F
Free
Guest
Voici le récit de ma première expérience, cet été, durant un festival (je suis bien sûr ouvert à toutes discussions et remarques) :
Le soleil est sur le point de se coucher, nous sommes tous réunis et installés près de la scène "AS" qui diffuse une musique calme et propice à la discussion. Nous avons déjà parlé du programme de la soirée, il est prévu de prendre du LSD, nous avons ce qu'il faut et quatre personnes du groupe ont déjà essayé les "dauphins" la soirée précédente, tous sont d'accord pour dire que le produit est de qualité, ce qui me rassure un peu. Oui c'est ma "première fois", je suis un peu tendu, j'ai demandé à un maximum de personnes les effets ressentis sous LSD, j'ai également lu beaucoup d'expériences à ce sujet, toutes sont différentes et propres à chacun, les réponses ne m'ont pas vraiment éclairé, je ne sais pas ce que je ressentirai, d'où mes craintes, la peur d'un éventuel "bad trip".
L'heure de la préparation approche, E. coupe les buvard, généralement, on doit prendre un demi pour une dose normale, les habitués prennent un buvard entier. Mes amis prennent généralement plusieurs demis durant la soirée si les effets est à leur convenance, couplés parfois à la MDMA. Je lui demande un quart de buvard, cela lui semble correct. Nous "trinquons", petit rituel devenu obligatoire, et gobons ce petit morceau coloré au gout de papier mâché, j'essaie de ne pas le montrer mais j'appréhende, Y. s'en aperçoit et me rassure, j'ai pris une petite dose, les effets seront légers et je suis bien entouré, je me laisse aller et nous continuons la soirée.
Une heure plus tard, mes amis commencent a ressentir les effets, je ne ressens pas grand chose, les décors semblent un peu plus colorés, flous et jolis, je me sens pas particulièrement joyeux, ni triste, à mon avis les effets ne sont pas au maximum, mes amis me conseillent un autre quart, je refuse pour l'instant. Nous allons danser sur la plus grosse scène du festival, le "DT", le son est puissant, mais plus que d'habitude à mon goût, à tel point que je me procure des boules quiès, je suis également plus sensible aux odeurs, je détecte l'odeur d'une sorte d'encens qui m'aurais laissé indifférent la veille, la poussière me dérange plus que d'habitude également, je me dis alors que le LSD amplifie nos sens, j'en parle à un ami, il est d'accord, cela me rassure, nous dansons un peu, c'est agréable mais rien d'extraordinaire. Avec les boules quiès je suis tout de même moins "porté" par la musique, je regarde autour de moi et mes pensées sont sans cesse attirés vers "quelque chose", très difficile à décrire, je n'ose pas aller au bout, je me bloque mentalement car j'ai peur. J'en parle d'ailleurs à E., elle me dit qu'elle aussi cela lui est déjà arrivé, elle me conseille de profiter des effets sans y penser, au risque d'aller "trop loin", mais aller où ? et comment ? cela ne me rassure pas vraiment. Je me concentre donc sur la musique, les gens qui m'entourent et les décors, mais ce n'est pas vraiment agréable.
Nous décidons de changer d'ambiance, cela me va. Nous sommes un groupe de neuf personnes et il devient difficile de rester groupés, nous passons une bonne partie de la soirée à nous attendre mutuellement à des points de rendez vous. Durant ces moments je ne me sens pas à l'aise, je n'arrive pas à me détendre, cela devient pesant. Bloquer les pensées pour ne pas aller "trop loin", c'était plus évident avec la musique et les jolis décors pour me distraire. Nous sommes assis en cercle et attendons 2 amis, sûrement une envie pressante ou une petite soif, certains ont envie d'aller dans le son, d'autres insistent pour attendre les autres, je suis un peu ailleurs je ne m'implique pas dans le débat. Je ne parle plus beaucoup depuis un moment, mes amis s'en aperçoivent et essaient de me rassurer, mais je n'arrive pas à apprécier l'expérience, à ce moment je pense uniquement à faire passer la soirée le plus vite possible car je n'apprécie pas les effets du LSD.
