Sujet de la Quinzaine S'engager dans le monde des drogues

Sorence

zolpinaute de la sapience
Équipe Psychonaut
Adhérent·e
Être usager de drogues, c'est... utiliser des drogues, mais certains d'entre nous sont davantage que des utilisateurs. Les drogues ont pris dans notre vie une autre place, c'est par exemple notre travail, ou on est bénévoles dans une asso, ou on milite pour les droits des usagers, ou... C'est ce que dans ce topic j'appelle "s'engager dans le monde des drogues".

Je voulais vous proposer de parler de cet engagement. Si vous êtes simple utilisateur, est-ce que vous avez déjà pensé à vous engager dans le monde des drogues, et qu'est-ce qui vous retient ? Si vous vous êtes engagés, comment c'est venu et comment ça se passe pour vous ?

Quand on dit "engagement" ça évoque l'engagement politique ou social. Mais on peut aussi s'engager autrement dans le monde des drogues, par exemple en commençant des études en rapport avec les drogues. Si vous fabriquez/revendez des drogues ce n'est peut-être pas une bonne idée d'en parler ici, mais je pensais aussi à ce genre de chose :-) et il y en a probablement encore auxquelles je n'ai pas pensé.

Pour le contexte, je préparais un petit exposé sur le fait que des utilisateurices se retrouvent à bosser en CAARUD ou à monter des assos, ce qui m'a donné envie d'ouvrir un topic hebdo sur un sujet proche.
 

Fichiers joints

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Pour ma part je ne suis pas engagé dans quoique ce soit d'officiel, que ce soit études, associations ou un quelconque militantisme. On peut donc plutôt me considérer comme un simple utilisateur.

Cependant, quand les drogues sont rentrées dans ma vie, ça a quand même changé pas mal de choses en moi. Parmi toutes les luttes progressistes déjà existantes (féminisme, antiracisme, etc...), celle concernant la politique sur les drogues est la première pour laquelle j'ai eu le sentiment qu'il ne serait pas impossible que j'y milite concrètement un jour (parce qu'entre autre je suis concerné par le sujet il est vrai, même si pas uniquement).

Je me souviens qu'avant j'étais, comme beaucoup, un anti-drogue, répétant et intériorisant les discours des politiques et de l'entourage parce que j'y connaissais rien à ce sujet. Arrivé à vers mes 16 ans ça ne m'a pas empêché de fumer mes premiers joints avec mon cousin quelques temps après avoir testé l'alcool, et finalement je ne sais plus comment mais, de fil en aiguilles, mon côté anti-drogue a été mit à part au profit de la volonté d'expérimenter des états de consciences modifiés. A ce moment là mon meilleur pote s'y intéressait également et commença un peu plus tôt que moi à tester.

Vu que j'y connaissais rien sur le sujet, que j'avais quand même la peur de la drogue instauré par les politiques et l'entourage et que j'ai toujours bien aimé apprendre des trucs, j'ai tout d'abord commencé par me renseigner sur les drogues que je voulais tester, dans un simple but de RDR. Puis je me suis mis à m'intéresser plus largement aux drogues : leurs fonctionnements biochimiques sur le corps, leurs histoires, utilisations, leurs vraies dangerosités basées sur des études scientifiques...ça a complètement fait voler en éclats mes anciennes croyances sur le sujet en plus de me donner un sentiment de révolte et d'injustice.

Depuis, même si je ne suis pas formellement engagé, j'essaye de changer les opinions sur la question à mon échelle ; j'ai d'abord parlé à mes parents de ma consommation, à qui je pouvais tout dire sans craindre quelconque représailles, avant de très longuement leur expliquer en quoi c'était pas si horrible que l'on ne le prétendait avec les arguments scientifiques que j'avais accumulé. Ayant mit beaucoup d'efforts là-dedans, ils n'ont maintenant plus du tout peur par rapport à mes consos, pour eux maintenant c'est aussi banal que si je buvais quelques verres en soirée. Puis j'en ai parlé plus largement à certains membres de la famille, puis à mes amis qui, même s'ils étaient ouverts sur la question, ne suivaient pas forcément les pratiques RDR et avaient encore pas mal de clichés sur la question.

