rosiernain
Neurotransmetteur
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Bonjour,
Je suis nouveau sur le forum; en réponse au post de présentation quelqu’un m’a suggéré d’écrire une rétrospective de ce que j’ai vécu avec les psychédéliques.
J’ai été surpris de sentir une belle ardeur pour faire ça ; donc la voici, écrite plus ou moins d’un seul jet.
*****
J’ai eu une enfance et adolescence conventionnelle, fils unique avec des parents fonctionnaires; j’étais complètement isolé et désespéré à l’adolescence malgré, ou à cause de ( ?), mes succès scolaires qui enchantaient mes parents et les aveuglaient quant à ma détresse.
Ma mère m’avait donné à lire le livre « Flash ou le grand voyage » de Charles Duchaussois, un geste bien étrange dans cette famille par ailleurs si étriquée.
Ca m’avait fasciné.
Vers 20 ans j’ai rencontré une femme (aux nombreuses qualités) ; j’ai vécu douze années avec elle ; la sexualité était complètement coincée entre nous, et il y avait d’autres frustrations aussi, mais c’était presque un paradis par rapport à l’isolement et le désespoir que j’avais vécu avant ;
les frustrations ont pourtant pris le dessus; séparation; tentative de psychothérapie; ça ne donne pas grand chose ;
voyage (seul) en Inde ; un voyageur avec qui j’ai sympathisé me dit « Toi, tu ne t’en sortiras pas sans le LSD » ; je prends note ; je vais à l’ashram d’Osho ; je suis touché d’être là mais je n’ai pas assez confiance pour plonger dans l’aventure (rétrospectivement et encore plus après avoir vu la série « Wild wild country » , je comprends et salue ma méfiance) , puis je vais en Californie où je découvre la danse Contact-Improvisation qui est une sorte de révélation : c’est la première fois de ma vie (à 36 ans) que je me sens vraiment bien , joyeux, libre, avec d’autres.
1992 (38 ans) :
je suis à Hawai (Big Island) ; une amante chinoise, ex disciple d’Osho devenue elle même gourou, ayant plaqué ses disciples pour venir vivre à Hawai avec moi, vient de me quitter.
Quelques jours plus tard en faisant du stop je rencontre un personnage étrange gesticulant et tout vêtu de blanc qui propose de me vendre du LSD ; j’accepte tout de suite.
Je le prends seul , dans ma cabane en forêt, une dose assez forte (l’homme en blanc m’avait dit « Toi , il t’en faut une double dose ! »
avec l’envie de secouer la baraque (et peut être un vague fond suicidaire qui rôde encore) ;
je n’ai pas confiance ; je me dis que je me suis sans doute fait avoir ; je prends la première dose ; j’ attends un peu ; et soudain je sens une énorme énergie qui monte dans tout mon corps ; je me dis « Non de Dieu, ça marche ! » et aussitôt je prends la deuxième dose;
ça commence par 2h de chaos mental infernal jusqu’à ce que je réalise que j’ai peur ; je me mets à éprouver et traverser ma peur dans le corps, dans mes tripes, au lieu de la commenter dans ma tête ; soulagement immédiat ; première leçon, et non des moindres.
Ensuite une nuit entière passionnante d’introspection, explorations.
Impression de contacter ma vitalité, l’essence de mon être, en deça des couches (bien épaisses ) de névrose.
Sentiment d’être profondément libre, d’être ‘liberté’ .
Le lendemain matin je redécouvre le monde ; un rien, une fleur, la silhouette d’un pote aperçu à 50 mètres, m’inondent de joie.
