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Quelques généralités sur l'adolescence

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DÉBUT ET FIN DE L’ADOLESCENCE

Le concept de l’adolescence est souvent associé à la puberté et à des évènements, dont l’ordre et la durée se sont modifiés au cours de l’histoire. Aujourd’hui il est difficile d’établir avec précision le début et la fin de l’adolescence, et chacun y va de son critère social pour les déterminer : première pilosité, puberté, la fin des études, l’entrée dans le monde du travail, le départ de la maison familiale, l’autonomie économique, la majorité civile, la fondation d’une famille... Mais ces critères de fin ne déterminent pas psychologiquement le passage de l’adolescence au monde adulte. Effectivement l’adolescence semble s’étirer de plus en plus dans le temps comme on y entre de plus en plus tôt en parlant des « préados » pour les 8-12 ans, et on en sort de plus en plus tard en parlant d’« adulescents » pour les plus de 18 ans.

Le flou est tel, que l’on ne peut plus définir la fin de l’adolescence à ce moment où l’individu a acquit son indépendance et quand il est socialement et émotionnellement mûr, avec l’expérience et la motivation nécessaires pour assumer le rôle de l’adulte. Idem pour ce qu’il en est des relations intimes et de l’identité sexuelle, parce que l’adolescent d’aujourd’hui peut être mâture sur certains points et pas du tout ou très peu sur d’autres. Le problème venant du fait que l’adolescent se veut et est prêt à s’afficher comme un adulte, sans en avoir les ressources internes. Sans entrer plus loin dans le débat, on notera que certains états typiques de l’adolescence peuvent resurgir à l’âge adulte, et ce de façon tout à fait normale. L’adulte ne régresse pas à un stade adolescent, mais manifeste des attitudes et des comportements identiques ou proches de ceux qu’il a vécu par le passé, comme l’égocentrisme qui est une tendance nécessaire au passage évolutif d’un état d’esprit à un autre. Dans un autre cas de manque d'émancipation, des individus n’entrent jamais dans un état adulte et par bien des aspects, ils restent des adolescents dans leurs comportements et dans leur vie affective.

L’adolescence : une période de crise ?

L’adolescence est perçue comme une période de crise à cause des changements majeurs qui s’y opèrent. L’enfant est en rupture avec la vision qu’il avait de la vie et de lui-même, et ressent une discontinuité dans son unité, son identité et sa nature. Il perd en harmonie et en insouciance, en commençant un long et pénible chemin d’ascension dans son être. Le jeune vit des tensions autant physiques que psychiques, des moments de tourment et d’incertitude, et subis des traits de caractère antagonistes (enthousiasme et apathie, euphorie et mélancolie, égoïsme et humilité, égocentrisme et altruisme, conformisme et radicalisme, sociabilité et isolement, sagesse et folie). Cette crise normative survient de son instabilité physiologique et psychique, quand son corps se transforme et ses émotions font des vagues. Ce type de crise se produisant sur les plans cognitif, moral, socio-affectif, mais aussi au niveau de la représentation de soi, peut se résoudre toute seule dans le temps, quand l’individu atteint une autonomie au niveau de la pensée, des affects et des relations avec autrui. Cette crise est donc une fonction essentielle et contributive au processus de formation de l’identité.


LE DÉVELOPPEMENT INTELLECTUEL

L'adolescent commence à avoir ou a les capacités cognitives d'envisager toutes les possibilités en ce qui concerne un problème. Aussi il a assez de recul pour commencer à avoir ses propres idées et opinions sur différents sujets, même si il n’est pas concerné. Il se questionne régulièrement, et ses réflexions peuvent prendre un tournant existentiel. L’adolescent cherche à acquérir un sentiment d'identité, et le départ du toit familial est l’occasion d’une renaissance pour advenir à soi-même, et faire ses preuves en usant des ressources physiques et psychiques dont il dispose.