De manière générale maintenant, j'arrive à me présenter facilement à des gens que je connais depuis peu comme consommateur de drogues quand l'occasion se présente, parce qu'au vu de ce que j'ai appris sur la question ce n'est plus un tabou pour moi, et ça ne devrait pas l'être. Je le fais également parce que je me dis que c'est utile pour changer leurs représentations sur les usagers de drogues, pour leur expliquer qu'on peut très bien avoir une vie épanouie et heureuse tout en consommant sans être addicte, et que la politique sur la drogue est absurde, injuste et n'est qu'un moyen de répression parmi tant d'autres.

En bref, je m'engage à mon échelle pour faire changer l'opinion et la représentation des gens sur la question. Je ne passe pas encore le pas du militantisme parce que je veux pour l'instant me concentrer sur mes études et que j'ai pas l'énergie d'y mettre le temps pour ça. M'enfin, comme je l'ai expliqué plus haut, pas du tout impossible que ça change
 
Pour ma part, mon engagement a commencé en lançant des stands de RdR pour les soirées et événements de mon lycée, un établissement cogéré où on essaie de parler de nos consos même si comme partout c’est globalement invisibilisé. J’ai débarqué pour la première fois dans un CAARUD pour chopper du matos, comprendre les bases de l’orga de stands et j’ai kiffé. J’ai continué à tenir des stands, en passant par plusieurs assos et collectifs, en pirate ou non (notamment en free). Je me suis formée au fur et à mesure via des assos et via mes propres expériences de conso et galères, en traînant dans des CAARUD, en papotant avec d’autres usager.es, en lisant un max de trucs : asud, psychoactif, infokiosques, conférences… J’ai trouvé en moi un amour immense pour la santé communautaire et la Rdr, son histoire, ses gens et une vraie colère contre les politiques de répression et leurs lois meurtrières. Je suis donc rentrée en formation d’éducatrice spécialisée où j’ai pu faire deux mois de stage en CSAPA CAARUD. Aujourd’hui j’ai dix-huit ans, je fais partie de quelques collectifs, je suis fière d’être ressource pour mon entourage à ce sujet, consommateur.ices ou non. Je suis en deuxième année et mon projet n’a pas changé : prendre soin de ma colère et l’utiliser pour taffer du mieux que je peux, peut-être en CAARUD, surtout ne jamais arrêter d’apprendre et pourquoi pas devenir usagère-paire. : )
 
Dernière édition:
J'espère ne pas faire un trop gros pavé et être relativement synthétique, mais vu que ce sujet concerne à peu près le tiers de ma vie, j'ai pas mal de choses à dire !

Quelques infos pour mieux cerner mon parcours : j'ai presque 30 ans, je viens du sud-est de la France et j'ai grandi dans une ambiance fortement réactionnaire à tout ce qui se rapproche de près ou de loin des divers mouvements progressistes. Du coup comme Nymphis l'a dit, j'ai fais parti de ces anti-drogues qui le sont sans aucune réflexion, mais j'étais aussi très compatible avec le reste : racisme, homophobie, sexisme, je me suis pas mal battu plus jeune, bref pas tellement le genre de personne avec qui je trainerai aujourd'hui.

Quand j'ai découvert les drogues autres que l'alcool et le tabac, j'étais dans une situation particulière. Je venais d'avoir une blessure qui m'a bloqué chez moi à pas pouvoir foutre grand chose (jambe dans le plâtre pendant genre 2-3 mois avec des complications qui ont suivi, au total 2 ans d'inactivité et de mobilité réduite). Un ancien ami m'a convaincu de tester du 2C-B, je sais plus trop comment ça s'est goupillé réellement, mais je me suis laissé tenté, j'étais un peu plus ouvert d'esprit à ce moment là parce que fatigué, rien d'autre à faire, peut-être même un début d'état dépressif et j'avais commencé à lire des bouquins qui m'obligeaient à remettre pas mal de trucs en question (des livres sur l'anarchie).

Arrive le moment où je consomme le 2C-B, et boom une claque dans la gueule parce que impossible de comprendre comment un tel truc pouvait être interdit et pas l'alcool : je réalise que la politique sur les drogues n'a aucun sens et qu'on m'a menti. Sans doute qu'à ce moment là si j'avais vécu une mauvaise expérience ma croyance aurait été renforcée, donc j'ai été chanceux (et mon pote connaissait déjà pas mal de trucs et a bien géré le trip sitting tout ça).

