Le doute... Et la chaleur de l'AM qui débarque, brusque, je connais cette sensation, ce fourmillement intérieur, si désagréable, si prenant, tout le corps qui sue, et cette lourdeur qui prend du terrain, très rapidement, qui plaque au sol, qui empêche d'effectuer le moindre mouvement... alors qu'il suffirait de se lever et de boire, juste boire, se passer de l'eau sur le corps, pour contrer cette bouffée de chaleur, et tout irait mieux, mais non, mais non, cette incapacité de se déplacer, cette incapacité de même ne serait-ce qu'ouvrir la bouche pour demander de l'eau... Et la lourdeur qui gagne du terrain... Je connais cette sensation. J'ai déjà vécu ça, la première fois que j'ai tiré une douille d'AM, j'avais pris de la MXE six heures avant, je m'en souviens, je m'en souviens, j'ai déjà vécu ça, ça commence comme ça et...
L'arrachement.
En une aspiration spiralée, je me retrouve projeté hors de cette réalité, hors de mon corps, ça va très vite, une seule propulsion, et voilà que je m'envole, et que je vois le monde que j'habitais ne devenir plus d'un point, centre du trou noir, dans lequel toutes les autres réalités s'éclatent aussi, toutes sans exception, et moi qui sort de ça, si brusquement, et je me dis, en un triste soupir, que je n'aurais pu dire au revoir à ma mère... ni à tous ceux que j'aime... Et ça, ça me rend profondément triste.
Car ça y est, je suis mort. Enfin, non, je ne suis pas mort -enfin je n'espère pas!-, mais mon esprit a quitté mon enveloppe charnelle, pour aller se faire propulser tout là haut, et mon corps n'a donc plu d'essence propre. Pantin mécanisé, vide de tout, je suis devenu ce type qu'on traîne à l'asile, ce type avec le regard perdu dans la contemplation d'un univers que nul autre que lui ne peut entrevoir, qui n'avance que si on le pousse et se stoppe si on le freine, mais qui de lui-même n'entreprendrait rien, simple enveloppe charnelle vide de tout, plus la moindre preuve d'humanité... la pierre. Le roc, imperturbable à l'épreuve de la vie qui passe, insensible face à la douleur de ses semblables qui défilent devant lui, ses parents, ses amis les plus proches, qui le pleurent, chaque fois qu'ils lui rendent visite, mais rien, rien sur son visage, aucune expression, rien qui leur permettrait de savoir même qu'il les voit. Qu'il est conscient de leur présence, non, rien, rien de tout cela, rien sur ce visage qui ne s'allume, si ce ne sont ces deux yeux qui regardent fixement l'intérieur de la rétine... Bloqués sur cette image, si scintillants, si clairs, ces yeux qui perlent un doux voile de larmes protectrices, là pour bloquer la si forte lumière qui les transperce, ces yeux si forts, si beaux... et pourtant si loin de tout...
Et ce type là, ça y est, c'est moi, et je vois ma mère qui me pleure, tandis que l'on tire doucement par la main pour me ramener à ma chambre aux murs d'un blanc éclatant, où je serai de nouveau oublié, un temps, jusqu'à la nouvelle visite, jusqu'aux nouveaux pleurs, jusqu'au renouvellement sans fin de mon silence, dénudé de tout. Sale histoire.
Me voilà plongé hors de toute réalité physique, hors de mon enveloppe charnelle, je tente de me définir et me découvre en tant que boule d'énergie, une puissance infinie contenue dans un espace réduit, de la taille d'un ballon de foot, maximum... Je suis devenu cette boule, qui scintille de mille feux, parcourue d'énergie pure et virevoltante, en constant changement, qui ne peut tenir en place et qui se tord, se tord, dans tous les sens, se tord et se tortille, bouillonnante... Et pourtant contenue en ce si petit espace, forcée à être là, bloquée... Mais pas coupée du reste de l'univers. En effet, dans cette énergie déferlante, je parviens à percer, j'y mets énormément de volonté et je parviens à m'échapper, enfin, pas tout à fait, je réussis juste à créer de légères brèches, très minces, très fines, depuis lesquelles je me laisse couler, tout doucement au départ... avant qu'encore une fois je me retrouve violemment aspiré, par ces si minuscules brèches, qui me relient à l'univers tout entier. Fines tentacules, depuis lesquelles je perçois le reste de l'univers, de tous les univers, tout, tout, toutes les informations de tous les univers, tous les événements, toutes les situations, qui déferlent les unes après les autres, qui s'engouffrent dans ces si petites fissures, à une vitesse hallucinantes, et qui me transpercent, toutes à la fois. Elles se fondent en mon essence et je les assimile, je n'ai pas le choix, pas d'autre choix que de les laisser me pénétrer, me torturer... Nul ne peut résister à ça, non, nul ne peut supporter cet afflux sans fin d'informations, ce déferlement, cette violence...