Pendant une semaine je suis dans une sorte d’extase ; je commence à me raconter que je suis éveillé (j’avais lu Osho et aussi un peu d’autre littérature spirituelle) et ça bascule soudainement pour trois semaines dans un mal être plus qu’inconfortable, un état plus que bizarre où je me sens coupé du reste du monde, où j’ai des doutes sur la réalité de ce qui m’entoure ; je pars en randonnée avec des potes ; ça me fait un peu de bien ; mais ça ne résout pas le problème ; je sens qu’il y a quelque chose de vrillé dans mon psychisme ;
en suivant mon instinct je reviens en Californie (où j’ai quelques amis) et je m’inscris dans un stage thérapeutique à Esalen (un lieu mythique en Californie ; c’est là qu’est née la Gestalt ..) ; au bout de cinq jours je suis revenu à la santé mentale, et avec l’ardeur de continuer mon chemin de guérison , de libération.
Je reprends quelques fois du LSD seul avec l’intention de revisiter les bases de l’existence; je découvre qu’enfant j’avais très peur de ma mère ; je replonge dans cette peur comme si j’y étais (ma mère n’était pas méchante mais elle manquait de tendresse , elle avait des cotés tyranniques, une grosse voix envahissante, et une quasi incapacité à comprendre vraiment que l’Autre est un Autre) .
Je prends aussi des champignons avec des amis en marge d’un rassemblement rainbow gathering.
Un trip doux et poétique.
Et je participe aussi à une cérémonie du peyote avec des indiens dans un tipi.
Toute la nuit un petit tambour au rythme vigoureux est joué sans relâche, tandis que la plante, préparée de différentes façons, circule de mains en mains.
Je suis dans un état qui me rappelle celui que je j’ai vécu avec le LSD; sauf que cette fois je participe à cette cérémonie rituelle avec tous ses codes et ses règles; je ne suis pas libre de mes mouvements et pas trop de la direction de mon attention tant la présence du tambour est obsédante.
Je m’adapte comme je peux à ces contraintes très fortes en plongeant mon regard et ma contemplation dans le feu autour duquel nous sommes assis, serrés les uns contre les autres.
A un moment la femme qui est assise à ma gauche, qui est une amie chère, ramasse un peu de terre sur le sol et la dépose dans le creux de ma main dans un geste d’une tendresse infinie qui me bouleverse.
Soudain je prends conscience que je suis aussi de la terre, littéralement; mon corps est une parcelle de la planète terre, façonnée par le processus vital.
Je ressens dans tout mon être ce que veut dire le mot « humilité ».
Toute la nuit un petit tambour au rythme vigoureux est joué sans relâche, tandis que la plante, préparée de différentes façons, circule de mains en mains.
Je suis dans un état qui me rappelle celui que je j’ai vécu avec le LSD; sauf que cette fois je participe à cette cérémonie rituelle avec tous ses codes et ses règles; je ne suis pas libre de mes mouvements et pas trop de la direction de mon attention tant la présence du tambour est obsédante.
Je m’adapte comme je peux à ces contraintes très fortes en plongeant mon regard et ma contemplation dans le feu autour duquel nous sommes assis, serrés les uns contre les autres.
A un moment la femme qui est assise à ma gauche, qui est une amie chère, ramasse un peu de terre sur le sol et la dépose dans le creux de ma main dans un geste d’une tendresse infinie qui me bouleverse.
Soudain je prends conscience que je suis aussi de la terre, littéralement; mon corps est une parcelle de la planète terre, façonnée par le processus vital.
Je ressens dans tout mon être ce que veut dire le mot « humilité ».
Quelques années plus tard (en 1995), je participe à Hawai à une cérémonie de danse sur le feu ; je suis complètement excité d’avoir pu danser sur les braises en toute inocuité ; dans cette cérémonie une très jeune femme m’a fasciné ; elle chante et joue du didgeridoo sublimement, elle est très jeune (18 ans peut être ) et semble d’une maturité extraordinaire ; je deviens ami avec elle ; elle me dit qu’elle a pris de nombreuses fois l’ayahuasca et que cela lui a énormé apporté ; elle m’invite à la rejoindre au Pérou où elle va bientôt avec un groupe d’américains pour une cérémonie.
Je décide d’y aller.