Nous retrouvons tout le monde et décidons de bouger, cela remets un peu d'entrain à la soirée, nous sommes motivés et nous nous retrouvons au milieu de la piste d'une autre scène "AC", toujours electro mais aux rythmes moins puissants que le "DT", pas besoin de boules quiès. Nous nous retrouvons en plein milieu de la piste, ça va déjà un peu mieux. A côté de nous, des danseurs déguisés se déhanchent d'une façon très harmonieuse, ils rayonnent de bonne humeur, nous leur sourions, très vite nous dansons avec eux. Je me sens assez rapidement en pleine forme, cela m'étonne un peu, je pense alors comprendre quelque chose sur le LSD, il permets de percevoir l'énergie dégagée par les personnes autour de nous, une sorte de 6e sens. Cela me parait si incroyable que je change volontairement plusieurs fois d'ambiance pour en avoir le coeur net, ça marche, plus je me rapproche des joyeux danseurs, plus je me sens bien. Je me met alors à danser avec l'un d'eux, il essai de me faire suivre ses pas de danse, je les suis avec le sourire, c'est agréable, puis la musique m'entraîne, c'est désormais lui qui suit mes pas, cela marche dans les 2 sens, du moins je crois. Il commence à me regarder d'une façon étrange, il est peut être homosexuel, cela ne me dérange pas mais ce n'est pas mon cas, j'en profite pour tester une expérience : je l'attire un peu plus près de moi et je décide de le repousser mentalement, je cris un immense "Dégage !" dans ma tête, à ma plus grande surprise il s'écarte en faisant la grimace, il ne m'a pas approché à plus de 30 cm. Je commence à comprendre comment fonctionne le LSD, en tout cas sur moi, et à mieux maîtriser mon "trip", ça va mieux.
La soirée continue, nous profitons encore tous ensemble de la scène "AC" , c'est génial, je sens vraiment les "énergies" (je ne sais pas comment qualifier autrement ce sentiment) autour de moi. J'en profite pour m'amuser et jouer un peu avec ces nouvelles sensations. J'échange plus facilement avec mes amis, avec L. nous avons des fous rire à distance sans même nous parler, et je danse avec beaucoup de plaisir parmi les joyeux festivaliers, c'est une bonne soirée, le son est de qualité, et les gens sont ici pour s'amuser. Après une heure environ (ou une demi heure, la notion du temps est perturbée), nous décidons encore une fois de changer d'ambiance, je ne suis pas moteur de cette décision car à ce moment, je me sens vraiment bien et je ne sais pas si cela va durer. Tout le monde se met d'accord pour se rendre à la scène "SF" situé à l'autre bout, j'aime bien cette scène, des musiques du monde entier, avec la plupart du temps de vrais instruments, ça change, ça y est nous sommes en route.
Sur le chemin, je supporte mieux le trajet que les fois précédentes, mais je sens tout de même que mon esprit est attiré vers le fameux "quelque chose". Aussi toutes ces nouvelles sensations m'ont mine de rien un peu bouleversé et les réflexions et les questions fusent dans ma tête : "Nous sommes définitivement tous connectés, je le ressens via les énergies de chacun, c'est certain.", "Pourquoi ne ressentons nous pas ces énergies au quotidien ?", "Est-ce que je ressentirai ces énergies demain maintenant que j'en suis conscient ?". Sur le trajet, je demande à I. ses souvenirs de son expérience sous LSD (il n'a pas renouvelé l'expérience ce soir). Il me dit que c'était globalement agréable, mais qu'il était constamment attiré vers "quelque chose", et qu'il n'arrivait pas à maîtriser ses pensées qui devenaient parfois "bizarres", pas vraiment une mauvaise expérience mais il préfère définitivement les effets de la MDMA, qui le rend très conscient de tout ce qu'il fait. Je ne sais pas si je réussirai à me retenir d'aller vers ce "quelque chose", c'est la peur du bad trip qui me fait tenir, mais cela me demande beaucoup d'énergie (lorsque je ne suis pas dans le son) et ce n'est pas vraiment agréable.
Nous arrivons devant la scène du SF, nous avons perdu trois amis sur la route, c'est difficile de rester groupés, chacun a ses envies, ce n'est pas grave, la musique est très agréable, un DJ rasta enchaîne des morceaux plus ou moins connus remixés façon afrobeat, j'aime bien, je me laisse entraîner assez rapidement pas la musique, le reste de mes amis suivent, nous nous retrouvons tout devant, je me sens bien, très bien. Le "quelque chose" revient de nouveau d'une façon plus légère, instinctivement je regarde autour de moi, mes amis sont là ils dansent avec le sourire, mais mon regard s'arrête sur un homme au milieu de la piste, il m'a lancé un bref regard, il m'a vu, il continue de danser. C'est un homme d'Amérique latine à priori, d'environ 50 ans, voir plus, un petit bob sur la tête, il n'est pas accompagné, j'ai le sentiment que sa présence ici n'est pas un hasard. L'expression de son visage est si calme et sereine, même les curés les plus joyeux que j'ai pu rencontré n'ont pas cette mine. J'y pense sur le moment, j'ai le sourire, je continue de danser.
