InTheMood
Elfe Mécanique
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Bonjour à tous,
Pour ceux qui ont suivi mes premiers pas sur ce forum, vous êtes aux faits des objectifs que je comptais réaliser à travers la prise de produits. Pour les autres, je vous renvoie simplement à ma Propédeutique.
Les psychédéliques et la démarche qui en découle m'ont toujours séduits, même si je ne voulais pas vraiment le reconnaître. Pourtant, ce ne sont pas les premières substances qui ont parcouru mon sang, la MXE, la MDMA, le 3MMC et la Kétamine ont déjà eu raison de moi.
J'avais hâte d'essayer ces nouveaux produits, et l'occasion s'est présentée ce week-end.
Set & Setting :
Vendredi, chez moi, aux alentours d'une heure du matin. D'un petit 21m², je n'imaginais pas encore que cet espace réduit pourrait poser problème pendant le trip. J'avais aussi beaucoup de mal à concilier ma vie avec celle de ma voisine du dessus, qui "entend tout" et qui souffre d'une colère chronique. J'étais en présence de 3 personnes, que je connaissais depuis 2 ou 3 jours, mais j'avais confiance en eux. Nous serions trois à gober les champis, et un quatrième qui resterait - plus ou moins - sobre, simplement défoncé par le grand THC. J'aurais dû veiller à garder une personne totalement sobre, afin de gérer les quelques aléas qui auraient pu se produire, mais cela m'avait échappé, je n'avais pas totalement mesuré la puissance de ces petits champignons.
Bref, confiant, je gobe 25 champignons secs cueillis avec tendresse dans les Vosges.
Montée :
N'ayant pas mangé pendant plus de 6H, la montée se fait vite sentir. Il y a quelque chose de très positif, c'est ce que je me dis en tout cas. Environ 20 minutes après avoir avalés ces champignons, je me retrouve très euphorique, beaucoup de choses me font rire allégrement sans aucun sens. Je me dis que le trip commence bien, que cela va être agréable, joyeux, et que cela va bien se passer. Pas de bodyload, à aucun moment.
Je m'impatiente un peu, car je me suis longtemps demandé à quoi ressemblait une hallucination les yeux ouverts. Je regarde mon environnement, les objets : je suis sur mon canapé. Soudain, mes yeux se posent sur l'ombre que porte la lumière sur un de mes meubles : PAF, je tape ma première hallucination, ou plutôt illusion. L'ombre me semblait beaucoup plus nette, je n'arrivais pas à la voir comme une ombre posée quelque part, mon œil et mon esprit avaient été trompés.
Mais cela n'était encore rien, j'étais présent dans le monde habituel et mes sens n'étaient que confus. Toujours impatient, je me place calmement sur mon canapé, quelque chose va se passer.
RUSH
A mesure que je m'enfonçais dans mon canapé, une sensation étrange commence à parcourir mon crâne, comme si j'avais la tête dans un étau. Je me sens pris par la substance, mais ce n'est pas désagréable, étrange simplement. Puis, regardant simplement en face de moi, un calque se pose littéralement sur ma vue. Un rush d'environ quelque seconde me parcoure, avec un effet mental très spécifique : j'ai l'impression d'avoir une révélation, je suis stupéfait et illuminé par ce qui est en train de se passer. Toute la pièce se teint d'une couleur ambrée et je vois distinctement la différence avec l'ancienne couleur à mesure que j'entre dans cette espèce de porte vers l'autre monde. Une fois le rush de transition passé, tout autour de moi bouge. Les ombres sont, partout, mouvantes, multipliées par trois, exactement comme on peut le voir dans les films. Il s'agit vraiment d'un prisme à travers lequel je regarde le monde que je connais, mais que je ne reconnais plus. Les illusions de mouvement sont quasiment toutes similaires, il y a un mouvement commun de l'ensemble de ma pièce qui a quelque chose de magique.