Arrivé là bas je m’embrouille avec l’organisateur qui essaye de me gruger (il veut me faire payer le billet d’avion que j’ai déjà payé de ma poche) ; je refuse de céder ; le lendemain je tombe malade brutalement (et bizarrement); j’ai l’impression que je vais mourir ; l’amie qui proposé de venir prends soin de moi ; je me remets et participe à la cérémonie quelques jours plus tard, encore un peu convalescent et très mal à l’aise que l’homme qui a essayé de me voler soit l’assistant du chamane. Heureusement l’amie d’Hawai est là , complètement zen dans sa traversée intérieure et elle m’accompagne magnifiquement ;
j’ai quelques visions : des formes géométriques lumineuses, des myriades d’yeux qui me regardent (très flippant) et je ne traverse pas vraiment la peur.
La nuit suivante, je passe des heures plutôt agréables dans une sorte de rêve éveillé très vivide où défilent des images de la vie dans la jungle, où je vois notamment cette amie d’Hawai qui semble faire partie de la vie indienne.
Je vais ensuite dans un village Shipibo qu’on m’a conseillé où je sympathise avec le fils du chamane qui me dit que son père pourra faire une cérémonie pour moi.
Je reviens une semaine plus tard ; je vais dans la foret avec le vieux chamane cueillir la liane et la chacruna ; on les fait cuire pendant plusieurs heures;
à la cérémonie il y a aussi quelques villageois qui viennent parce qu’ils ont des soucis de santé ; l’environnement est chaleureux ; je me sens très en confiance ; mais j’ai encore la trace de la première cérémonie et de la peur qui est là, sur laquelle je bute à nouveau.
Je reviens à la ville (Pucallpa) et je rends visite à un homme qui peint des visions d’ayahuasca ; il me conseille de ne plus prendre l’ayahusca avec des chamanes ; lui même était chamane autrefois et il s’était trouvé pris dans une guerre de chamanes (plusieurs s’étaient ligués contre lui ) ; il s’est échappé de ce monde là et est devenu peintre ; il me conseille de prendre l’ayahuasca seul et me donne une pierre qui est censée me protéger. Il me donne aussi une adresse pour acheter le breuvage ce que je fais sans hésiter.
Je pars sur les routes avec ma gourde d’ayahuasca dans le sac à dos me disant que j’attendrais l’occasion propice ; celle ci se présente à l’Isla del Sol sur le lac Titicaca.
Je marche seul dans la montagne.
J’aperçois à l’horizon une silhouette qui m’attire , je marche vers elle ; c’est une femme, très belle, celle là même qui m’avait fasciné quand je l’ai aperçue en débarquant sur l’ile (et je n’avais pas osé l’aborder).
On sympathise ; je lui parle de l’ayahuasca, elle me dit que les plantes médicinales sont sa passion ; la confiance s’établit ; on décide de prendre l’ayahuasca ensemble.
Quelques jours plus tard, on repart ensemble dans la montagne ; on cherche un endroit propice ; la nuit approche ; elle a mal au genou ; on est sur le point d’abandonner ; in extremis on trouve un endroit qui nous convient à tous les deux.
On boit chacun un verre ; le voyage dure toute la nuit ; elle fait un voyage merveilleux ; je bute de nouveau sur mes peurs (mais ce n’est pas cauchemardesque).
De temps à autres on se parle un peu ; je suis rassuré que tout se passe bien pour elle.
Au petit matin elle me demande si je veux bien lui vendre un peu d’ayahuasca (il en reste pas mal dans la gourde) ce que je fais volontiers car je n’ai plus envie d’en prendre.
Ensuite, abstinence totale pendant des années.
De temps à autres je trempe mes lèvres dans le breuvage (j’ai rapporté la gourde avec moi à Paris ) et je sens que non, je n’ai pas envie.
Je m’intéresse à la Salvia divinorum ; je commande quatre plants que je fais pousser chez moi ; ils grimpent jusqu’au plafond et prennent une place démesurée dans mon petit studio.