Du coup mon ouverture d'esprit a été multipliée par beaucoup et suite à ça l'idée de changer un peu ma vie a muri. J'étais dans l'armée à ce moment là (enfin en arrêt quoi, blessure pendant le service), et je me suis dis "bah tiens si je devenais éducateur spécialisé ?" Avant ça je ne pouvais pas envisager de faire des études, mais mes lectures, mes premières expériences psychédéliques, ma vie amoureuse et la sensation que je pouvais devenir une meilleure personne et aider le monde à s'améliorer, m'ont poussé à finalement revenir là-dessus et me lancer en 2019 dans un diplôme d'éduc. A ce moment là j'avais pas d'objectif particulier sur la question des drogues, de la RdR, des addictions.

C'était surtout dans ma vie perso que j'ai énormément évolué sur cette question des drogues, j'ai beaucoup lu, beaucoup discuté, pour approfondir et maitriser tout ce que je pouvais faire avec ces molécules. Je me suis mis à aller en concerts régulièrement, rencontrer des gens, devenir beaucoup plus calme et sociable. Puis de fil en aiguille, durant ma formation d'éduc, je finis en prévention spécialisée où j'ai touché du doigt la RdR, pas mal des jeunes que je suivais étant des consommateurs et des consommatrices parfois avec des problèmes à ce niveau là.

J'ai pu appliqué les conseils, transmettre des connaissances, et surtout je me sentais super à l'aise sur ces sujets et je voyais mes jeunes être à l'aise avec moi et se livrer à moi de manière vraiment incroyable. C'était extrêmement gratifiant mais surtout je me disais que j'avais trouvé le sujet sur lequel j'étais vraiment bon et dans lequel je pouvais m'épanouir tout en aidant le monde à devenir meilleur. Pendant mes études je pensais faire du bénévolat dans un CAARUD mais j'avais vraiment pas le temps, je suis surtout devenu modérateur de r/AddictionsFR sur reddit et je faisais de la RdR en ligne, mes collègues de promo venaient parfois me parler en privé pour des conseils en tous genre et repartais super reconnaissant.

Du coup en fin d'études d'educ, j'ai pris deux décisions : devenir bénévole dans un CAARUD de AIDES, et commencer un Master en parallèle pour me spécialiser sur la question des addictions et de la RdR. J'ai fais un premier stage là où j'étais bénévole et un autre dans un service d'addictologie à l'hôpital. Très vite j'ai pu vraiment faire de la RdR appliquée si on peut le dire comme ça. Pendant ma première année de Master je me suis dis "tiens, et si je créais un outil pour atteindre encore plus de monde et leur rendre les infos accessibles ?" et j'ai fais Drugz.

J'ai aussi créé des trucs à AIDES, je me suis formé à l'aide à l'injection, à l'analyse de drogues, j'ai accompagné beaucoup de gens pour les aider à avoir des réponses à leurs problèmes. J'ai rencontré beaucoup de monde en France et sur internet pour parler de RdR et de drogues, toujours dans le souci de m'améliorer pour pouvoir aider le monde à s'améliorer. J'ai fais une contribution sur Mixtures et j'ai eu un contact avec Sorence qui m'a amené ici, j'ai été amené à collecter un nombre incroyable de drogues pour les envoyer à l'analyse au Bus à Marseille ou bien au CAARUD où je bossais. J'ai vraiment réussi à toucher à tout et à améliorer mes connaissances.

Puis j'ai fini mon Master il y a quelques mois, et aujourd'hui j'ai la chance d'avoir un poste qui me permet de changer les choses sur tout un département, dans une des plus grosses associations nationales d'addictologie/RdR avec des moyens importants pour le faire. Beaucoup de gens me font confiance, beaucoup de gens attendent tout un tas de trucs de moi, et alors que dans un autre contexte ça m'aurait méchamment stressé, là je me suis rendu compte que j'avais jamais été aussi calme et serein.

Je sais pas si je continuerai d'évoluer et de monter en niveau d'impact, mais si je peux continuer d’œuvrer dans ce sens, je pense que je le ferai.