Trip :
Je n'avais pas mesuré à quel point il m'était alors important de raconter à mes amis tout ce que je voyais, dans la bonne humeur. Eux aussi commençaient à trouver les objets d'art de mon chez moi amusants, créatifs, transcendants parfois même. Mon attention se porte à toute sorte de choses, d'un instant à l'autre je suis pris par des milliers d'envies différentes et contraires. Pourtant, mes compagnons, connaissants déjà les champis, tentent d'orienter mon trip : ils veulent que je fasse ceci, ils attirent mon attention sur cela. Mais, restant positif, je leur demande de me laisser découvrir tout ça à ma façon.
Je mets mon visage dans mes mains. Dans l'obscurité, des formes se dessinent, il s'agit réellement de fractales, ces mêmes fractales dont on trouve des centaines d'exemples sur Internet, il s'agit réellement de la même chose. Elles se créent d'elles-mêmes, d'abord en deux dimensions, puis commencent peu à peu à se complexifier, se colorer, s'allonger dans l'espace. C'est fascinant, hypnotique, j'y pourrais rester longtemps : mais mes amis m'invitent à profiter de l'environnement.
Au début, j'avais pour projet de raconter les pensées qui me parvenaient pendant le trip. J'avais donc un carnet à mes côtés. Mais...Vous le savez, cela est beaucoup trop difficile d'écrire dans cet état. Alors je laissais simplement aller mon bras, et je dessinais des sortes de formes que je trouvais magnifiques spontanément. Ma plume était libre, organique, artistique, géniale. Je m'étais rarement trouvé dans un état d'accomplissement artistique si puissant. Une pensée me traverse : la matière, ce flux qui sort de mon stylo, c'est tellement puissant, je suis tellement heureux que cela existe. Je verse une larme à cette pensée joyeuse de l'existence d'un medium artistique.
Du côté de mes amis, cela ne se passe pas trop mal. Mais les rires se font de plus en plus forts, et ma voisine commence à se manifester. Un de mes compagnons se met en tête de sortir en ville, mais voyant son état comme le notre, je refuse (mydriase et délires oblige). Mais il parle beaucoup trop fort, il rit beaucoup trop fort. Mince, la sonnette retentit. Je cherche des solutions, n'en trouve aucune. Parfois, les champignons rendent les choses si claires... Mais parfois, ils les complexifient. Paniqué, atrocement angoissé, je demande au compagnon le plus habitué, je le supplie de s'occuper de cette catastrophe. Ma voisine crie, gueule, comme d'habitude. Elle travaille tôt, beaucoup trop de soirées chez moi, elle a une vie moisie et probablement un manque chronique de rapports sexuels.
Cela devient catastrophique.
Mon compagnon a réglé le problème. Je pense à m'excuser avec beaucoup de ferveur, je le note même dans mon carnet (mais au final, je n'en ai rien fait, qu'elle crève). Mais un autre de mes compagnons commence à bader, il veut absolument sortir, il se sent oppressé. Il ne peut plus parler à volume normal, on se met tous à chuchoter. J'avoue y arriver avec facilité, mais lui ne peut tout simplement pas, ça l'angoisse trop. Il fait des allers-retours, appelle des amis au téléphone, délire complètement. Je le sens même si je suis moi-même dans mon délire.
Je tente de lui expliquer une vérité que je semble comprendre totalement : sous champis, il est très facile de s'accrocher à des défonces différentes. Il y a ce côté délirant, euphorique, artistique et bruyant, et presque collé à celui-ci, une défonce plus calme, enivrante, hallucinogène. Il n'arrive pas à saisir la facilité avec laquelle on peut maîtriser sa défonce, il est apparemment beaucoup trop dans le mal. Par chance, un autre de mes compagnons avait prévu un benzo en cas de problème, lui donne, et le laisse se calmer petit à petit.