De nouveau je suis attiré par ce "quelque chose", ou je dirais plutôt que je le laisse venir. Mais les craintes, ou disons le blocage apparaît, instinctivement je me retourne vers cet homme, il se passe alors des choses que j'ai moi même du mal à transmettre par écrit. Disons que la façon de danser ou plutôt la façon d'être de cet homme me rassure un peu plus au fur et à mesure, j'ai de moins en moins peur d'aller vers ce quelque chose, j'ai l'impression que nous pouvons communiquer sans nous parler, voir même sans nous regarder, tout va très vite. Ma première grosse crainte et de me laisser attirer vers ce quelques chose, je me retourne vers lui, il me semble qu'il me regardait déjà, il ferme aussitôt les yeux avec un des sourires les plus sereins que je n'ai jamais vu, il danse d'une façon si apaisante, ses gestes semblent si naturels. C'est communicatif, je me sens aussitôt beaucoup plus serein et je commence à danser d'une façon moins forcée, je ferme les yeux et je laisse mon corps bouger, presque en spectateur, cela ne fonctionne pas longtemps mais c'est une sensation très agréable. Je sens que le "quelque chose" pousse de nouveau, je sens une pression autour de ma poitrine, j'ai n'ai plus vraiment peur mais il me manque quelque chose. Je me retourne une nouvelle fois vers lui, en pensant la question "Comment enlever cette pression autour de ma poitrine ?", je ne me rappelle plus sa posture exacte à ce moment précis mais sa façon d'être et son sourire, me communiquent tellement de confiance, mais surtout d'amour, j'ai envie de me rapprocher de lui, mais il me regarde et je n'en ressent plus le besoin. C'est incroyable, je me sens divinement bien, j'ai les larmes aux yeux, l'émotion est si intense, je bouge sur la musique sans même y penser, je suis une sorte de pantin de moi même. Je peux reprendre le contrôle quand je veux, je me laisse de nouveau aller, cela marche encore, quelle expérience ! Je me retourne vers lui le regard plein de gratitude, j'ai envie d'aller le prendre dans mes bras, du moins je crois le vouloir, son regard croise rapidement le mien et je n'en ressent plus le besoin, j'en suis le premier surpris, j'ai l'impression que c'est un apprentissage, il me communique un savoir, le moment est trop merveilleux, j'ai envie d'en savoir plus, je regarde mes amis et j'ai envie de partager ce "sentiment", cet "état" avec eux, comment y arriver ? comment leur transmettre ? Est-ce que j'en suis capable ? Je me retourne vers mon "guide", sa façon de danser me réponds oui, et j'interprète aussi "en étant toi même" ou "en étant ce que tu es en ce moment, maintenant". Et j'en suis maintenant persuadé, j'ai les mains plantés dans mes cheveux, je me mors la lèvre inférieure avec un sourire jusqu'aux oreilles et je danse, je profite de la beauté du moment, je ressent une paix si profonde.
D'autres questions me viennent, je prends conscience qu'il y a un échange entre cet homme et moi, mais sans paroles, à un niveau que je n'aurais jamais pu imaginer, il y a peut être des possibilités que j'ignore encore plus incroyables ! J'ai envie d'en savoir plus, je cogite, du moins j'essaie car je suis constamment entraîné par la musique qui me fait apprécier ce merveilleux moment. Puis un sentiment étrange arrive, j'ai l'impression que cet homme peut voir, ou lire toutes mes pensées, sur le moment j'en suis même persuadé, cela me trouble un peu. Bizarrement (ou peut être logiquement), je pense aux pires bêtises que j'ai pu faire, rien de très grave, je peux toutes les assumer, c'est une sorte de jugement, je n'ai rien à cacher, c'est comme si j'avouais mes péchés et qu'on me les pardonnait, mais finalement c'est moi qui me "juge", mais moi en présence de cet homme. C'est très étrange, mais après cette "étape" ou "apprentissage", je me sens divinement bien, accompli, en paix avec moi même, c'est magique. Je continue à cogiter sur ce qu'il vient de se passer, j'ai pu atteindre ce sentiment, cet état parce que le jugement est passé, que se passe t-il pour les assassins, les violeurs, etc.. peut-on aussi aider ces gens, ou peuvent-ils atteindre cet état ? Une nouvelle fois je me retourne vers lui, il danse en tapant les mains contre ses cuisses et en hochant la tête, j'interprète donc "C'est dur, cela prends peut être plus de temps et de persévérance, mais la réponse est oui". Au fonds de moi, je le pense aussi, les mains se plantent à nouveau dans mes cheveux, je suis dans un état proche de la béatitude, j'essuie même quelques larmes, cela fait beaucoup d'émotions en si peu de temps, cela fait à peine dix minutes que je danse devant cette nouvelle scène. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin ce soir, j'ai envie de danser, de profiter de cet instant, c'est plus fort que moi, je danse à nouveau avec mes amis qui sont un peu interloqués par mon comportement depuis dix minutes, mais cela passe assez vite. Mon sourire ne me quitte plus, quelle expérience, quelque chose est changé en moi, je ne suis plus le même, mais cela cessera t-il après les effets du LSD ? je suis persuadé que non.