Je récolte des feuilles, les fais macérer dans de l’alcool et y goute de temps en temps ; je ne sens pas d’effets. Je commande de la Salvia concentrée (à fumer je crois ?) ; je fais un trip très bref et très flippant. J’abandonne l’idée de prendre des substances et je finis par me débarrasser de mes encombrants plants de Salvia.
Plusieurs années plus tard (2004 ? ) dans une session thérapeutique de « constellation familiale » je recontacte et traverse la peur que j’ai éprouvé avec l’ayahuasca.
Je participe alors (en 2005) à Paris à une cérémonie d’Iboga avec un medecine-man gabonais ; à un moment dans la session, je suis comme possédé par une danse incoercible (une danse répétitive , saccadée) ; cette session me donne l’élan de reprendre une psychothérapie avec la même méthode qui m’avait si bien réussi à Esalen (il s’agit du Process work , d’Arnold Mindell) ; dans les premières séances je reconnecte avec l’énergie de cette danse que j’ai vécu dans la cérémonie et la ressens, la revis, l’interprête ( ?) comme l’expression d’une immense colère contre mes parents.
Plusieurs années de thérapie ; je vais de mieux en mieux , quoiqu’encore très vulnérable.
La question du lien, de l’attachement, de l’intime, reste très délicate, et aussi la question du sens de mon existence.
Pendant près de quinze ans , je ne pense plus à prendre de substances.
Parfois je ressens une nostalgie, une impression d’avoir laissé tomber une voie de guérison qui était peut-être cruciale pour moi, et une pensée me traverse que ça reviendra peut-être dans ma vie quand le moment sera venu.
Récemment, à l’automne dernier (2019) , en faisant la sieste dans les bras d’une amie tendre, la pensée me traverse que j’aimerais bien vivre une expérience psychédélique avec elle ; sur le coup, je ne dis rien ; cinq minutes plus tard elle me parle de son projet de voyage au Pérou avec sa fille et de son intérêt pour l’ayahuasca (elle n’a jamais pris aucune substance psychotrope, pas même fumé un joint) ;
du coup je lui raconte la pensée qui m’a traversé et nait le désir commun de partager une expérience psychédélique.
Dans les jours qui suivent je me mets à lire et écouter plein de choses sur la question et je découvre avec émotion la « renaissance psychédélique »; j’écoute les émissions de france culture à ce sujet, le podcast de James Jesso, les conférences de James Fadiman ; je lis son livre « the psychedelic explorer guide ; safe, therapeutic, and sacred journeys », ainsi que le livre de Coleman : « Psychedelic psychotherapy » et je relis « Maria Sabina , la sage aux champignons sacrés ».
Et je retrouve dans une étagère des champignons et des truffes que j’avais acheté il y a plus de dix ans et que je n’avais jamais consommé.
Je décide d’essayer le microdosage (avec le protocole de Fadiman) ; surprise, mes truffes sont parfaitement conservées !
D’emblée je sens des effets très intéressants : présence plus aiguisée (notamment dans la danse et la musique), humeur plus joyeuse, plus de facilité dans la socialisation, intériorisation plus facile et plus profonde . Pas de downs.
Je pratique le microdosing depuis 3 mois, avec des pauses d’une semaine de temps en temps.
J’ai fait aussi un voyage avec un ami, avec une macro dose, voyage qui a été rude au début mais finalement bien fructueux et doux vers la fin.
Je raconterais ça plus en détails sur les forum trip report et microdosing.
J’ai l’impression que le temps est venu pour moi de reprendre le fil de d’une exploration psychedelique intentionnelle et raisonnée, et comme je le dis dans ma présentation, je ressens et considère les champignons comme des alliés sur le chemin d’évolution intérieure: vers une présence plus aiguisée, plus de joie, d’amour, de générosité, de créativité, de sociabilité.
A suivre...
Au plaisir de lire vos éventuels commentaires ou questions.