Pour les tripés restant, à savoir moi et un autre, le trip devient plus hypnotique. Nous passons de la musique avec des animations de la Terre dans différents positionnements spatiaux, avec des effets de lumière provenant du soleil, ou de la lune. Je décide de passer un album que je connais, le seul que je connais, que j'adore, qui est présent dans la playlist de la personne qui l'a lancé. Entendre cette musique que je connaissais me rend incroyablement heureux, j'oublie mes angoisses, je sors de mon semblant de bad. Je sens toujours que différents états d'esprit me parcourent en quelques minutes. Mais je me rends compte que ces états sont induits par la musique en cours, elle me donne la teinte et le sentiment présent de manière inconsciente.
Je décide de plonger dans la musique. Les fractales se font de plus en plus puissantes, l'animation de la Terre semble sortir de l'écran, tout mon environnement m'enivre. Je sens de plus en plus cette pression sur le crâne à mesure que je m'enfonce dans ce monde d'illusion. AH, j'en sors, je découvre que mon cœur n'avait pas conservé un rythme cardiaque décent : il était beaucoup trop faible. C'est à ce moment précis que je m'aperçois que cette substance a quelque chose de terriblement morbide : il s'agit d'un flirte enivrant avec l'intoxication, la mort. C'est beau, poétique, incroyable ; mais mortel. Et je ne crois pas me tromper en l'affirmant, car je me sentais vraiment dans le besoin de sortir cette ivresse pour continuer à vivre, j'entrevoyais très bien le risque de m'enfoncer plus encore dans mes illusions.
Le trip continue de manière assez stable. A mesure que le produit devient moins potent, je me retrouve davantage artistique. Je me remets à dessiner, je semble même comprendre totalement comment certains pans de l'art abstrait ont été développé, j'ai l'impression de comprendre les motivations de l'art minimal ou suprématiste, par exemple. J'ai l'impression de comprendre un tas d'autres vérités.
DE-RUSH, RE-RUSH
Mes yeux se posent un peu partout. Soudain, je ressens de nouveau cet effet mental particulier : mes yeux s'illuminent, les couleurs se remettent à changer tout d'un coup, tout devient clair, limpide, cristallin pendant une fraction de seconde. J'annonce à mes amis : "je viens de sortir du monde des champis".
Mais, un doute subsiste. Et si je n'étais pas sorti, mais que j'étais entré encore plus ? Alors même que j'avais l'impression de me retrouver, de retrouver des couleurs normales, des motifs stables, je ne pouvais pas me sortir de la tête cette impression étrange que je n'étais pas sorti, mais entré de nouveau, à une profondeur différente. Ce schéma de pensée s'obtient simplement par logique. J'ai vraiment senti que je rentrais dans ce monde champignonnesque au début, et là, même si les effets semblaient se tasser, le rush de retour n'était pas un rush de retour, mais d'entrée encore une fois. Il y avait une boucle absolument surprenante. Cette pensée qui s'attache à celle de la folie ne m'a pas quittée, mais elle ne m'a pas changé : j'ai l'impression d'être moi-même, ou en tout cas je me sais m'être retrouvé, même si les champis m'ont montré à quel point cela est fragile, qu'il existe tellement d'autres choses en nous qu'on pourrait y glisser bien trop facilement.
Descente :
Pendant la descente, je vois beaucoup moins de fractales. Je voyage dans ma tête,cela est certain. J'ai encore du mal à m'exprimer, je me sens artiste, j'ai très envie de raconter toutes les vérités que je trouve alors, mais impossible: une vérité n'a pas le temps d'être saisie qu'elle est déjà confondue.
C'est ici que je comprends le mécanisme des champignons : ils rassemblent un côté et son contraire. Ils rendent tout très près, tout se mélange, se confond. Je prends un exemple de cheminement d'idée : je formule une pensée, je découvre que je peux réduire cette pensée en un concept d'un ou deux mots, et par-là je fais de nouveaux parallèles avec d'autres idées que je n'aurais même pas conçues. En réalité, il s'agit quasiment d'avoir l'entendement gigantesque, une capacité à lier les concepts de manière très rapide et presque confuse, mais maîtrisée. Le plus intéressant est encore la faculté que nous avons alors à raccourcir une pensée à travers un mot seul.
