inconscience
Glandeuse Pinéale
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Dans la région centre rôde un drôle d’animal surnommé le lézard fluo. C’est un animal furtif. D’un regard innocent, il est capable de vous faire oublier sa présence et en un clin d'œil il peut vous redonner la foi en un monde réenchanté. Personne n’était sûr de son existence, mais lui se savait, lui seul ne pouvait douter de lui-même. Il avait cette intuition presque démiurgique, il vous retournait le cerveau car il semblait déjà tout savoir.
En haut, ils avaient organisé un jeu de piste pour découvrir avec exactitude qui pouvait bien être cette entité mathémagique. Le système avait tout de même quelques informations quant à sa localisation, Fantômette se plaisait à laisser des traces, des petits cailloux littéraires traînant sur son passage. Antidote, le CaméLéon, les pièces du puzzle, Orléans, la ville d’Orléans agissait comme un solénoïde important pour une masse de fourmis non négligeable. L’état avait convié les collégiens et lycéens des alentours à l’événement car ils savaient que l’intelligence pure était dans l’enfance, la suite n’est que complexité systémique et inutile. Il avait fait passer ça pour un jeu grandeur nature, dans le genre “remarquez les anomalies”.
Complètement paro comme paronomase, le lézard fluo jouait sans cesse avec la poésie de la vie, une seringue en or sur l’avant bras et l’âme agit. Il avait toujours au moins un temps d’avance sur lui par rapport aux autres — ça coule de source comme Fontaine bleu.
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On disait de lui qu’il avait la double vue, pour sûr j’avais des visions. Pour sûr je voulais m’échapper de la prison à ciel ouvert. A quel point me suis-je fait des films ? À quel point ai-je été victime d’apophénie ? Dans le couloir j’ai entendu un professeur dire à ses élèves : “Monsieur LZAr n’est pas le centre du monde”.
C’est comme si j’avais refusé d’être le simple et basique automate scripté par je ne sais quel algorithme, alors j’ai commencé à adopter des comportements totalement random.
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Comment ai-je pu dépasser la limite où la raison s'effondre sur elle-même sans plus d’autorégulation possible ? Moi qui croyais avoir si bien apprivoisé ma folie. Au premier grain de surinterprétation il y a le premier grain insidieux de trouble psychotique.
Le 7 Février tout a recommencé. Le 7 Février, lézard fluo a cessé de se cacher dans les tréfonds de mon inconscient, je me suis identifié à lui et il s’est exposé au monde, du moins dans le périmètre de ma petite vie. À travers son histoire s’exprime celle de ma décompensation. La dernière à ce jour. Je vais donc la raconter, puisque l’art abstrait semble être la clé pour déverrouiller mon âme.
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J’ai toujours du mal à y croire. Ça s’est vraiment produit, je le jure devant Dieu ou n’importe quel autre miroir. C’est le déclencheur. Le niveau de signifiance était beaucoup trop élevé pour ma petite rationalité. Je l’avais écrit presque un an auparavant dans ma précédente nouvelle. “Le 7 Février, une date qui fait vriller.” Quel est ce genre de sorcellerie ? Qu’est-ce que c’est que cette prophétie auto-réalisatrice incroyable ? Bon sang, est-ce que tout ça est réel ? Est-ce que j’avais vu juste depuis le début ?
Je suis enfin retourné sur les lieux du crime, à Hôpital de La Source, le 07/02. Peut-être connaissez-vous aussi mon obsession pour les paires de 2 ; 7… Comment ne pas se sentir tournoyer dans une distordutraction comme Phil Grann dans Print Gallery… Cet alignement parfait entre réel et imaginaire… Comment ne pas se mettre à croire profondément ? À toutes mes conneries de matrice.
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Bien sûr, cet endroit constitue un espace perdu de ma mémoire que j’ai vivement souhaité retrouver, mais je veux dire, c’était loin d’être un calcul conscient, justement j’étais pris d’une crise néphrotique ce jour là, une douleur irradiante causée par un calcul de 3mm dans mon rein droit. Je n’ai eu d’autre choix que d’aller aux urgences. Ils se sont si bien occupés de moi, enfin, elle. Elle m’a allongé sur un brancard, elle m’a perfusé et j’ai reçu, hmm, ce doux et chaleureux liquide morphinique que j’ai longuement fantasmé. C’est une erreur de croire que la réalité n’atteint jamais le fantasme. Je me suis senti… hmm… Apaisé. Je n’avais besoin de rien d’autre. J’étais… hm rien que d’y penser ça me plonge dans cet… J’espère ne pas user trop vite de ce pouvoir magique. Peut-être est-ce là ma quête. Développer ce pouvoir. La chambre blanche existe. C’est un état d’esprit. Cette sensation existe en dehors du produit. Je crois pouvoir l’auto-produire.