Jamais je n'avais connu ça auparavant. Une telle douleur, si intense, et surtout, qui ne s'arrête jamais...
L'ensemble des univers qui se fond en moi, par ces tentacules qui scintillent de milles couleurs, aux teintes inégalées en ce monde. Je souffre. Longtemps. Sans que cela ne s'arrête. Jamais. Car je suis bientôt contraint d'accepter mon sort. Me voici là bloqué pour l'éternité. Ce n'est pas une pensée en l'air, une impression quelconque qui se profile au loin, non, c'est quelque chose que j'expérimente à l'instant même. L'éternité. L'éternité, alors que je suis bloqué là, à subir le déferlement de tous les instants, qui défilent, les uns après les autres... Alors que mon corps est bloqué, là bas, quelque part... Là, ici, je le vois, dans l'ensemble des choses qui passent, je le vois... Je l'aperçois, qui prépare le café, là-bas... Et c'est alors que je me rends compte que non, il n'est pas forcément à l'asile, et que d'ici, je parviens à le contrôler encore, je parviens à lui donner vie, à lui faire continuer à faire ce qu'il faisait tous les jours, les mêmes taches, la même routine, avec l'esprit en moins, la folie en moins, juste la routine et les jours qui passent, tous les mêmes... Je comprends alors que je ne suis probablement pas seul, pas seul à vivre ça, et dans le flot, je me mets en quête et j'arrive à entrevoir certaines personnes du forum, qui eux aussi doivent vivre comme ça à l'heure actuelle, n'être qu'un reflet, un fantôme perdu dans le brouillard du monde, alors que l'esprit lui !... L'esprit carbure, à son maximum, dans toute sa splendeur, dans sa puissance absolue. Mais il n'est pas sensé vivre ça, il n'a jamais été préparé pour ça ! Et pourtant, je ne suis pas le seul à vivre cette tourmente. Au delà de la vision de leurs corps effacés, j'entrevois les autres tels que je suis, boules d'énergie pures bloquées sur la grille... La grille. Ca y est, après toutes ces années, tous ces siècles écoulés, je parviens enfin à définir l'espace sur lequel je suis bloqué, je parviens à voir au delà du moi, au delà de ma propre souffrance, celle-ci s'efface d'ailleurs petit à petit -non pas qu'elle s'atténue, mais ça y est, quelque part au fond de moi, je parviens à l'accepter, je me fais à l'idée qu'elle sera pour toujours -fardeau éternel... mais pas personnel. En effet, il y a malgré tout cette pensée qui me réchauffe le cœur : je ne suis pas seul.
Dans la tourment éternelle, je ne suis pas seul. Bloqué sur cette grille, je ne suis pas seul. A boucler à l'infini, je ne suis pas seul. A ressentir chaque chose de chaque monde, je ne suis pas seul. A subir l'éternité, je ne suis pas seul. A vouloir comprendre ce qui m'arrive, je ne suis pas seul. A vouloir m'en sortir, plus que tout au monde, à vouloir échapper à cette souffrance infinie, non, je ne suis pas seul...