En réalité le trip champignonnesque a toujours quelque chose et son pendant, il rassemble les deux extrêmes pour saisir une forme de tout qui nous dépasse entièrement. A bien y réfléchir nous trouvons toujours de quoi contrebalancer un adjectif décrivant le trip par son contraire : les champis rendent tout simple, mais en même temps rendent tout plus compliqué.
Nous décidons d'aller nous coucher. Quelques pensées majeures me parcourent encore, quelques fractales de-ci de-là. Mais j'ai l'impression que si les états d'esprit étaient très différents et changeants pendant le trip, ils le sont toujours, mais de manière plus longue. C'est comme si les choses se replaçaient à leur place lentement, au fur et à mesure, comme la fin d'une illusion. Une autre pensée importante me traverse, je pense à l'attitude que je cherche chez les autres, l'alter égo que j'ai toujours cherché et que je n'ai jamais trouvé, et là, comme un éclair frappant le reste de mes considérations, je m'arrête sur cette pensée terrifiante et puissante : mon alter-égo, celui que je cherche, c'est moi, cela doit être moi.
Afterglow, conclusions et aveu de psychonautisme :
Je me lève vers 15H le lendemain. Je sens une pression près de mon crâne, mais je me suis totalement retrouvé et je n'ai plus aucune persistance des effets. Je pourrais évoquer mes échanges avec mes compagnons, mais je ne trouve pas d'intérêt à le faire vis-a-vis de ce que je vais écrire maintenant.
Il est impossible de continuer de vivre comme avant après avoir vécu quelque chose de tel. J'ai bien observé à quel point le côté constructeur et artistique, utile, est exactement à quelque mètre du gouffre destructeur et de la folie. J'ai bien mesuré l'impact que tout ceci pouvait avoir sur moi, et mon aveu, c'est que j'ai peur.
J'avais déjà pressenti que tout ceci, ce milieu, la drogue comme moteur de la vie, moyen de se réaliser à travers la recherche psychonautique ou simple moyen pour se défoncer, qu'importe l'objectif, je m'étais déjà rendu compte que ce milieu n'était pas le mien, en tout cas pas totalement. Je ne peux pas m'assimiler à ce mode de pensée, je chéris trop ma vie et mes volitions pour risquer de jouer les dés avec les drogues, et particulièrement avec les psychédéliques.
Mon aveu de psychonautisme, c'est que je ne suis pas prêt. Je n'ai pas ce détachement que j'ai pu observé chez certains d'entre vous, je n'ai pas ce courage de me mettre en péril pour me sentir grandir. Mais je me sens déjà plus grand de ces expériences que j'ai faite.
Je ne regrette rien, et par ailleurs je ne suis pas en train de signer ma retraite pour toutes les drogues, au contraire. Mais, pour l'instant, je vais prendre du recul. Avec les psychédéliques surtout, avec lesquels je ne retournerais flirter que dans un long moment, avec des personnes chères et dans des conditions où je pourrais me laisser aller. Pour les autres types de drogue, je les chéris. Je chéris mes amphétamines, mes dissociatifs, j'aime pimenter ma vie d'occidental, j'avoue aimer cette vie d'occidental. Pour le moment, même si j'en ai envie, je ne peux me résoudre à chercher par les psychédéliques de nouvelles vérités, malgré le fait que j'en vois l'immense potentiel. Les fractales, les délires, tout ceci m'inquiète car je me suis beaucoup trop investi dans une dimension pied-à-terre de la vie. Pour le moment, en tout cas ; je sais que cela changera.
Je ne quitte ni l'univers de la drogue, ni ce forum, mais je serais certainement plus discret pendant un temps. Ce trip psychédélique m'a donné envie d'écrire, des essais, des romans, beaucoup d'écriture. J'ai envie d'arranger ma vie, de devenir productif, de faire quelque chose d'utile avant de me livrer à ce psychonautisme qui m'a toujours intéressé. Et puis j'ai envie de flirter ça et là avec ce qui est d'ordre artistique et transcendant.
