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PARANOÏA, CULPABILITÉ, NARCISSISME, SEXUALITÉ ET HOMOSEXUALITÉ
D'un point de vue psychanalytique, l’économie paranoïaque profonde typique repose sur des défaillances narcissiques primaires, advenant lors de la petite enfance, ou faisant suite à des épisodes traumatiques. Afin de saisir la structure psychique du paranoïaque, il faut donc remonter jusqu'aux origines de ses phénomènes mentaux paradoxaux, des contradictions internes propres à chacun, et pourtant communes à l'ensemble des individus.
PARANOÏA ET NARCISSISME - Le trouble narcissique
En cas de défaillance narcissique précoce, le narcissisme primaire de l'individu et son rapport au monde s’organisent de manière problématique, voire pathologique. L’existence propre, le sentiment d’être de l'individu se constitue sur des bases bancales et peu sures, dans une indépendance relative par rapport à la mère, c'est à dire d’une manière défensive car les aspects haineux dominent sur les aspects amoureux. Il y a donc une ambivalence des sentiments à l'égard de la mère, tantôt perçue comme bonne, tantôt comme mauvaise, qui vont caractériser le rapport que l'individu entretiendra avec le monde et lui même, s’organisant sur un mode hostile.
Une question d'assurance vis à vis de soi, de sentiment d'être protégé par ses parents (sa mère surtout), et de confiance avec autrui
La structure psychique de l'enfant n’ayant pas un bon objet idéalisé protecteur, s’organise défensivement contre autrui, qui est souvent perçu comme menaçant, suspecté d'être hostile. L’autonomisation de l'enfant se fait sur la base d'un repli haineux ou d'une trop grande confiance naïve, d'où des déceptions menant à des frustrations lorsque l'individu se fait avoir par autrui, ou par lui-même. Ces méprises sur soi et son monde sont dues à une stabilisation narcissique incertaine, vacillante, qui ne permet pas de s'émanciper à force de rester méfiant et craintif. Le narcissisme de l'enfant grandissant reste primaire avec un aménagement défensif coûteux (il y a une prévalence du moi idéal en opposition avec le surmoi et l’idéal du moi, d'où une subjectivation déficiente, c'est à dire un dialogue intérieur de mauvaise qualité en étant faussé - l'individu se voit plus grand ou plus petit qu'il ne l'est et se confronte durement avec la réalité, lorsqu'il se heurte au réel). L’ego est le chef d’orchestre du délire paranoïaque, alimenté par son narcissisme investissant ou désinvestissant des objets internes ou externes, ses instances psychiques. À l’adolescence, la rigidité commence à se manifester. Le jeune se conforme à des règlements sévères, n’admettant pas la contradiction mais recherchant bel et bien la confrontation en contredisant quiconque ne va pas dans son sens (égocentrisme +++).
Le narcissisme primaire (dimension de l’imaginaire) - « Je me vois être un héros, tel celui que j’aimerais être »
En premier lieu à s’affirmer chez l’individu, il y a le narcissisme primaire qui prend pour objet d’amour l’image de son corps (stade du miroir, dans une dimension imaginaire). Ici il n’y a pas de distinction entre le soi et le non-soi, entre le dedans et le dehors. C’est un état précoce de l’organisation des pulsions de l’enfant qui investit la totalité de son énergie psychique (sa libido) sur lui-même, dans un investissement de son moi idéal. C’est un idéal de toute puissance narcissique, forgé sur le modèle narcissique de toute puissance infantile. Le sujet se perçoit comme idéalisé, il est prisonnier de l’image mentale qu’il s’est fait de lui-même ou qu’il a reçue de son environnement, dans un délire d’omnipotence (« Je suis le meilleur, je possède le monde, quand je cri j’ai ce que je veux » - c'est la problématique des enfants-rois).
Le narcissisme secondaire (dimension du symbolique) - « Puisque je ne peux pas posséder tout ce que je veux, je vais être comme tel »
Puis vers cinq ans vient le narcissisme secondaire, influençant cet amour de soi qui succède à la découverte de la réalité extérieure, et à ses propres limites quand on se rend compte qu’on n’est pas aussi fort qu’on le croyait dans son aveuglement infantile. Le moi s’enrichit des relations de l’enfant avec l’extérieur via des identifications projectives et introjectives, et la libido se répartit entre le moi et les objets extérieurs. Il y a alors différenciation entre le soi et le non-soi, entre le dedans et le dehors. Via le surmoi, le narcissisme secondaire s’investit dans un idéal du moi afin de définir un idéal à atteindre selon qui l’on voudrait être, et auquel l’enfant va se mesurer et tenter de se conformer d’un point de vue symbolique. Il est question d’incorporer des valeurs parentales et sociétales, auxquelles l’enfant va tendre pour satisfaire son narcissisme et se réaliser tel qu’il se voit en lui (on retrouve ici l’ambition en chacun de nous).
Le narcissisme anobjectal (dimension du réel)
En parallèle le narcissisme anobjectal s’investit sur le langage pour exprimer sa perception du réel (par le moyen du « Je »). Selon Lacan, les associations de mot et leurs sens forment des suites de signifiants et de signifiés, et le réel est ce qui nous est inaccessible. Par le langage l’individu étaye ses perceptions, sa réalité interprétée selon son vécu et ses propres sensibilités, afin de chercher à coller au réel un sens que le langage définirait, ou à s’en distancer en le déniant.
PARANOÏA ET SEXUALITÉ - Une question de fixation psychique.