Ca y est, nous savons que nous ne sommes pas seuls. Alors, bientôt, enfin devenus conscients du pouvoir que nous pouvons avoir sur l'ensemble des univers que nous subissons, nous commençons à chercher une solution. En effet, après avoir compris l'influence que je pouvais avoir sur mon propre corps, pourtant perdu si loin, dans un lointain recoin égaré sous une myriade de plans de réalités, j'ai bientôt réalisé -et chacun des autres l'a fait au même moment- que je pouvais volontairement participer à la modification de chacun de ces mondes aux réalités pourtant complètement différentes... Ainsi, la vague de souffrance qui me frappe perpétuellement ne serait peut-être finalement que la résultante d'une création de mon esprit... qui turbine turbine et crée des univers tellement complexe qu'il s'y engouffre sans hésiter -sans bientôt plus supporter l'excès constant d'informations, qu'il a pourtant lui-même engendré...
Et donc, si nous pouvions avoir ce pouvoir sur ces univers, pourquoi n'y aurait-il pas une solution, un échappatoire quelconque... pourquoi ne pourrions nous pas influencer la réalité au point d'échapper à l'éternité... retrouver une vraie valeur du temps... Alors nous nous y mettons, tous ensembles, tous bloqués sur la grille nous réfléchissons, à toute vitesse, avec toute la force de notre esprit qui carbure, carbure, nous réfléchissons à une solution, à comment sortir de là, ce foutu plan hors de tout...
Nous explorons toutes les solutions, ça y est, nous sommes déterminés à nous en sortir, le vent de la révolte gronde en chacun de nous et ça va mal aller pour le connard qui nous a envoyé là ! Ouais, parce que y'a forcément quelqu'un qui est responsable de notre arrivée ici, quelqu'un qui a foutu la merde et vous savez quoi, ben putain on va lui faire sa fête à cet enfoiré, quand on va le retrouver, quand on se serra barré... Alors on explore les possibilités, tous les scénarios possibles et ça fuse et on se motive les uns les autres, on se taquine, ouais ce gros con, il va prendre cher aha, et là soudain, tous sur la grille à cogiter, on entrevoit... La lumière. La lumière, en face, là, et mais ouais, mais c'est lui, ça doit être par là-bas, la sortie, là où cet enfoiré se cache, alors on cogite d'autant plus, on donne de toutes nos forces, le maximum du maximum, on mobilise toutes nos ressources, quitte à souffrir d'avantage, quitte à s'user d'avantage, tant pis, on le fait, on le fait...
Mais rien. Aucune solution qui s'offre à nous, rien. Le vide, aucune solution, rien. Rien du tout. Nous sommes anéantis. Désespérés. On le savait bien, que ce serait comme ça, qu'on ne trouverait pas. On le savait bien... Alors pourquoi est-ce qu'on a tous continué à chercher des solutions alors, pourquoi est-ce qu'on a puisé dans nos ressources, pourquoi est-ce qu'on s'est fait souffrir un peu plus, alors qu'au fond, on le savait très bien, qu'il n'y aurait pas de solution... Pourquoi, pourquoi se faire du mal inutilement.... Pourquoi aucun d'entre nous n'a relevé, ne s'est aperçu de l'absurdité de la chose, et n'y a mit fin... Regards coupables, regards gênés. Tous dans la même galère pour l'éternité, et même pas capable d'assumer -la responsabilité du groupe. Alors, je fais comme tout le monde et me renfrogne, me replonge en mon moi intérieur...