La construction de la personnalité peut s’opérer suivant deux axes de développement. Le premier est un axe relationnel composé des échanges entre l’individu et son environnement, et qui est spécifique à tous les animaux les plus évolués quand la particularité de l’homme est qu’il a conscience de cet attachement et de sa différenciation suivant les personnes, et notamment leur sexe. Le second axe est celui de l’autonomie, dont l’individu est conscient en se détachant d’assistance diverses, et qui découle de l’estime de soi et de son narcissisme. De ces deux axes, la personnalité peut se définir d’après notre capacité réflexive qu'est celle de se voir, de se juger, de se dédoubler en un Je et un Moi, de percevoir sa finitude, ses manques, sa dépendance. Pour s’estimer l’individu se compare à autrui, en développant cette dimension du narcissisme propre à l’être humain et que la culture a contribué à faire émerger, pour la porter à son paroxysme avec l’avènement du sujet tel que nous le connaissons dans notre civilisation libérale occidentale.

L’égocentrisme prédominant à l'adolescence, il entraîne un fonctionnement mental particulier, donnant à l'adolescent le sentiment que le monde tourne autour de lui dans une différenciation inadéquate entre sa propre pensée et celle des autres. Cette disposition d’esprit qu’est le fait de tout ramener à soi et d’interpréter les choses par soi et sans comprendre le point de vue d'autrui, provoque une confusion des limites, des frontières entre lui et le monde extérieur. Les différentes échelles de confusion se retrouvant dans les différentes strates de sa vie, que sont ses relations parentales, familiales, scolaires et sociétales. Ces manques de repères peuvent augmenter sa susceptibilité dans le cadre de conflits, qui parfois ne le concernent pas directement. L'adolescence est donc une phase d'individuation essentielle, pendant laquelle existe un manque de discernement entre sa propre pensée et celles des autres. Du fait de son manque de maturité et de connaissances expérimentales et théoriques plus approfondies, l'adolescent a des difficultés naturelles à dépasser sa subjectivité, pour aller au delà de sa propre personne. Ainsi temporairement submergés par la prise de conscience de soi et la pensée abstraite, et sujets à des changements cognitifs et physiques, aussi rapides qu'importants, il est naturellement centré sur lui-même.


LES CHANGEMENTS PHYSIQUES

Lors de la puberté, l’adolescent grandit très rapidement et son corps se transforme à tel point qu’il ne se reconnait pas toujours, en ayant du mal à se l’approprier et s’y sentir à l’aise. Il est courant d’observer des mutations pouvant être phénoménales, des gaucheries, des maladresses et autres désagréments du au fait de ne pas trop savoir comment se sentir et se tenir. L’adolescent est dans l’obligation de subir ces changements malgré lui, et d’en observer les aspects autant positifs que négatifs.

Les caractéristiques sexuelles

Accepter et intégrer des transformations physiques est une tâche importante pour l'adolescent, dont la représentation du corps peut être très perturbée par des sensations jugées comme étranges, anormales, disproportionnés et inconnues. Quand l’adolescent pubère devient apte à la procréation, une nouvelle relation et un nouveau partage des territoires doivent s’organiser avec ses parents, car il y a une menace de désorganisation du groupe qu’est la famille. Il s’agit d’un rituel nécessaire, parce que reconnaissant un certain statut à l’adolescent, qui n’est plus un enfant.


LES CHANGEMENTS AFFECTIFS

Généralement sont observés des débordements affectifs au travers de saute d’humeur, que ça soit au sujet de l'amour, d'affection variées ou de pulsions sexuelles, mais aussi des comportements agressifs et haineux, à l’encontre d’autrui ou des parents. La rapidité des modifications des humeurs et des émotions de l’adolescent, peut entraîner chez lui des contradictions et ambivalences sur le plan affectif, ainsi que dans ses propos et ses comportements. Le fait d’être avenant ou rageur, ouvert au dialogue ou replié sur soi, est difficile à vivre pour l’adolescent et son entourage, et les parents restent parfois démunis face à des situations sur lesquelles ils n’ont pas de prise. Se retrouvant souvent dans un rôle ingrat, ils ne peuvent qu’écouter leur enfant sans pouvoir l'apaiser, le contenir et le protéger de lui-même (sans traiter les situations de maltraitance de la part des parents).