Merci d'avoir lu pour ceux qui auront eu ce courage.
Pour ceux qui ont suivi mes premiers pas sur ce forum, vous êtes aux faits des objectifs que je comptais réaliser à travers la prise de produits. Pour les autres, je vous renvoie simplement à ma Propédeutique.
Les psychédéliques et la démarche qui en découle m'ont toujours séduits, même si je ne voulais pas vraiment le reconnaître. Pourtant, ce ne sont pas les premières substances qui ont parcouru mon sang, la MXE, la MDMA, le 3MMC et la Kétamine ont déjà eu raison de moi.
J'avais hâte d'essayer ces nouveaux produits, et l'occasion s'est présentée ce week-end.
Set & Setting :
Vendredi, chez moi, aux alentours d'une heure du matin. D'un petit 21m², je n'imaginais pas encore que cet espace réduit pourrait poser problème pendant le trip. J'avais aussi beaucoup de mal à concilier ma vie avec celle de ma voisine du dessus, qui "entend tout" et qui souffre d'une colère chronique. J'étais en présence de 3 personnes, que je connaissais depuis 2 ou 3 jours, mais j'avais confiance en eux. Nous serions trois à gober les champis, et un quatrième qui resterait - plus ou moins - sobre, simplement défoncé par le grand THC. J'aurais dû veiller à garder une personne totalement sobre, afin de gérer les quelques aléas qui auraient pu se produire, mais cela m'avait échappé, je n'avais pas totalement mesuré la puissance de ces petits champignons.
Bref, confiant, je gobe 25 champignons secs cueillis avec tendresse dans les Vosges.
Montée :
N'ayant pas mangé pendant plus de 6H, la montée se fait vite sentir. Il y a quelque chose de très positif, c'est ce que je me dis en tout cas. Environ 20 minutes après avoir avalés ces champignons, je me retrouve très euphorique, beaucoup de choses me font rire allégrement sans aucun sens. Je me dis que le trip commence bien, que cela va être agréable, joyeux, et que cela va bien se passer. Pas de bodyload, à aucun moment.
Je m'impatiente un peu, car je me suis longtemps demandé à quoi ressemblait une hallucination les yeux ouverts. Je regarde mon environnement, les objets : je suis sur mon canapé. Soudain, mes yeux se posent sur l'ombre que porte la lumière sur un de mes meubles : PAF, je tape ma première hallucination, ou plutôt illusion. L'ombre me semblait beaucoup plus nette, je n'arrivais pas à la voir comme une ombre posée quelque part, mon œil et mon esprit avaient été trompés.
Mais cela n'était encore rien, j'étais présent dans le monde habituel et mes sens n'étaient que confus. Toujours impatient, je me place calmement sur mon canapé, quelque chose va se passer.
RUSH
A mesure que je m'enfonçais dans mon canapé, une sensation étrange commence à parcourir mon crâne, comme si j'avais la tête dans un étau. Je me sens pris par la substance, mais ce n'est pas désagréable, étrange simplement. Puis, regardant simplement en face de moi, un calque se pose littéralement sur ma vue. Un rush d'environ quelque seconde me parcoure, avec un effet mental très spécifique : j'ai l'impression d'avoir une révélation, je suis stupéfait et illuminé par ce qui est en train de se passer. Toute la pièce se teint d'une couleur ambrée et je vois distinctement la différence avec l'ancienne couleur à mesure que j'entre dans cette espèce de porte vers l'autre monde. Une fois le rush de transition passé, tout autour de moi bouge. Les ombres sont, partout, mouvantes, multipliées par trois, exactement comme on peut le voir dans les films. Il s'agit vraiment d'un prisme à travers lequel je regarde le monde que je connais, mais que je ne reconnais plus. Les illusions de mouvement sont quasiment toutes similaires, il y a un mouvement commun de l'ensemble de ma pièce qui a quelque chose de magique.