Je continue la danse avec mes amis, toujours aussi agréable, j'essaie de les pousser, de les emmener dans l’état où je me trouve, sur le moment je me dit que j’ai compris, que je vais y arriver facilement, mais c’est mon égo qui parle. En effet j’arrive à les faire danser un peu plus, d’une manière joyeuse, mais quelque chose bloque, je n’arrive pas à leur transmettre. Je me rapproche de mon “guide” en compagnie d’E. et nous dansons tous les trois, je me dis peut être qu’en sa présence, il se passera aussi quelque chose pour elle. Je surveille un peu ses réactions, ce n’est pas pareil, ce n’est pas mécanique, je me rends compte que j’ai vécu quelque chose de très personnel, d’unique. Nous discutons un peu avec E. elle a remarqué ma mine radieuse et me pose quelques questions, curieuse, elle me demande ce que je ressens. Je n’ai pas de mots pour le décrire alors je ne réponds pas, je montre juste une expression du visage, le jeu de devinettes commence, elle me demande “relaxé” ? “sentiment de plaisir intense” ? “excitation” ? je ne peux toujours pas répondre, à ce moment c’est plus intense que ces trois états réunis, je comprends aussi qu’elle ne peut trouver qu’en l’ayant vécu, je continue un peu, j’ai envie qu’elle sache que je ressens quelque chose de fort, peut être que si elle s’en rends compte, elle aura envie de se laisser attirer vers le “quelque chose” si il revient, et je (ou quelqu’un d’autre) sera là pour l’encourager. Mais tout cela n’est pas si facile, le jeu des devinettes cesse et nous trouvons d’autres occupations, nous allons nous ballader près d’un feu. Je trouve tous les moments parfaits depuis une heure, nous perdons encore quelques amis sur la route mais qu’importe, je me sens si libre et en paix.
Nous finissons à trois devant une scène qui diffuse une musique relaxante, je ne vais pas tarder à aller me coucher, mais je redoute un peu le retour et la nuit seul au campement, j’ai conscience de tout ce qu’il vient de m’arriver, et j’ai un peu le cerveau en ébullition, j’ai peur de cogiter un peu trop avant de dormir, et aussi d’éventuels cauchemars, il s’est passé beaucoup de choses ce soir, et j’ai encore quelques effets du LSD, qui pendant mon sommeil, peuvent peut être se manifester, c’est ma première fois et je n’en sait donc rien.
Finalement je me décide à regagner ma tente, il y a bien vingt minutes de marche, sur le chemin cela se passe plutôt bien, je passe devant quelques personnes un peu bizarres, ce qui me fait un peu redescendre de mon nuage, mais quelques instants plus tard, il me suffit de repenser ce qu’il m’est arrivé pour retrouver le sourire. Je finis par me coucher, je suis fatigué et j’arrive à m’endormir après quelques minutes, ouf.
Le lendemain je me réveille le premier, je vais aux toilettes, curieux de savoir si il reste des traces de mon état d’esprit d’hier, pour l’instant au réveil, difficile de juger. Sur le chemin je croise quelques personnes et je retrouve le sourire assez facilement, je me sens zen, je crois que c’est toujours là. Je me sens motivé pour aller chercher des fruits, je remonte au campement et commence à préparer le petit déjeuner, je suis motivé pour tout, je range, je met de l’encens, je prépare le café, avec le sourire. Les autres se réveillent petit à petit, nous commençons à manger et la journée est lancée, on se refait la soirée de chacun, j’ai l’impression de mieux comprendre mes amis, et je ressens encore parfois les énergies de chacun mais plus légèrement. On rit beaucoup, je me sens parfaitement bien, l’expérience d’hier m’a définitivement marqué, “quelque chose” est passé en moi.
Après quelques jours de réflexion, je pense même que ce “quelque chose” se rapproche de ce que certaines personnes appellent “Lumière”, “Univers”, “Force supérieure” ou même “Dieu”, et malgré l’intensité du moment, je pense qu’il y a encore bien des choses à découvrir, et que d’autres personnes en savent sûrement beaucoup plus.