L’adolescent traversant une phase d’égocentrisme, est centré sur ses ressentis, ses goûts et affections pour mieux comprendre et apprivoiser les transformations qu'il vit, en cherchant parfois à les témoigner à ses proches, sans comprendre qu’ils ne sont pas toujours dans le même délire que lui. De cette tendance égocentrique, l’adolescent peut s’en sentir invulnérable et fort de son savoir pourtant limité, qu’il ne cesse de chercher à repousser en testant justement ses limites. Il se cherche intérieurement et en excitant ses sensations, se mesure quand à ses propres affections pour voir ce qu'il a dans le ventre, quand les parent se doivent d'agir comme protecteurs en fixant des limites extérieures à respecter pour préserver son intégrité.


LES CHANGEMENTS RELATIONNELS

L'adolescence est spécifique de changement au niveau de la relation parentale, quand l'adolescent est pris entre le besoin de se séparer de ses parents et celui d'en être dépendant. Ces deux besoins peuvent cohabiter durant plusieurs années, et ce même après l’adolescence lors d’une période d’adulescence.

Le besoin de séparation.

Se séparer de ses parents est un des processus normal, arrivant souvent à la fin de l'adolescence. Si cette séparation peut signifier la rupture du lien parent/adolescent, il est préférable d’y voir une nécessaire transformation de ce lien existant depuis toujours. L'adolescent qui a idéalisé des images parentales lors de son enfance, doit s’en distancer en prenant ses distances et un recul sur sa réalité intérieure, pour se confronter à un nouvel environnement extérieur, dans lequel il y gagnerait en indépendance et autonomie émancipatrices. Arrivé à un certain stade de maturité, l’amour, l’écoute et les conseils basiques ne suffisent plus pour que l’enfant devenu adolescent grandisse sereinement, et l’apport éducatif parental si il n’évolue pas, est vécu comme une violence intrusive à laquelle l’adolescent va s’opposer, d’autant plus farouchement que ses parents insisteront pour lui faire passer un message qu’il a pourtant déjà compris.

L’exemple le plus caricatural serait un parent dévoué à son enfant, et qui en lui apportant une sécurité dont il n’a manifestement plus besoin, lui prendrait la tête au point que l’adolescent se retrouverait dans une sorte de confusion sans limite différenciatrice entre sa personne et celle de son parent. Le pouvoir d’intrusion du parent le pénètre et brouille l’identité propre que l’adolescent cherche à se constituer, car si sa tête est prise par son parent, alors il n’est plus lui-même. Il faut bien comprendre que si un parent peut prendre la tête à son enfant, c’est parce que l'ado est en attente d’un apprentissage en laissant sa tête ouverte pour recevoir des informations. Le parent doit alors mesurer son pouvoir d’intrusion dans la tête de son enfant, sans le pénétrer au point de le saouler ou le gaver d’un blabla dont il n’a plus besoin, parce qu’il n’a plus cinq ans.

Le besoin de séparation s’exprime autrement que dans une volonté d’être libre, par le fait de refuser d’aimer. Non pas parce que nous sommes indifférents à notre entourage, mais parce que nous redoutons la dépendance, faute de nous sentir en sécurité en dévoilant nos sentiments. Effectivement la relation amoureuse éveille des besoins affectifs et de proximité, qui vont faire paniquer et fuir les personnes les plus insécures, et qui redoutent des débordements émotionnelles en elles. Il est question d’une peur de dépendre d’autrui par peur de le perdre, et donc de ne pas s’engager dans une relation pour se prévenir de la déception de la séparation, ou si engagement il y a, d’anticiper la séparation en la provoquant soi-même...
D’où l’importance de l’apprentissage de la séparation durant l’enfance, qui est pour l’enfant une possibilité d’exister de manière inconditionnelle, en dehors du regard et de la présence de ses parents. Ainsi que de ressentir les ressources dont il dispose pour se sentir en sécurité, afin de les exploiter et s’exprimer sans avoir peur d’être jugé ou rejeté. Alors, il ne sent plus sa dépendance à ses parents et à son environnement comme quelque chose de stressant et handicapant, et il est en mesure d’attendre sans s'en sentir frustrer, pour différer la satisfaction de ses besoins en sachant s’autoriser à exister par lui-même (et non de manière conditionnée au travers du regard d'autrui).