Je remonte le fil jusqu'à mon corps, qui vit sa vie dans son coin. Actuellement assis sur un banc, en train de regarder paisiblement les gens qui passent dans le parc devant lui. Sans se soucier de grand chose... Comment le pourrait-il après tout ? Je suis ici et pas là-bas... Je le regarde fixement, qui ne fait rien, et je décide de plonger en lui -en moi. Le temps se stoppe, et fait marche arrière. Je me regarde redevenir fœtus, puis je relance le cours de ma vie, tel qu'il s'est déroulé, et voilà, je regarde -passons le temps. Je revois toutes ces incroyables choses que j'ai pu vivre, ces situations si farfelues, tous ces gens impliqués... Je vois les conséquences de mes actes, pour chacun d'entre eux, parfois même les plus infimes -sont ceux qui peuvent faire le plus de mal... Je comprends mieux maintenant, ce que je n'arrivais pas à entrevoir avant, mes erreurs, mes choix, le regard des gens. Je comprends maintenant, parce que j'ai changé de point de vue, tout simplement, j'ai regardé toutes ces situations comme jamais je n'aurais pu les voir sur le coup, je les ai regardé, de haut, comme un type qui serait bloqué là pour toujours vous voyez. Aha... Ce genre de gars... qui en aurait strictement rien à foutre. Mais après tout, c'est ma vie, là, qui défile. Je me rends compte de toutes mes erreurs, revis toutes mes peines -elles restent plus que les joies!-, mais dans un sens, oui, je m'en fous, je regarde ça d'un air vague, comme si ce n'était pas moi, et je me rends compte de la façon dont j'aurais du faire les choses pour que tout se passe bien, ou plutôt... oui, il est de toute façon trop tard pour s'apitoyer là-dessus, bien trop tard, alors je me laisse juste bercer par les scènes qui défilent devant moi... Oscillantes entre un certain absurde et un foutu rire jaune, comédie de bien bas niveau ma foi... Tout ce jeu, tous ces faux-semblants, toutes ces fois où j'ai agi régi par un amas impénétrable de conventions... J'en frémis, et bientôt, le spectacle de mon existence ne me passionne plus du tout : il me débecte au contraire.
Je m'observe en effet, mais je n'ai pas l'impression de me voir. Le masque du faux, si souvent... Je l'ai toujours su pourtant, que je portais ce masque, ça a été là pour me protéger, quand il le fallait, ça m'a permis de... Je ne sais pas. Je ne sais même pas si ça m'a protégé. Peut-être même qu'au contraire, ça n'a fait que renforcer mon asociabilité et ma paranoïa. J'ai certainement loupé des tas d'occasions en portant ce masque. Et c'est aussi ce qui fait ce que je suis aujourd'hui... Mais ce qui me frappe le plus, c'est ce jeu d'acteur, pas seulement de ma part, mais de la part de tous les protagonistes et figurants de ma vie, ce jeu si réglé, si fade, et qui m'inspire un profond dégoût... Comme s'il n'y avait jamais une once de sincérité dans chacun de nos actes, tant envers les autres qu'envers nous même. On court, on s'agite dans tous les sens, on se trouve des prétextes pour toujours « avoir quelque chose à faire », on joue le jeu, pleinement plongé dedans, sans même s'en apercevoir, sans même essayer de se poser, et d'être honnête avec soi-même. Faire le point, sur sa vie, sur le monde, et se rendre compte de l'immense illusion qu'est tout cela, l'immense blague, qui n'a pas de fin, que l'acceptation de sa condition... Mais voilà le problème, c'est ça, dans tous ces gens que je vois défiler, je ne vois pas l'ombre d'une part d'acceptation, juste un jeu fortuit, dans lequel tout un chacun rentre par complaisance, par facilité, parce que c'est l'option la plus banale, celle que quelques uns ont magnifiquement construit, la routine, dans la course au vent, à brasser, brasser, sans jamais être honnête avec soi-même, sans jamais savoir vers Où, le grand où, vers quelle tangente se dirige-t-on consciemment, que veut-on réellement faire de notre si courte existence... Et là, je ne vois que des fourmis qui frétillent, perdues dans l'agitation de la masse, qui ne prennent ni le temps de se poser, ni de se connaître. Suivant le mouvement. C'est tellement plus facile...
Ca me dégoute. Je repense à ce concert de Crazy Astronaut, où j'ai fait l'expérience de ces enfoirés de hippies paradeurs, et je comprends mieux que ce qui m'a vraiment touché, c'est le fait que même jusque dans ce milieu, que je commence seulement à vraiment découvrir et en lequel je plaçais tellement d'espoirs, même là le fruit est pourri. Partout en fait, dans le monde entier. A tourner en rond, sans but précis, se contentant ainsi de la facilité, à vivre pour se montrer auprès des autres, pour se donner en spectacle. Ca donne l'impression de se sentir important, on est vu, on communique beaucoup, les gens rient à nos blagues et ça nous donne la sensation qu'on va vivre un peu plus, que ce qu'on aime appeler notre « oeuvre » va influencer le monde entier. Le sentiment qu'on est important pour le monde.