--
Free
26 ans
Le soleil est sur le point de se coucher, nous sommes tous réunis et installés près de la scène "AS" qui diffuse une musique calme et propice à la discussion. Nous avons déjà parlé du programme de la soirée, il est prévu de prendre du LSD, nous avons ce qu'il faut et quatre personnes du groupe ont déjà essayé les "dauphins" la soirée précédente, tous sont d'accord pour dire que le produit est de qualité, ce qui me rassure un peu. Oui c'est ma "première fois", je suis un peu tendu, j'ai demandé à un maximum de personnes les effets ressentis sous LSD, j'ai également lu beaucoup d'expériences à ce sujet, toutes sont différentes et propres à chacun, les réponses ne m'ont pas vraiment éclairé, je ne sais pas ce que je ressentirai, d'où mes craintes, la peur d'un éventuel "bad trip".
L'heure de la préparation approche, E. coupe les buvard, généralement, on doit prendre un demi pour une dose normale, les habitués prennent un buvard entier. Mes amis prennent généralement plusieurs demis durant la soirée si les effets est à leur convenance, couplés parfois à la MDMA. Je lui demande un quart de buvard, cela lui semble correct. Nous "trinquons", petit rituel devenu obligatoire, et gobons ce petit morceau coloré au gout de papier mâché, j'essaie de ne pas le montrer mais j'appréhende, Y. s'en aperçoit et me rassure, j'ai pris une petite dose, les effets seront légers et je suis bien entouré, je me laisse aller et nous continuons la soirée.
Une heure plus tard, mes amis commencent a ressentir les effets, je ne ressens pas grand chose, les décors semblent un peu plus colorés, flous et jolis, je me sens pas particulièrement joyeux, ni triste, à mon avis les effets ne sont pas au maximum, mes amis me conseillent un autre quart, je refuse pour l'instant. Nous allons danser sur la plus grosse scène du festival, le "DT", le son est puissant, mais plus que d'habitude à mon goût, à tel point que je me procure des boules quiès, je suis également plus sensible aux odeurs, je détecte l'odeur d'une sorte d'encens qui m'aurais laissé indifférent la veille, la poussière me dérange plus que d'habitude également, je me dis alors que le LSD amplifie nos sens, j'en parle à un ami, il est d'accord, cela me rassure, nous dansons un peu, c'est agréable mais rien d'extraordinaire. Avec les boules quiès je suis tout de même moins "porté" par la musique, je regarde autour de moi et mes pensées sont sans cesse attirés vers "quelque chose", très difficile à décrire, je n'ose pas aller au bout, je me bloque mentalement car j'ai peur. J'en parle d'ailleurs à E., elle me dit qu'elle aussi cela lui est déjà arrivé, elle me conseille de profiter des effets sans y penser, au risque d'aller "trop loin", mais aller où ? et comment ? cela ne me rassure pas vraiment. Je me concentre donc sur la musique, les gens qui m'entourent et les décors, mais ce n'est pas vraiment agréable.
Nous décidons de changer d'ambiance, cela me va. Nous sommes un groupe de neuf personnes et il devient difficile de rester groupés, nous passons une bonne partie de la soirée à nous attendre mutuellement à des points de rendez vous. Durant ces moments je ne me sens pas à l'aise, je n'arrive pas à me détendre, cela devient pesant. Bloquer les pensées pour ne pas aller "trop loin", c'était plus évident avec la musique et les jolis décors pour me distraire. Nous sommes assis en cercle et attendons 2 amis, sûrement une envie pressante ou une petite soif, certains ont envie d'aller dans le son, d'autres insistent pour attendre les autres, je suis un peu ailleurs je ne m'implique pas dans le débat. Je ne parle plus beaucoup depuis un moment, mes amis s'en aperçoivent et essaient de me rassurer, mais je n'arrive pas à apprécier l'expérience, à ce moment je pense uniquement à faire passer la soirée le plus vite possible car je n'apprécie pas les effets du LSD.