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Je passe très vite sur la blessure narcissique infligée à mon égo les jours qui ont suivi : le grand chef d’orchestre a sonné la fin de ma relation avec madame X. On connaît par cœur, il ne s’agit pas d’elle, c’est une projection et l’anxiété c’est un effet ricochet. Merde, la boule au ventre réclame plus de verbes. Et bien non anxiété, je vais te désobéir.
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Alors je me suis remis à vapoter la weed comme une locomotive. J’ai recommencé à délirer, avec beaucoup de plaisir. J’ignorais que j’allais bientôt revoir le sol pailleté de la chambre interdite. C’est fou la certitude que j’avais : “je peux faire la part des choses.” “Les moments de Hors Piste sont éphémères.” “Je ne me confonds pas avec mon personnage.” “J’ai décompensé plusieurs fois déjà, je sais surfer.”
“Lézart Fluo !” Qu’est-ce qu’il s’est passé bordel ? Le délire a débordé comme dans le vase. J’essaie de comprendre. Quel était le contenu de mon délire ? Qu’est-ce que j’ai fait d'insensé ? Qu’est-ce que j’ai surinterprété ? Quel a été mon degré d’apophénie ? Qu’ai-je vu ? Cela a-t-il un sens ? En fait, j'ai très envie de croire à tout ça. C’est quoi ce discours misérabiliste ? JE SUIS LE LÉZARD FLUO, mais c’est un secret.
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Si par miracle un lecteur anonyme tombe sur cet écrit et que toi aussi tu cherches la vérité, peut-être as-tu déjà déroulé le Phil de mon inconscient, si par je ne sais quelle congruence chaotique tu attrapes cette bouteille amère de solitude et que tu as les mains aussi fragiles que moi, sache petit CaméLéon, que je ne suis pas responsable de ton syndrome de Stendhal à venir. J’aime cette inversion des rôles, comme si je devenais ton psychanalyste. Alors tu veux savoir ce qu’il s’est passé de truculent lors de ma troisième bouffée délirante aiguë ? Pourquoi ? Es-tu là pour les bonnes raisons ? Quel suspense incon.science… Attends, t’es sûr que t’en as pas rien à foutre au fond ? Si hein…
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Mon délire est protéiforme et toujours plus ineffable que je ne saurais dire mais j’ai cette hallucination inoubliable dont j’aimerais parler. Quand on ferme les yeux, on voit du eigengrau, plus ou moins baigné de lumière mais normalement on ne voit pas grand chose à part de la neige visuelle, au mieux des formes abstraites. Ce soir d’hypomanie c’était comme si quelqu’un avait piraté mes ondes cérébrales, je voyais très nettement un drapeau pirate à l’écran de mes paupières.
Par une idéation savoureuse, j’en suis arrivé à accuser MUSK et ses satellites.
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Au travail le proviseur m’a demandé si ça allait mieux suite à ma semaine d’arrêt maladie, il faisait allusion au calcul rénal, j’ai répondu que “c’était une expérience comme une autre”. Ce que la raison ne peut absorber, la folie l’absorbe. De l’extérieur ma vie était en pleine collapsologie, de l’intérieur mon impression d’être l’élu grandissait.
Le soir, de retour dans mon vaisseau spécial, j’ai pensé que mes acouphènes étaient dus à des interférences volontaires de la part d’une entité macroscopique invisible.
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Difficile d’effectuer correctement son taff avec un tel état de fatigue, heureusement la nouvelle AED m’a aidé dans cette mission stupide et interminable qui consiste à appeler un par un les parents des élèves absents. Je suis de bureau le mercredi matin. Elle est vraiment très intéressante, j’ai envie d’apprendre à la connaître.
Je me souviens d’avoir dit à CPE n°2 “heureusement que CPE n°1 n’est pas là”. J’avais commencé à avoir un comportement étrange mais rien d’étonnant ? Attendez mais la veille c’était une journée particulière ! J’allais oublier ! (ça veut dire que je confonds les jours).