A vrai dire, c'est à la fois complètement faux et bel et bien vrai. En effet, même si nous ne sommes chacun qu'un atome perdu dans le monde, c'est la somme de tous ces atomes qui est importante, et si un seul d'entre eux avait manqué à l'appel, alors tout aurait été différent. En cela oui, nos vies ont la plus grande importance qui soit. Mais il serait ridicule de penser que ce que l'on accomplit a une influence concrète et directe sur le réel, qu'on en verra la finalité, l'utilité, ça non, jamais. Oui le monde est perturbé par la perte de l'un de ses individus -mais il continue malgré tout à tourner... Ainsi, ça ne sert à rien de viser la postérité, l'accomplissement de grandes choses, non, il vaut mieux se concentrer sur son bien-être et sur celui de ceux qu'on aime, essayer de donner le plus de sincérité possible aux gens-pourquoi perdre du temps?-, car rien n'est éternel dans ce monde.
N'existe de véritablement éternel que l'endroit où je me trouve là, bloqué.
Et j'ai sacrément le temps de cogiter, alors que ma vie continue à défiler, tandis que la compréhension que j'avais des gens et des comportements humains s'évanouit un peu plus à chaque instant d'observation... Une réflexion que j'avais élaborée un jour sous 2c-e remonte alors, quelque chose sur la place que l'on occupe dans le monde, par rapport aux gens, à ses proches. Savoir qui l'on est, pour pouvoir être à sa place partout, naviguer comme il se doit. Connaitre sa place dans le monde, dans sa boucle, et dans l'imbriquement des boucles des gens qui partageront notre vie. Etre conscient de la place que l'on occupe... Oui c'est définitivement la chose la plus importante qu'il puisse exister. Il n'y a réellement que comme ça que l'on peut être parfaitement à l'écoute des autres et du monde, être toujours apte à agir, avec la conscience de ses actes... Ce n'est pas rien non... Je fixe toujours ma vie défilante, et, devant tous mes actes, devant toutes mes actions et inactions passées, je comprends enfin. Ca y est. Je comprends enfin qui je suis.
Et la petite voix suave qui se glisse lentement autour de moi et m'enroule avec chaleur, alors qu'elle me révèle enfin mon vrai nom. Ma véritable essence d'être.
Mais ça, c'est pour moi
Je sais qui je suis. Et j'en suis fier. Très fier même, en vrai j'exulte, ça y est, je sais, je sais quelle est ma place, quel est mon rôle à jouer dans tout ça, comment je peux être la quintessence de moi-même.. ! Je sais... Ooh, oui, que je suis heureux... J'ai tellement fait semblant avant. Tellement joué, je ne pensais pas, je ne réalisais pas l'importance que ça pouvait avoir. Parce que je n'étais pas innocent non plus, je le savais très bien, que je jouais un rôle, j'avais un but derrière tout ça, des desseins cachés, ce n'était que pur égoïsme, pardonnez moi, pardonnez moi d'avoir fait semblant, ça n'arrivera plus, je ne sais même pas pourquoi je le faisais avant -alors que je le faisais pourtant avec tant de facilité... Foutu jeu, dans lequel je m'étais embarqué sans penser aux conséquences, c'est la facilité, la facilité qu'on nous a créé et nous, on y fonce tous, conscients d'y foncer, mais sans savoir à côté de quoi on passe, sans même y penser, on n'y fait pas attention, car ce qui n'est pas la norme finit souvent loin des yeux du grand public... Mais je ne ferai plus ça, je ne serai plus comme ça, je le promets, maintenant que je sais quelle est ma place, maintenant que je sais qui je suis, je tenterai au maximum de ne plus commettre ces erreurs...
Avant de... mais... …
Blocage.
Avant de me rendre compte que cela ne sert finalement plus à grand chose, puisque je suis plus là-bas, puisque je suis mort, ou que même si ce n'est pas la mort, je reste du moins bloqué sur ce foutu plan, à boucler à l'infini, seul, entouré de ces autres qui ne s'en tirent pas mieux que moi...
...