Nous retrouvons tout le monde et décidons de bouger, cela remets un peu d'entrain à la soirée, nous sommes motivés et nous nous retrouvons au milieu de la piste d'une autre scène "AC", toujours electro mais aux rythmes moins puissants que le "DT", pas besoin de boules quiès. Nous nous retrouvons en plein milieu de la piste, ça va déjà un peu mieux. A côté de nous, des danseurs déguisés se déhanchent d'une façon très harmonieuse, ils rayonnent de bonne humeur, nous leur sourions, très vite nous dansons avec eux. Je me sens assez rapidement en pleine forme, cela m'étonne un peu, je pense alors comprendre quelque chose sur le LSD, il permets de percevoir l'énergie dégagée par les personnes autour de nous, une sorte de 6e sens. Cela me parait si incroyable que je change volontairement plusieurs fois d'ambiance pour en avoir le coeur net, ça marche, plus je me rapproche des joyeux danseurs, plus je me sens bien. Je me met alors à danser avec l'un d'eux, il essai de me faire suivre ses pas de danse, je les suis avec le sourire, c'est agréable, puis la musique m'entraîne, c'est désormais lui qui suit mes pas, cela marche dans les 2 sens, du moins je crois. Il commence à me regarder d'une façon étrange, il est peut être homosexuel, cela ne me dérange pas mais ce n'est pas mon cas, j'en profite pour tester une expérience : je l'attire un peu plus près de moi et je décide de le repousser mentalement, je cris un immense "Dégage !" dans ma tête, à ma plus grande surprise il s'écarte en faisant la grimace, il ne m'a pas approché à plus de 30 cm. Je commence à comprendre comment fonctionne le LSD, en tout cas sur moi, et à mieux maîtriser mon "trip", ça va mieux.
La soirée continue, nous profitons encore tous ensemble de la scène "AC" , c'est génial, je sens vraiment les "énergies" (je ne sais pas comment qualifier autrement ce sentiment) autour de moi. J'en profite pour m'amuser et jouer un peu avec ces nouvelles sensations. J'échange plus facilement avec mes amis, avec L. nous avons des fous rire à distance sans même nous parler, et je danse avec beaucoup de plaisir parmi les joyeux festivaliers, c'est une bonne soirée, le son est de qualité, et les gens sont ici pour s'amuser. Après une heure environ (ou une demi heure, la notion du temps est perturbée), nous décidons encore une fois de changer d'ambiance, je ne suis pas moteur de cette décision car à ce moment, je me sens vraiment bien et je ne sais pas si cela va durer. Tout le monde se met d'accord pour se rendre à la scène "SF" situé à l'autre bout, j'aime bien cette scène, des musiques du monde entier, avec la plupart du temps de vrais instruments, ça change, ça y est nous sommes en route.
Sur le chemin, je supporte mieux le trajet que les fois précédentes, mais je sens tout de même que mon esprit est attiré vers le fameux "quelque chose". Aussi toutes ces nouvelles sensations m'ont mine de rien un peu bouleversé et les réflexions et les questions fusent dans ma tête : "Nous sommes définitivement tous connectés, je le ressens via les énergies de chacun, c'est certain.", "Pourquoi ne ressentons nous pas ces énergies au quotidien ?", "Est-ce que je ressentirai ces énergies demain maintenant que j'en suis conscient ?". Sur le trajet, je demande à I. ses souvenirs de son expérience sous LSD (il n'a pas renouvelé l'expérience ce soir). Il me dit que c'était globalement agréable, mais qu'il était constamment attiré vers "quelque chose", et qu'il n'arrivait pas à maîtriser ses pensées qui devenaient parfois "bizarres", pas vraiment une mauvaise expérience mais il préfère définitivement les effets de la MDMA, qui le rend très conscient de tout ce qu'il fait. Je ne sais pas si je réussirai à me retenir d'aller vers ce "quelque chose", c'est la peur du bad trip qui me fait tenir, mais cela me demande beaucoup d'énergie (lorsque je ne suis pas dans le son) et ce n'est pas vraiment agréable.
Nous arrivons devant la scène du SF, nous avons perdu trois amis sur la route, c'est difficile de rester groupés, chacun a ses envies, ce n'est pas grave, la musique est très agréable, un DJ rasta enchaîne des morceaux plus ou moins connus remixés façon afrobeat, j'aime bien, je me laisse entraîner assez rapidement pas la musique, le reste de mes amis suivent, nous nous retrouvons tout devant, je me sens bien, très bien. Le "quelque chose" revient de nouveau d'une façon plus légère, instinctivement je regarde autour de moi, mes amis sont là ils dansent avec le sourire, mais mon regard s'arrête sur un homme au milieu de la piste, il m'a lancé un bref regard, il m'a vu, il continue de danser. C'est un homme d'Amérique latine à priori, d'environ 50 ans, voir plus, un petit bob sur la tête, il n'est pas accompagné, j'ai le sentiment que sa présence ici n'est pas un hasard. L'expression de son visage est si calme et sereine, même les curés les plus joyeux que j'ai pu rencontré n'ont pas cette mine. J'y pense sur le moment, j'ai le sourire, je continue de danser.