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Journée banalisée au collège, une grognasse en cuir nous fait son exposé délirant sur la laïcité. J’ai l’impression qu’ils se sont tous réunis autour de moi Mystère pour me féliciter d’un joyeux trésor à l’orange.
Pourquoi madame Castle Rock a-t-elle pris des photos ?
Radis Rat était assise à ma gauche, avec son dessin j’ai cru à un armistice.
J’ai discuté longuement avec la professeur de science et vie de la terre, les yeux dans les yeux.
Je suis resté en position Zen tout l’après-midi, ouvrant la fenêtre aux artifices oculaires.
Stef m’a rendu ma montre en or après une question : “Est-ce que tu doutes facilement de toi ?”
Les intervenants semblaient me dévisager, ils s’adressaient à moi indirectement, car j’étais la cible cachée.
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On m’a dérobé mon rubik's cube, once again.
Oh putain le flash, la petite sirène ! Elle parlait de moi avant que je débarque dans la vie scolaire, j’en suis certain, je la connais, je connais son attitude à changer de sujet pour faire mine de rien. Que disait-elle sur moi ? Sans doute que je suis fou.
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Satori kiki comme la grande illumination, sur une feuille de papier scotchée au milieu de deux écrans d’ordinateur. Élément hautement signifiant ici encore.
Dernier jour avant les vacances, je flex dans la cour de récré, les élèves s’agglutinent autour de moi à la recherche d’indices, ils me posent plein de questions saugrenues, auxquelles je réponds par rébus. “M. LZAr, c’est quoi votre religion ?” “M. LZAr … ?” D’autres viennent devant moi pour danser adoptant un comportement totalement random. Quand je suis retourné à l’appartement, en bas de chez moi, il y avait cet homme étrange et furtif habillé en noir, on aurait dit un agent chargé de la sécurité civil du FLUOR.
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Les voitures noires et blanches, les passants en pull blanc, ceux en noir, je regarde de mon balcon le monde qui s’observe. La conscience d’un échiquier régissant la Loi des fourmis m’inspire des rêves d’anarchie. Je lis chacune des plaques d’immatriculation à la recherche d’une suite lumineuse. PG-272-NP sur une Alfa Roméo serait à coup sûr la suite qui débloquerait mon satori à jamais. Où es-tu ? Éclaire mon monde, j’ai besoin de toi pour vivre petit papillon. Tu me manques… J’ai la larme à l'œil. Pourquoi ? Pourquoi a-t-on divergé… Tu me hantes jolie fantôme.
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Je sais de source sûre que mon ordinateur, que je suis sur écoute. Il y a eu des signalements. L’algo Vigipirate a détecté un intrus sur le réseau.
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France Culture diffuse un flux de haute énergie. Les intervenants servent de transducteurs, ils transmettent une mélodie méta linguistique à mon esprit. Ça fait : “Good Night, Good Knight”. Je m'efforce de ne pas réagir aux triggers grossiers.
J’ai adopté un sommeil polyphasique. Par intermittence j’écoutais la radio de la liberté.
Puis j’ai fait cette expérience étrange et pénétrante, comme un accouchement électrostatique assisté par radio fréquence. J’ai ressenti des électrochocs très agréables, au parfum d’indigo, similaire à l’effet de quand on saigne du nez après avoir reçu un poing dans la figure.
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Alors je suis retourné de moi-même à l'Hôpital de La Source. Les gens me regardaient bizarrement. Oui ça doit déranger de voir le premier homo numéricus en face de soi. J’ai hâte qu’ils découvrent des choses incroyables sur la science grâce à mon corps et ma tête. Peut-être un traitement pour sauver l’humanité de la mort ?
J’ai eu un entretien avec un infirmier psy aux urgences. Il m’a regardé droit dans les yeux. Soudain j’ai vu ses pupilles se transformer. Elles n'étaient plus rondes comme celles des humains, mais pendant une fraction de seconde il m’a montré sa véritable nature, j’ai vu ses yeux se changer en regard reptilien. Saillant, hypnotisant, d’une confiance surnaturelle. Lui aussi il en est un.
Comment douter de ses paroles ?
Il m’a affrété un taxi pour poursuivre l'élaboration du plan pour affronter les forces du mal. Je n’avais pas encore percuté la destination.
Et le piège s’est refermé.
(J'avais un gros caca à accoucher.)
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