« L’exemple paradigmatique est celui de l’enfant de deux ans qui se cramponne à sa mère : cet enfant n’aime pas plus ou moins sa mère que celui qui va jouer ou dormir tout seul, mais il a peur. Ce n’est pas l’amour qui fait la force de l’agrippement, c’est la menace. Se cramponner, c’est ressentir non pas du plaisir, mais de la menace. Le plaisir se partage dans la confiance. Aller bien, ce n’est pas se cramponner à l’autre, c’est avoir la liberté d’aller et de venir. Le cramponnement permet de repérer une peur fondamentale : peur de perdre l’autre, d’être abandonné et débordé par ses émotions. Cette peur gâche le plaisir de la relation avec les personnes auxquelles nous sommes pourtant très attachés.»

Le besoin de dépendance

Alors qu'il tend à se séparer de ses parents pour voler de ses propres ailes, l'adolescent pour se rassurer, a besoin de savoir qu'il peut revenir chez eux si nécessaire. Le fait étant que plus il se sent en insécurité, plus il aura besoin de recevoir des adultes la force intérieure qui lui manque, et plus il ressentira ce besoin d'être aidé comme une menace de son désir d’autonomie. Voici toute la problématique de l'orgueil humain, au delà même de l’adolescence, parce que l’on retrouve ce paradoxe à tous les âges de la vie : pour être soi, il faut se nourrir des autres tout en étant différent d’eux. Aussi on retrouve dans cette contradiction l’axe relationnel de développement de l’identité, ainsi que l’axe en lien avec l’autonomie.

Le paradoxe central du développement est que plus on est en insécurité interne, plus on est dépendant d’autrui pour se rassurer, et moins on peut recevoir en se protégeant d’un environnement extérieur perçu comme menaçant. C’est aussi le paradoxe du narcissisme qui doit se nourrir d’objet extérieur à sa personne pour s’épanouir et ainsi évoluer dans son environnement. Mais en vivant les objets extérieurs comme opposé à sa volonté, il se repli sur soi pour s’éviter toute frustration, d’autant plus que ses objets extérieurs sont une source d’envie pour lui. On retrouve là le schéma de peur de séparation, quand l’adolescent évite de s’engager dans un terrain inconnu, pour s’éviter toute déception, en se cramponnant sur ses positions (soi-même ou les bras de sa maman pour ne pas aller au contact de l’autre, ou le logis familial pour ne pas affronter la réalité en vivant seul ou en couple/colloc'). La dépendance est alors une solution de facilité pour l’adolescent ayant besoin d’être rassuré, parce qu’en insécurité dans son intériorité.

Pour expliquer plus en détail le champ de la dépendance, plaçons le entre la quête auto-destructrice de sensations pour se sentir exister, et le plaisir d’être omnipotent, de l’enfant satisfait et apaisé par son échange avec l’entourage. La dépendance se retrouve dans toutes les situations intermédiaires à ces positions extrêmes, à différents niveaux :

- Dépendance de l’adolescent à percevoir la réalité externe, pour fuir une réalité interne trop anxiogène pour qu’il puisse trouver dans ses ressources mentales internes et dans le plaisir des ses activités, un moyen suffisant d’apaisement et de sécurisation.

- Ce qui induit une dépendance à son environnement, quand l’adolescent faute de ressources internes suffisantes pour se rassurer, recherche dans son environnement des aides et moyens d’équilibrer son narcissisme et ses affects, pour retrouver au travers d’une estime et une image de lui-même positive, une position rassurante et sécurisante.