De nouveau je suis attiré par ce "quelque chose", ou je dirais plutôt que je le laisse venir. Mais les craintes, ou disons le blocage apparaît, instinctivement je me retourne vers cet homme, il se passe alors des choses que j'ai moi même du mal à transmettre par écrit. Disons que la façon de danser ou plutôt la façon d'être de cet homme me rassure un peu plus au fur et à mesure, j'ai de moins en moins peur d'aller vers ce quelque chose, j'ai l'impression que nous pouvons communiquer sans nous parler, voir même sans nous regarder, tout va très vite. Ma première grosse crainte et de me laisser attirer vers ce quelques chose, je me retourne vers lui, il me semble qu'il me regardait déjà, il ferme aussitôt les yeux avec un des sourires les plus sereins que je n'ai jamais vu, il danse d'une façon si apaisante, ses gestes semblent si naturels. C'est communicatif, je me sens aussitôt beaucoup plus serein et je commence à danser d'une façon moins forcée, je ferme les yeux et je laisse mon corps bouger, presque en spectateur, cela ne fonctionne pas longtemps mais c'est une sensation très agréable. Je sens que le "quelque chose" pousse de nouveau, je sens une pression autour de ma poitrine, j'ai n'ai plus vraiment peur mais il me manque quelque chose. Je me retourne une nouvelle fois vers lui, en pensant la question "Comment enlever cette pression autour de ma poitrine ?", je ne me rappelle plus sa posture exacte à ce moment précis mais sa façon d'être et son sourire, me communiquent tellement de confiance, mais surtout d'amour, j'ai envie de me rapprocher de lui, mais il me regarde et je n'en ressent plus le besoin. C'est incroyable, je me sens divinement bien, j'ai les larmes aux yeux, l'émotion est si intense, je bouge sur la musique sans même y penser, je suis une sorte de pantin de moi même. Je peux reprendre le contrôle quand je veux, je me laisse de nouveau aller, cela marche encore, quelle expérience ! Je me retourne vers lui le regard plein de gratitude, j'ai envie d'aller le prendre dans mes bras, du moins je crois le vouloir, son regard croise rapidement le mien et je n'en ressent plus le besoin, j'en suis le premier surpris, j'ai l'impression que c'est un apprentissage, il me communique un savoir, le moment est trop merveilleux, j'ai envie d'en savoir plus, je regarde mes amis et j'ai envie de partager ce "sentiment", cet "état" avec eux, comment y arriver ? comment leur transmettre ? Est-ce que j'en suis capable ? Je me retourne vers mon "guide", sa façon de danser me réponds oui, et j'interprète aussi "en étant toi même" ou "en étant ce que tu es en ce moment, maintenant". Et j'en suis maintenant persuadé, j'ai les mains plantés dans mes cheveux, je me mors la lèvre inférieure avec un sourire jusqu'aux oreilles et je danse, je profite de la beauté du moment, je ressent une paix si profonde.
D'autres questions me viennent, je prends conscience qu'il y a un échange entre cet homme et moi, mais sans paroles, à un niveau que je n'aurais jamais pu imaginer, il y a peut être des possibilités que j'ignore encore plus incroyables ! J'ai envie d'en savoir plus, je cogite, du moins j'essaie car je suis constamment entraîné par la musique qui me fait apprécier ce merveilleux moment. Puis un sentiment étrange arrive, j'ai l'impression que cet homme peut voir, ou lire toutes mes pensées, sur le moment j'en suis même persuadé, cela me trouble un peu. Bizarrement (ou peut être logiquement), je pense aux pires bêtises que j'ai pu faire, rien de très grave, je peux toutes les assumer, c'est une sorte de jugement, je n'ai rien à cacher, c'est comme si j'avouais mes péchés et qu'on me les pardonnait, mais finalement c'est moi qui me "juge", mais moi en présence de cet homme. C'est très étrange, mais après cette "étape" ou "apprentissage", je me sens divinement bien, accompli, en paix avec moi même, c'est magique. Je continue à cogiter sur ce qu'il vient de se passer, j'ai pu atteindre ce sentiment, cet état parce que le jugement est passé, que se passe t-il pour les assassins, les violeurs, etc.. peut-on aussi aider ces gens, ou peuvent-ils atteindre cet état ? Une nouvelle fois je me retourne vers lui, il danse en tapant les mains contre ses cuisses et en hochant la tête, j'interprète donc "C'est dur, cela prends peut être plus de temps et de persévérance, mais la réponse est oui". Au fonds de moi, je le pense aussi, les mains se plantent à nouveau dans mes cheveux, je suis dans un état proche de la béatitude, j'essuie même quelques larmes, cela fait beaucoup d'émotions en si peu de temps, cela fait à peine dix minutes que je danse devant cette nouvelle scène. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin ce soir, j'ai envie de danser, de profiter de cet instant, c'est plus fort que moi, je danse à nouveau avec mes amis qui sont un peu interloqués par mon comportement depuis dix minutes, mais cela passe assez vite. Mon sourire ne me quitte plus, quelle expérience, quelque chose est changé en moi, je ne suis plus le même, mais cela cessera t-il après les effets du LSD ? je suis persuadé que non.