Tout ça, ça vient avec des contre parties. J'ai pas toujours le temps que je voudrai pour les trucs persos de base, je pense tout le temps au boulot et à ce que je pourrai/devrai faire pour x ou y problème à régler, et il y a toujours des choix à faire. Mais malgré ça, je suis heureux et je pense avoir beaucoup de chance parce que je suis payé à faire exactement ce que j'aime, et je suis pas obligé de mettre mes valeurs de côté pour le faire, tout se goupille vraiment très bien.

J'aimerai juste pouvoir faire plus de plaidoyer, mais ça viendra peut-être plus tard !
 
Yo !
Moi c'est venu d'une volonté de pas boire d'alcool (pcq j'arrive pas a résister a son addiction) qui m'a fait me pencher sur les autres drogues au moment ou j'arrivait plus a tenir, et là j'ai décidé de me renseigner a fond avant de tester quoi que ce soit, ce que j'ai fait et qui m'a fait développer un intéret très fort sur la RdR, la pharmacologie associée aux droj, etc...

À ce moment j'ai eu envie de faire qqch et de pouvoir partager cet intérêt avec des gens donc je suis allée voir une asso de rdr en autosupport sur le festif (notamment free party), et j'y ai investi tout mon temps comme je ne travaillais/étudiais pas, à un moment j'en suis devenue salariée mais je suis re-passée bénévole récemment

M'investir dans cette asso ça m'a permi à la fois de faire une action qui me parraissait ultra pertinente politiquement qui est de directement moi agir pour aider les gens sur les interventions de l'asso sans passer par des institutions ou quoi, et en meme temps de rencontrer des personnes et trouver des documents/ressources qui m'ont permis de bien mieux comprendre les enjeux politiques/institutionnels vis à vis des drogues, de la répression, du commerce, des usages, etc...

PS : je savait pas trop comment rajouter ça mais ça se couple aussi avec mes opinions anti-psychiatriques qui me font plaider pour une autonomisation des gens vis à vis de leurs solutions, ce qui comprend la consommation de drogues pour obtenir l'équilibre psychologique que l'on souhaite et donc plaider pour l'accès de tout le monde a n'importe quelle drogue qui est actuellement monopolisée par le système médical, sans passer par les médecins/psychiatres
 
J'ai été consommateur depuis mes 13 ans globalement, différentes substances, différents rythmes. J'ai pris conscience de l'existence et de l'utilité de la RDR vers mes 16ans, moment où j'ai commencé une pause de la plupart des prods. Je me suis rendu compte que j'aimais beaucoup plus la drogue que ce que je pensais et c'était vraiment obsessionnel.

Venir sur le forum d'abord pour échanger dessus c'était super, j'ai appris notamment grâce à ça beaucoup de choses. Maintenant je suis bénévole dans une asso pour faire de la RDR en milieu festif (infos et réassurances). Maintenant je pense en faire mon métier en bossant en CAARUD ou structures équivalentes.

J'aime la drogue parce que j'aime la consommer mais aussi en parler, conseiller et aider les gens parce que le sujet me passionne. C'est aussi un moyen pour moi d'avoir d'autres relations avec la drogue que simplement la consommation. Mes consommations sont différentes aussi je pense, même si le monde de la RDR, pour moi en tout cas, c'est aussi un monde où les acteurs sont plus à même de consommer.
 
Souvent, je me dis que j'aimerais faire plus mais je suis pas mal limitée par ma santé mentale et ma fatigue et ma désorganisation et que chui pas trop sociable et j'aime pas trop sortir ça m'angoisse un peu, j'aime pas spécialement les teufs ça m'opresse si c est un peu grand donc j ai jamais rien fait pour la RdR *classsique IRL* ...

J'ai l'impression que les Trip Report peuvent avoir un certain intérêt, histoire d'avoir une vague idée de *à quoi s'attendre avec tel prod a telle dose* si on précise bien sa tolérance.

Sinon plus concrètement sur le Discord de Delta Plane je répond a 10 000 questions d'usager.es, sur des dosages, des combos à éviter, partager des sources, simplifier l'information, calmer les gens en Bad dans la mesure du possible . En parallèle j'ai un role de Modo dans ce discord , ça évite que ce soit trop le foutoir .
C'est pas grand chose mais quand on dissuade qqn de torché à la mort de prendre des Opis on se sent un peu utile par exemple
 
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