Si cette dépendance n’est pas pathologique en elle-même, on peut la qualifier de pathogène parce qu’elle risque d’enfermer l’enfant puis l’adolescent dans un engrenage dangereux, de recherche de sensations fortes pouvant mener à des prises de risque. Pour jacter en terme technique, il s’agit d’une triade pathogène, quand l’insécurité interne de l’adolescent génère chez lui une dépendance au monde perceptif environnant qui, à son tour, génère un besoin de contrôler son environnement dont il dépend, sans pour autant le rassurer adéquatement. Le problème étant que l’adolescent ne cherche pas à contrôler l’environnement dont il dépend parce que ça serait pour lui un plaisir partagé, mais bel et bien parce qu’il est avec ce même environnement dans une relation fondée sur l’insatisfaction, et dont les plaintes, les caprices puis les conduites d’opposition et d’auto-sabotage de ses potentialités, sont ses moyens d’expression privilégiés. En cherchant ses limites, l’adolescent les repousse sans jamais y trouver de satisfaction puisqu’il se met lui-même en défaut, tout en se leurrant en faisant preuve de trop d'ego. Le résultat de cette perpétuelle insatisfaction oblige l’entourage de l’adolescent à s’occuper de lui, pour l’aider mais aussi le protéger. Et en même temps l’adolescent égotique qui n’a pas compris dans quel spiral infernale il se trouvait, fait tout pour échapper à son entourage afin de sauvegarder sa fierté qu’il croit être son autonomie, et ce en allant toujours plus à l’encontre de ses parents en faisant tout l’inverse de ce qu’ils lui disent ou conseillent...Ô adolescence, summum de la bêtise juvénile, sur fond d’ignorance.

Mais pour mieux interpréter les agissements adolescents, comprenons que le jeune cherche à toujours éviter les situations où il se risquerait à une angoisse d’abandon, de fusion ou d’intrusion, selon ce qu’il redoute le plus. Pour fuir ses responsabilités et la réalité, il se blinde derrière un orgueil à toute épreuve, se pare d’un attrait vaniteux des plus provocants, en plus d’user et abuser d’un égocentrisme révélant la nature centripète de l’adolescent, à qui l’on ne peut plus rien dire sous peine de passer pour un mauvais parent. Précisons juste que l’adolescent carencé, ne trouvant ni soutient en lui ni dans son environnement (plus ou moins proche), va tenter de maîtriser sa détresse par l’autostimulation destructrice de son corps, allant de la consommation de drogue à une auto-mutilation plus ou moins volontaire.

Besoin de différenciation

Rechercher à se différencier est pour l’adolescent, une nécessité quand il est pris malgré lui dans une logique de reproduction des faits et gestes, et des avis d’autrui. Le problème d’une relation unique avec un autre, est de mimer son comportement tout en restant dans une relation de clonage, sans y trouver et affirmer sa propre identité. L’engrenage mimétique peut être tel, que l’identité de l’adolescent et son sentiment de sécurité soient menacés, au point que celui-ci n’arrive plus à se fortifier par lui-même en continuant de nourrir le pouvoir de l’autre, perçu comme un modèle idéal et jamais remis en cause.

La prise de conscience de cette soumission et le besoin de différenciation en découlant, amène l’adolescent à des conduites d’opposition, des bouderies et des agressions, comme autant d’attitudes qui manifestent la recherche de nouvelles distances vis-à-vis d’autrui. Il lui est alors impératif d’acquérir et d’éveiller par ces conduites d’opposition des atouts personnels, qui le valoriseront afin qu’il en éprouve et use de ses ressources intérieures, lui permettant de se passer d’appui extérieur. Le fait étant que plus l’on a besoin de l’autre faute d’assurance et de confiance en soi, moins on peut véritablement recevoir d’aide de sa part par manque de différenciation, et moins on reçoit l’aide que l’on attend d’autrui, plus on souffre en se repliant sans s’émanciper.

Besoin d’opposition

L’opposition au travers de la différenciation est une façon de sortir du paradoxe qu’est le besoin de séparation et de dépendance. En s’opposant, l’adolescent n’est pas seul, il s’assure un minimum d’échange avec ses parents ou autrui, et sans jamais être vraiment d’accord, il se rassure sur sa différence dans l’opposition. Il s’appuie sur autrui tout en méconnaissant le fait d’en avoir besoin, parce que dans son esprit les adultes ne semblent jamais d’accord avec lui. Au delà de son tempérament et de divers facteurs génétiques, c’est son besoin d’opposition pour s’affirmer qui le pousse à des conduites négatives, représentatives de formes d’échec et d’auto-sabotage plus ou moins sévères et focalisées (consommation de stupéfiant en lien avec des états-limites, anorexie ou boulimie en lien avec son corps et la nourriture, échec scolaire en cas de dépression ou autres problèmes identitaires, qui sont multiples à cette période de la vie).