Je rage, un peu, et vite de plus en plus, peste sur ces choses mal faites de la vie, peste sur mon existence, et peut-être que j'aurais pu trouver ma place bien avant, peut-être que j'aurais pu m'éloigner du Jeu de la vie, du grand théâtre du monde, et j'aurais pu me poser, j'aurais pu faire les bons choix. Pour moi, pour les autres. Maintenant, il est trop tard. Même si je parviens à insuffler quelque vitalité à mon corps, je ne pourrai jamais plus lui rendre son esprit, lui rendre « moi ». Une enveloppe charnelle juste là pour les autres, pour que les choses continuent normalement pour eux. Je ne voudrais pas causer encore plus de soucis que ce que je n'ai déjà fait...
Puis, la même petite voix qui m'avait susurrée mon nom qui resurgit : « Ubik ? »
Aussitôt, le plan sur lequel je me trouve commence à s'effondrer sur lui-même. Je me vois alors, boule d'énergie toujours bloquée, sur cette grille qui s'écroule, qui vole en éclat, en un fracas monstrueux. SHBAM, ça casse et ça dégringole un peu plus, et SHBAM et ça fait un tour impossible, contorsionnant le plan d'une manière complètement illogique, échappant à toutes les lois de la physique connues, et SHBAM, le décor se remet en place et recommence sa déconstruction, pièce après pièce, alors que ma substance se retrouve transpercée, déchiquetée par des faisceaux d'énergies pures, qui tentent de s'échapper comme ils peuvent de cette réalité collapsante...
« Ubik ? »
Je m'en prends plein la gueule, et la douleur ne cesse de s'intensifier, ce que j'avais connu avant n'était rien, là c'est le dernier plan de l'univers qui s'effondre, et toutes les réalités qu'il abritait et que je subissais déjà semblent s'être données rendez-vous pour une dernière danse, un dernier cri, leur dernière chance pour prouver qu'elles existent, elles aussi, avant que la Lumière, qu'on voyait en face, ne grandisse plus et finisse par les envahir.
« Est-ce que tu as envie de vomir Ubik ? »
Ce n'est même plus une envie de vomir c'est tout mon être qui se contorsionne, qui prend les coups, qui ne sait plus comment il est fait, et qui ne cesse de se tordre, encore, sous les coups de ces rayons aveuglants, écrasants...
« Tu sais Ubik, tu viens de le voir, tu n'as pas toujours tout bien fait dans la vie. »
Sans... blague..! Je ne peux même pas me permettre ne serait-ce que penser à une réponse, à un acte de réponse, je suis incapable d'effectuer la moindre action, plaqué au sol par ces énergies folles tandis que la petite voix, à l'allure pourtant si douce, continue à me parler de ma vie, de mes actions. Mes inactions, tous les actes manqués. Les choix, et leurs conséquences. Elle continue, lentement, à énumérer tout ça, et elle fait le point. Elle va à l'essentiel, elle dit des choses simples, elle ne me vend pas la lune, elle ne me juge pas, elle ne me matraque pas de faits et d'événements comme j'avais pu subir avant, elle me montre juste ce que j'ai fait et ce que j'aurais pu faire. Comment les choses sont devenues ensuite, et le point de vue des autres, plus seulement le mien non, le point de vue de l'univers face à mes décisions. Ses réactions.
La déferlante a commencé à se calmer depuis quelques instants déjà, tout doucement, les vagues d'énergies se sont faites plus douces, plus chaleureuses, et elles finissent de s'évanouir. La lumière, qui avait tout envahit, disparaît, tout s'arrête subitement, et je me retrouve tout seul, coi, recroquevillé dans un coin. Le corps -ou ce qui en fait office- meurtri, je n'ose faire le moindre mouvement après toute cette violence. Je reste donc immobile. J'attends quelque chose, un signe, la petite voix. Elle s'est tue elle aussi. Elle s'est arrêtée en même temps que le reste. Mais je sens vite sa présence mielleuse se profiler. Elle s'approche doucement de mon être éparpillé, et me glisse alors, d'un air langoureux: « Maintenant, tu vas pouvoir revenir. »
Stupeur. Panique. Hein, quoi, mais...