Trip :
Je n'avais pas mesuré à quel point il m'était alors important de raconter à mes amis tout ce que je voyais, dans la bonne humeur. Eux aussi commençaient à trouver les objets d'art de mon chez moi amusants, créatifs, transcendants parfois même. Mon attention se porte à toute sorte de choses, d'un instant à l'autre je suis pris par des milliers d'envies différentes et contraires. Pourtant, mes compagnons, connaissants déjà les champis, tentent d'orienter mon trip : ils veulent que je fasse ceci, ils attirent mon attention sur cela. Mais, restant positif, je leur demande de me laisser découvrir tout ça à ma façon.
Je mets mon visage dans mes mains. Dans l'obscurité, des formes se dessinent, il s'agit réellement de fractales, ces mêmes fractales dont on trouve des centaines d'exemples sur Internet, il s'agit réellement de la même chose. Elles se créent d'elles-mêmes, d'abord en deux dimensions, puis commencent peu à peu à se complexifier, se colorer, s'allonger dans l'espace. C'est fascinant, hypnotique, j'y pourrais rester longtemps : mais mes amis m'invitent à profiter de l'environnement.
Au début, j'avais pour projet de raconter les pensées qui me parvenaient pendant le trip. J'avais donc un carnet à mes côtés. Mais...Vous le savez, cela est beaucoup trop difficile d'écrire dans cet état. Alors je laissais simplement aller mon bras, et je dessinais des sortes de formes que je trouvais magnifiques spontanément. Ma plume était libre, organique, artistique, géniale. Je m'étais rarement trouvé dans un état d'accomplissement artistique si puissant. Une pensée me traverse : la matière, ce flux qui sort de mon stylo, c'est tellement puissant, je suis tellement heureux que cela existe. Je verse une larme à cette pensée joyeuse de l'existence d'un medium artistique.
Du côté de mes amis, cela ne se passe pas trop mal. Mais les rires se font de plus en plus forts, et ma voisine commence à se manifester. Un de mes compagnons se met en tête de sortir en ville, mais voyant son état comme le notre, je refuse (mydriase et délires oblige). Mais il parle beaucoup trop fort, il rit beaucoup trop fort. Mince, la sonnette retentit. Je cherche des solutions, n'en trouve aucune. Parfois, les champignons rendent les choses si claires... Mais parfois, ils les complexifient. Paniqué, atrocement angoissé, je demande au compagnon le plus habitué, je le supplie de s'occuper de cette catastrophe. Ma voisine crie, gueule, comme d'habitude. Elle travaille tôt, beaucoup trop de soirées chez moi, elle a une vie moisie et probablement un manque chronique de rapports sexuels.
Cela devient catastrophique.
Mon compagnon a réglé le problème. Je pense à m'excuser avec beaucoup de ferveur, je le note même dans mon carnet (mais au final, je n'en ai rien fait, qu'elle crève). Mais un autre de mes compagnons commence à bader, il veut absolument sortir, il se sent oppressé. Il ne peut plus parler à volume normal, on se met tous à chuchoter. J'avoue y arriver avec facilité, mais lui ne peut tout simplement pas, ça l'angoisse trop. Il fait des allers-retours, appelle des amis au téléphone, délire complètement. Je le sens même si je suis moi-même dans mon délire.
Je tente de lui expliquer une vérité que je semble comprendre totalement : sous champis, il est très facile de s'accrocher à des défonces différentes. Il y a ce côté délirant, euphorique, artistique et bruyant, et presque collé à celui-ci, une défonce plus calme, enivrante, hallucinogène. Il n'arrive pas à saisir la facilité avec laquelle on peut maîtriser sa défonce, il est apparemment beaucoup trop dans le mal. Par chance, un autre de mes compagnons avait prévu un benzo en cas de problème, lui donne, et le laisse se calmer petit à petit.