A propos de la paranoïa et de la culpabilité
Les mécanismes auto-punitifs sont toujours corrélés à des troubles décelables de la fonction sexuelle (voir névrose et rapport entre narcissisme primaire et secondaire dans les investissements libidinaux des objets intérieurs et extérieurs). La culpabilité du paranoïaque l'entraine à se choisir des partenaires incompatibles avec sa sexualité propre, et on remarque une tendance à l'impuissance à éprouver pleinement l'orgasme sexuel (auto-privation partielle ou pleine du plaisir de la jouissance). Le paranoïaque a un attrait intellectuel pour les réactions du sexe opposé, et des affinités avec ce sexe, ressenties significativement par l'introspection (voir mécanismes d’identification et de projection). Autrement dit le paranoïaque comprend le sexe opposé en ayant accès en lui via sa part féminine ou masculine selon son genre, mais tout en la déniant selon son éducation et le rapport qu'il entretient avec son corps, ses morales, soi-même. Les désordres éthiques notables dans les comportements et traits de caractère du paranoïaque, s'expriment dans une recherche inquiète de soi-même, mais aussi dans un déni de soi sur une base d’insatisfaction sexuelle, exemple de la timidité ou du masochisme). L'importance portée à ses manières de faire et d'être, est en lien avec ses valeurs morales entrainant des conflits intérieurs, dont les réactions physiologiques et psychosexuelles se retrouvent dans diverses psycho-somatisations névrotiques (à trop refouler l'individu somatise, et son stress s'exprime par des troubles physiques notables).
Fixation
Au delà des origines génétiques, organiques ou psychogènes de la paranoïa, celle-ci se fonde sur une fixation ayant laissée des traces dans l'esprit de l'individu. Ces traces psychiques qui constituent la structure psychique du sujet se manifestent dans le soma, en se révélant à partir d'un évènement analogue au traumatisme initial, quand à sa parenté et à son sens qui demeurent cachés à l'individu (personne ne se souvient d'un traumatisme advenu entre 0 et 3 ans). Par exemple une situation précise nous rappelle un souvenir dérangeant, et les angoisses associées à ce traumatisme passé et jusque là refoulé, refont surfaces à la conscience, qui avait déplacé sa peur sur un autre objet. Tant que les affects indésirés sont refoulés, les résistances inconscientes qui s'activent en soi entrainent une régression affective jusqu'au stade de la fixation, qui pour le paranoïaque se situe au stade sadique anal primaire (voir tableau des fixations). En d'autre terme et pour simplifier, le paranoïaque à chaque poussée génitale revit des angoisses infantiles dont il n'a pas conscience, et qui le poussent à réagir de manière paranoïaque dans ses structures psychiques, et donc dans ses relations sociales.
PARANOÏA ET HOMOSEXUALITÉ - A propos d'un manque de sécurité dans la maîtrise de l’érotisme anal à un stade enfantin.
Liens entre homosexualité, instances psychiques idéales et structure paranoïaque
Selon Freud, la distance qui sépare la pulsion homosexuelle cause du refoulement traumatique (que l'on a tous en soi) du point de fixation narcissique en se développant par évolution temporelle et structurelle, révèle la régression en mesurant la gravité de la psychose selon le manque de clairvoyance du sujet vis à vis de ses propres troubles refoulés (de ses désirs inavoués). Selon les formes prises par la dénégation de ses désirs refoulés, de ses sexualités inassouvies, l'on peut expliquer la structure du délire à partir de réflexion sur les fixations narcissiques de l'individu, en lien avec ses pulsions homosexuelles. La gravité du délire dépendant de la manière dont les affects déniés se manifestent sur le plan somatique, dans une forme bénigne ou pathologique psychosomatique.
Les fixations libidinales ne sont pas au premier plan, mais l’analité et l’homosexualité teintent fortement le caractère (d’où des affirmations machistes pour s’en cacher). On retrouve donc chez les paranoïaques des tendances homosexuels, qu'elles soient avouées ou déniées. Cela s'explique du fait que le paranoïaque se recherche chez l’autre, qu'il tend à trouver en autrui ce qu'il ne voit pas chez lui, à savoir ses tendances homosexuelles refoulées pour toutes sortes de raisons sociales et culturelles. C’est un choix intermédiaire entre l’amour narcissique (s’aimer soi-même) et l’amour objectal (aimer un autre), comme l’a décrit Freud dans le cas Schreber.
IMAGOS ET ATTACHEMENT - Les paradoxes des idéaux que l'on se doit de transgresser
Par rapport à la mère et au père
Le paranoïaque ressent un fort attachement pour sa mère, à l'image maternelle qu'il couve en lui, quand souvent il était le chéri avoué de sa mère ou de sa grand mère, en tant qu'il avait été choisi et préféré parmi la fratrie. Le paranoïaque se veut être un rebelle s'écartant et se différenciant de ses idéaux parentaux, de l'image de son père représentant l'autorité verticale toute puissante, confondue avec l'imago maternelle qui aujourd’hui joue aussi ce rôle symbolique de façon immanente. L'individu tente de se réfugier auprès de sa mère qui se doit d'être autoritaire et distante, pour encourager son enfant à s'émanciper, au lieu de le couver en le protégeant sans lui permettre de se libérer de sa tutelle mentale, d'advenir à lui-même en prenant ses responsabilités. D'un autre côté, paradoxalement le paranoïaque est l'enfant le plus soumis à l'autorité du père ou de la mère toute puissante, tout en rationalisant ses inquiétudes en se servant de son intelligence pour justifier ses soumissions, sur les plans intellectuel comme moral.