Le piège est que l’adolescent ne trouve pas d’autre manière plus optimiste et constructive pour exprimer son identité et sa différence, et le drame survient quand il ne sort pas de ces schémas destructeurs. L’adolescent qui est trop en attente d’une aide extérieure ou d’un changement advenant comme par magie reste confus, et il ne sait plus différencier son propre désir de celui des autres, il se culpabilise de ne pas répondre aux attentes d'autrui et aux siennes propres, et ce d’autant plus qu’il est dépendant affectivement des autres. Il demeure dans un état de gêne et de confusion possiblement insupportable, qui l’empêche de s’entretenir plaisamment avec l’adulte qui en est responsable, et ce qui ne facilite pas du tout les relations ado/parents. Il peut être indispensable de se confronter à des discussions gênantes entre ado et parents, parce qu’une attitude d’opposition favorise des compromis entre le désir de proximité (besoin de dépendance) et le besoin de se différencier (besoin de séparation) d’avec ses parents. En s’opposant à ses parents, l’adolescent prend appui sur eux dans la confrontation, sans même avoir à en prendre conscience, et tout en ménageant son narcissisme et son autonomie par l’affirmation de sa différence, qui lui permettront de comprendre qui il est, d’où il vient, et possiblement savoir où il veut aller...et ça c'est pas rien !

Le rôle du groupe d’ami

En se distançant de ses parents, l’adolescent alterne entre abandon et adoption des identifications antérieures. Un coup il rejette certaine manière de faire de ses parents, en les critiquant vivement, quand une autre fois il adhère à leur éducation en étant reconnaissant de son apport à la construction de sa personne. Dans ces phases de contradiction et d’entente, l’adolescent s’affirme au travers de différentes modifications plus ou moins outrancières dans sa façon d'être et de se vêtir, dans son utilisation du langage, ses intérêts et ses choix, dans les valeurs morales et éthiques qu’ils empruntent. Il y recherche son autonomie et son indépendance pour tenter d’assumer ses responsabilités. Et dans cette quête de soi, il va s'appuyer sur son groupe de pairs, qui assume alors un rôle majeur en lui donnant l'opportunité d'expérimenter différents rôles sans plus d'engagement. Le groupe de potes initie l'adolescent à de nouvelles relations interpersonnelles sans imposer l'intimité, et la stabilité, quand les relations sont évolutives et que les places s’échangent facilement, par exemple dans le fait que plusieurs ami(e)s couchent avec une même personne, ou qu’untel arbore la place du chef de groupe avant de la laisser à un autre qui l’aurait plus mérité à ce moment là, etc.


EN CONCLUSION du besoin de séparation et de dépendance

Avec l’adolescence la problématique de la relation aux autres et celle vis à vis de soi-même (estimée par son narcissisme), se cristallisent dans sa propre capacité d’autonomie, et se conflictualisent réciproquement par un besoin paradoxale de séparation et de dépendance. L’attachement œdipien ado/parents contribue souvent à dramatiser les liens familiaux, en obligeant l’adolescent à prendre ses distances avec ses parents, ce qui réveille chez lui des inquiétudes, et trouble son estime de soi, déjà menacée par des changements pubertaires. Cette logique d’échange interne entre le besoin que l’on a de s’appuyer sur les autres, la sexualisation de ce lien et le besoin de se différencier et de s’affirmer dans son autonomie, constitue une des clés de la problématique adolescente. Elle se présente donc sous la forme d’un paradoxe où l’adolescent a besoin de la force des adultes pour survivre à lui-même, tout en devant se détacher de cette dépendance, pour s’émanciper en trouvant cette force dans ses ressources internes.

Face à cette contradiction se reproduisant de génération en génération, se pose alors la question de comment trouver en soi la sécurité, la force et les atouts qui nous manquent, en s’appuyant sur des adultes qui sont censés avoir tout cela, sans pour autant être complètement dépendant d’eux ?
 
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