Pour les tripés restant, à savoir moi et un autre, le trip devient plus hypnotique. Nous passons de la musique avec des animations de la Terre dans différents positionnements spatiaux, avec des effets de lumière provenant du soleil, ou de la lune. Je décide de passer un album que je connais, le seul que je connais, que j'adore, qui est présent dans la playlist de la personne qui l'a lancé. Entendre cette musique que je connaissais me rend incroyablement heureux, j'oublie mes angoisses, je sors de mon semblant de bad. Je sens toujours que différents états d'esprit me parcourent en quelques minutes. Mais je me rends compte que ces états sont induits par la musique en cours, elle me donne la teinte et le sentiment présent de manière inconsciente.
Je décide de plonger dans la musique. Les fractales se font de plus en plus puissantes, l'animation de la Terre semble sortir de l'écran, tout mon environnement m'enivre. Je sens de plus en plus cette pression sur le crâne à mesure que je m'enfonce dans ce monde d'illusion. AH, j'en sors, je découvre que mon cœur n'avait pas conservé un rythme cardiaque décent : il était beaucoup trop faible. C'est à ce moment précis que je m'aperçois que cette substance a quelque chose de terriblement morbide : il s'agit d'un flirte enivrant avec l'intoxication, la mort. C'est beau, poétique, incroyable ; mais mortel. Et je ne crois pas me tromper en l'affirmant, car je me sentais vraiment dans le besoin de sortir cette ivresse pour continuer à vivre, j'entrevoyais très bien le risque de m'enfoncer plus encore dans mes illusions.
Le trip continue de manière assez stable. A mesure que le produit devient moins potent, je me retrouve davantage artistique. Je me remets à dessiner, je semble même comprendre totalement comment certains pans de l'art abstrait ont été développé, j'ai l'impression de comprendre les motivations de l'art minimal ou suprématiste, par exemple. J'ai l'impression de comprendre un tas d'autres vérités.
DE-RUSH, RE-RUSH
Mes yeux se posent un peu partout. Soudain, je ressens de nouveau cet effet mental particulier : mes yeux s'illuminent, les couleurs se remettent à changer tout d'un coup, tout devient clair, limpide, cristallin pendant une fraction de seconde. J'annonce à mes amis : "je viens de sortir du monde des champis".
Mais, un doute subsiste. Et si je n'étais pas sorti, mais que j'étais entré encore plus ? Alors même que j'avais l'impression de me retrouver, de retrouver des couleurs normales, des motifs stables, je ne pouvais pas me sortir de la tête cette impression étrange que je n'étais pas sorti, mais entré de nouveau, à une profondeur différente. Ce schéma de pensée s'obtient simplement par logique. J'ai vraiment senti que je rentrais dans ce monde champignonnesque au début, et là, même si les effets semblaient se tasser, le rush de retour n'était pas un rush de retour, mais d'entrée encore une fois. Il y avait une boucle absolument surprenante. Cette pensée qui s'attache à celle de la folie ne m'a pas quittée, mais elle ne m'a pas changé : j'ai l'impression d'être moi-même, ou en tout cas je me sais m'être retrouvé, même si les champis m'ont montré à quel point cela est fragile, qu'il existe tellement d'autres choses en nous qu'on pourrait y glisser bien trop facilement.
Descente :
Pendant la descente, je vois beaucoup moins de fractales. Je voyage dans ma tête,cela est certain. J'ai encore du mal à m'exprimer, je me sens artiste, j'ai très envie de raconter toutes les vérités que je trouve alors, mais impossible: une vérité n'a pas le temps d'être saisie qu'elle est déjà confondue.
C'est ici que je comprends le mécanisme des champignons : ils rassemblent un côté et son contraire. Ils rendent tout très près, tout se mélange, se confond. Je prends un exemple de cheminement d'idée : je formule une pensée, je découvre que je peux réduire cette pensée en un concept d'un ou deux mots, et par-là je fais de nouveaux parallèles avec d'autres idées que je n'aurais même pas conçues. En réalité, il s'agit quasiment d'avoir l'entendement gigantesque, une capacité à lier les concepts de manière très rapide et presque confuse, mais maîtrisée. Le plus intéressant est encore la faculté que nous avons alors à raccourcir une pensée à travers un mot seul.