« Maintenant, tu vas pouvoir revenir sur Terre. »
mais c'est impossible je suis mort, j'ai vécu l'éternité, j'ai vécu l'ensemble des univers à la fois, j'ai
« Après avoir vu tout ça, tu vas quand même revenir. »
toutes les choses qui existent et bien plus encore, l'expérience de l'éternité, j'ai compris la mort
« Et oui, après avoir vu tout ça, tu vas quand même revenir. »
Je jurerais entendre un brin de malice dans sa voix. Mais ce n'est possible, je ne peux pas, pas après ça, pas après avoir vu tout ça, avoir subi tout ça...
« Et si tu vas revenir. Pile quand tu étais parti regardes. »
Au loin, dans l'obscurité, je distingue comme un immense diapositif. Je me rapproche vite, j'y plonge à toute vitesse sans avoir le choix, et c'est alors que je vois que dans chaque photo se trouve la même scène -l'instant de mon départ!-, mais avec à chaque fois, un détail qui change, quelque chose de différent. Nouvelle réalité. Tant de possibilités d'univers parallèles pour un point qui semble pourtant si fixe dans l'espace et le temps...
« Tu vois, déjà de retour. »
Ca se rapproche, de plus en plus vite, et je panique, de plus en plus.
Mais non, je ne peux pas, je ne peux pas, pas après ça non je
« Juste cette case là. »
J'y suis projeté d'un coup.
JE NE
« … comme si rien ne s'était passé. »
JE NE VEUX PAS !
C'n'est pas que je ne peux pas c'est que j'ne veux pas...
Quand il ouvre de nouveau les yeux, il ne sait pas où il se trouve. Il relève doucement la tête et ne reconnaît pas l'endroit. Une chambre, sombre, encombrée, posters aux murs... Et quelqu'un, quelqu'un en face, qui le regarde fixement. Il tremble, il est perdu. Il sait qu'il est un être humain, qu'il est vivant, mais c'est bien tout ce qu'il sait. Revenu de là-bas. Des flashs lui reviennent, des flashs de ce qu'il était avant, cette boule d'énergie bloquée sur ce plan de réalité, subissant l'ensemble des univers... Ubik... Il se souvient de cette petite voix féminine qui lui parlait, si gentiment, si doucement, lui susurrait à l'oreille... Est-ce que tu as envie de vomir Ubik ? Ces vagues d'énergies qui l'avaient transpercées, ces plans s'abattant sur lui, Shbaam et prends toi ça, et Shbaam et prends toi ça et Shbaam et... Et ce retour. Oui tu reviens Ubik, oui après avoir vécu tout ça tu reviens. Tu vas vivre. Envers et contre tout, même envers tes envies, tu reviens Ubik. Hein quoi ? Tu reviens à la vie. Non... Si. Je regarde autour de moi. Où est-ce que je suis ? Une chambre, encombrée, des posters sur les murs. Quelqu'un en face de moi, assis sur un matelas. Je regarde mes mains. Qui suis-je ? Mon corps tremble. Puis, un son. Un son... Véritable, authentique, pas le produit de mon imagination, non, un son véritable, réel, dur. Solide comme du béton, qui choque mon oreille, que j'intègre, je suis être humain. Un son, qui sort de la bouche de la personne qui se tient en face de moi, un son, deux syllabes, une sonorité chantante...
« Anaël ? »
------ SHBAM ------
ET
(Prends toi ça mon salaud !)
ET
(Prends toi ça mon salaud !)
Fin de l'acte./
Mon corps tremble, les larmes se mettent à couler toutes seules. Anaël. Ubik... D'un seul coup, tout me revient, toute mon existence, tout mon passé qui resurgit, me revient, souvenirs, flashs dans ma gueule, tout, toute ma vie, tout... TOUT. U... Anaël. bi... Toute ma vie. k...... Anaël !!
Je suis dans ma chambre, avec Stone assis en face de moi.
Et je pleurs.
Après cet événement, j'ai été me couché. Plus tard, Coco a débarqué, je me suis réveillé, rendormi, et puis après, ça allait. On a bien fêté Noël.
Bien à vous.
Ubik/