Je continue la danse avec mes amis, toujours aussi agréable, j'essaie de les pousser, de les emmener dans l’état où je me trouve, sur le moment je me dit que j’ai compris, que je vais y arriver facilement, mais c’est mon égo qui parle. En effet j’arrive à les faire danser un peu plus, d’une manière joyeuse, mais quelque chose bloque, je n’arrive pas à leur transmettre. Je me rapproche de mon “guide” en compagnie d’E. et nous dansons tous les trois, je me dis peut être qu’en sa présence, il se passera aussi quelque chose pour elle. Je surveille un peu ses réactions, ce n’est pas pareil, ce n’est pas mécanique, je me rends compte que j’ai vécu quelque chose de très personnel, d’unique. Nous discutons un peu avec E. elle a remarqué ma mine radieuse et me pose quelques questions, curieuse, elle me demande ce que je ressens. Je n’ai pas de mots pour le décrire alors je ne réponds pas, je montre juste une expression du visage, le jeu de devinettes commence, elle me demande “relaxé” ? “sentiment de plaisir intense” ? “excitation” ? je ne peux toujours pas répondre, à ce moment c’est plus intense que ces trois états réunis, je comprends aussi qu’elle ne peut trouver qu’en l’ayant vécu, je continue un peu, j’ai envie qu’elle sache que je ressens quelque chose de fort, peut être que si elle s’en rends compte, elle aura envie de se laisser attirer vers le “quelque chose” si il revient, et je (ou quelqu’un d’autre) sera là pour l’encourager. Mais tout cela n’est pas si facile, le jeu des devinettes cesse et nous trouvons d’autres occupations, nous allons nous ballader près d’un feu. Je trouve tous les moments parfaits depuis une heure, nous perdons encore quelques amis sur la route mais qu’importe, je me sens si libre et en paix.
Nous finissons à trois devant une scène qui diffuse une musique relaxante, je ne vais pas tarder à aller me coucher, mais je redoute un peu le retour et la nuit seul au campement, j’ai conscience de tout ce qu’il vient de m’arriver, et j’ai un peu le cerveau en ébullition, j’ai peur de cogiter un peu trop avant de dormir, et aussi d’éventuels cauchemars, il s’est passé beaucoup de choses ce soir, et j’ai encore quelques effets du LSD, qui pendant mon sommeil, peuvent peut être se manifester, c’est ma première fois et je n’en sait donc rien.
Finalement je me décide à regagner ma tente, il y a bien vingt minutes de marche, sur le chemin cela se passe plutôt bien, je passe devant quelques personnes un peu bizarres, ce qui me fait un peu redescendre de mon nuage, mais quelques instants plus tard, il me suffit de repenser ce qu’il m’est arrivé pour retrouver le sourire. Je finis par me coucher, je suis fatigué et j’arrive à m’endormir après quelques minutes, ouf.
Le lendemain je me réveille le premier, je vais aux toilettes, curieux de savoir si il reste des traces de mon état d’esprit d’hier, pour l’instant au réveil, difficile de juger. Sur le chemin je croise quelques personnes et je retrouve le sourire assez facilement, je me sens zen, je crois que c’est toujours là. Je me sens motivé pour aller chercher des fruits, je remonte au campement et commence à préparer le petit déjeuner, je suis motivé pour tout, je range, je met de l’encens, je prépare le café, avec le sourire. Les autres se réveillent petit à petit, nous commençons à manger et la journée est lancée, on se refait la soirée de chacun, j’ai l’impression de mieux comprendre mes amis, et je ressens encore parfois les énergies de chacun mais plus légèrement. On rit beaucoup, je me sens parfaitement bien, l’expérience d’hier m’a définitivement marqué, “quelque chose” est passé en moi.
Après quelques jours de réflexion, je pense même que ce “quelque chose” se rapproche de ce que certaines personnes appellent “Lumière”, “Univers”, “Force supérieure” ou même “Dieu”, et malgré l’intensité du moment, je pense qu’il y a encore bien des choses à découvrir, et que d’autres personnes en savent sûrement beaucoup plus.
--
Free
26 ans