En réalité le trip champignonnesque a toujours quelque chose et son pendant, il rassemble les deux extrêmes pour saisir une forme de tout qui nous dépasse entièrement. A bien y réfléchir nous trouvons toujours de quoi contrebalancer un adjectif décrivant le trip par son contraire : les champis rendent tout simple, mais en même temps rendent tout plus compliqué.
Nous décidons d'aller nous coucher. Quelques pensées majeures me parcourent encore, quelques fractales de-ci de-là. Mais j'ai l'impression que si les états d'esprit étaient très différents et changeants pendant le trip, ils le sont toujours, mais de manière plus longue. C'est comme si les choses se replaçaient à leur place lentement, au fur et à mesure, comme la fin d'une illusion. Une autre pensée importante me traverse, je pense à l'attitude que je cherche chez les autres, l'alter égo que j'ai toujours cherché et que je n'ai jamais trouvé, et là, comme un éclair frappant le reste de mes considérations, je m'arrête sur cette pensée terrifiante et puissante : mon alter-égo, celui que je cherche, c'est moi, cela doit être moi.
Afterglow, conclusions et aveu de psychonautisme :
Je me lève vers 15H le lendemain. Je sens une pression près de mon crâne, mais je me suis totalement retrouvé et je n'ai plus aucune persistance des effets. Je pourrais évoquer mes échanges avec mes compagnons, mais je ne trouve pas d'intérêt à le faire vis-a-vis de ce que je vais écrire maintenant.
Il est impossible de continuer de vivre comme avant après avoir vécu quelque chose de tel. J'ai bien observé à quel point le côté constructeur et artistique, utile, est exactement à quelque mètre du gouffre destructeur et de la folie. J'ai bien mesuré l'impact que tout ceci pouvait avoir sur moi, et mon aveu, c'est que j'ai peur.
J'avais déjà pressenti que tout ceci, ce milieu, la drogue comme moteur de la vie, moyen de se réaliser à travers la recherche psychonautique ou simple moyen pour se défoncer, qu'importe l'objectif, je m'étais déjà rendu compte que ce milieu n'était pas le mien, en tout cas pas totalement. Je ne peux pas m'assimiler à ce mode de pensée, je chéris trop ma vie et mes volitions pour risquer de jouer les dés avec les drogues, et particulièrement avec les psychédéliques.
Mon aveu de psychonautisme, c'est que je ne suis pas prêt. Je n'ai pas ce détachement que j'ai pu observé chez certains d'entre vous, je n'ai pas ce courage de me mettre en péril pour me sentir grandir. Mais je me sens déjà plus grand de ces expériences que j'ai faite.
Je ne regrette rien, et par ailleurs je ne suis pas en train de signer ma retraite pour toutes les drogues, au contraire. Mais, pour l'instant, je vais prendre du recul. Avec les psychédéliques surtout, avec lesquels je ne retournerais flirter que dans un long moment, avec des personnes chères et dans des conditions où je pourrais me laisser aller. Pour les autres types de drogue, je les chéris. Je chéris mes amphétamines, mes dissociatifs, j'aime pimenter ma vie d'occidental, j'avoue aimer cette vie d'occidental. Pour le moment, même si j'en ai envie, je ne peux me résoudre à chercher par les psychédéliques de nouvelles vérités, malgré le fait que j'en vois l'immense potentiel. Les fractales, les délires, tout ceci m'inquiète car je me suis beaucoup trop investi dans une dimension pied-à-terre de la vie. Pour le moment, en tout cas ; je sais que cela changera.
Je ne quitte ni l'univers de la drogue, ni ce forum, mais je serais certainement plus discret pendant un temps. Ce trip psychédélique m'a donné envie d'écrire, des essais, des romans, beaucoup d'écriture. J'ai envie d'arranger ma vie, de devenir productif, de faire quelque chose d'utile avant de me livrer à ce psychonautisme qui m'a toujours intéressé. Et puis j'ai envie de flirter ça et là avec ce qui est d'ordre artistique et transcendant.
Merci d'avoir lu pour ceux qui auront eu ce courage.